22/04/2016
Le frère du Che : « Votre président est socialiste, ah bon ? »
Un demi-siècle après la mort de Che Guevara, son frère Juan Martin milite pour perpétuer son héritage, et, derrière l’icône, dévoile l’homme dans un livre "Mon frère le Che" (Calmann-Lévy). A l’heure où Cuba se rapproche des USA, où des mouvements de jeunesse secouent l’Europe, le septuagénaire argentin défend encore l’esprit de la « revolucion ». Rencontre.
Pourquoi avoir mis tant de temps à parler publiquement du Che, votre frère aîné de 15 ans ?
Le processus a été long…Au départ, je ne voulais pas parler de mon frère. J’ai commencé à réfléchir après des conférences, la création d’une association, et après avoir rencontré Armelle Vincent ( NDLR : journaliste française qui a co-écrit le livre). Il s’est à la fois passé des choses dans mon for intérieur, et à l’extérieur, dans le monde. Les mouvements sociaux dernièrement à travers le monde m’ont fait réfléchir. C’était le moment de remettre le Che au cœur de la société ! Il y avait aussi la pression des compagnons du Che, ils me poussaient à parler…On me disait, notamment à Cuba, que j’étais égoïste de ne pas vouloir parler du Che.
Etait-il facile de s’attaquer à la fois au mythe et en même temps au grand frère ?
Ce n’est ni une biographie, ni un livre politique. La première chose, c’était de transformer le Che en Ernesto Guevara. Comme il est présenté comme un mythe, il n’aurait pas eu d’enfance, pas de famille, ce serait une statue, un Dieu. Certains ont souvent comparé les deux, beaucoup a été fait pour nuire à leur image, pour manipuler leur histoire et présenter un autre passé, moi je voulais remettre l’authentique contenu dans l’image. Celui du Che, hein, pas du Christ !
« Je ne veux pas que le mythe du Che se convertisse en religion »
Pourquoi l’esprit du Che a-t-il traversé les décennies ?
Il y a plusieurs raisons, mais fondamentalement son combat contre l’injustice, son désir de changer le monde, sa cohérence politique, une vision à long terme, sa vision de la solidarité. Pour lui, l’homme ne naissait pas méchant et destructeur. Les guerres ne sont pas le résultat de la folie des hommes, mais dépendent de la défense de certains intérêts. Il y a une vraie différence avec la religion : elle, parle de l’après, de l’au-delà, l’esprit du Che, c’est le concret, c’est la vie terrestre. Mais je ne veux pas que ce mythe du Che ne se convertisse non plus en religion, il faut le ramener à la terre !
Mais lorsqu’on voit le Che sur les tee-shirts du monde entier, son image dépasse tout ça ?
Moi qui étais commerçant de vins et de cigares havanes, de livres, et même de confiture, je peux dire qu’un commerçant vend ce qui se vend. Et le Che, ça fait vendre ! Celui qui le vend est un commerçant, mais celui qui le porte l’achète pour le symbole. Maradona, Mike Tyson, et Renaud que j’ai rencontré l’autre jour à la télévision française, le portent comme tatouage.
Dans les mouvements actuels, l’esprit du Che est-il présent ?
Le « Che » reste une référence, mais ce ne sont pas ses idées qui sont à la source de ces mouvements. C’est l’injustice, la situation, qui les fait naître. Lui va aider à approfondir les questions politique, économique, sociale. Un peu comme Robespierre avec la Révolution française. Parfois, il y a eu des Révolutions et ils se sont réapproprié l’esprit du Che après, comme chez les Soviétiques. C’est un référent au même titre que Lénine…
« On ne sait plus ce qu’est le socialisme »
Le Cuba de 2016, au moment où il s’ouvre vers les USA, vit-il encore sur les idées du Che ?
Le monde en général ne vit plus sur des principes socialistes aujourd’hui, ce sont les principes capitalistes qui dominent. Il reste quelques endroits rares, où il résiste. Le socialisme est donc dans une position de défense. Les Etats-Unis ont un objectif : transformer Cuba si possible en pays capitaliste. La position des Cubains, elle, est contradictoire : d’un côté, ils veulent continuer à résister, garder leur santé et leur école gratuites, de l’autre ils veulent accéder aux richesses, à la technologie, avoir des écrans plats, des iPods. Ça convient aux deux pays aujourd’hui de se rapprocher. Le système est déjà hybride. Le socialisme ne s’est pas stabilisé, il s’est effondré. On ne sait plus ce qu’est le socialisme. Votre président François Hollande est socialiste ? Ah bon ? Comme ci, comme ça (en français dans le texte). Les bénéfices générés par la production ne reviennent pas en bas, mais en haut, et c’est l’un des problèmes principaux du capitalisme. Sans compter que cette énorme productivité nuit à l’environnement, brise des vies humaines.
