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04/11/2019

Meriem Borja du Maroc elle survole les plus grands sommets de la planète

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Dynamique, rieuse, Meriem Borja a une joie de vivre contagieuse et une motivation à toute épreuve. Sa passion, c’est la montagne, et dès qu’elle en a l’occasion, elle s’échappe de sa vie casablancaise pour partir à l’assaut des sept plus hauts sommets du monde. Dans son palmarès, le Mont Elbrous, plus haut sommet d’Europe, et le Kosciuszko, le plus élevé d’Australie… Meriem Borja peut être fière, car c’est la première Marocaine a avoir atteint leur sommet !

Petite, Meriem Borja avait un penchant pour le sport. Elle commence par de la danse classique, pour faire de la natation par la suite. Elle a même été vice-championne du Maroc dans la catégorie junior. Au lycée, elle arrête le sport pour se consacrer à ses études.
Sept ans plus tard, elle escalade le Toubkal pendant une excursion scolaire. C’est là que son amour pour l’alpinisme a commencé. Eblouie par la nature, elle se souvient encore de ce sentiment de satisfaction quand elle a réussi. Elle escaladera le plus haut sommet du Maroc plusieurs fois pour s’entrainer sous diverses conditions climatiques.
Elle tente ensuite le défi  international des sept Sommets, en référence aux sept montagnes les plus hautes de chacun des continents. Jusque là, notre fierté nationale en a réussi trois sur sept. Elle a fait  flotter le drapeau marocain et a chanté l'hymne nationale sur deux des trois sommets qu'elle a atteints.

FDM : Comment vous est venue pour la première fois l’envie d’escalader des sommets ?

Meriem : Depuis que je suis jeune, je rêve de grands espaces, de voyages, de découvertes…

Mais à l’époque, partir en vadrouille n’était pas chose simple. Puis, quand j’ai eu 18 ans, une sortie a été organisée par mon école pour faire l’ascension du Toubkal. Pour la jeune citadine que j’étais à l’époque, et pour qui les vacances se résumaient essentiellement à aller à la plage, c’était incroyable. J’ai découvert la culture de l’effort, les paysages, l’esprit d’équipe, j’ai fait de belles rencontres… Et tout cela m’a beaucoup plu.

Après le Toubkal, vous vous êtes lancé le défi des “sept sommets”. Comment vous vient cette idée ?

Meriem Borja2.jpgDix ans après ma première ascension, et après avoir sillonné toutes les montagnes du Maroc, j’ai entendu parler d’un projet sportif : “Les sept sommets”. Son but est d’escalader les sept plus hauts sommets du monde, et je me suis dit : “Pourquoi pas ?”. J’ai commencé cette aventure en 2008 en partant pour la Tanzanie où j’ai escaladé le Kilimandjaro (5.895 m), puis j’ai fait l’ascension du Mont Elbrous (5.642 m), le plus haut sommet de Russie et d’Europe ; et je suis d’ailleurs la première Marocaine à avoir atteint son sommet ! Dernièrement, j’ai escaladé le Kosciuszko (2.228 m) en Australie, et je suis également la première Marocaine à avoir accompli ce challenge.

Votre passion représente-t-elle un investissement financier important ?

Depuis que j’ai débuté, je ne compte que sur mes propres économies et je puise dans mes jours de congés. A titre d’exemple, escalader le Kilimandjaro représente un investissement d’environ 40.000 dirhams tout compris, et c’est le moins cher. En revanche, je n’ai absolument pas les moyens pour le moment de gravir l’Everest, car il faut compter dans les 500.000 dirhams pour en faire l’ascension.

Impossible à faire sans sponsoring.

Que ressentez-vous quand vous atteignez un sommet ?

