30/06/2023
L'ECONOMIE ALLEMANDE RENTRE EN RECESSION
Douche froide sur la conjoncture européenne. Le principal pilier de la zone euro est entré en récession au premier trimestre 2023, sur fond d’inflation comme de chute des exportations. Les perspectives s’annoncent sombres. Explications.
De janvier à mars 2023, la production a reculé en Allemagne de 0,3 %. Le pays a ainsi enregistré, après – 0,5 % entre octobre et décembre 2022, un second trimestre de chute de la production. Ce qui est la marque d’une entrée en récession. En dépit des prévisions optimistes des instituts de conjoncture et de l’avis du chancelier Scholz, qui annonçait encore urbi et orbi au début de l’année : « Je suis absolument convaincu que nous n’entrerons pas en récession. »
La crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine et la brutale coupure de gaz russe bon marché jouent naturellement un rôle important dans cet accès de faiblesse. Les prix de l’énergie ont flambé et dopé une inflation déjà très soutenue. Mais le diagnostic est infiniment plus préoccupant, puisqu’il révèle certains travers structurels du modèle ordolibéral allemand qu’Olaf Scholz et son ministre Vert de l’économie, Robert Habeck, s’emploient à perpétuer.
Baisse des salaires
Déjà très malmenées avant le début de la guerre en Ukraine par l’explosion des prix des loyers, les classes populaires sont les principales victimes de la flambée des prix qui s’est propagée très largement, de l’énergie jusqu’aux produits alimentaires. Atteignant les 7,2 % en mars, l’inflation a toujours un niveau très élevé outre-Rhin. Les factures d’électricité sont ainsi les plus chères d’Europe, sur fond de bilan toujours plus calamiteux des émissions de CO2 du réseau. À l’inverse, les entreprises et les plus grands groupes ont vu le choc des prix très atténué par les tarifs de faveur, très subventionnés, d’un État fédéral qui affiche sa priorité de défendre comme le graal leur compétitivité.
Pendant ce temps-là, les salaires réels baissent sous l’effet de la valse des étiquettes. Une étude de l’institut des statistiques fédérales Destatis a mesuré la perte moyenne enregistrée par les salariés sur leurs rémunérations à 4,2 % en 2022. Les luttes du syndicat Ver.di tout au long du premier trimestre dans le secteur des services publics, pour des augmentations de salaire substantielles, et leur degré inédit de popularité dans l’opinion ont révélé l’acuité du phénomène de paupérisation ressenti par l’immense majorité du monde du travail.
Hausse des profits
Le gouvernement tripartite SPD-Verts-libéraux a mis en place un dispositif très coûteux pour tenter de compenser vaille que vaille ces ravages de l’inflation sur le pouvoir d’achat. Les entreprises se sont vu offrir la possibilité de verser une prime exceptionnelle, jusqu’à 3 000 euros, à leurs salariés, la puissance publique effaçant tout prélèvement (impôts ou cotisations sociales) sur ces versements. Moyennant quoi les travailleurs et leurs syndicats sont priés, pour sauvegarder la compétitivité des firmes, encore elle, de renoncer à toute hausse véritable de leurs salaires, une alternative diabolisée comme facteur d’une aggravation de l’inflation.
Si l’on se penche sur les profits des entreprises, le bilan du modèle ordolibéral reste somptueux. Tous les records sont même pulvérisés, en dépit de la guerre et de la crise économique : jamais autant de dividendes (75 milliards d’euros) n’ont été versé aux actionnaires que cette année, selon les calculs d’un Institut pour la finance stratégique (ISF). Bichonnés, les propriétaires du capital ont vu leurs revenus augmentés dans la dernière période dans des proportions jamais atteintes. Au point de rendre l’inflation totalement indolore.
C’est pourtant cette fracture de classes de plus en plus béante qui mine tous les fondamentaux du système de production. Le marché intérieur se contracte en effet à grande vitesse. Quand, au même moment, se réduisent les débouchés à l’international. Les exportations, cœur du modèle industriel, sont touchées. Elles sont en chute libre en mars (– 5,2 %). Un net recul se fait sentir sur les positions acquises par les champions de l’automobile, Volkswagen, BMW, Daimler Benz, sur l’immense marché chinois où ils se font détrôner par les producteurs locaux de véhicules électriques. Plus préoccupant, les commandes en biens d’équipement des pays du Sud global, étranglés par la hausse des taux d’intérêt en raison de leur dépendance au dollar, se tarissent.