Gardez-vous l’âme d’un anti-capitaliste, et l’âme d’un révolutionnaire ?
Oui, définitivement, celle d’un anti-capitaliste. Le capitalisme ne fonctionne pas, produit une société injuste qui ne peut durer comme ça, on doit trouver une alternative qui rétablisse l’équilibre. Le socialisme soviétique ne marche pas, le communisme chinois non plus, les nouvelles générations doivent trouver une nouvelle voie. Quelle révolution peut-on encore espérer ? La Française ? La Russe ? Celle de Mao ? Elles ont toutes eu à se confronter au pouvoir avec plus ou moins de succès.
« Je n’ai pas vécu dans l'ombre du Che, il a plutôt été une lumière pour moi »
Des révolutions sont-elles encore possibles aujourd’hui ?
Ce système n’est pas possible pour une révolution. Mais le système tel qu’il existe aujourd’hui n’est plus bon. Même si je me dis marxiste, on ne peut appliquer aujourd’hui ce que Marx disait en 1948. Pareil pour la pensée léniniste. Il y a un cheminement à trouver qui peut passer par une révolution ! Mais ce n’est pas un seul pays qui peut aller dans cette voie-là, c’est l’humanité toute entière, car on a tous les mêmes intérêts aujourd’hui.
Si le Che vivait encore aujourd’hui…
…L’Amérique latine serait libre ! Moi, je ne suis pas le même qu’à l’âge de 20 ans, et le Che ne le serait pas non plus. Le Che était par exemple en désaccord avec Fidel sur le rapprochement avec l’Union soviétique. Il pensait que l’Union soviétique utilisait en fait les armes du capitalisme. Comme les pays communistes pensaient qu’ils allaient triompher du capitalisme, ils attendaient que ce système de l’ouest s’effondre. Ces derniers ne devaient pas emprunter ni l’un, ni l’autre, ou attendent qu’ils s’effondrent, mais choisir une troisième voie.
A-t-il été difficile pour vous de vivre dans l’ombre du Che ?
Non, ça n’a pas été une ombre, ça a été une lumière ! Pas seulement comme frère, mais comme référent, comme modèle. Et j’espère qu’il le restera pour les générations futures. Mais les éléments ne sont pas réunis aujourd’hui pour qu’on trouve un nouveau Che, ou une nouvelle Chea !
« Mon frère le Che » (éditions Calmann-Lévy) par Juan Martin Guevara avec Armelle Vincent
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01/12/2013
LES MEDIAS FACE AU DEFI DE L'IMPARTIALITE
Salim Lamrani, Maître de conférences à l’Université de la Réunion et journaliste spécialiste de Cuba, vient de sortir un nouvel ouvrage aux Editions Estrella avec un titre éloquent : Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité. Ce livre de 230 pages se divise en neuf chapitres. Il est introduit par une préface du grand écrivain uruguayen Eduardo Galeano, auteur du célèbre livre Les veines ouvertes de l’Amérique latine. Lamrani, comme pour tout bon historien et chercheur, enrichit toujours son travail par des sources abondantes, avec pas moins de 350 notes dans cet ouvrage. Entretien avec Salim Lamrani par André Garand, France-Cuba Marseille.
André Garand : Salim Lamrani, parlez-nous de votre dernier ouvrage.
Salim Lamrani : Ce livre part du postulat suivant : le phénomène de concentration de la presse entre les mains du pouvoir économique et financier est devenu, partout en Occident, une réalité indéniable. Or, ces médias, qui sont liés aux puissances d’argent et qui défendent l’ordre établi, sont souvent confrontés au défi de l’impartialité, surtout lorsqu’il s’agit de Cuba. Il leur est difficile de présenter de manière objective une nation dont le projet de société défie l’idéologie dominante. De plus, Cuba est, par définition, un sujet médiatique qui suscite critiques et controverses et attise régulièrement les passions.
André Garand : Quels thèmes abordez-vous dans ce livre ?