Ce sont des sensations indescriptibles… C’est un aboutissement, la réalisation d’un rêve qui me motive toute l’année et qui enfin s’accomplit. Quand on arrive tout en haut, c’est bizarre de se dire qu’on est l’être humain le plus haut de tout le continent. Et puis, avec le manque d’oxygène, on se sent léger, stone ! On plane complètement… Avis à ceux qui veulent des sensations sympas, allez-y (rires) ! La notion de dépassement de soi compte elle aussi beaucoup dans la satisfaction que l’on ressent quand on atteint son but. On croit toujours avoir des barrières infranchissables, que ce soit dans la vie ou dans le cadre d’un projet sportif, mais on se rend compte que quand le physique lâche, le mental prend le relais et nous permet de dépasser nos limites.

Racontez-nous votre plus grosse frayeur…

C’est arrivé alors que j’escaladais le Mont-Blanc. Nous étions trois en comptant le guide. La personne derrière moi a glissé et s’est retrouvée suspendue dans les airs. Comme nous étions tous encordés, elle m’a entraînée et je me suis à mon tour retrouvée dans le vide. Heureusement pour nous, notre guide a réussi à éviter la chute et nous a remontées. Quand je raconte cette histoire, on me demande si j’ai vu ma vie défiler, mais je peux vous assurer qu’à ce moment précis, je n’ai pensé qu’à une chose : m’agripper de toutes mes forces à la roche et à sauver ma peau (rires) ! Donc non, désolée de vous décevoir, on ne voit pas sa vie défiler. Il n’y a pas non plus de lumière blanche et on ne voit pas son grand-père mort venir vous faire coucou… (rires).

Et le souvenir le plus grisant ?

C’est à chaque fois grisant et chaque ascension est une explosion de joie et de satisfaction. C’est un sentiment que je ne ressens que quand j’escalade un sommet… et à aucun autre moment.

Qu’est-ce qui est le plus dur à gérer quand on grimpe ?

Le manque d’oxygène et le MAM (Mal Aigu des Montagnes). On peut être champion du monde, mais si on a le mal des montagnes, on ne peut rien faire. On ne se sent pas bien, on a le vertige, des maux de tête, des nausées, et puis ça dégénère en oedème pulmonaire ou cérébral pouvant entraîner la mort. Dès l’apparition des premiers signes, il faut faire demitour et redescendre rapidement.

Et les hommes ? Ça leur fait peur ou pas une femme sous l’emprise d’une telle passion ?

Ils ont tous pris leurs jambes à leur cou (rires) ! Ça n’engage que moi, mais je pense que les femmes qui font des choses un peu particulières font peur aux hommes. Ceci dit, j’ai beaucoup d’amis hommes qui m’encouragent et me soutiennent.

Que ressentez-vous en rentrant chez vous après un tel exploit ?

C’est difficile de retrouver ses repères, de se reconnecter à la réalité après deux ou trois semaines en montagne. Beaucoup de choses nous paraissent futiles. Nous vivons malheureusement dans une société du paraître. J’ai l’impression que pas mal de personnes lient leur bonheur aux choses  matérielles. Le bonheur, dans notre culture, est indissociable des étapes du parcours classique : études, diplôme, travail, appartement, mariage, enfants… Surtout pour une femme au Maroc, le mariage est primordial ! Moi je dis que le bonheur est relatif, la vie est courte et ça passe tellement vite ! L’essentiel est d’être en bonne santé et en adéquation avec son esprit, vivre pleinement sa vie selon ses moyens, croire en soi, en ses rêves et surtout, positiver ! Le prince charmant finira bien par débarquer un jour, il est juste bloqué dans les embouteillages (rires).

Sources Yabiladi et Femmes du Maroc

19:35 Publié dans Connaissances, Entretiens, Planète, Sport | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : meriem borja, maroc, alpinisme | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

22/09/2019

Nucléaire et climat pour les nuls

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D’après une enquête IPSOS 75% des personnes se déclarant le plus hostiles à l’électricité nucléaire croient que les centrales nucléaires contribuent « beaucoup » à l’effet de serre alors que scientifiquement c'est archi faux et que c'est exactement le contraire.

