LES FRANÇAIS ET LA PAUVRETÉ : UNE CRAINTE DE PLUS EN PLUS FORTE, UN SEUIL TOUJOURS AUSSI ELEVÉ La crainte de voir ses enfants tomber dans la pauvreté se répand de plus en plus au sein de la population, notamment au sein des catégories populaires De plus en plus de Français craignent de voir leurs enfants tomber dans la pauvreté. En effet, pour 85% d’entre eux – ils étaient 80% il y a un an –, les risques que leurs enfants connaissent un jour une situation de pauvreté sont « plus élevés » que pour leur génération. Et cette crainte semble bien ancrée si l’on en juge la proportion de Français qui jugent ces risques « beaucoup plus élevés » : 55% cette année, contre 47% l’an dernier. Par ailleurs, la proportion de personnes jugeant cette éventualité très élevée croît beaucoup plus dans les catégories populaires (+ 14 points en un an) que dans les catégories supérieures (+ 5 points). Ainsi, plus des deux tiers des employés et des ouvriers (67%) jugent cette éventualité très élevée pour leurs enfants. Mais le fait que cette crainte s’accroit aussi chez les cadres et professions intermédiaires – où elle atteint 45% - indique que la hausse de l’inquiétude est générale. A noter que ces risques apparaissent chez les répondants d’autant plus élevés que leur niveau d’étude est bas : inférieur à la moyenne chez les diplômés du supérieur - où elle atteint déjà le chiffre de 46% -, elle monte à 59% chez ceux qui ont un niveau d’études inférieur au Bac. Les Français situent le seuil de pauvreté au-dessus du seuil officiel établi pour le RSA Officiellement, le seuil de pauvreté établi pour l’obtention du Revenu de Solidarité Active est de 880 € pour une personne seule, c'est-à-dire 60 % du revenu médian (norme Eurostat). Or, ce seuil est loin du niveau de revenu en dessous duquel les Français considèrent une personne pauvre dans un pays comme la France. En effet, d’après cette enquête, ces derniers situent, en moyenne, le seuil de pauvreté à 1 006 € nets/mois pour une personne seule, soit exactement le niveau du SMIC net mensuel avant sa réévaluation du mois dernier. A noter qu’il y a an, ils situaient ce seuil à peu près au même niveau : en moyenne à 1 016 € nets. Le salaire minimum reste donc dans l’esprit des Français comme la barrière en dessous de laquelle ils considèrent une personne pauvre. Cependant, certaines catégories de Français – parmi les plus sensibles à la hausse du coût de la vie – situent ce seuil à un niveau beaucoup plus élevé qu’il y a un an. C'est le cas des personnes âgées qui le situent désormais à un niveau plus élevé que la moyenne : 1 094 €, soit 91 € de plus qu’il y a un. C'est surtout le cas des foyers aux revenus les plus modestes (moins de 1 200 € nets/mois) qui le situent à 989 €, soit 123 € de plus qu’il y a un. Ainsi, dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, les plus fragiles semblent vivre une réelle aggravation de leur situation. De manière plus générale, il faut retenir que ce seuil de pauvreté est pour les Français d’autant plus élevé qu’ils sont âgés, aisés socialement et diplômés. Ainsi, ce seuil est à un niveau particulièrement bas chez les non diplômés (863 €), les catégories populaires (934 €) et les jeunes de moins de 35 ans (969 €). Pour le reste, on note que l’écart de perception du seuil de pauvreté se creuse entre les habitants de la région parisienne (1 197 €, + 22 €) – où la vie est plus chère - et les provinciaux (963 €, - 17 €). Une conception de la pauvreté élargie aux conditions de vie d’ordre matériel ou culturel Au-delà de cette évaluation « monétaire » de la pauvreté, différentes situations sont perçues par les Français comme un signe de pauvreté. En effet, leur conception de la pauvreté ne se limite pas au seul état d’indigence Aux yeux des Français, la pauvreté, ce n'est pas seulement être dans le dénuement total mais aussi ne pas pouvoir accéder à la culture, aux loisirs ou aux soins. Par exemple, en ce qui concerne l’alimentation, l’accès au minimum vital nécessaire à tout individu n’est pas considérée comme suffisante pour échapper à la pauvreté. Pour la quasi-totalité des Français (92%), ne pas réussir à se procurer une alimentation « saine et équilibrée » est aussi un signe de pauvreté. Leur conception de la pauvreté est donc aussi qualitative que quantitative. De même, pour trois Français sur quatre, une personne est pauvre lorsqu’elle a du mal à envoyer ses enfants en vacances au moins une fois par an (74%) ou si elle a du mal à accéder à des biens ou des activités culturelles et de loisirs pour soi ou sa famille (75%). A noter que la proportion de Français percevant le non accès à des biens culturels comme un signe pauvreté croît de manière significative : + 6 points en un an. Quant aux difficultés à envoyer ses enfants en vacance, les Français les perçoivent d’autant plus comme un signe pauvreté lorsqu’ils sont âgés, peu diplômés et situés en bas de l’échelle sociale. LES DIFFICULTÉS D’ACCES A LA SANTÉ : UN AUTRE SIGNE DE PAUVRETÉ Dans le cadre de la seconde vague du baromètre, Ipsos et le Secours populaire ont consacré un volet spécifique aux questions de santé et plus particulièrement aux problèmes d’accès aux soins qu’ils soient liés à des questions de coût ou de distance. Deux Français sur cinq ont déjà retardé ou renoncé à des soins à cause de leur coût L’enquête révèle qu’à cause de leur coût, près de deux Français sur cinq (39%) ont