Salim Lamrani : Mon livre tente d’apporter une réponse aux questions suivantes : Comment les médias présentent-ils la réalité cubaine ? De quelle manière abordent-ils des problématiques aussi complexes que les droits de l’homme, le débat critique, l’émigration, le niveau de développement humain et les relations avec les États- Unis ? Remplissent-ils réellement leur rôle de quatrième pouvoir ? Sont-ils capables de s’émanciper du pouvoir politique, des puissances d’argent et d’apporter une vision plurielle sur la société cubaine ? Car une presse libre et indépendante est essentielle dans toute démocratie et elle s’accompagne, à l’évidence, d’un devoir de vérité informationnelle vis-à-vis des citoyens.
André Garand : Pourquoi les médias sont-ils si critiques à l’égard de Cuba ?
Salim Lamrani : Cuba, depuis le triomphe de la Révolution et l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro, est un sujet de débat vif et animé. Il est une raison essentielle à cela : le processus de transformation sociale initié en 1959 a bouleversé l’ordre et les structures établis, a remis en cause le pouvoir des dominants et propose une alternative sociétale où – malgré tous ses défauts, ses imperfections et ses contradictions qu’il convient de ne pas minimiser – les puissances d’argent ne règnent plus en maître, et où les ressources sont destinées à la majorité des citoyens et non à une minorité.
André Garand : Eduardo Galeano, célèbre écrivain latino-américain, a rédigé la préface de votre livre.
Salim Lamrani : Eduardo Galeano a effectivement rédigé un texte incisif non dépourvu de l’humour sarcastique, si caractéristique de son style, sur Cuba et les médias. J’en profite pour le remercier chaleureusement d’avoir bien voulu associer son nom et son prestige à mon travail. J’en profite également pour remercier publiquement Estela, journaliste espagnole, qui m’a aidé dans cette tâche.
André Garand : La quatrième de couverture comporte une citation de Jean-Pierre Bel, notre Président du Sénat, qui vous remercie pour votre travail. Elle dit la chose suivante : « Merci pour ce regard sur Cuba, tellement utile ». C’est une belle reconnaissance, non ?
Salim Lamrani : Le Président Jean-Pierre Bel est un grand ami de Cuba. C’est un grand connaisseur de l’Amérique latine. Il est très attaché à la liberté d’expression et à la pluralité d’opinions. Il est issu d’une famille de résistants communistes et est un grand admirateur de la Révolution cubaine. Il a lu certains de mes ouvrages et m’a fait parvenir ce petit mot. Je l’en remercie grandement.
André Garand : Une citation de Robespierre, à qui vous dédiez votre ouvrage, introduit le livre. Pourquoi ce choix ?
Salim Lamrani : Robespierre parlait de passer la « vérité en contrebande » car il avait la conviction profonde qu’elle finirait par triompher. Je partage cette foi.
Maximilien Robespierre est le plus pur patriote de l’Histoire de France. C’est la figure emblématique de la Révolution, le défenseur de la souveraineté populaire. Il avait compris dès le départ que les puissances d’argent étaient le principal ennemi du peuple, de la République, de la Patrie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’idéologie dominante vilipende tant son héritage. Ses aspirations à la liberté et à la justice sociale sont toujours d’actualité.
Nous vivons une époque assez curieuse. On glorifie les ennemis du peuple et on méprise ses défenseurs. Prenez la ville de Paris : Pas une rue ne porte le nom de notre Libérateur, pas une statue à l’effigie de Robespierre, alors que le traitre Mirabeau a un pont et Adolphe Thiers, le boucher de la Commune qui a fait fusiller 20.000 patriotes en une semaine, dispose d’un square et d’une statue. Rendez-vous compte, le 22 septembre, jour de la Fondation de notre République, n’est même pas célébré en France.
Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité
Préface d’Eduardo Galeano
Paris, Editions Estrella, 2013
230 pages
18€
Disponible auprès de l’auteur : lamranisalim@yahoo.fr
Egalement en librairie : http://www.librairie-renaissance.fr/9782953128437-cuba-le...
Et chez Amazon
http://www.amazon.fr/Cuba-Medias-Face-Defi-lImpartialite/...