Produire son électricité avec des centrales nucléaires présente un bilan très contrasté d’avantages et d’inconvénients. D’un côté la nécessité de maîtriser le risque d’une perte de contrôle des réacteurs, la difficile gestion des déchets radioactifs, et pour ceux qui ne fabriquent pas eux-mêmes réacteurs et combustibles une dépendance absolue vis à vis des fournisseurs. De l’autre une électricité abondante et pilotable, aux coûts qui peuvent être très compétitifs… ou non en fonction des situations. Une grande économie de matières premières et d’espace. Des centrales pratiquement dénuées d’émissions de particules ou de gaz nocives pour la santé et l’environnement. Une balance à jauger en fonction des besoins et caractéristiques des pays et systèmes électriques, ce qui peut aboutir à dire oui ou non à cette technologie.

outefois, un aspect de l’énergie nucléaire semble sans contestation possible : le fait qu’il permette l’accès à une électricité à très faible impact sur le climat – comparable, voire meilleure au MWh produit, à l’éolien, au solaire ou à l’hydraulique. Un avantage massif, au regard du charbon et du gaz, source de près de 70% de l’électricité mondiale et dont la combustion émet du CO2, le gaz à effet de serre n°1 des émissions anthropiques provoquant le changement climatique en cours. Dans les scénarios énergétiques, ceux examinés par le GIEC ou d’autres experts, le nucléaire fait donc partie des mix électriques envisagés pour atténuer la menace climatique.

L’ignorance des hostiles

Mais cet aspect est-il un fait connu, partagé, permettant un débat public informé sur le sujet ? Une étude sociologique réalisée par IPSOS pour le compte d’EDF depuis 2012 chaque année semble montrer que non. Dans une mesure pour le moins alarmante pour qui souhaite une décision citoyenne sur le sujet énergétique. A partir d’une enquête réalisée par internet (1), confirmant les ordres de grandeurs d’autres études, il est permis d’affirmer que l’ignorance règne plus que la connaissance de ce fait. Que nos concitoyens sont victimes d’une grande tromperie qui pèse sur leur réflexion.

L’ignorance est massive, puisque si l’on additionne les « beaucoup » (44%) et les « un peu » (34%), on frôle les 80% des sondés attribuant aux centrales nucléaires une responsabilité dans l’élévation de la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre, et donc dans le changement climatique. Même une vision optimiste – pour l’état des connaissances de nos concitoyens – parvient quand même à constater que près de la moitié de la population se met le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

Je crois donc je sais

l’un des résultats les plus frappant de l’enquête est la dépendance à l’opinion de la diffusion d’une connaissance pourtant robuste, celle qui explique pourquoi le système électrique français est « décarboné » à près de 90%. Un peu comme la situation américaine où le vote Démocrate ou Républicain permet de prédire votre opinion sur la cause ou la réalité du changement climatique. L’enquête relie la position la plus hostile à l’usage de l’électricité d’origine nucléaire avec l’ignorance la plus massive : 75% des sondés se déclarant « tout à fait contre » l’utilisation du nucléaire croient que les centrales nucléaires contribuent « beaucoup » à l’effet de serre. La seule option de politique énergétique qui rassemble des personnes majoritairement informées de la véritable liaison entre nucléaire et climat est celle qui se déclare « tout à fait pour » cette source d’électricité. Les opinions moins tranchées se distribuent entre ces deux extrêmes.

Un psycho-sociologue y verrait une magnifique illustration du « biais de confirmation » qui encourage les individus à écarter toute information susceptible de mettre en cause leur croyance. Si l’on croit que l’énergie nucléaire, c’est mauvais, alors il faut qu’elle soit mauvaise aussi pour le climat… que l’on veut préserver.