déjà retardé ou renoncé à des soins, cette proportion montant à 52% dans les foyers les plus pauvres (moins de 1 200 € nets / mois). Ainsi, près d’un Français sur trois a déjà retardé ou renoncé à l’achat de prothèses dentaires (31%) ou de lunettes (29%). Et il faut souligner qu’en ce qui concerne l’achat de produits d’optique, cette proportion est deux fois plus élevée dans les foyers les plus pauvres (40%) que dans les foyers les plus riches (20%). Pour le reste, il y a moins de difficultés d’accès aux soins même s’il faut souligner qu’à cause de leur coût, un quart des Français a déjà retardé ou a renoncé à une consultation chez un spécialiste (24%) ou chez un dentiste (23%). Cette proportion passe à 19% pour une consultation chez un ophtalmologiste, à 18% pour l’achat de médicaments, à 16% pour des radios ou des analyses en laboratoires et tombe à 14% pour une consultation chez un médecin généraliste. A noter que si cette proportion n’est que de 11% pour une consultation chez un psychiatre ou chez un psychologue, c'est aussi parce qu’une part importante (36%) déclare ne pas être concernée par ce type de soins. De plus en plus de Français renoncent à consulter leur médecin en raison de la distance L’étude révèle que 17% des Français ont déjà renoncé à une consultation chez un médecin pour des raisons d’éloignement géographique. Mais dans un contexte de hausse du prix des carburants,/ l’enquête montre aussi que leur nombre a sensiblement augmenté par rapport à l’an dernier. Pour ce qui est des généralistes, la proportion de personnes ayant déjà renoncé à une consultation est passée de 6% (enquête Ipsos / C.I.S.S. du mois de septembre 2007) à 9% en un an. Et pour ce qui est des spécialistes, cette proportion est passée de 9 à 13%. Ainsi, la proportion de personnes ayant déjà renoncé à une consultation est toujours plus importante pour les consultations de spécialistes que pour les consultations de généralistes. Sans doute que la densité du maillage territorial des médecins traitants n’y est pas étrangère. Dans le détail des résultats, on note pour les consultations de généralistes que cette proportion décroît avec l’âge et le niveau social des répondants. Et en termes d’évolution, leur proportion connaît une croissance d’autant plus forte que les répondants sont jeunes, résidant en milieu rural ou issus de foyers aux revenus modestes. Par exemple, en un an, la proportion de personnes y ayant renoncé a augmenté de 8 points dans les foyers les plus pauvres, contre seulement 1 point dans les foyers les plus riches. DE FORTES DISPARITÉS EN MATIERE DE SANTÉ ET D’ALIMENTATION EQUILIBRÉE En dehors de leurs problèmes d’accès aux soins, cette enquête montre que les plus pauvres perçoivent leur état de santé de façon plus négative que le reste de la population, sachant que près de la moitié admettent avoir du mal à se procurer une alimentation saine et équilibrée. Le niveau de satisfaction des Français à l’égard de leur état de santé est étroitement corrélé à leur âge et à leur niveau de revenus Dans l’ensemble, le taux de satisfaction des Français à propos de leur état de santé est élevé : ils sont neuf sur dix (89%) à se dire satisfaits de leur état de santé par rapport aux personnes de leur âge, plus d’un tiers (36%) se disant même « très satisfait ». Cependant, chez les Français peu ou pas satisfait de leur état de santé (10% en moyenne), on note de très grandes différences en fonction de l’âge, du niveau d’étude ou du niveau de revenu du répondant. Ainsi, la proportion d’insatisfaits est trois fois plus élevée chez les 60 ans et plus (15%) que chez les moins de 35 ans (6%). De même, leur proportion est deux fois plus forte chez ceux ayant un niveau d’études inférieur au Bac (12%) que chez les diplômés de l’enseignement supérieur (5%). Mais surtout, l’insatisfaction à l’égard de son état de santé est particulièrement forte chez les personnes ayant les plus bas revenus : 22% des répondants aux revenus inférieurs à 1 200 € nets par mois se disent insatisfait de leur état de santé, contre seulement 3% des répondants ayant des revenus supérieurs à 3 000 € nets par mois. Le taux de satisfaction des français appartenant aux catégories de revenus comprises entre 1 200 et 3 000 € se situe, lui, dans la moyenne. Un tiers des Français n’a pas les moyens de s’offrir une alimentation saine et équilibrée Ces différences sociales dans la perception de son état de santé se retrouvent sur les questions d’accès à une alimentation saine et équilibrée. Dans l’ensemble, la grande majorité de Français situe plutôt bien sa situation en matière d’alimentation : 81% ont le sentiment d’être bien informé sur le sujet, 80% déclarent avoir globalement une alimentation saine et équilibrée et 70% disent avoir les moyens financiers pour disposer d’une alimentation saine et équilibrée. Cependant, sur ce dernier point, il faut relever quand même que près d’un Français sur trois (30%) n’a pas les moyens de s’offrir une alimentation saine et équilibrée, cette proportion montant à 39% chez les employés et à 42% chez les ouvriers. Et en termes de revenus, les inégalités d’accès à une alimentation saine et équilibrée sont encore plus fortes, touchant près d’une personne sur deux (46%) dans les foyers les plus modestes (moins de 1 200 € nets par mois), contre seulement 12% des individus dans les foyers les plus riches (3 000 € nets par mois). |