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04/02/2013
Mariela Castro Espin: «Cuba surprend toujours, même nous, nous surprenons»
Fille du président Raul Castro et de Vilma Espin, grande figure de la révolution cubaine, aujourd’hui disparue, Mariela Castro Espin, âgée de quarante-neuf ans, est directrice du Centre national d’éducation sexuelle cubain (Cenesex). Rebelle, militante opiniâtre des droits des homosexuels et des transsexuels, longtemps discriminés, elle est à l’origine d’importants changements les concernant. Entretien.
Vous menez depuis plusieurs années un combat en faveur de la liberté d’orientation sexuelle et de l’identité du genre à Cuba. Où en êtes-vous actuellement ?
Mariela Castro. Nous sommes dans un bon moment. C’est le résultat d’un travail de plusieurs années. Depuis la création de la Fédération des femmes cubaines, dans les années soixante, des chemins ont été ouverts et ont permis peu à peu de désarticuler les préjugés liés à la sexualité et au genre. Ce travail nous a permis d’aborder avant de les affronter d’autres formes de discriminations qui existent tous les jours dans notre culture et notre société.
S’agissant de l’homophobie, changer la façon de penser de toute une société n’est pas facile. Mais chaque action peut réussir, par le biais d’une incidence, dans le domaine éducatif, s’appuyant sur les moyens de communication, télévision et radio, dans le cadre d’une stratégie complexe. Il faut être partout. Cela implique la présence d’une volonté politique pour opérer tous ces changements et qu’elle soit exprimée par le biais d’une loi concrète, explicite, qui puisse s’emparer de ce problème.
Vous avez élaboré un projet de loi, avance-t-il ?
Mariela Castro. Une de nos propositions législatives concerne le Code de la famille, code civil approuvé en 1975, à l’initiative de l’organisation des femmes, et largement discuté. Ce Code fonctionne mais, depuis plus de quinze ans, nous participons, en tant qu’institution, au combat de la Fédération des femmes cubaines pour le transformer afin de mieux garantir les droits des femmes, des enfants, des handicapés et des personnes âgées. Dans cette logique, le Cenesex propose un nouvel article incluant la libre orientation sexuelle et l’identité des genres.
Ce n’est pas un Code dont l’accomplissement est obligatoire, mais il sert à établir des valeurs au sein de la famille. J’ajoute que ce Code, une fois qu’il sera voté, devra inclure par la suite d’autres éléments parce que beaucoup d’autres législations vont aussi changer. Avec la nouvelle loi, les transsexuels auront le droit de modifier leurs documents d’identité. Ce qui suppose qu’ils soient soumis à une intervention chirurgicale pour changer de sexe. En 2008, nous avons déjà réussi, sous l’égide du ministère de la Santé, à établir des procédures d’assistance de santé spécialisée dont les personnes transsexuelles ont besoin, y compris pour le changement de sexe.
Ces interventions sont totalement gratuites et rentrent dans le budget de l’État. Nous sommes le seul pays à l’avoir fait complètement. Mais on ne change pas encore les identités, s’il n’y a pas d’intervention chirurgicale. Tel est le projet de loi. Il est rédigé, il ne reste plus qu’à le présenter à la discussion politique.
Ne vous êtes-vous pas heurtée à des obstacles d’ordre politique et religieux ?
Mariela Castro. Les freins ne sont pas les préjugés de toute la population. Dans cette société hétérogène dans laquelle nous vivons, dans les églises, et même dans d’autres structures existantes, des gens nous soutiennent et d’autres pas. Des responsables religieux sont d’accord, d’autres non. Il n’y a pas de confrontation avec le Parti communiste et son département idéologique, ni avec le médiateur qui a été très attentif et respectueux.
Nous leur avons exposé nos arguments et ils ont eux-mêmes dialogué avec les religieux qui n’étaient pas d’accord. Il n’y a pas de malaise, des soucis oui, mais pas de malaise. Nous avons parlé de notre préoccupation à ne pas transgresser les personnes, à ne pas leur porter atteinte. Seul le dialogue peut régler les contradictions. Mais il y a des points sur lesquels nous ne céderons pas, par exemple, les opérations pour le changement de sexe.
Nous le considérons comme un traitement de santé et là, nous ne transigerons pas. Il faut le faire, c’est un droit. Nous savons que, par rapport au mariage des personnes de même sexe, plusieurs églises ne l’approuvent pas. Plutôt que de créer une catégorie avec le mariage homosexuel, ce n’est pas nécessaire, nous proposons une union légale qui puisse garantir les droits des personnes de même genre. Elles ne doivent pas être discriminées, ni exclues.