Tous les indicateurs sont en train de passer au rouge outre-Rhin. Et plus grand monde n’est dupe des commentaires lénifiants du gouvernement, qui maintient encore pour cette année une prévision de croissance réduite mais positive, à 0,4 %. Les experts de la Deutsche Bank viennent, eux, de réviser drastiquement leurs estimations et tablent sur une récession de l’Allemagne (– 0,3 %) sur l’ensemble de l’année 2023. Avis de gros temps sur tout le reste de la zone euro.
Production : effondrement des commandes industrielles de 10,7 % en mars
L’ampleur de la plongée de la production industrielle allemande, en mars, a surpris la plupart des analystes. Un indicateur révèle à lui seul la taille du décrochage en cours : les commandes industrielles se sont effondrées de 10,7 %, soit un niveau jamais enregistré, sauf au creux de la pandémie de Covid, en 2020. Une très mauvaise surprise pour la plupart des conjoncturistes, qui n’attendaient qu’un recul d’environ 2 %. Dans le détail, la demande sur le marché intérieur s’affaisse de 6,8 %, quand les nouveaux contrats d’achat depuis l’étranger enregistrent une baisse de 13,3 %.
Aucun secteur n’échappe à ce brusque accès de faiblesse : - 12,2 % pour l’automobile, - 7,8 % pour la sidérurgie et - 5,9 % pour les machines-outils. Les reculs les plus marqués concernent les commandes à l’industrie de la construction, en chute libre de 47,5 %, pénalisées par un début de retournement du secteur immobilier, après l’explosion spéculative qui a fait flamber, ces dernières années, le prix des logements dans les grands centres urbains.
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09/12/2019
OPA sur Latécoère : un nouveau cas d’école d’absence d’Etat stratège
Sources : *Francis VELAIN est Ingénieur et contributeur de la revue Progressistes.
Latécoère, un nom, une entreprise qui sent bon la grande aventure aéronautique et humaine de notre pays : ses hydravions, son aéropostale, ses Mermoz. Depuis, l’entreprise n’a cessé d’évoluer. Moins visible du grand public qu’hier, elle reste une grande entreprise d’aéronautique, sous-traitante de premier rang d’Airbus.
Elle suit aujourd’hui le chemin dicté par ce maitre d’œuvre. Devenir une référence en se développant par elle-même. « Nous devons être compétitifs sur nos marchés pour gagner de l’argent en répondant aux réductions des coûts de nos donneurs d’ordre. » déclare sa PDG Yannick Assouad.
Elle le fait en ouvrant près de Toulouse une usine 4.0 opérationnelle dès 2020. « On n’oublie pas notre histoire toulousaine » a déclaré Yannick Assouad, l’actuelle PDG. ». Cette usine connectée relèverait d’une « volonté combinée et d’un engagement partagé avec Toulouse Métropole et la Région Occitanie ». Jean-Luc Moudenc, maire de Toulous se dit « fier que le 1er avionneur historique de la ville rose reste ainsi fidèle à Toulouse ». Latécoère « confirme notre stratégie d’attractivité et conforte le statut de Toulouse en tant que capitale mondiale de l’aéronautique ». La Banque Européenne d’Investissement (BEI) a investi de son coté 37 millions d’euros dans ce projet.
L’observateur attentif remarquera quelques zones d’ombres sur ce tableau. Ainsi, la suppression de 200 emplois en France dans le cadre du plan « Transformation 2020 ». En 2016 les activités Latécoère Services (Toulouse– 800 emplois- , Espagne, Royaume-Uni, Canada, Allemagne) furent vendues au Groupe ADF.
Mais une faim de croissance externe et internationale est l’autre face de la stratégie de l’entreprise. Car Latécoère tient son rang aussi de cette manière, en rachetant d’autres entreprises du secteur, en ouvrant des usines au Brésil, en Inde, au Mexique au Tunisie, en Bulgarie, en République Tchèque… sans doute toutes très modernes ! Entre recherche d’un moindre prix de la force de travail et contreparties au titre de quelques contrats de ses donneurs d’ordres (vente des rafales à l’inde etc… ) et autres considérations géopolitiques entre états.
