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28/05/2023

+4 °C en 2100 en France : mesures de scientifiques s’ils étaient ministres

Environnement1.jpg+4 °C d'ici 2100 en France : les mesures que prendraient des scientifiques s’ils étaient ministres

La France est exposée à un réchauffement de +4 °C d'ici la fin du siècle, si ce n'est plus, si rien n'est fait. Le ministère de la Transition écologique a dévoilé être en train de travailler sur un plan d'atténuation du réchauffement climatique et d'adaptation aux phénomènes météo extrêmes qui nous attendent dans le futur. Les mesures devraient être annoncées courant juin, mais que feraient les spécialistes du climat s'ils étaient au gouvernement ?

Nous avons posé la question à trois références dans le secteur du climat, parmi lesquelles, un spécialiste de l'agriculture, une spécialiste des questions liées à l'eau et un spécialiste des phénomènes météo extrêmes. Alors, que faudrait-il vraiment faire pour affronter la hausse inquiétante des températures en France et ses conséquences ?

Serge Zaka, agroclimatologue

  • Investir dans le développement de nouvelles filières de cultures adaptées aux gelées tardives, à la sécheresse et aux canicules : la pistache, le sorgho, le millet, le mil, la cacahuète et d'autres nouvelles cultures qui viennent d'Europe du Sud et d'Afrique. Il faut plusieurs milliards d'euros pour développer une filière, et il faut environ 15 ans pour la mettre en place. Il est urgent d'investir dès maintenant, car nous avons déjà 20 ans de retard.
  • Favoriser le stockage du carbone en France par la photosynthèse, en continuant à développer la reforestation, et surtout l'agriculture de conservation des sols. Il faut aider les agriculteurs à faire cette transition, au niveau finance et formation. Cela comprend aussi le fait que les agriculteurs doivent être rémunérés à juste titre pour les services écosystémiques qu'ils rendent, comme l'entretien des haies et le stockage du carbone.
  • Limiter la consommation hors saison et la consommation de viande hors production française. Il faudrait obliger les consommateurs à manger moins de viande, mais à consommer de la viande française de qualité. Les traités internationaux qui permettent d'acheter de la viande pas chère, qui provient de l'étranger, doivent changer. Le rôle d'un ministre est aussi de vérifier que ces produits qui viennent de l'étranger soient respectueux de l'environnement, car le climat est une seule enveloppe.

Emma Haziza, hydrologue

  • Préfinancer les mesures de transformation des bâtiments pour s'adapter aux extrêmes climatiques : concrètement, il faut que les particuliers et les professionnels puissent aller chercher en magasin sans payer tout ce dont ils ont besoin pour s'adapter au réchauffement climatique. Il y a déjà beaucoup de choses finançables, mais le processus est lent et complexe, et les populations les plus pauvres ne sont pas forcément au courant.
  • Permettre la récupération d'eau grâce à des innovations simples qui ont fait leurs preuves : l'humidification des fondations des bâtiments, en collectant l'eau de pluie, permet par exemple de limiter les problèmes de fissures liés à la sécheresse. Les programmes de recherche ont montré que c'était efficace, il faut maintenant adapter la recherche à la réalité en accompagnant les familles et entreprises. Si on ne travaille pas sur ce problème très vite, le risque est de ne plus avoir aucune assurance qui accepte de couvrir les dommages sur les bâtiments liés à la sécheresse.
  • Créer des villes éponges, un domaine dans lequel la France est très en retard. Il faut dé-imperméabiliser nos villes au plus vite en finançant ces travaux. On ne devrait pas autoriser un seul bâtiment qui n'intègre pas les risques de sécheresse, canicule, et inondation. Cela devrait être obligatoire. Tout ce qui permet de faire des économies d'eau, c'est autant d'eau qui ne sera pas prélevée dans les nappes phréatiques.