L’objectif est qu’elles aient les mêmes garanties que les couples hétérosexuels, notamment du point de vue du patrimoine. Notre proposition est l’union consensuelle : les couples de même sexe ont les mêmes droits que les couples de sexe différent. Il n’y a pas de différence. On ne parle pas d’adoption.
"Une société en transition socialiste telle que la société cubaine doit être vigilante à ne pas reproduire les mécanismes de domination préexistants"
Même si on pouvait l’envisager, ce que je pense, les résistances sont là. Au fur et à mesure que notre population avance et qu’elle surmontera ses préjugés, ce ne sera pas un souci. Nous avons observé le processus de progrès législatifs dans d’autres pays, même européens, et ils ont dû procéder de la même manière, commencer par une chose d’abord et passer à une autre.
En ce qui nous concerne, nous ne proposons ni mariage, ni adoption des mineurs. Nous avançons dans la reconnaissance des droits de la population et du genre.
S’agit-il d’une bataille d’émancipation dans le cadre du processus révolutionnaire cubain ?
Mariela Castro. Bien entendu ! C’est la plate-forme, le scénario. Moi, j’ai une formation marxiste qui me permet de comprendre la société dans laquelle je vis et ce que nous entendons par socialisme. Une société en transition socialiste telle que la société cubaine doit être vigilante à ne pas reproduire les mécanismes de domination préexistants.
Je pense que cette bataille pour la dignité pleine des personnes est en cohérence avec un processus de transformation sociale pour l’émancipation des êtres humains qu’est le socialisme. Cette idée, on ne peut pas la perdre de vue. Sans elle, justement, on continue ailleurs à reproduire les mêmes schémas avec les femmes, les homosexuels ou les immigrants.
Pour la première fois dans l’histoire du PCC, dans le document qui sera présenté à la conférence nationale en janvier 2012, on parle des droits à l’orientation sexuelle. On le discute dans toute la population. Nous, au Cenesex, nous avons fait pas mal de suggestions, notamment d’y inclure le concept d’identité des genres et non seulement l’orientation sexuelle. Car, avec cette identité, on a la protection des personnes par rapport au genre.
Vous parlez du respect de la personne humaine et de ses droits pleins et entiers, n’y a-t-il pas aussi d’autres combats à mener sur la liberté d’expression ?
Mariela Castro. Personne ne peut nous empêcher de nous exprimer. Ça, c’est un mythe. Personne ne peut se taire à Cuba. Le système colonial espagnol n’a pas pu nous faire taire, ni le colonialisme nord-américain, pas plus que la dictature militaire imposée par les États-Unis. Nous avons toujours dit ce que nous pensons. Chacun est maître de ce qu’il dit, de ce qu’il fait. Il faut aussi en assumer la responsabilité.
La liberté, c’est assumer ses responsabilités, de jouer le tout pour le tout, de prendre des décisions. Et c’est vrai partout. Par rapport à la liberté de la presse, je serais tenté de dire que nulle part elle n’existe. Elle dépend de ceux qui maîtrisent les moyens de communication, les propriétaires, les groupes financiers, les actionnaires, les éditeurs, la politique d’État.
À Cuba, il y a un grand nombre de blogs indépendants et des milliers de blogueurs intéressants, courageux dans leurs remises en questions tout en assumant leurs responsabilités, sans apport d’argent d’un pays qui veut nous maîtriser, nous harceler. Certes, un petit nombre d’entre eux reçoivent de l’argent du gouvernement des États-Unis pour inventer des histoires contre Cuba.
"Qui connaît vraiment, autrement que par la déformation, la réalité quotidienne des Cubains et leur capacité d'avancer?"
Depuis plus de cinquante ans, nous subissons une véritable guerre idéologique dans le but d’achever la révolution. La campagne médiatique contre Cuba est de plus en forte. Le département d’État américain y a injecté plus de 20 millions de dollars. Avec cet argent, il paie des blogueurs, des journalistes nord-américains ou européens, pour nous discréditer. Mais qui connaît vraiment, autrement que par la déformation, la réalité quotidienne des Cubains et leur capacité d’avancer ?
Concernant Cuba, je souhaiterais une presse plus critique, qui fasse un vrai travail d’enquête. Et critiquer ne veut pas dire manquer de respect si cela répond à l’éthique journalistique.