Le souci climatique est très fort

Ce n’est pas par négligence du dossier climatique que les sondés en arrivent à partager massivement cette ignorance d’une des caractéristiques principales de l’électricité d’origine nucléaire. Ils sont en effet plus de 90% à considérer le changement climatique comme « très préoccupant » ou « assez préoccupant ». Plus encore : ils sont près de 90% à considérer que pour choisir les énergies à utiliser « lutter contre le changement climatique » est soit « très important » (49%) soit « plutôt important ». On pourrait donc s’attendre à ce que nos concitoyens fassent l’effort nécessaire pour comprendre l’origine première du problème – l’émission massive de gaz à effet de serre issus de la combustion du pétrole, du charbon et du gaz. Et donc se rendre compte de ce qu’une centrale nucléaire ne fait pas partie du problème mais, éventuellement, de sa solution.

Il convient toutefois de noter que cette enquête, après d’autres, confirme que la population française n’est pas dans l’unanimité à ce sujet. Une grosse majorité affirme, en accord avec les climatologues, que nous vivons un changement climatique anthropique, causé par l’homme, mais ils ne sont que 67% en 2017 (et n’étaient que seulement 55% en 2012).

Plus on est jeune et plus on ignore

L’analyse du détail par tranche de population fait percevoir une dégradation de la culture scientifique inversement proportionnelle… à l’âge. Plus on est jeune et plus on se trompe. Entre 18 et 24 ans, 63% de la population est persuadée du caractère climaticide des centrales nucléaires. Et encore 55% des 25 à 34 ans. Curieusement, les jeunes sont aussi plus massivement convaincus que les vieux (75% des moins de 25 ans contre 50% des plus de 65 ans) du caractère anthropique du changement climatique. Autrement dit, la préoccupation climatique ne conduit absolument pas à la connaissance de la physique du climat, laquelle nous dit qu’une centrale nucléaire n’est pas une cause du changement climatique.

Les femmes se distinguent mal, avec un score de 57% persuadées que les centrales nucléaires émettent « beaucoup » de gaz à effet de serre, mais c’est là un résultat qui trouve sa source dans… l’hostilité qu’elles marquent puisqu’elles sont 51% à se déclarer tout à fait  contre ou contre leur utilisation, alors que seuls 39% des hommes sont dans ce cas.

Le bilan des « pour/contre » l’utilisation du nucléaire pour l’électricité est proche du match nul, avec 46% de contre contre 42% de pour. Les raisons invoquées par les uns et les autres pour choisir les énergies à utiliser sont diverses : emplois, protection de l’environnement, santé publique, coût… et lutter contre le changement climatique. Mais peut-on considérer que cette dernière raison est envisagée à bon escient lorsque tant de citoyens se trompent aussi lourdement sur la relation entre centrales nucléaires et émissions de gaz à effet de serre ? Le graphique ci-dessus montre en effet que les citoyens les plus soucieux de lutter contre le changement climatique sont également les plus opposés au nucléaire. Une opinion qui serait tout à fait respectable si elle ne s’accompagnait pas d’une ignorance largement partagée sur la véritable relation entre nucléaire et climat.

Blog le Monde

22/07/2019

"Ayez le courage de dire non" : Nicolas Hulot exhorte les députés à ne pas ratifier le Ceta

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À la veille du vote solennel à l'Assemblée nationale du Ceta, le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, Nicolas Hulot met la pression sur les députés. "Ayez le courage de dire non", lance le président d'honneur de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme et ancien ministre de la Transition écologique et solidaire dans une tribune publiée lundi 22 juillet en exclusivité sur le site de franceinfo.

Le Ceta prévoit de supprimer notamment les droits de douanes sur 98% des produits échangés entre l'UE et le Canada. En France, il suscite de nombreuses réticences à droite comme à gauche, le texte a déjà donné lieu à de vifs débats entre les députés lors d'une première discussion mercredi 17 juillet.