Davide Faranda, climatologue à l'IPSL

  • Une installation massive de l'énergie solaire et de l'éolien pour éviter de produire encore plus d'émissions de CO2, car la réduction des émissions reste la voix principale.
  • Une obligation de récupérer les eaux usées en limitant les fuites, mais aussi des limitations de l'utilisation pour des usages de luxe : il faut rationaliser l'usage de l'eau au maximum.
  • Renaturer la France autant que possible : les espaces naturels doivent être privilégiés par rapport au béton. La végétalisation des villes est en effet l'une des meilleures options pour atténuer les effets du réchauffement climatique dans les aires urbaines.

Source : Futura

14/10/2022

Conjuguer sciences, travail et environnement

Amar Bellal Rédacteur en chef de Progressistes

Energie.jpgIl existe une autre conception du rassemblement que celle qui prétend le décréter par « le haut » uniquement : celle qui consiste à rassembler par les contenus, par ce que vivent les travailleurs de la science et des entreprises, par le réel, le défi du climat, du développement industriel, de la recherche.

Ainsi, lors de la Fête de l’Humanité, il y a un événement politique, le rassemblement de personnalités du monde scientifique, du monde du travail et de la défense de l’écologie, qui a lieu lors de la soirée repas de la revue Progressistes du jeudi soir.

C’est tout le défi du camp du progrès social que de réussir à articuler ces enjeux : celui du monde du travail, de l’emploi, de l’industrie, d’une part, celui du développement des avancées scientifiques et techniques, d’autre part, ainsi que celui des grandes questions environnementales et en premier lieu le défi climatique. Or, aujourd’hui, tout est fait pour les opposer.

On oppose le monde du travail, la production de richesses à l’environnement : la fameuse usine qui pollue mais sans laquelle nous devrions importer des produits du bout du monde. On oppose le progrès scientifique et technique aux emplois : la robotisation qui mettrait au chômage les salariés. On oppose la science à l’environnement en désignant des découvertes ou de possibles nouvelles technologies qui menaceraient l’environnement.

S’il est si facile d’opposer science, travail et environnement, c’est parce que tout est piloté par le capital au service des actionnaires, sans que les citoyens, les salariés aient vraiment leur mot à dire, sans qu’on mette en débat la finalité de la recherche scientifique. Alors que, au contraire, il faut articuler et conjuguer ces trois grands sujets. Cela implique que les salariés aient plus de pouvoir lors des prises de décisions stratégiques dans les entreprises, dans les instituts de recherche.

Cela demande de financer, à partir d’autres critères, notamment sociaux et environnementaux, le développement économique. Si on ne fait pas ce travail d’articulation, les discours de la gauche prioriseront la décroissance, la peur, la culpabilisation des gens et la dénonciation du progrès scientifique et technique.

Il se trouve que le PCF, parti historiquement attaché à ces enjeux, doit tenir prochainement son congrès : si ce grand moment d’intelligence collective permettait de faire émerger ne serait-ce que cette idée, ce serait déjà un énorme appui pour le monde du travail !

Reconstruire la gauche passe par le refus du populisme, quelle que soit sa forme, comme le populisme scientifique. Quand la gauche s’aventure dans le populisme, à la fin, le gagnant, c’est toujours l’extrême droite : il suffit de voir les ravages du populisme sanitaire aux Antilles, qui porte la gauche très haut au premier tour des dernières présidentielles, mais cela finit par un vote massif pour Le Pen au deuxième tour.

Évoquons aussi le populisme climatique, qui met en avant par exemple l’idée que 67 milliardaires émettraient autant de CO2 que 30 millions de Français en sous-entendant ainsi que cela solutionnerait 50 % du problème. C’est absolument faux. Le chiffre est farfelu. En réalité, leurs émissions propres correspondent à celles d’environ 100 000 Français, ce qui est déjà scandaleux. L’exagération vient du fait qu’on a tenu compte de toutes les productions industrielles qu’ils possèdent, productions que nous consommons tels l’acier et le ciment de nos logements, le pétrole brûlé dans nos voitures, etc.

C’est donc une présentation biaisée du problème. Dénoncer le train de vie des milliardaires – et il faut le faire, il faut légiférer – ne suffit donc pas pour ­résoudre la crise du climat… En effet, au-delà du symbole, on ne parle ici que de 0,1 % du problème.

La démagogie dans ce domaine provoque des ­dégâts durables : on se décrédibilise auprès des scientifiques et spécialistes qui connaissent le sujet, d’une part ; d’autre part, on prend du retard dans la bataille politique en se berçant d’illusions avec une solution toute trouvée.

Pour se relever, la gauche doit travailler à articuler science, travail et environnement, ce qui suppose de refuser toutes les formes de populisme.

Publié dans l'Humanité

30/07/2022

PATRICK LE HYARIC : JE REVIENS DE PALESTINE

Palestine3.jpgComme nous le faisons régulièrement avec l’association des villes françaises jumelées avec un camp de réfugiés palestiniens (AJPF), nous venons, entre le 26 juin et le 2 juillet, de visiter plusieurs de ces camps en Palestine. Nous l’avons fait avec près de 50 élus municipaux, maires, responsables d’associations. Je m’y rends régulièrement depuis plus de 20 ans, soit sous l’égide de l’association, soit hier comme député européen au titre de membre de la commission chargée des relations avec le conseil législatif palestinien. Mon investissement journalier pour sauver L’Humanité dans une période plus que critique, m’avait obligé à annuler deux déplacements en 2019, puis le covid avait par la suite empêché tout déplacement.
 
Cela faisait donc trois ans que je ne m’y étais pas rendu. La situation des Palestiniens ne s’est améliorée ni en Cisjordanie ni dans la bande de Gaza, toujours prison à ciel ouvert. Je n’ai pas pu aller visiter Salah Hamouri comme j’en avais émis le souhait. Cependant, le Consul de France à Jérusalem qui fait consciencieusement son travail et qui l’avait rencontré quelques jours auparavant, m’avait donné des nouvelles rassurantes. Depuis Salah, dont il faut rappeler qu’il n’est accusé de rien, a été transféré dans une prison de haute sécurité. Le visage de cette belle démocratie de la région !!
 
Le mur de séparation s’allonge et entoure peu à peu Jérusalem, les colonies s’agrandissent à un point que je n’imaginais pas, les violences et les humiliations aux check-points se multiplient, les rafles dans les rues comme dans les camps de réfugiés sont régulières. Les discriminations de toutes sortes se déploient contre les Palestiniens et les Arabes israéliens. À Jérusalem-Est, une guerre est décrétée contre les habitants. De plus en plus d’entre eux sont expulsés manu militari, leurs maisons annexées dans le cadre d’un plan gouvernemental qui veut expulser tous les Palestiniens de la vieille ville, la leur. Nous avons pu étudier longuement cette sauvagerie sur le terrain, avec les habitants et les associations. Chaque jour, des Palestiniens sont destitués de leur citoyenneté de Jérusalem et interdits d’y habiter. La loi sur la citoyenneté va jusqu’à interdire désormais à des Palestiniens mariés à des Arabes israéliens d’obtenir la nationalité israélienne. Comment qualifier un tel système, un tel régime ?

Lors de toutes les rencontres et séances de travail que nous avons eues avec de nombreuses associations israéliennes et palestiniennes de défense des droits humains, avec les responsables des camps de réfugiés, avec des députés palestiniens comme israéliens, avec les partis progressistes, avec des ministres, dont le Premier ministre, puis le conseiller diplomatique du président M. Abbas, nous avons entendu comme une supplique, comme un appel, comme un cri : « Ne nous laissez pas tomber ; interpellez votre gouvernement, les institutions européennes ; informez sur la situation que nous vivons ». C’est ce que nous faisons depuis. Nous avons adressé un compte rendu de nos visites et des messages ont été transmis à Mme la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, C. Collona, au haut représentant de l’Union européenne chargé des relations extérieures et de la sécurité, M. Josep Borrell, à des parlementaires. Tous nos interlocuteurs ont demandé de l’aide politique, des actes de solidarité, des mobilisations nouvelles tant ils ont comme nous, la conviction que la question de leur reconnaissance est passée au second plan depuis plusieurs années, dans une situation internationale plus que chargée. Tous, y compris les associations israéliennes et les parlementaires israéliens, nous ont interpellés sur la nécessité de faire respecter le droit international, et donc leur volonté de voir cohabiter un état de Palestine aux côtés de celui d’Israël, dans la sécurité et la paix. Dans tous les propos, nous n’avons décelé aucune détestation, aucune haine à l’encontre du peuple et des citoyens israéliens, malgré l’insupportable vie que leur fait subir le pouvoir des droites israéliennes.