Un seul parti dominant la politique cubaine, est-ce suffisant ?
Mariela Castro. Bon ! Celui qui a inventé le parti unique, ce n’est pas Fidel, mais José Marti. Face à la menace étrangère, il n’y avait pas d’autre option que de rallier la volonté des Cubains, ce que Marti appelait le «parti révolutionnaire». Le PCC a hérité de ce parti révolutionnaire créé par José Marti.
Grâce à l’unité dans ce parti unique, on a réussi à gagner l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne, mais elle a été frustrée du fait de l’intervention nord-américaine. Les Cubains se sont encore unis pour accéder à leur souveraineté. C’est pourquoi c’est un parti qui comprend énormément de diversité, inclut les religions et a différentes positions. Mais le principe est très clair sur la souveraineté nationale, la défense de cette souveraineté, le développement du pays sur la base de la justice et de l’équité sociale.
Voilà, c’est ça, le projet. Le peuple cubain a ce qu’il veut. Le PCC ne postule pas aux mandats électifs, c’est le peuple dans les quartiers qui décide et postule.
Quel est le sens de la formule de votre père, Raul Castro, quand il dit : il faut avancer « pas à pas » ?
Mariela Castro. Tout changement brusque peut être d’une grande irresponsabilité. Le processus de construction et le changement d’état d’esprit exigent du temps, beaucoup plus qu’une consultation populaire. Quand il dit «pas à pas», c’est consolider chaque pas que l’on fait, ne pas être superficiel et n’oublier personne. Il m’a dit à plusieurs reprises d’essayer d’avoir un point de vue éducatif auprès de la population avant de l’amener sur un projet de loi, sinon celle-ci ne sera jamais votée.
Ce que nous avons fait en sensibilisant les Cubains, les députés. Lui travaille dans ce sens, je crois que c’est un bon stratège. Des gens aimeraient que Cuba se presse dans les changements. Lui répond : «Je voudrais me presser, mais je ne peux pas imposer.» Il faut trouver un certain consensus, tout au moins, pouvoir compter sur la majorité.
Quelles sont les priorités pour les Cubains aujourd’hui ?
Mariela Castro. Des tas de choses ! Surtout il s’agit de renforcer notre économie pour être autosuffisants. D’une certaine manière, le tourisme peut nous aider à réaliser des progrès. Malgré le blocus économique et commercial envers Cuba, le tourisme nord-américain a augmenté de façon incroyable. Les Nord-Américains ont envie de venir à Cuba, nombreux arrivent par des voies détournées pour ne pas être pénalisés aux États-Unis.
Le fait d’être sanctionnés par la loi du blocus est, au passage, est une violation des droits des citoyens nord-américains et de la Constitution. Alors, oui, il nous faut avancer, créer de nouveaux mécanismes. Et ça vient ! Cuba surprend toujours, même nous, nous surprenons.
À son élection, Obama avait nourri quelques espoirs vis-à-vis de Cuba. Mais rien n’a changé…
Mariela Castro. Obama ne s’est pas acquitté des responsabilités de son programme. Les États-Unis continuent à être hégémoniques. Ils sont la police du monde, ils nous contrôlent tous. Je constate que l’Europe leur a emboîté le pas en établissant une position commune contre Cuba. C’est d’un cynisme ! Cela démontre qu’elle est subordonnée à la politique des États-Unis.
Vous êtes la fille de Raul et la nièce de Fidel. L’héritage n’est-il pas trop lourd à porter ?
Mariela Castro. Parfois oui, parfois non ! Non pour tout ce qu’on vous fait porter de façon symbolique par rapport à l’héritage familial. Certains inventent une responsabilité qu’ils aimeraient me voir endosser, qui ne me correspond pas ; d’autres veulent que, dans l’avenir, je sois présidente de la République. S’ils me connaissaient bien, ils ne le voudraient pas ! Cela n’a rien à voir avec mes aspirations.
D’autre part, j’ai reçu beaucoup de gratifications à Cuba et dans de nombreux pays. On m’a dit des choses très belles, pleines d’admiration, de respect, d’affection et de remerciements. On m’a raconté des anecdotes de mes parents que j’ignorais. Alors je me sens fière de la famille dans laquelle je suis née. Ils m’ont transmis des valeurs, une éthique. Et si je suis rebelle, ce n’est pas de ma faute, c’est de la leur. Ils l’ont été beaucoup plus que moi et continuent de l’être, c’est pourquoi j’ai beaucoup d’admiration. Mais moi, je ne veux pas être comme eux.
