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29/07/2018

Palestine. Ahed Tamimi ou le calvaire des mineurs emprisonnés

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Pierre Barbancey, l'Humanité

Détenue depuis décembre 2017, la jeune femme de 17 ans a recouvré hier la liberté en même temps que sa mère. Mais des centaines de jeunes Palestiniens croupissent toujours dans les geôles israéliennes. Plus de la moitié subissent des violences durant leur arrestation.

Hier matin, au petit jour, l’émotion le disputait à la dignité lorsque Ahed Tamimi et sa mère sont sorties de l’enfer carcéral israélien au terme de huit mois d’emprisonnement. Émotion, donc, avec les larmes de cette jeune femme d’à peine 17 ans, heureuse de retrouver ses proches et un environnement encore humain malgré l’occupation. Dignité, parce que les clones des deux soldats qu’elle avait giflés avec courage en décembre dernier (elle n’avait alors que 16 ans) pour leur signifier qu’ils n’avaient rien à faire devant chez elle ont été forcés, cette fois, de la raccompagner jusqu’à sa maison, dans le village de Nabi Saleh, en Cisjordanie. Sans menottes aux poignets ni aux pieds. Sans bandeau sur les yeux comme il est de coutume pour l’armée d’occupation, qu’il s’agisse d’un(e) mineur(e) ou d’un(e) adulte. Ses boucles blondes flottaient sur un keffieh noir et blanc, semblable à celui que portait Yasser Arafat. Un symbole de la Palestine comme un air de liberté.

La vidéo de l’abject ordre colonial

En réalité, les autorités israéliennes voulaient se débarrasser d’Ahed et de sa mère sans trop de publicité. La vidéo montrant la scène en décembre était devenue virale, faisant le tour du monde entier via les réseaux sociaux et montrant l’abjecte réalité du quotidien des Palestiniens : des hommes en armes, dominateurs, faisant régner un ordre colonial. Le combat des Palestiniens avait un visage. Et quel visage. Certains ne s’y sont pas trompés. « Vous ne pouvez pas prendre une petite terroriste et en faire une héroïne, mais c’est ce que nous avons fait, regrette Oren Hazan, un député du Likoud (droite), le parti du premier ministre, Benyamin Netanyahou. Elle est très dangereuse. La plupart des Israéliens vous diront qu’ils voudraient la voir en prison pour vingt ans. » Il fallait donc éviter de nouvelles images contredisant l’allégation selon laquelle l’armée israélienne serait « la plus morale au monde ». Pour ce faire, les Israéliens avaient, hier, brouillé les pistes. Ou pensaient l’avoir fait en diffusant des informations contradictoires sur l’endroit par lequel elles étaient censées rentrer en Cisjordanie occupée. C’est son père, résistant pacifique de toujours, qui les a accueillies alors que les habitants, regroupés, scandaient : « Nous voulons vivre libres ! »

On comprend mieux le système d’occupation mis en place dans tous les domaines par les gouvernements israéliens successifs quand on sait qu’Ahed a été condamnée à huit mois de prison le 21 mars à l’issue d’un accord dit de plaider coupable. En clair, si l’accusé(e) ne reconnaît pas sa culpabilité, sa peine peut être double, voire plus. C’est ce qui s’était déjà passé avec le Franco-Palestinien Salah Hamouri, qui risquait quatorze ans de prison s’il ne plaidait pas coupable, alors qu’il avait tout juste 18 ans. Par la suite, faisant comme si cet odieux chantage n’existait pas, Israël utilise ce type de condamnation comme preuve de culpabilité ! Pis, l’adolescente s’est vu infliger une peine presque aussi lourde – huit mois de prison – que le soldat israélien et de nationalité franco-israélienne Elor Azaria, qui n’a purgé que neuf mois pour avoir abattu un assaillant palestinien blessé, au sol, qui ne posait plus aucun danger.

Ahed Tamimi est libre. Mais il reste des milliers de prisonniers palestiniens. Ils seraient près de 6 000 actuellement. Parmi eux, près de 300 mineurs (lire ci-contre). Imaginons un instant ce que vit une famille palestinienne dans un village de Cisjordanie. Au beau milieu de la nuit, on frappe violemment à la porte. Des soldats entrent, tiennent en joue tous les habitants de la maison et emmènent violemment l’un des adolescents. La mère crie, le père proteste. Ils sont repoussés sans ménagement. Dans la Jeep dans laquelle l’enfant est emmené, les coups pleuvent. Arrivé au lieu de détention, la bastonnade reprend, souvent avec un tuyau en caoutchouc. C’est une mise en condition avant l’interrogatoire. À ce compte-là, on peut tout avouer.

Tortures et aveux forcés pour tous

Selon l’Association du club des prisonniers, 60 % des enfants arrêtés ont été physiquement ou psychologiquement torturés. Les interrogatoires durent souvent des heures pour leur faire signer un procès-verbal en hébreu qu’ils ne comprennent pas et qui comporte parfois des confessions extorquées. Ces mineurs peuvent rester de longues périodes sans qu’on leur donne à boire ou à manger, sans même avoir l’assistance d’un avocat. On les effraie en leur disant qu’ils ne reverront plus leurs parents… Des pratiques contraires à la convention de l’ONU pour les droits des enfants, qui date de 1991 et que Tel-Aviv a acceptée. Sans parler de l’emprisonnement en Israël même, contraire aux conventions de Genève.

En s’attaquant ainsi aux mineurs, le gouvernement et l’armée israélienne cherchent à obtenir des renseignements sur les dirigeants palestiniens qui mènent les manifestations contre l’occupation. Mais surtout ils veulent empêcher la nouvelle génération de se révolter. C’est aussi pour cela que, chaque année, plusieurs centaines de jeunes Palestiniens de Jérusalem-Est sont arrêtés. Des tentatives israéliennes sans effet, comme le montrent les manifestations qui se déroulent à Gaza et en Cisjordanie ces dernières semaines, malgré les morts. Malgré la répression.

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Pierre Barbancey

20:29 Publié dans Actualités, Connaissances, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ahed tamini, palestine, israel | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

01/07/2018

LE PERE DE BECASSINE

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PINCHON JOSEPH PORPHYRE (1871-1953)

Si le personnage de Bécassine, la domestique bretonne naïve mais au grand cœur, reste bien connu plus d’un siècle après sa création, son premier dessinateur, Joseph Porphyre Pinchon, est aujourd’hui oublié, quand il n’est pas confondu avec son frère, le sculpteur Émile Pinchon (1872-1933).

Après une première parution dans l'hebdomadaire La Semaine de Suzette en 1914, Bécassine en apprentissage, texte de Caumery et illustrations de Joseph Pinchon, paraît en album chez les éditions Gautier-Languereau en 1919

Né à Amiens le 17avril 1871, Joseph Porphyre Pinchon se destine à la peinture, qu’il apprend dans l’atelier de Fernand Cormon. Peintre animalier, spécialiste des scènes de vénerie, il adhère en 1899 à la Société nationale des beaux-arts, où il sera vice-président de la section peinture. En 1928, il en obtiendra le grand prix et vingt ans plus tard le grand prix Puvis de Chavannes. Tout en participant à des expositions, il est illustrateur pour les éditions de luxe de différents ouvrages, de L’Arbre (1899), nouvelle de l’écrivain symboliste belge Georges Rodenbach, au roman de Paul Vialar La Grande Meute (1947).

Pinchon fait également une incursion dans le monde de l’opéra et du cinéma. De 1908 à 1914, en tant que dessinateur en chef du théâtre de l’Opéra, il crée les costumes de tous les spectacles représentés au Palais-Garnier. Il réalise deux films, un récit de fiction, Mektoub (1919), premier long-métrage tourné au Maroc, et Mon village (1920), réalisé en Alsace.

Parallèlement à ses diverses activités, il collabore à de très nombreux journaux pour enfants, illustrant des contes ou des histoires en images dont les auteurs lui livrent le texte, qui est ensuite imprimé sous ses dessins et non, comme dans les bandes dessinées modernes, à l’intérieur même de l’image. Cette longue carrière dans la presse enfantine commence en 1903 dans Saint-Nicolas et son édition bon marché L’Écolier illustré, avec L’Automobile enchantée, récit fantastique de Willy (Henry Gauthier-Villa [...]

Sources Universalis

10:37 Publié dans Arts, Connaissances, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : becassine, pinchon joseph porphyr | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

16/03/2018

On ne peut sortir du nucléaire civil comme on sort de sa douche

Gérard Le Puill, Journaliste et auteur

nucléaire2.jpgLa France insoumise propose de faire voter quelques milliers de Français dans un millier de lieux en faveur de fermeture rapide des centrales nucléaires qui produisent aujourd’hui 72% de l’électricité que nous consommons. Mais il convient de se demander quel sera le prix de l’électricité payé par les ménages au bout d’un tel processus, sans oublier ce que sera le bilan carbone de notre production électrique.

Celui de l’Allemagne est en augmentation constante depuis que ce pays a décidé de sortir du nucléaire. Le prix de l’électricité pour les ménages est également en hausse chez notre voisin.

Dimanche 11 mars, en Inde, Emmanuel Macron a inauguré en compagnie du Premier ministre indien, une centrale de panneaux voltaïques de 100 MW à Mirzapur. Il s’agissait d’une installation construite par le groupe français Engie. En même temps, les entretiens entre le chef de l’Etat français et le Premier ministre indien ont beaucoup porté sur la vente possible de six réacteurs nucléaires de type EPR à l’Inde par la France. La délégation française a fait état d’une « avancée majeure » de ce dossier qui est en discussion depuis une dizaine d’années.

Pendant ce temps là, à Paris, Jean –Luc Mélenchon lançait, au nom de la France Insoumise, une campagne de « votation » sur la sortie du nucléaire qui devrait durer jusqu’au 26 avril prochain sous le titre générique « Tchernobyl, Fukushima plus jamais ça ! ». Il avait fait, de ce 11 mars le top départ de cette action, ce qui correspond au septième anniversaire de la catastrophe de Fukushima.

 Il faut ici se soutenir que cette centrale japonaise, construite de manière imprudente sur une zone soumise aux tremblements de terre, avait été noyée par une puissante vague, consécutive à une secousse sismique en plein océan. Ajoutons que TEPCO , l’entreprise privée en charge de la gestion de cette centrale n’avait pas respecté les procédures qu’il convenait de même en œuvre pour éviter l a possible explosion d’un réacteur, dans la mesure où ses dirigeants espéraient pourvoir relancer l’activité de la centrale après quelques réparations. Comme à Tchernobyl, c’est avant tout le non respect des procédures de sécurité par l’exploitant face à un accident qui fut la cause principale des dégâts à Fukushima.

A Paris, Jean-Luc Mélenchon a déclaré que « le président Macron doit comprendre sa responsabilité devant l’histoire. C’est sous son mandat que sera prise une importante décision : continuer comme avant ou commencer à sortir » du nucléaire. Depuis 2014, Jean-Luc Mélenchon s’est prononcé pour une sortie totale et définitive du nucléaire en 2050 pour produire de l’électricité.

Aujourd’hui, la seule question de la sécurité des centrales sur le territoire national est mise en avant par la France insoumise pour justifier la politique de fermeture progressive de tous les sites d’ici 2050. La France Insoumise évoque aussi la possibilité d’avoir 100% d’énergies renouvelables dans la production électrique d’ici 2050. La formation dirigée par Jean-Luc Mélenchon occulte enfin le rôle très important de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) totalement indépendante depuis une loi votée par les parlementaires en 2006 et qui exerce un contrôle rigoureux sur toutes les centrales, exigeant leur arrêt complet chaque fois que de besoin.

Ce que nous apprend la situation de l’Allemagne

 Notre voisin allemand a décidé au début de ce siècle de sortir totalement du nucléaire pour sa production électrique en 2022. Les centrales d’outre Rhin n’ont jamais fourni plus de 25% de la production électrique de ce pays contre plus de 75% en France. En dépit de la progression rapide des énergies renouvelables chez notre voisin, la sortie du nucléaire conduit ce pays à relancer la consommation de charbon et de lignite pour compenser le recul de la production des centrales nucléaires. Il en résulte deux conséquences dont les Français doivent avoir connaissance au moment de voter pour ou contre la sortie du nucléaire à l’appel de la France Insoumise. En France, les émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles sont de 4,3 tonnes par habitant et par an contre 8,9 tonnes en Allemagne. Cette différence provient du fait que les centrales nucléaire produisent de l’électricité sans émettredeCO2. En 2016, le prix, toutes taxes comprises pour un MWh de consommation électrique pour un ménage de taille moyenne, était de 168,5 € en France contre 296,9€ en Allemagne.

Il est enfin une autre question que les partisans de la sortie rapide du nucléaire n’abordent jamais en France. Plus la part de cette énergie est élevée, plus une sortie rapide sera doublement coûteuse. En 2018, notre production électrique provient à hauteur de 72% des centrales nucléaires après avoir dépassé les 75% au début de la décennie. Fermer toutes ces centrales en une trentaine d’années impliquerait d’investir des sommes colossales dans l’éolien, dans le photovoltaïque, mais aussi dans les centrales au gaz, voire au charbon en raison de la production intermittente du vent et du soleil. Mais il faudrait parallèlement investir des sommes également colossales dans le démantèlement des centrales nucléaires mises à l’arrêt de manière anticipée. Tout cela pourrait se traduire par un triplement, voire un quadruplement du prix de l’électricité en France pour les ménages.

N’aggravons pas la précarité énergétique des ménages

 Il serait bien que les personnes qui choisiront de voter pour où contre la sortie du nucléaire civil à l’appel de la France Insoumise disposent de ces informations avant de choisir cet abandon rapide du nucléaire civil dans le pays dont la production électrique est la plus nucléarisée au monde. Chacun peut approuver ou contester le choix fait par la France de dépendre à ce point du nucléaire dans les années 1970. Il reste que nous héritons de cette situation et qu’il convient de la gérer sans ruiner le pays et sans accroître la précarité énergétique des ménages modestes.

Ajoutons enfin que la production de chaque centrale nucléaire peut se moduler rapidement en fonction des besoins en termes de volume de consommation d’électricité. Quand on manque de vent et de soleil pour les énergies renouvelables, les centrales nucléaires assurent la transition sans rupture de flux sur le réseau électrique. Autant de raisons qui font que l’on ne sort pas du nucléaire comme on sort de sa douche. Mais à vouloir en sortir trop rapidement on risque de manquer d’eau chaude pour la douche et d’électricité pour bien des appareils dans la vie de tous les jours, à commencer par les ordinateurs.

15:37 Publié dans Connaissances, Planète, Sport | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nucléaire, insoumis, mélenchon | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

07/03/2018

Algérie : Code de la famille, Code de l’infamie

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Par Juliette Minces, Sociologue, anthropologue, écrivaine, ancienne Présidente de “Pluriel Algérie”, ancienne membre de Negar - association de soutien aux femmes d’Afghanistan - membre de l’ADRIC - Association de Développement et de Revalorisation de l’Interculturel pour la Citoyenneté - et d’Atalante-Vidéo.

Dans tout pays musulman, la Loi islamique, la Charia, aménagée ou non, est la source du droit. C’est à partir de ses prescriptions que sont régis les citoyens - ou les sujets - croyants ou incroyants. Les pays musulmans qui se veulent “modernes”, ont établi une constitution qui n’a, a priori, rien à envier à celles des pays non musulmans, a ceci près que l’Islam est partout proclamé religion d’Etat.

Là se situe le premier paradoxe : l’égalité en droit entre tous les citoyens, dans tous les domaines, y est affirmée, mais contredite par une religion d’Etat de cette nature, cette “égalité” se transforme, pour les femmes, en poudre aux yeux. Certes les Algériennes sont électrices et éligibles, certes elles peuvent occuper des postes de responsabilité, mais la promulgation et l’application d’un Code de la famille inspiré de la Charia - dont il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’elle est elle-même directement puisée aux sources du Coran, et qu’elle a été rédigée sous les Abbassides, à Bagdad, alors capitale de l’islam, vers l’an 750 de notre ère, une vingtaine d’années après la mort du prophète Mohamed (732) - en fait d’emblée des citoyennes de seconde zone, dans la mesure où ce texte conserve les dispositions de la loi religieuse selon lesquelles les hommes ont prééminence sur les femmes, dans tout ce qui a trait au mariage, à la vie conjugale et à l’héritage.

Femmes Algériennes.jpgLe Code de la Famille algérien, qui est l’un des plus injustes pour les femmes, a toute une histoire, celle des luttes pour le pouvoir, incessantes depuis l’indépendance, luttes au cours lesquelles les uns - ulémas, mais aussi dirigeants du FLN - jouant sur l’identité islamique irréductible de toute la population algérienne, n’entendaient faire aucune concession s’agissant surtout des femmes, s’opposaient aux autres - déjà en nette perte de vitesse -qui insistaient sur la nécessaire ouverture au monde moderne d’un pays où les femmes, qui avaient joué un rôle considérable dans la lutte armée, devaient être reconnues, y compris dans le domaine de la législation familiale.

Pour conforter sa position, le gouvernement algérien consentit donc aux compromis jugés nécessaires avec les éléments les plus traditionalistes et les plus réactionnaires de la société. Dès l’indépendance, à la grande surprise des militantes et de ceux qui, à l’étranger, avaient soutenu la lutte des Algériens, on sentit que, pour les femmes, le danger menaçait. Elles avaient été, pour la plupart, renvoyées dans leurs foyers, malgré les protestations de nombreuses militantes éduquées qui avaient placé beaucoup d’espoir dans l’Algérie nouvelle.

Certes, le principal ciment des militants du FLN avait été la religion, même si au sein du parti, bon nombre de dirigeants étaient des laïques. D’ailleurs, pour nous qui soutenions leur combat, un auteur comme Frantz Fanon avait servi de garant de l’évolution des mentalités, notamment celle des femmes et des jeunes : n’annonçait-il pas que la lutte armée en ferait des êtres libres et autonomes ?

Les dirigeants du FLN eux-mêmes laissaient entendre sur la scène diplomatique et auprès de leurs soutiens étrangers, que si la religion demeurait toujours aussi importante pour le peuple, elle n’interférerait pas dans le politique puisque l’objectif était de construire un Etat “socialiste” où religion et politique, sphère privée et sphère publique, seraient séparées.

Comme beaucoup d’Algériens et d’Algériennes, nous y avions cru ; en outre et malgré tout, l’enseignement des valeurs de la France républicaine, certes rarement respectées sur le terrain envers les “indigènes”, avaient ouvert des portes et offert, au moins à quelques-uns, ce qu’il possédait de mieux, en matière de droits et de liberté de l’individu : la laïcité. Tout cela, malgré les discriminations inhérentes à tout système colonial, qui faisaient des autochtones des citoyens de seconde zone, par le truchement d’un double collège où ils étaient évidemment minoritaires et désignés uniquement par leur appartenance religieuse.

Pendant une période de flottement longue de près de vingt ans, l’Algérie connut en quelque sorte un double système d’état civil, celui, laïque, qu’avait introduit la France et celui, religieux où le mariage devant un Cadi suffisait pour être valide. Mais c’était compter sans la pression des dignitaires religieux et des traditionalistes qui avaient, pendant la période combattante, mis à l’écart, sinon éliminé physiquement, les dirigeants les plus ouverts à la modernité et qui, une fois l’indépendance acquise, continuèrent à se manifester bruyamment, jusqu’à aujourd’hui.

La religion, comme partout dans le monde musulman, fut instrumentalisée, comme elle continue de l’être. Cependant, il fallait aussi compter sur la vigilance de femmes conscientes des problèmes de la société, particulièrement les jeunes et les anciennes combattantes, que le régime ne cessa pas de redouter.