C’est donc avec satisfaction que j’ai pris connaissance de la résolution déposée par 38 députés de gauche sur le bureau de l’Assemblée nationale, « visant à la condamnation de l’instauration d’un régime d’apartheid par Israël à l’encontre du peuple palestinien, tant dans les territoires occupés (Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est, et Gaza) ». (Lire ici article de Pierre Barbencey dans L’Humanité du 25 juillet 2022 ) Celle-ci demande également à nouveau au pouvoir exécutif - donc à la France - de reconnaitre l’État de Palestine. Ce texte s’appuie sur le droit international et sur les rapports de trois grandes organisations non gouvernementales de défense des droits humains : Betselem (une ONG israélienne), Human Rights Watch et Amnesty International qui tour à tour, entre janvier 2021 et janvier 2022, ont rendu publics les résultats de leurs longues enquêtes. Ces rapports ont été déposés sur le bureau du comité pour l’élimination des discriminations raciales de l’Organisation des Nations Unies. Chacun conclut à l’existence d’un régime qualifié d’apartheid.
 
Le rapport d’Amnesty International précise que « les politiques cruelles de ségrégation, de dépossession et d’exclusion d’Israël à travers ces territoires tiennent clairement de l’Apartheid ». Il précise que « les Palestiniens sont réduits à des enclaves, la population est fragmentée en territoires, en système politique et administratif distant ; cette fragmentation fragilise leurs liens sociaux et politiques. Ils sont affaiblis et ne peuvent pas se mobiliser contre leur oppression ». C’est exactement ce que j’ai pu à nouveau constater ces derniers jours. (Lire ici mon texte du 8 février 2022). Ce terme d’apartheid qui étymologiquement, ce mot veut dire « développement séparé », a été rendu très fort par la trace indélébile qui a laissé le souvenir de l’Afrique du Sud et du combat de Nelson Mandela. Il nous habite toujours. Mais ce n’est pas ici d’un mot dont il est seulement question, mais d’une qualification juridique appropriée depuis 1973, puis confirmée en 1975 par la résolution 3068 du 30 novembre, qui qualifie juridiquement le crime d’apartheid. Est réputé apartheid « un système d’oppression et de domination d’un groupe racial sur un autre, institutionnalisé à travers des lois, des politiques et des pratiques discriminatoires ; par ailleurs, le crime d’apartheid suppose la commission d’actes inhumains, dans l’intention de maintenir cette domination ».

C’est exactement ce que nous avons constaté sur le territoire palestinien, occupé par un autre État, contre le droit international. La loi fondamentale israélienne modifiée a en effet fait passer Israël d’un « État juif et démocratique » à un « État-Nation du peuple juif ». Modification qui conduit l’article premier à énoncer que « Le droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est propre au peuple juif ». Comment mieux qualifier une identité nationaliste et excluante ? C’est au nom de cet article que les Arabes israéliens sont discriminés dans leur propre pays et que pour pouvoir circuler sur leurs terres, les Palestiniens doivent avoir dans leur poche une carte d’une certaine couleur qui ne les autorise à circuler seulement sur certaines parties du territoire. À mon souvenir, il existe cinq couleurs de ces cartes. Chaque Palestinien est donc selon le secteur où il habite, assigné à résidence. Les autres parties du territoire leur sont interdites. Même les voitures ont des couleurs différentes sur leurs plaques d’immatriculation. Si vous avez une plaque verte, c’est à dire Palestinienne, vous ne pouvez pas circuler sur les routes réservées aux Israéliens, vous subissez les affres des check-points et ne pouvez pas approcher des zones considérées comme Israélienne ! Par contre avec une plaque jaune, israélienne, vous êtes libre de circuler partout. Mais, où sont donc sont les partisans de la libre circulation des personnes ?
 