À lire :
--> Raul vu par Mariela...
Entretien réalisé par Bernard Duraud pour l'Humanité
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11/12/2011
CUBA : DECOUVERTE D'UN VACCIN CONTRE LE CANCER DU POUMON
La Havane. Mercredi 30 novembre 2011. Sources CCN
La nouvelle fait déjà grand bruit dans le monde médical occidental sauf en France où la censure sur tout ce qui concerne Cuba en dehors des sujets consacrés aux droits de l'Homme est totale et devient en l'occurence ridicule. Les chercheurs cubains annoncent que le CIMAVAX EGF, un vaccin cubain contre le cancer du poumon a prouvé son efficacité. Des millions de patients dans le monde vont pouvoir être sauvés. Selon la correspondante de CCN, la recherche cubaine accorde une priorité au combat contre le cancer.
Le cancer du poumon est considéré comme l’un des cancers les plus graves, fréquents et mortels au monde. L’Organisation Mondiale de la Santé a fait savoir que cette maladie tue chaque année 5 millions de personnes, et que la tendance est à la hausse. On estime qu’en 2030 8 millions de personnes mourront par an de cette maladie.
À Cuba, 20 000 personnes meurent chaque année de cancer du poumon. Elle est la principale cause de mort dans 12 des 15 provinces cubaines.
Des chercheurs du Centre d’Immunologie moléculaire de La Havane ont mis au point le vaccin thérapeutique Cimavax EGF, qui est le résultat de 25 ans de recherche sur les maladies associées au tabagisme.
Le docteur Gisela Gonzalez qui a dirigé l’équipe de chercheurs qui a créé le vaccin pense que grâce à ce médicament le cancer du poumon pourrait devenir une maladie chronique contrôlable, car le vaccin favorise la génération d’anticorps contre les protéines qui déclenchent la prolifération sans contrôle des cellules cancérigènes.
Le vaccin est appliqué chez des patients souffrant de cancer du poumon très avancé ( stade 3 et 4) qui n’ont pas de réponse positive à d’autres traitements comme la chimiothérapie et la radiothérapie. Il améliore de façon significative la qualité de la vie des patients en stade terminale.
Le CimaVax-EGF a été testé sur plus de 1000 patients dans tout Cuba et actuellement il est distribué gratuitement dans des hôpitaux cubains.
Le 4è atelier international sur le CIMAVAX EGF et les résultats obtenus grâce à l’application de ce vaccin vient de prendre à La Havane. Des experts du Pérou, du Brésil, de l’Argentine, de la Colombie, de la France, de la Belgique, de la Serbie, de la Corée et de l’Allemagne y ont pris part.
La rencontre a été organisée par le Centre d’Immunologie Moléculaire et l’entreprise qui commercialise les produits bio pharmaceutiques CIMAB S.A. CIMAvax-EGF est le premier vaccin de son type dans le monde et il a été breveté à Cuba, au Canada, aux États-Unis, au Japon et en Afrique du Sud entre autres pays.
Des effets secondaires sévères n’ont pas été enregistrés, il provoque une réponse immunitaire et a augmenté le taux de survie et la qualité de vie des patients traités.
Le docteur Agustin Lage, directeur du Centre d’Immunologie moléculaire a expliqué, dans des déclarations à notre station de radio que la réunion a permis à des spécialistes de Cuba et d’autres pays qui utilisent ce médicament novateur d’échanger leurs expériences pratiques, ce qui va permettre une utilisation optimale, une combinaison réussie avec d’autres médicaments contre ce type de cancer. Le Cimavax EGF se trouve en phase d’essai clinique dans 58 hôpitaux cubains et dans 12 pays.
Par ailleurs, le directeur scientifique du groupe pharmaceutique malaisien Bioven, le Belge Erik D’Hondt a fait savoir que ce vaccin thérapeutique contre le cancer du poumon sera administré, dans quelques jours, à un groupe de patients britanniques.
Il a fait savoir que Bioven encourage la recherche avec ce produit dans d’autres pays d’Europe ainsi qu’en Australie, en Thaïlande et en Malaisie
16:42 Publié dans Actualités, Connaissances, Planète, Science | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : vaccin, cancer, fumeurs, santé, cuba, censure | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |