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06/01/2021

La face cachée du business Moderna

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C’est l’histoire d’une start-up des biotechnologies dénuée de capacités de production propres qui a réussi à faire financer à 100 % par le public son vaccin révolutionnaire contre le nouveau coronavirus. Une percée scientifique indéniable dont elle conserve pourtant jalousement les droits. Comment Moderna a réussi à vendre une idée contre une pluie de milliards de dollars ? Comment procède-t-elle pour protéger sa manne, quitte à ne pas satisfaire la demande mondiale ? Notre enquête sur la société derrière le vaccin qui vient de recevoir une autorisation de l'Agence européenne du médicament et dont l'Union européenne a commandé 160 millions de doses (24 millions pour la France).

Une légende n’est jamais aussi belle que quand son propre héros la raconte. On pourrait en choisir d’autres, mais admettons que la scène inaugurale se déroule le 2 mars dernier à la Maison-Blanche, à Washington. Il y a là, autour de Donald Trump, le gratin de Big Pharma, rassemblé pour terrasser le Covid-19 en passe de devenir la pandémie mondiale que nous connaissons à présent. Un poil gris, visages graves, les grands patrons des mastodontes du secteur, qui ont largement externalisé leur recherche afin d’assouvir les appétits de leurs actionnaires, n’en mènent pas large et regimbent : un vaccin, ça prend un temps fou à développer quand même !

Un vaccin conçu en 42 jours

 
Puis un parfait inconnu, ou presque, avec un accent français à couper au couteau, prend la parole et chante à Trump l’air qu’il veut entendre. Il s’appelle Stéphane Bancel, il est le PDG de Moderna, une start-up spécialisée dans les biotechnologies. Lui, le vaccin, à cette date, il l’a déjà : il a été conçu en 42 jours à peine, à partir du code génétique du virus transmis au monde entier par les scientifiques chinois qui l’ont décrypté à Wuhan ; tout a été fait sur ordinateur, comme pour un algorithme, au fond, sans rien devoir manipuler en laboratoire.

« Les autres, ils me parlent d’années, et vous, vous me dites qu’en à peine quelques mois, vous serez prêts », grince le président américain. « C’est correct, oui », crâne ­Bancel. Avant qu’Anthony Fauci, le ponte de l’agence gouvernementale de lutte contre les épidémies et les maladies infectieuses (Niaid), partenaire attitré de Moderna pour ses essais cliniques, n’essaie de tempérer : « En quelques mois, vous n’aurez pas un vaccin, monsieur le président, on sera encore dans les essais, et au total, cela prendra entre un an et un an et demi… » Un rêve ou une promesse que les grincheux ne peuvent entamer : le monde et ses maîtres seront à vos pieds.

Tout a été payé par le contribuable américain

Depuis la création, en 2011, de la start-up qui n’a ni usine ni produit fini, Stéphane Bancel et ses acolytes chez Moderna n’ont jamais rien vendu qu’une prophétie : il est possible d’endiguer les épidémies par le biais d’une technologie révolutionnaire, celle de l’acide ribonucléique messager (ARNm, lire notre article sur ce procédé), développée depuis la fin des années 1990 dans les laboratoires universitaires américains, puis brevetée par des start-up comme la leur et leurs concurrents de BioNTech, associé à Pfizer, ou de CureVac sur le front du Covid-19. C’est largement grâce à ce simple discours que les chercheurs et les scientifiques rhabillés en hommes d’affaires ont réussi d’énormes levées de fonds ces dernières années – on parle de près de 3 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) en moins d’une dizaine d’années – et que, depuis le printemps, ils ont reçu 2,5 milliards de dollars (2,1 milliards d’euros) d’aides publiques directes de l’administration Trump.

Recherche et développement, essais cliniques, augmentation des capacités de production, distribution, logistique… Dans le parcours du mRNA-1273, le petit nom du vaccin Moderna, tout, mais strictement tout, a été payé rubis sur l’ongle par le contribuable américain. Ce que Stéphane Bancel ne manque d’ailleurs pas de répéter dans une forme de chantage aux Européens : « Le développement de ce vaccin a été 100 % financé par le gouvernement américain. Tous les essais ont été effectués aux États-Unis et nous n’avons pas reçu 1 euro de l’Europe. » L’affirmation péremptoire n’est d’ailleurs plus rigoureusement exacte car, cet automne, l’Union européenne a fini par précommander – les yeux fermés et sans rien exiger en retour, au diapason des autres grandes puissances capitalistes – à ­Moderna 160 millions de doses, 80 en achats fermes et 80 en option, pour un montant global qu’on peut estimer à 3,28 milliards d’euros…

Couper court à tout débat sur la mutualisation de son brevet

« Moderna peut bien se gargariser de prendre des risques, mais dans le cas du vaccin contre le Covid-19, tout est vraiment payé par la princesse, observe Patrick Durisch, expert en politique de santé globale et accès aux médicaments dans l’ONG suisse Public Eye. C’est vraiment un vaccin 100 % public, et pourtant, il ne faut pas l’oublier, c’est le plus cher de tout le marché et l’entreprise n’a pris strictement aucun engagement pour favoriser sa distribution universelle ! »

Comme les autres compétiteurs dans la course aux vaccins, après avoir multiplié tout au long de l’année les effets d’annonce sur ses capacités de production – entre 500 millions et 1 milliard de doses devaient être disponibles en 2021 –, Moderna révise depuis quelques jours drastiquement ses gages à la baisse : au premier trimestre de l’année prochaine, la start-up ne compte pas pouvoir livrer plus de 85 à 100 millions de vaccins pour les États-Unis, et 15 à 25 millions pour le reste du monde ! Derrière cette surestimation de ses capacités de production, se niche, à l’évidence, l’ambition de couper court à tout débat sur la mutualisation de son brevet, de ses savoir-faire et de ses procédés. Depuis des mois, la start-up américaine, qui, pour l’industrialisation de son vaccin, ne peut pas s’appuyer sur les capacités d’un groupe aussi puissant que Pfizer, transfère sa technologie en pièces détachées à une cascade de sous-traitants, mais pas question pour elle de se délester de son principal actif, ses droits de propriété intellectuelle, et de ses prérogatives lui permettant de choisir les clients prioritaires…

Dans les faits, c’est Lonza qui, sur deux sites de production, l’un aux États-Unis à Portsmouth, dans le New Hampshire, et l’autre en Suisse à Viège, dans le Valais, fabrique, dans le cadre d’un partenariat global, la précieuse substance active du vaccin Moderna. Sous-traitant industriel qui, pour échapper à la concurrence de la Chine et de l’Inde sur les principes pharmaceutiques chimiques, s’est spécialisé ces dernières années dans les biotechnologies, le groupe helvétique promet de « ne pas faire de marges inconsidérées, mais pas de pertes non plus » : en guise d’assurance tous risques, alors qu’aux États-Unis, la fabrication est entièrement couverte par les subventions, Moderna s’est engagé à ajouter 130 millions d’euros rien que pour les lignes de production en Suisse. Après sa fabrication, le sérum est ensuite envoyé pour sa préparation finale et son conditionnement chez d’autres façonniers, Rovi en Espagne et, on l’a appris ces dernières semaines, Recipharm en France (lire notre article sur cette usine). Signe sans doute que, pour l’heure, Moderna donne résolument la priorité à sa production pour le seul marché américain : fabriqué par un autre industriel, Corden Pharma, dans son usine de Chenôve (Côte-d’Or), l’excipient lipide qui doit encapsuler l’ARNm est, lui, envoyé outre-­Atlantique, sur un site du même groupe au Colorado.

La Suisse, premier pays au monde à avoir passé commande

Dans la frénésie qui s’est accrue depuis les annonces marketing, à la mi-­novembre, d’une efficacité de « 90 à 95 % » des premiers vaccins, les dirigeants des États occidentaux cherchent à prendre un peu de la lumière offerte par Moderna dans la nuit de la pandémie. Au besoin en faisant ruisseler un peu plus d’aides publiques dans sa chaîne industrielle… Comme le gouvernement français, qui annonce la « fabrication » du vaccin dans l’Hexagone, Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol, dont l’équipe a négocié les achats à Moderna pour le compte de l’Union européenne, s’affiche dans l’usine madrilène qui mettra le produit en flacon. Mais sur le continent, ce sont les Suisses qui tiennent le haut du pavé : c’est dans la confédération que la start-up a implanté son antenne pour les marchés hors États-Unis, son principal partenaire industriel est sur place et les banquiers d’affaires de Genève la soutiennent depuis le début. « C’est assez typique de la discrétion dans le pays, assure Patrick Durisch. Neutres et inoffensifs, nous ne sommes qu’un prestataire, on ne se mêle pas de la répartition, mais c’est un peu de la comédie. » Une fausse modestie corroborée par Stéphane Bancel lui-même, alors que la Suisse, le premier pays au monde à avoir passé commande à Moderna dès début août, vient d’en doubler le montant : « Depuis notre fondation il y a dix ans, le pays a joué un rôle déterminant dans notre développement grâce au soutien de long terme des investisseurs suisses », salue-t-il.

Dans quelques jours aux États-Unis, et début janvier dans l’Union européenne, le vaccin de la start-up qui épata Trump sera vraisemblablement autorisé. En Bourse, son titre continuera son galop vers les sommets. Dans l’angle mort de la saga, comme pour ceux de ses concurrents directs, il restera juste à savoir quelle part infinitésimale de la population mondiale pourra y accéder.

Source L'Humanité Thomas Lemahieu

19:55 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, Planète, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vaccins, covid, moderna | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

24/10/2020

Boualem Sansal écrivain Algérien : L’islamisme a déclaré la guerre au monde, aux pays musulmans, à l’Occident

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Après l’assassinat de Samuel Paty, l’écrivain algérien Boualem Sansal revient sur l’expérience du terrorisme dans son pays pour appeler les gouvernements occidentaux à prendre conscience de la menace sans céder aux sirènes de la division.

La Marseillaise : Comment avez-vous reçu la nouvelle de ce meurtre d’un enseignant en France ?

Boualem Sansal : J’étais horrifié, mais pas surpris. L’islamisme a déclaré la guerre au monde, aux pays musulmans, à l’Occident. Il a ciblé la France à partir des années 90 et a continué crescendo. Il y aura d’autres attentats, toujours plus horribles, pour briser toute résistance. Les politiques engagées pour le « domestiquer » sont ridicules, voire criminelles. L’islamisme veut la victoire totale, la soumission, rien ne l’arrêtera. Il faut l’éradiquer au plus vite, le pays ne peut indéfiniment vivre sous la menace et la peur.

Que peuvent les démocraties occidentales contre la montée de cet obscurantisme ?

B.S. : Pour elles, tout cela est nouveau, il faut le temps de l’apprentissage. Quand l’islamisme est arrivé en Algérie au début des années 80, nous avons passé des mois à nous demander ce qu’était cette chose. Eux se disaient les vrais musulmans, missionnés par Allah pour nous ramener à Lui. Après avoir longtemps tergiversé et tenté de l’amadouer en cédant à toutes ses demandes comme le fait le gouvernement français, le pouvoir algérien est passé à l’offensive de la manière qu’on sait : arrestations massives, internements, enlèvements, exécutions extrajudiciaires... Les démocraties occidentales ne peuvent évidemment pas user de ces méthodes, elles doivent inventer les leurs. À mon avis, trois choses sont à repenser : l’école, la question de l’islam de [et en] France, les relations avec les pays émetteurs d’islam et d’islamisme.

Vous disiez dans une interview en 2018 « pour les bien-pensants, critiquer l’islamisme, c’est critiquer l’islam ». Redoutez-vous aujourd’hui une stigmatisation des musulmans ?

B.S. : Évidemment mais en vérité, les musulmans français ne se sentent nullement stigmatisés. Un grand nombre d’entre eux sont laïques, à peine pratiquants, voire athées. Ceux qui parlent de stigmatisation sont les islamistes, fréristes, radicaux, salafistes, pour culpabiliser ceux qui les dénoncent, et les bien-pensants de la gauche qui ont trouvé un intérêt à faire ami-ami avec eux.

Que pensez-vous du traitement politique de ces sujets en France ?

B.S. : Je ne vois aucun traitement politique de l’islamisme en France. C’est le « wait and see », la politique de l’autruche, la pleurniche pour apitoyer les tueurs. Le Front national, lui, s’en est emparé pour les instrumentaliser, passant de la dénonciation de l’émigration à celle des musulmans. Cela lui a permis de dépouiller la droite et la gauche de ses troupes.

Que pensez-vous du projet de loi sur le séparatisme ?

B.S. : Encore une fois, le gouvernement se trompe de sujet, il n’y a pas séparatisme en France, il y a une guerre pour détruire la France et installer à la place une république islamique. Les islamistes ont réussi, ils ont semé une telle confusion qu’on ne sait plus qui est son ennemi. Le gouvernement accuse les habitants de certaines banlieues de séparatisme alors qu’il devrait se porter à leur secours pour les libérer de la tutelle des gangs et des barbus. Il est grandement responsable des malheurs du pays, il a manqué de vigilance, de courage, de compétence, il a mal nommé les choses. Il y a aussi le fait que les pays européens, dirigés par des technocrates, sont de simples satellites de l’UE, elle-même pilotée par des technocrates. Ces gens n’ont pas le sens du long terme dans lequel l’islamisme s’inscrit si naturellement.

Plusieurs de vos livres tentent d’expliquer ce qui a mené à la montée de l’islamisme en Algérie. Est-ce comparable avec ce qui nous arrive en France ?

B.S. : L’islam politique s’adapte à chaque pays. L’Algérie est un pays musulman à 100 %, gouverné par une junte militaire brutale et corrompue, avec une jeunesse révoltée et une économie fragile. Au vu de cela, il a opté pour une prise du pouvoir par la rue et par la guerre. Pour la France, il a opté pour une stratégie de prise du pouvoir par l’entrisme, l’agit-prop, le contrôle et l’élargissement de la communauté musulmane, le terrorisme ponctuel. C’est une stratégie de long terme.

À quoi pensez-vous quand vous parlez d’entrisme ?

B.S. : L’entrisme des islamistes, c’est l’infiltration de ses spécialistes dans les institutions sensibles ; c’est s’attirer la sympathie de certaines populations et les enrôler : enfants, étudiants, sportifs, artistes, intellectuels, syndicats, commerçants, délinquants dans les quartiers et les prisons ; c’est le contrôle de certaines activités pourvoyeuses d’argent, les trafics, le commerce du halal ; c’est parallèlement promouvoir un islam dit modéré, un islam des Lumières, pour séduire, convertir, ce qui permet de rendre les amalgames, les blasphèmes particulièrement odieux aux yeux des honnêtes gens.

Vous habitez en Algérie. Où en sont les islamistes là-bas ?

B.S. : Quand ils ont compris qu’ils ne réussiraient pas à prendre le pouvoir par les armes, ils ont changé de stratégie, ils ont accepté l’offre du pouvoir : déposer les armes et réintégrer la société en échange d’une amnistie et d’une indemnisation généreuse. Aujourd’hui, ils occupent le terrain, font fructifier leur trésor de guerre et continuent le djihad en construisant des milliers de mosquées, toutes bien équipées pour attirer les gens.

Comment réagissent la jeunesse, les intellectuels ?

B.S. : Les islamistes ont gagné, personne ne les conteste. En revanche, ils dénoncent massivement le pouvoir dans le cadre du Hirak. Ceux qui ne supportent pas de voir leur pays partagé entre islamistes et militaires essaient d’émigrer ou se marginalisent et vivent en vase clos.

Source La Marseillaise

10:24 Publié dans Actualités, Connaissances, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : attentat, islam, france, algérie | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

27/09/2020

Pourquoi le quinquennat est devenue la pire idée de la Ve République

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En 2000, les Français approuvaient par référendum le passage du septennat au quinquennat. Vingt ans plus tard, la prophétie de ses détracteurs s’est réalisée : les pouvoirs sont déséquilibrés au profit d’une présidence hypertrophiée.

C’est une des pires réformes de l’histoire constitutionnelle contemporaine qui a fêté ses 20 ans, jeudi. Le 24 septembre 2000, les électeurs français étaient invités aux urnes pour répondre à la question suivante : «  Approuvez-vous le projet de loi constitutionnelle fixant la durée du mandat du président de la République à cinq ans ? » La suite est connue : une large victoire du oui, à 73 %, mais surtout une très forte abstention, à 69,8 %. Il aura donc suffi d’environ 7,4 millions de voix (sur 39 millions d’inscrits) pour que la Ve République change de visage et bascule un peu plus dans l’hyperprésidentialisation.

Le pouvoir de l’Assemblée a fini dans le cercueil.

Loué comme une manière d’adapter le rôle du président à une temporalité politique qui s’accélère, le quinquennat produit son hypertrophie. Car, derrière le passage au mandat de cinq ans, il y avait surtout un autre projet politique : l’inversion du calendrier électoral, pour que les élections législatives se tiennent dans la foulée de la présidentielle, actée par une loi de 2001. La présidentielle devient l’élection nationale qui conditionne tous les autres scrutins. Le but : enterrer toute cohabitation avec une majorité parlementaire élue sur le nom du vainqueur. Mais, dans la manœuvre, c’est surtout le pouvoir de l’Assemblée qui finit dans le cercueil.

Une abstention majoritaire

Le quinquennat aurait certes pu accoucher de tout autre chose, si le calendrier avait été maintenu. Des législatives à mi-mandat permettraient, par exemple, de sanctionner ou d’avaliser la politique du président. « La réforme de 2000 seule ne suffit pas à expliquer l’évolution du régime. La clé de l’hyperprésidentialisation, c’est l’inversion du calendrier électoral, confirme Lauréline Fontaine, constitutionnaliste à la Sorbonne Nouvelle-Paris-III. Le président a son nez partout, dès lors que les calendriers législatif et présidentiel se confondent. » Une omniprésence présidentielle encore plus frappante sous Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, qui en ont fait une marque de fabrique. Cela n’a pas échappé aux détracteurs de la Ve République. Les critiques répétées contre le régime, qu’elles soient portées par les promoteurs d’une VIe République davantage parlementariste ou par les gilets jaunes, à travers le référendum d’initiative citoyenne, vont dans le sens d’un rééquilibrage des institutions.

« Péché originel »

À l’origine du « péché originel », le premier ministre Lionel Jospin, alors en cohabitation avec Jacques Chirac. Le contexte penche en sa faveur : 71 % des Français, lassés des cohabitations, sont favorables au quinquennat, selon un sondage de l’été 1999. Le chef de l’État finit par plier et prend l’initiative d’un référendum, pour donner l’impression que Lionel Jospin a eu le dernier mot sur ce dossier. Pourtant le président redoute que cela renforce la présidentialisation du régime. En porte-à-faux, le PCF fait campagne sur le thème de «  l’abstention critique et active », selon la formule du secrétaire national de l’époque, Robert Hue.

Si l’abstention s’est en effet avérée majoritaire, la réforme, elle, a produit ses effets délétères. «  S’il fallait légiférer à nouveau, la première chose à faire serait de remettre les législatives au cœur de la vie politique française, au-delà de la question de la durée du mandat », juge la sénatrice PCF Éliane Assassi.

16:08 Publié dans Connaissances, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : présients, législatives | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

17/04/2020

Rien ne prouve que le coronavirus a été créé en laboratoire : les dessous des fake news sur le Covid-19

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Que savons-vous aujourd’hui de l’origine du Sars-Cov-2 ? Alors que des représentants américains pointent du doigt une possible fuite du virus d’un laboratoire de Wuhan, en Chine. 

Alors que le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a déclaré le 15 avril sur Fox News : « mener une enquête exhaustive sur tout ce que nous pouvons apprendre sur la façon dont ce virus s’est propagé, a contaminé le monde et a provoqué une telle tragédie ». Sans parler d’une création humaine, il pointe du doigt une possible fuite du virus d’un laboratoire de Wuhan. Que savons-vous aujourd’hui de l’origine du Sars-Cov-2 ?

La pandémie de Covid-19 qui ébranle nos systèmes de santé, nos économies et bouleverse nos habitudes est également à l’origine de ce que le Dr. Sylvie Briand, Directrice du Département Pandémies et épidémies de l’Organisation mondiale de la santé, a qualifié judicieusement d’infodémie, la circulation virale de rumeurs et de fausses informations.

On peut retrouver sur le site Conspiracy Watch un florilège des théories les plus populaires à propos du Covid-19.

L’infodémie du Covid-19

Des journalistes, un ancien agent de renseignement, Dany Shoham, et de pseudo-experts, tels que l’ancien professeur de droit international Francis Boyle, ont évoqué avec sérieux la possibilité que le coronavirus SARS-CoV-2, à l’origine de l’épidémie de Covid-19, aurait été produit dans le laboratoire de biosécurité de niveau 4 (BL4) récemment construit dans la région du Wuhan, épicentre de l’épidémie en Chine.

Une autre théorie populaire chez certains suggère que le virus aurait été introduit par les juifs pour provoquer l’effondrement des marchés et pouvoir s’enrichir en réalisant des délits d’initiés. Enfin, il est également affirmé que le virus aurait été créé et breveté par l’Institut Pasteur. Ces théories sont devenues virales, au point que de récents sondages montrent que 23 % des Américains et 17 % Français sont convaincus que le nouveau coronavirus aurait été intentionnellement fabriqué en laboratoire.

La vague complotiste entourant l’épidémie de Covid-19 est également stimulée par quelques gouvernements, qui se livrent une véritable guerre de l’information en politisant à outrance l’épidémie. Le président américain Donald Trump a insisté sur l’origine chinoise du Covid-19 lors de son allocution du 11 mars 2020, le qualifiant de virus chinois. En réponse, l’un des porte-paroles du ministère chinois des Affaires étrangères a posté sur son compte Twitter un article censé démontrer que le SARS-CoV-2 était déjà présent en 2019 aux USA et aurait été amené en Chine par des soldats américains.

La propagation de fausses informations peut entraver la réponse aux vraies épidémies. Un décryptage des faits vérifiables à propos de l’épidémie de Covid-19 s’impose donc.

Que savons-nous des origines du Covid-19 ?

Les résultats de l’analyse du génome du SARS-CoV-2 sont claires. Sa séquence est à 96 % identique à celle du coronavirus RaTG13 isolé chez une chauve-souris collectée dans la province chinoise du Yunan. La séquence du domaine du récepteur présent à la surface du SARS-CoV-2 et permettant l’infection des cellules humaines (RBD, receptor binding domain) diverge cependant fortement de la séquence équivalente observée chez le RaTG13. La séquence du RBD du SARS-CoV-2 est par contre très proche, 99 %, de celle d’un coronavirus isolé chez le pangolin. Ce qui suggère que le SARS-CoV-2 serait le résultat de la recombinaison de deux virus. Ce mécanisme de recombinaison a déjà été décrit chez les coronavirus.

La comparaison des séquences de coronavirus présents en nature supporte donc une origine naturelle du SARS-CoV-2. De plus, le SARS-CoV-2 ne contient aucune trace d’une quelconque manipulation génétique d’origine humaine. Plus précisément, il ne contient pas de séquences résiduelles apparentées aux systèmes de vecteurs servants classiquement aux manipulations génétiques, ce qui suggère qu’il serait bien le produit d’un processus de sélection naturelle aléatoire.

Laboratoire BL4, manipulations génétiques : réalité et mythes

Il existe effectivement un laboratoire BL4 à Wuhan, le Wuhan National Biosafety Laboratory. Construit en partenariat avec la France, il a obtenu sa certification en 2017. Suite aux épidémies de SARS de 2002–2004 et de H1N1 de 2009, la Chine voulait améliorer sa capacité à lutter contre les épidémies. Il est principalement missionné pour effectuer des recherches sur Ebola, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo et le SARS. Le seul accident documenté lié à un laboratoire travaillant sur les coronavirus en Chine est l’infection de 9 individus en avril 2004 par le virus SARS-CoV-1, responsable de l’épidémie de SARS de 2002–4. Il s’agissait de deux étudiants travaillant au National Institute of Virology Laboratory et de leurs proches.

Une trentaine de laboratoires BL4 sont recensés dans le monde. Leur fonctionnement a toujours été source de polémique et de suspicion. Certains de ces laboratoires étaient autrefois impliqués dans la fabrication d’armes biologiques. La signature de la Convention sur l’interdiction des armes biologiques de 1972, interdisant le développement, l’acquisition, le stockage et l’usage d’armes biologiques, a modifié leur finalité. Ces laboratoires sont à présent officiellement consacrés à la lutte contre les épidémies et les armes biologiques. Il a toutefois été démontré que certains États, dont l’ex Union soviétique, ont persisté, en dépit de la signature de cette convention, à financer des programmes de recherche, tel que Biopreparat, visant au développement d’armes biologiques.

Des accidents ont effectivement déjà été liés au fonctionnement de ces laboratoires BL4. Par exemple la catastrophe de Sverdlovsk en 1979, qui causa plusieurs dizaines de morts, liés à une dissémination accidentelle de spores de la bactérie Bacillus anthracis, responsable de la maladie du charbon. Les attaques terroristes à l’aide d’enveloppes contaminées au bacille du charbon en 2001 aux USA ont également été reliées à un microbiologiste, le docteur Bruce Ivins, travaillant dans un laboratoire BL4 de l’armée américaine. Ces laboratoires de haute sécurité constituent donc, à juste titre, un terreau extrêmement fertile au développement de théories complotistes.

Enfin, il est également vrai que d’anciens virus mortels ont été ressuscités en laboratoire, que de nouveaux virus sont créés par manipulation génétique à des fins de recherche et que certains virus ont déjà été disséminés dans la nature par des États. En 2005, le virus de la grippe espagnole de 1918 a été reconstruit par génie génétique et testé en laboratoire afin de mieux comprendre son exceptionnelle virulence. En 2012, le virus de la grippe H5N1 a été modifié en laboratoire afin de lui conférer la capacité d’infecter par voie aérienne le furet dans le but de comprendre comment ce virus pourrait muter pour infecter l’humain par cette voie. Le gouvernement australien a autorisé en 2017 la dissémination massive d’une souche de virus (appelée RHDV1 K5) de la maladie hémorragique du lapin afin de réduire les populations de lapins sauvages sur son territoire. Il est donc assez aisé, à partir de ces faits bien documentés, de générer une infinité de scénarios complotistes.

La théière de Russel et le Covid-19

Qu’y a-t-il de commun entre une théière céleste et les théories complotistes du Covid-19 ? Beaucoup plus qu’on ne pourrait le penser de prime abord.