Voilà qui explique pourquoi ce Code du Statut Personnel fut promulgué en toute discrétion en 1984, après que divers avant-projets eussent été retirés sous la très forte pression de groupes de femmes qui en avaient pris connaissance, malgré les précautions des législateurs.

Le jeu de mots, hélas, est presque trop facile : ce Code, les Algériennes l’appellent le Code de l’Infamie.

Il dispose qu’une femme, même majeure, ne peut se marier sans tuteur matrimonial. Autrement dit, selon la loi musulmane, une femme est une mineure à vie. A l’inverse des hommes, il lui est interdit d’épouser un non musulman. Dans la logique de l’Islam, c’est parfaitement normal : l’enfant appartenant au père, il ne pourrait entrer dans la Communauté des Croyants, à moins de se convertir ou à moins que son père n’ait consenti à le faire préalablement au mariage.

Le consentement de l’épouse est obligatoire mais son silence vaut acquiescement, ce qui permet les mariages forcés, souvent “arrangés” entre parents. En effet, le mariage, bien qu’il ne soit pas à proprement parler un sacrement à l’inverse du mariage chrétien, est cependant un événement traditionnel très important dans la vie des deux familles concernées. L’objectif en est l’alliance, renforcée par l’apport d’une dot par le fiancé, entre deux familles par le truchement de leurs enfants.

D’une façon générale, les parents cherchent parmi leurs alliés, de préférence naguère les cousins ou même les oncles, le parti qui serait le plus commode et acceptable par leur fille. Comme le disent de nombreuses jeunes filles qui acceptent un tel mariage, “j’ai confiance, mes parents veulent mon bien”. Mais celles qui refusent l’union proposée se voient souvent obligées de se soumettre, sous la pression du milieu familial, en dépit des actions de résistance menées par les militantes féministes algériennes.

Le Code reconnaît la polygamie (même limitée à quatre épouses conjointement, comme le veut le Coran) ; la répudiation, qui est le droit unilatéral de l’époux de se séparer de son épouse, sans avoir à justifier de sa décision, et sans obligation de la prévenir officiellement ; l’inégalité dans l’héritage (la fille ne recevant que la moitié de la part à laquelle a droit son frère).

Les détails de ce Code sont importants à connaître car ils font la preuve de ce que les contraintes liées à l’inégalité entre hommes et femmes peuvent produire au quotidien.

Ainsi, si l’épouse répudiée ou divorcée peut se voir confier la garde des enfants elle ne peut en être la tutrice, même veuve : la tutelle ne revenant qu’au père, ou à un parent masculin - et musulman - des enfants. Si la mère obtient la garde, obligation lui est faite de vivre à une distance qui permette au père de rendre visite à ses enfants dans la journée. Les réalités de la vie quotidienne rendent d’ailleurs cette disposition quasi impraticable, compte tenu de la crise du logement qui, d’ailleurs, a jeté dans les rues femmes répudiées et enfants, sans abri et sans ressources, au point que le Chef de l’Etat, M. Abdelaziz Bouteflika et son gouvernement, ont été contraints, sous la pression de militantes courageuses et déterminées, de reconsidérer cette disposition et de décider que le domicile conjugal reviendrait à l’épouse et non plus au mari.

Le Code de la Famille stipule aussi que si l’épouse divorcée ou répudiée veut se remarier - dans la Loi islamique, rien ne l’en empêche, après une période de trois mois dits “d’attente” - elle ne peut le faire qu’avec un homme apparenté aux enfants si elle veut pouvoir les garder, sans quoi ceux-ci lui seront retirés et confiés à leurs grands-parents maternels, à la condition que ces derniers ne viennent pas s’installer sous le toit de leur fille.

Théoriquement l’épouse peut demander, elle aussi, le divorce, mais elle doit alors “racheter” sa liberté en restituant en partie le douaire versé par le mari au moment du mariage, chose rarement réalisable, dans la mesure où toute cette dot a généralement été dépensée par nécessité.