Le mur ne sépare pas seulement Israéliens et Palestiniens ; il sépare aussi des villages palestiniens, des familles palestiniennes entre elles. C’est un mur d’apartheid ! L’article 7 de cette loi fondamentale stipule que « l’État considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement ». Voilà qui est clair. Il s’agit donc bien d’une colonisation-annexion. Il s’agit ici d’un vol d’espaces et de terres palestiniennes pour amplifier une domination. La loi sur les propriétés des absents vise à spolier les familles palestiniennes de leurs biens. Au total, les Israéliens occupent aujourd’hui 93% des terres palestiniennes alors que dans le plan de partage de 1947, il en acquérait 7%. Ce que nous avons vu à nouveau lors de ce voyage, c’est que les pratiques du pouvoir israélien et de son armée sont en totale contradiction avec les résolutions de l’ONU. On ne peut reprocher à juste titre leur viol par Poutine et fermer les yeux lorsqu’il est commis par le pouvoir israélien. La Cour pénale internationale qui est saisie, définit l’apartheid comme « un crime contre l’humanité ». Aucun démocrate, aucun progressiste ne peut fermer les yeux. Le combattre, n’a rien à voir avec de l’antisémitisme et tout à voir avec le respect du droit international. Laisser entendre que cette résolution déposée par 38 députés de gauche favoriserait l’antisémitisme, reviendrait précisément à en banaliser le danger. Du reste, de nombreux responsables israéliens utilisent le mot « apartheid » pour qualifier ce système. Ainsi le comité éditorial du journal israélien Haaretz a comparé au moins 13 fois la politique israélienne actuelle à l’apartheid, depuis l’année 2006. L’éditeur de ce même journal, M. Schochen, a récemment écrit : « seule la pression internationale mettra fin à l’apartheid israélien ». L’ancien ministre Y. Paritzky parle dans son éditorial dans le journal Ydioth Ahronoth de « notre état d’apartheid ». Un collaborateur du groupe parlementaire de « la liste Commune » écrit dans un article : « L’apartheid a 66 ans ».
 
L’un des moyens de faire reculer l’antisémitisme et le racisme est précisément de changer de politique à Tel-Aviv et de faire respecter les résolutions de l’ONU. C’est aussi la condition pour que puissent « vivre ensemble les peuples israéliens et palestiniens », en paix, en sécurité, en harmonie, riches de leurs différences.
 

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09/10/2021

Nucléaire : le festival Jadot

Jadot.jpg

Lors du débat entre Yannick Jadot et Sandrine Rousseau, les deux candidats écologistes ont réaffirmé leur détestation de l’électro-nucléaire. Soit. Mais au prix d’un festival de désinformations. Listons en quelques unes.

« Cela fait 30 ans que l’on aurait pu débattre sur le nucléaire. Il y a une communication de l’Etat et d’EDF qui a tué le débat ». Yannick Jadot.

Le propos de Yannick Jadot est pour le moins stupéfiant. Depuis le choix nucléaire de 1974, confirmé en 1981 sous Mitterrand, ce sujet s’est toujours taillé une place de premier plan dans la vie publique. Des milliers d’articles de presse, de tracts, des manifestations (contre en général), des prises de positions à chaque élection nationale… c’est le sujet énergétique qui a le plus mobilisé le débat public. Et depuis bien plus que 30 ans, si l’on se souvient des vifs débats des années 1974-1980. Mais peut-être que Yannick Jadot est-il trop jeune pour se souvenir des manifestations contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff en Bretagne à la fin des années 1970

Quant à la communication de l’Etat et d’EDF qui aurait « tué le débat », on ne peut qu’ironiser sur son inefficacité en observant ce résultat d’enquête sociologique montrant que la majorité des Français ignorent que le nucléaire est, en France tout au moins, l’électricité la moins carbonée possible : 6 grammes par kWh produit et qu’une majorité d’entre eux – écrasante dans deux cas : les jeunes et les personnes opposées à l’usage du nucléaire pour l’électricité – croient que les centrales nucléaires émettent beaucoup de gaz à effet de serre.

Cette enquête IPSOS montre que 44% des Français opinaient, en 2017, que les centrales nucléaires émettent « beaucoup » de gaz à effet de serre. Ce pourcentage monte à 63% chez les 18/24 ans et à 75% chez les personnes tout à fait « contre » l’usage du nucléaire pour l’électricité.

« Les déchets, après 50 ans de nucléaire, on ne sait toujours pas quoi en faire ». Yannick Jadot.

Yannick Jadot est certes député européen, mais cela ne devrait pas l’empêcher de se renseigner sur les lois françaises. En 2006, le Parlement a voté une loi qui retient la solution de l’enfouissement géologique profond pour les déchets nucléaires de Haute activité et à vie longue (HAVL) et ceux dit de Moyenne activité et à vie longue (MAVL) qui concentrent plus de 99% de la radioactivité issue des centrales nucléaires. En 2016, le Parlement a voté une nouvelle loi qui précise cette solution, sous la forme du projet CIGEO, prévu dans la couche géologique d’argilite, à 500 mètres de profondeur, près du laboratoire souterrain exploité par l’ANDRA depuis 2005 à la frontière de la Haute Marne et de la Meuse. Cette nouvelle loi décrit les modalités de création de cette installation et en prévoit la réversibilité jusqu’à la fin du processus d’enfouissement des déchets actuels et futurs des réacteurs existants (EPR de Flamanville compris). L’ignorance de Yannick Jadot d’un projet aussi important pour la sécurité des populations ne plaide pas en faveur de sa capacité à exercer la haute responsabilité à laquelle il prétend.

« On sait à peine démanteler une centrale nucléaire ». Yannick Jadot.

Les équipes d’EDF qui sont en train de démanteler la centrale nucléaire de Chooz-A  en toute sécurité et en respectant les coût et délais prévus apprécieront ce dénigrement de leurs compétences professionnelle. Neuf centrales nucléaires sont en cours de démantèlement en France.

Sinon, on peut suggérer à Yannick Jadot de méditer sur ces photos avant/après de la centrale nucléaire de Maine Yankee, tout à fait similaire à celles d’EDF.  En haut, la centrale nucléaire en exploitation. En bas le même site, où l’on voit qu’il ne reste absolument plus rien de la centrale, on peut y faire paître un troupeau de vaches.

La centrale nucléaire de Maine Yankee
L’emplacement de la centrale nucléaire de Maine Yankee dans son état actuel : le retour à l’herbe.

« Aujourd’hui, vous avez des énergies renouvelables qui sont deux fois moins chères que le nucléaire ». Yannick Jadot.

C’est presque vrai… sauf que cela ne l’est que pour l’électricité produite par les barrages hydrauliques et comme personne n’imagine qu’on va noyer de nouvelles vallées pour en construire en France, ce n’est pas de cela que parle Yannick Jadot. Mais c’est faux pour ce qui concerne l’électricité nucléaire produite en France comparée à l’électricité éolienne et encore plus photovoltaïque. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles sont massivement subventionnée (environ 120 milliards d’euros pour les contrats signés avant décembre 2016 selon la Cour des Comptes et on ne peut que conseiller à un candidat à la Présidence de la république de lire les rapports de la Cour des Comptes ou du moins de se le faire résumer, comme ici par votre serviteur)  L’ordre de grandeur des subventions à l’éolien et au photovoltaïque est de 6 milliards d’euros par an actuellement, pour une production électrique intermittente et très limitée. Pour une étude récente du coût de production de l’électricité nucléaire, lire ici.  Par ailleurs, les partisans des ENRI se contentent des coûts de fabrication et d’installation des éoliennes et panneaux solaires, en oubliant (volontairement) que ce qu’il faut compter c’est le coût du système électrique, or pallier l’intermittence des énergies renouvelables éoliennes et solaires présente un coût qui croît au fur et à mesure de l’augmentation de leur part dans le mix électrique.

« L’EPR en chine, ils ont été obligés de le fermer parce qu’il fonctionne mal ». Jannick Jadot

Il y a 2 réacteurs EPR en fonctionnement en Chine. L’un d’entre eux a battu dès sa première année pleine de fonctionnement le record du monde de production d’électricité par un réacteur nucléaire sur 12 mois. Il est a l’arrêt actuellement pour étudier pourquoi quelques un de ses crayons de combustibles (sur plus de 40 000) présentent une légère fuite de gaz radioactifs sans conséquence pour l’environnement. Un problème classique sur les réacteurs nucléaires. Le second fonctionne.

Soyons honnête, sa compétitrice Sandrine Rousseau en a fait des tonnes elle aussi. Mais pour ne pas être trop long, en voici deux exemples seulement.

« Il y a des études de l’Ademe, RTE, Negawatt. Toutes disent que l’on peut sortir du nucléaire, et avoir un mix énergétique complètement renouvelable»  Sandrine Rousseau . 

Les études de l’Ademe (ici une analyse critique) et de RTE ne portent pas sur le mix énergétique mais sur le mix électrique uniquement. Elles montrent surtout que l’hypothèse de commande de ces études – un choix a priori 100% renouvelable – montre que la sécurité d’approvisionnement n’est pas assurée, notamment avec la perspective de l’électrification des transports. Le rapport de RTE liste quatre conditions à réunir pour qu’un très fort pourcentage d’ENRI (le I de Intermittent) ne soit pas incompatible avec la qualité et la quantité d’électricité nécessaires :  la compensation de la variabilité des ENR, le maintien de la stabilité du réseau, la reconstitution des réserves et des marges d’approvisionnement, une évolution importante du réseau. Ces quatre conditions n’existent pour l’instant nulle part ensemble pour un pays de la taille de la France. Les technologies qui permettraient d’accéder aux conditions 1, 2 et 3 n’ont pas été démontrées à cette échelle pour le cas français. Quant à leur coûts, ils ne sont pas estimés par le rapport, mais seraient évidemment élevés. Comme le précise le Président de RTE Xavier Piechaczyk : «Pour se diriger vers un mix à très fortes parts d’ENR variables, bien qu’il n’y ait aucune barrière technique infranchissable a priori, il faut regarder les faits scientifiques, techniques et industriels : il reste beaucoup de sujets à résoudre

Sur les coûts, le rapport de RTE est presque muet. Il précise dans son introduction que «l‘évaluation économique de ces différentes conditions dépasse le cadre de ce rapport.» La seule indication donnée par le rapport sur l’évaluation de ces coûts devrait donner des boutons aux militants du solaire et de l’éolien, car elle démolit leur argument comptable favori : le LCOE. Autrement dit (c’est un acronyme en anglais) le coût moyen de l’électricité par technologie. Voyez comme le coût de fabrication des éoliennes et surtout des panneaux solaires s’écroulent !, s’enthousiasment-ils. Or, avertit le rapport, le LCOE n’est pas capable de  compter «l’ensemble des coûts associés à une part élevée d’ENR, dont ceux liés au stockage, à la flexibilité de la demande et au développement des réseaux. L’analyse montre que ce type de coûts pourrait être important après 2035». Pourquoi 2035 ? Parce que cette date correspond à un objectif de 40% d’ENR dans le mix électrique. Une manière de souligner que les vrais gros problèmes commencent là.

« Le coût estimé du grand carénage est de 100 milliards d’euros. Cela veut dire que ce cout se répercutera sur le prix de l’électricité ». Sandrine Rousseau.

Un chiffre sorti de nulle part, voire de l’imagination de la candidate à la primaire écologiste.  Le vrai coût est de 49,4 Mds d’euros courants sur la période 2014-2025, donc une bonne partie est déjà dépensée et les travaux effectués. L’impact du grand carénage sur le prix de l’électricité est de quelques euros par MWh. Mais, sur ce sujet, le pompon a été décroché par Jean-Luc Mélenchon qui a hissé ce coût imaginaire à 150 milliards.

Sylvestre Huet, le Monde

10:10 Publié dans Actualités, Cactus, Economie, Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jadot, écologie, nucléaire | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!