Une théière serait en orbite autour du Soleil, plus précisément entre la Terre et la planète Mars. On ne peut démontrer que cette théière n’existe pas, il faudrait donc y croire. La métaphore de la théière céleste a été proposée par le philosophe Bertrand Russell pour contester l’idée que ce serait au sceptique de réfuter les bases invérifiables de la religion et pour affirmer que c’est plutôt au croyant de les prouver. La théière de Russel constitue la version cosmique du rasoir d’Ockham, également nommé principe de parcimonie ou de simplicité. Ce principe recommande d’éliminer d’un raisonnement les explications complexes d’un phénomène si des explications plus simples s’avèrent vraisemblables. Il reste un principe fondamental du raisonnement logique en Science. Il ne stipule nullement que l’explication la plus simple est forcément vraie, mais qu’elle doit cependant être considérée en premier.

Dans le cas du Covid-19, aucun fait vérifiable ne soutient l’hypothèse que le SARS-CoV-2 aurait été intentionnellement fabriqué en laboratoire. Les diverses théories complotistes ne sont supportées que par des corrélations, telles que l’existence d’un BL4 à Wuhan. Les séquences du RBD du virus pourraient, en théorie, résulter d’une adaptation du virus en laboratoire lors de culture sur des cellules humaines. Mais l’existence d’une séquence de RBD identique à 99 % chez un coronavirus infectant le pangolin supporte une hypothèse plus parcimonieuse : l’infection d’une chauve-souris ou d’un pangolin par deux coronavirus, qui auraient recombiné pour former un nouveau virus qui aurait ensuite infecté un humain ; le fameux patient zéro encore inconnu à l’origine de l’épidémie de Covid-19.

Les raisons évoquées pour expliquer l’adhésion d’un nombre croissant d’individus aux thèses complotistes sont multiples. Il est bien établi que la croissance exponentielle des connaissances scientifiques spécialisées a entraîné, paradoxalement, une augmentation simultanée de l’ignorance. Et la tendance lourde de ces dernières décennies de l’éducation à favoriser l’employabilité des étudiants plutôt que leur formation générale, en particulier dans le domaine scientifique, n’a pas aidé à rapprocher les citoyens de la science. Ni à leur permettre de développer un esprit critique.

Cette absence de culture scientifique cumulée avec l’effet Dunning-Kruger, un biais cognitif selon lequel les moins qualifiés dans un domaine surestiment leurs compétences, explique sans doute en partie la grande perméabilité du public aux théories complotistes présentant des aspects pseudo scientifiques. D’autre part, selon la théorie de l’identité sociale d’Henri Tajfel, le raisonnement logique et l’information pourraient en définitive être peu impliqués dans l’adhésion aux théories complotistes. Car adhérer à celles-ci permettrait de rejoindre un collectif et de se parer des qualités présumées de ce collectif qui s’oppose à d’autres collectifs supposés présenter de nombreux défauts. Il s’agirait donc d’une adhésion sociale et non d’une adhésion fondée sur le raisonnement.

Dans le cas précis du Covid-19, on peut aussi se demander si l’adhésion aux théories complotistes ne traduit pas en partie notre besoin viscéral de nous rassurer en inventant une explication simpliste aux phénomènes naturels qui nous terrifient. Quelle hypothèse est la plus insupportable ? Que des savants fous subventionnés par une puissance étrangère seraient à l’origine d’une épidémie capable d’ébranler nos sociétés modernes ? Ou que de nouvelles épidémies émergent naturellement suite à l’invasion et à la destruction des écosystèmes ? Dans le premier cas, il serait facile de mettre fin au cauchemar. Dans le second, c’est notre mode de vie et notre système économique qui doivent impérativement changer.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Article publié dans Sud Ouest

15:34 Publié dans Actualités, Connaissances, Planète, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : covid, chine | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!