Dans le cas où le mari refuserait le divorce, elle doit, pour parvenir à l’obtenir, pouvoir prouver devant un juge religieux que son époux ne peut plus remplir sa fonction, pour une raison ou une autre (détention, absence prolongée, abandon du domicile conjugal, défaut d’entretien, maladie grave et transmissible, impuissance ou refus de rapports sexuels, choses souvent difficiles ou délicates à prouver). Ajoutons néanmoins que le divorce par consentement mutuel a tout de même fini par être formellement introduit en Algérie.

Ce Code du Statut Personnel, bien que légèrement amendé depuis peu, notamment à propos du logement de la femme séparée, montre clairement la nature du régime algérien et son conservatisme foncier, malgré tous les beaux discours dont il s’est fait une spécialité depuis toujours sur la scène internationale.

Point n’est besoin d’ajouter à cette description, qui en dit déjà long sur le statut des femmes en Algérie, les méfaits, les exactions, les crimes, le martyre qu’elles ont subi dans les années 90 de la part du parti islamiste radical, le FIS qui, à la suite de la confiscation par le pouvoir en place de sa victoire aux élections de 1991, entama par l’intermédiaire de son bras armé, le GIA, une lutte armée faite de massacres effroyables, souvent ciblés, de civils, parmi lesquels les femmes furent les premières victimes pour avoir refusé de se conformer aux diktats des islamistes radicaux, notamment le port du hidjab ou encore l’interdit de fait, pour une mère, de vivre seule avec ses enfants sans un parent masculin pour la “protéger”.

Intellectuels, journalistes, de préférence francophones, mais aussi musiciens, chanteurs, sportifs de haut niveau furent aussi des victimes de choix. Une terreur noire et pudibonde se répandit sur le pays, sous l’influence des Frères Musulmans, des Salafistes ou des Talibans, et dura près de dix ans, nourrie et attisée par la “contre-terreur” instaurée par les militaires et la police du régime, redoutant un affaiblissement de leur pouvoir. Car en même temps que le FIS et les GIA continuaient leurs exactions et leurs massacres, ils apportaient à la population en cas d’urgence et de nécessité - à la suite des tremblements de terre notamment - une aide immédiate et une logistique bien rôdée, palliant l’incurie de pouvoirs publics absents, incapables ou corrompus.

Prises entre l’Etat algérien et les islamistes radicaux qui les massacraient ou les enlevaient pour en faire des objets de jouissance, les femmes algériennes ont eu le courage de manifester maintes fois pour la paix civile et la reconnaissance de leurs droits, de prendre la parole, rassemblant de grandes foules dans les rues. Elles continuent à se battre contre le chômage endémique qui les frappe de plein fouet et pour l’instruction de leurs enfants, de leurs filles tout particulièrement.

Mais tant que la corruption, le népotisme, l’autoritarisme des cercles du pouvoir et des nantis prévaudront, tant que la misère de la majorité de la population poussera des jeunes sans cesse plus nombreux à chercher un salut aléatoire dans l’émigration, tant que l’idéologie islamiste radicale n’aura pas été éradiquée et que l’appareil d’Etat continuera à démissionner de ses fonctions auprès des populations les plus démunies, les femmes, malgré leur courage et leur abnégation, demeureront les premières victimes de ce désastre humain et social. Grâce à elles, pourtant, la vie continue, les enfants étudient, y compris les filles, qu’elles ont continué à envoyer à l’école et à instruire malgré tous les dangers, durant la noire décennie écoulée, dont les séquelles sont encore présentes et dont les plaies ne sont pas refermées, quoi qu’en dise - ou quoi qu’en taise - le régime algérien.

Résumé

Au lendemain de l’Indépendance, les femmes algériennes qui avaient pris une part prépondérante et exemplaire aux combats de la libération du pays, ont dû rapidement déchanter. Le “Code du Statut Personnel” confirme, malgré quelques nuances, le conservatisme foncier du régime, en dépit de tous les beaux discours dont il s’est fait une spécialité depuis toujours sur la scène internationale.
Sources Cairn.info

18:26 Publié dans Connaissances, International, Jeux, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, femmes, droits | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!