Lettre ouverte aux députés

Demain chacun de vous aura plus de pouvoir que tous les ministres de l’écologie réunis. Demain chacun de vous sera libre de voter contre la ratification du Ceta et exiger ainsi la réouverture des négociations. Demain la voix forte d’un pouvoir législatif unanime pourra éclairer utilement un exécutif qui agit comme si ratifier le Ceta allait de soi.

Ayons collectivement l’honnêteté de dire que la réalité de cet accord est beaucoup plus complexe

Il était essentiel à l’origine de démontrer que les craintes de certains étaient non fondées. Mais reconnaissons que cela n’a jamais été possible. Le plan d’action, que j’ai moi-même endossé à l’automne 2017, n’a pas produit les résultats escomptés et les attentes légitimes n’ont pas été comblées. Nous avons échoué à apporter les garanties nécessaires sur le veto climatique, les farines animales, les nouveaux OGM, la sauvegarde du principe de précaution à l’européenne...

Nous avons échoué à réformer la politique commerciale européenne. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Sourde à nos attentes, l’Union européenne a préféré conclure rapidement des accords avec le Japon ou le Viêtnam et un accord catastrophique avec le Mercosur. Et délivrer des nouveaux mandats de négociation avec les États-Unis de Donald Trump, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sans faire plus de cas de nos alertes.

Des "premiers effets en matière de coopération alimentaire"

Pourtant ces accords commerciaux de nouvelle génération, le Ceta étant le premier d’entre eux, emportent toutes nos batailles et leurs conséquences dépassent largement nos frontières. Le gouvernement a dû finalement reconnaître que les normes qui s’appliquent sur le sol européen et celles qui s’appliquent à l’importation ne sont pas les mêmes en matière sanitaire et phytosanitaire. Ainsi, le Ceta produit déjà ses premiers effets concrets en matière de coopération réglementaire. Pour permettre l’accès au marché intérieur européen à des produits canadiens, la Commission Européenne a commencé à relever nos limites maximales de résidus (LMR) autorisées pour certaines substances et produits. En les multipliant par 10 par exemple pour la clothianidine, un pesticide néonicotinoïde interdit en Europe, utilisé au Canada sur les pommes de terre.

Le Parlement européen a bien fait une première objection mais la Commission n’a pas désarmé et compte revenir à la charge. De la même façon, elle se prépare à relever les LMR pour le 2,4-D, un herbicide entrant dans la composition de l’agent orange, considéré en France comme perturbateur endocrinien, et qui devrait en théorie être interdit en Europe suite à la définition adoptée en 2017.

La convergence vers le haut a du plomb dans l’aile. Il suffit de visionner les comptes rendus succincts des comités de suivi du Ceta pour constater que si le Canada est à l’offensive quant à la rigueur de nos normes, l’Union européenne ne montre aucune volonté de questionner l’utilisation par le Canada de 46 substances interdites en Europe.

Perturbateurs endocriniens

Le Canada ne fait lui pas mystère de ses intentions. S’il utilise déjà à son avantage les mécanismes peu transparents associés au Ceta, il n’a pas hésité non plus à s’allier au Brésil et aux États-Unis pour demander le 4 juillet devant l’OMC des comptes à l’Union européenne sur son application du principe de précaution quant aux perturbateurs endocriniens et autres substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR). Ce n’est pas nouveau. Déjà en 2016, le Canada avait fait pression avec succès sur la Commission européenne pour affaiblir sa proposition de définition des pesticides perturbateurs endocriniens. Car ce qui se joue est immense. Dans la continuité des actes précédents, l’Union européenne doit aujourd’hui faire évoluer sa doctrine de tolérance à l’importation pour aller vers une logique de tolérance zéro résidu pour les substances les plus dangereuses. Et c’est là tout l’enjeu car le marché européen est structurant pour de nombreux pays exportateurs.

Quand nous interdisons des substances dangereuses en France et a fortiori en Europe pour protéger la santé de nos populations, nous portons plus largement atteinte aux intérêts de BASF, Bayer-Monsanto, Syngenta, Dow Chemicals etc. qui, pour pouvoir vendre leurs pesticides, doivent garantir aux agriculteurs exportateurs brésiliens, américains ou canadiens que leurs produits pourront pénétrer le marché intérieur européen. Toujours prompts à défiler dans les ministères pour expliquer combien ils investissent, créent de l’emploi et pourraient le faire partout ailleurs, ce sont ces firmes qui font pression pour que l’Europe abandonne son approche unique au monde, qui considère que les substances les plus toxiques doivent être interdites sans autres considérations que leur danger intrinsèque.

Aujourd’hui, et je l’ai expérimenté, être ministre de l’écologie et vouloir faire respecter le principe de précaution est une lutte de tous les instantsNicolas Hulotà franceinfo

Quand tous les lobbys essayent déjà d’enfoncer la porte, pourquoi leur donner un bélier avec le Ceta ? Demain, ces firmes qui ont toutes des filiales au Canada pourront menacer de recourir directement à l’arbitrage. Mais alors pourquoi et pour qui ratifier le Ceta ? Pourquoi maintenant ? Pas pour notre santé, pas pour nos agriculteurs ni pour le climat, on l’aura compris.

Parce que les Canadiens sont nos amis ? S’ils le sont vraiment, pourquoi ne pas renégocier politiquement cet accord avec eux pour en supprimer les risques dispensables ? Ces accords de nouvelle génération sont loin du commerce comme facteur de concorde entre les peuples. Parce que quelques centièmes de points de croissance sont en jeu ? Parce que le commerce c’est important et qu’il faut être bon élève en Europe ? En réalité, au-delà des éléments de langage, qui sait vraiment pourquoi il faut ratifier absolument et maintenant le Ceta ?

Demain, comme le voudraient tant de Français, ayez le courage de dire non. Faisons enfin preuve de cohérence.

10:32 Publié dans Actualités, Connaissances, Entretiens, Planète, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hulot, ceta | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

17/11/2018

Baisse de l'espérance de vie au Royaume-Uni et aux Etats-unis : quand la redistribution ne fonctionne plus et l'austérité tue

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Depuis deux ans l'espérance de vie diminue aux Etats-Unis et pour la première fois cette année également au Royaume-Uni. Les causes multiples de cette régression ne sont pas exactement les mêmes entre ces deux pays, mais les inégalités et l'accès au système de santé restent des facteurs communs qui soulignent les limites des politiques pratiquées outre-Manche et outre Atlantique.

L'espérance de vie stagne au Europe depuis plusieurs années, ce qui n'est pas une bonne nouvelle. Mais qu'elle aille jusqu'à reculer en Grande-Bretagne, la sixième économie mondiale, est un signal inquiétant qui alerte les spécialistes : des pans entiers de population subissent un recul alarmant de leurs conditions de vie. Les Etats-unis ont déjà entamé cette abaissement de la longévité depuis deux ans. Comment ces deux pays parmi les plus riches de la planète peuvent-ils produire de tels reculs ? 

Dans certaines régions des Etats-Unis l'espérance de vie est plus basse qu'au Bangladesh et au Viêt Nam.

Etats-Unis : chômage faible mais grande pauvreté

Etrangement, alors que de nombreux économistes montrent en exemple les Etats-Unis pour leur quasi plein emploi, avec 4% de chômage, c'est pourtant ce pays qui génère le plus grand nombre de pauvres et d'écarts salariaux au sein des pays développés. Les injustices sociales sont une caractéristique des Etats-Unis. Le candidat à la primare démocrate, Bernie Sanders faisait ce constat en 2016 : "Une vingtaine de personnes détient la même richesse que les 50 % les moins nantis du territoire américain". Plus de 5 millions d'Américains vivent avec moins de 4 dollars par jour et comme le soulignait le prix Nobel d'économie Angus Deaton dans un éditorial du New York Times fin 2017, : "Dans certaines régions [des Etats-Unis] comme le delta du Mississippi et les Appalaches, l'espérance de vie est plus basse qu'au Bangladesh et au Viêt Nam."

Les enfants américains sont ceux qui sont confrontés au plus haut niveau de pauvreté dans le monde occidental développé

Les calculs de taux de chômage aux Etats-unis ne reflètent pas la réalité de la bonne santé économique et sociale des citoyens : des millions de personnes ne sont pas comptabilisées comme étant sans emploi parce qu'elles sont soit en prison, subissant des mini-jobs, malades, ou simplement n'étant pas inscrites dans l'équivalent des pôles-emploi américains. Près de 45 millions de personnes sont considérées comme "pauvres", soit 13,5% de la population . Ces chiffres sont contestés par des universitaires qui estiment que la pauvreté aux Etats-Unis est bien plus importante. Une étude publiée fin 2009 sur la pauvreté des enfants fait ce constat effarant : "Les enfants américains sont ceux qui sont confrontés au plus haut niveau de pauvreté dans le monde occidental développé".

Les Etats-Unis sont le pays le plus riche du monde, avec les plus hauts revenus par habitants et pourtant une part importante de sa population vit dans de très mauvaises conditions, au point de faire baisser l'espérance de vie de l'ensemble de la nation. Les raisons concrètes de cette baisse sont connues et sont dûes principalement à la mauvaise alimentation, la difficulté d'accès aux soins, la prise de drogues et de médicaments opiacés.

Royaume-Uni : quand l'austérité tue

Le Royaume-Uni subit des problèmes d'inégalités sociales et de grande pauvreté depuis des décennies, mais avec une explosion de ceux-ci depuis 2011 : la crise financière de 2008 a incité les différents gouvernements britanniques à appliquer des cures d'austérité budgétaires drastiques.

Dans le quartier le plus cher de Londres, à Chelsea, les riches vivent en moyenne 16 ans de plus que les pauvres.

La longévité est en baisse au Pays de Galle et en Ecosse et cette baisse est clairement reliée au niveau de vie des habitants : francetvinfo explique que "Dans le quartier le plus cher de Londres, à Chelsea, les riches vivent en moyenne 16 ans de plus que les pauvres". 

La population la plus touchée et la plus fragile au Royaume-Uni est celle des personnes âgées qui ne peuvent souvent pas se payer une alimentation correcte, les prix ayant flambé, pas leurs pensions. Le budget du système de santé a été grévé et de nombreux services ne sont plus fournis, comme les repas livrés à domicile ou les bus en zone rurale. Les prises en charge de problèmes de santé causés par la pollution  sont le plus souvent effectuées en urgence. Alcoolisme, prises d'anti-dépresseurs, suicides causés par l'isolement social et économique : les personnes âgées meurent de plus en plus prématurément au Royaume-Uni.

Interrogé par Le Monde, un chercheur de l'université d'Oxford, Danny Dorling résume la situation : "Si plus de gens vivent sous le seuil de pauvreté, qu’on réduit les aides aux personnes âgées, que le budget du système de santé ne progresse pas, qu’il y a plus de sans-abri, peut-être qu’on ne devrait pas être surpris des conséquences".

Sachant que le taux de longévité a été "gonflé" par l'arrivée des jeunes immigrés polonais venus chercher du travail, la réalité de la baisse de l'espérance de vie britannique va très vite devenir difficile à cacher. Le chercheur Danny Dorling n'est pas optimiste et pense que cette baisse va continuer et s'amplifier. Le problème central qui n'est pour l'heure pas discuté, pour cause de batailles politiques sur le Brexit, est en fait celui de la redistribution des richesses. Mais l'Etat britannique ne semble pas désireux de s'emparer du sujet, surtout quand il se vante de son taux de chômage à 4% gagné par des mesures de restrictions des droits des chômeurs, de contrôles ultra sévères et de "contrats 0 heure"

 

19:19 Publié dans Actualités, International, Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : usa, grande bretagne, pauvreté | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!