Contreparties et considérations géopolitiques peuvent être la meilleure des choses pour construire un internationalisme économique de Paix, de partage des Progrès économiques et sociaux. Mais restons lucides. Le processus actuel se déploie avant tout au titre des affaires. « Nous ne pourrons jamais être complètement à l’abri de la guerre commerciale car nous ne pouvons pas nous déployer partout, mais nous devons essayer au moins d’être implantés sur chaque continent » confirme Mme Yannick Assouad, patronne de Latécoere. Elle disait en 2017 : « Nous sommes nous-même trop petits ».
Du côté de l’actionnariat bien de ces choses essentielles se décident donc depuis quelques temps avec une direction générale qui n’est pas sans liens avec ce monde actionnarial. La patronne de Latécoère, est désormais vice-présidente du GIFAS. En fait, la structure même de l’actionnariat interroge de plus en plus. C’est un actionnariat essentiellement flottant.
En avril 2019, un fond d’investissement américain, Searchlight Capital Partners racheta les part détenues par 3 autres fonds . Il devint le 1er actionnaire de Latécoère à hauteur de 26% du capital. Il annonça rapidement vouloir monter à 76% du capital via une OPA amicale. Latécoère accueilli favorablement le projet d’opération dès Septembre « L’initiateur de l’offre a en effet affiché son soutien à la stratégie proposée par le management et approuvée par le conseil d’administration ».( La Tribune – 17/10/2019). Or ses commandes dépendent d’Airbus à 68%., à 19% de Boeing, à 5% de Dassault…
Il semblerait que Bercy se contenterait néanmoins de voir le fond d’investissement français Tikehau Capital passer de quelques 5 à 10% du capital (La Tribune – 12/11 2019) avec un siège d’administrateur. Dix-sept députés de la commission de défense nationale ont demandé au gouvernement d’avoir une « approche souveraine » sur la vente de Latécoère (ainsi qu’une autre entreprise Photonis).
Pendant ce temps, la direction de Latécoère continue ses emplettes et propose de racheter l’activité de câblage et d’interconnexion de Bombardier Aviation avec notamment une usine de production au Mexique.
Latécoère est un fantastique exemple du besoin de maitriser les filières industrielles dans leur ensemble par un actionnariat stable, sensible aux enjeux de souveraineté nationale, des maitres d’œuvre à leurs partenaires sous-traitants. Il faut que les salariés de notre pays aient les actionnaires qu’ils méritent.
Le MEDEF est étrangement absent de ce débat, lui qui prétend que ses mandants créent l’emploi. Ce silence suffit à légitimer une appropriation publique des entreprises. Si l’industrie française n’est pas à brader, ce n’est pas seulement pour ses emplois d’aujourd’hui ! Les qualifications des personnels et de ceux des futures doivent et devront nourrir la création locale des richesses de la Nation et tout autant garantir à notre pays sa capacité de choisir son destin.
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05/07/2019
Économie. « Sur les épaules de Marx », pour comprendre le capitalisme sur son écran
Des tampons hygiéniques représentant « les richesses créées par les travailleurs » transitent dans des bols sur lesquels on peut lire « profits », « salaires », « cotisations » ou « impôts ». La vidéo YouTube de la série « Sur les épaules de Marx », intitulée « Cachez ce brut que je ne saurais voir », s’efforce de vulgariser au maximum la répartition des richesses et de démystifier l’augmentation du Smic promise en décembre 2018 par Emmanuel Macron. En ligne depuis près de quatre mois, l’épisode a depuis rencontré un petit succès, ouvrant la voie à une saison 2 promise pour le 7 juillet.
« On s’est dit qu’il fallait essayer de démonter la supercherie »
« La ruse, c’est de retirer des tampons du bol “cotisations” pour les mettre dans celui du salaire net, mais aussi dans celui des profits », y racontent Léon et Thallia, tous deux assis sur un canapé dans un salon modeste où l’on aperçoit un volume du Capital de Karl Marx dans une bibliothèque et un portrait du ministre communiste Ambroise Croizat au mur. Comment ces deux jeunes professeurs de sciences économiques et sociales en lycée se sont-ils retrouvés là ? Pour le comprendre, il faut remonter aux derniers jours de l’année passée.
Acculé par une mobilisation des gilets jaunes qui prend à ce moment-là une ampleur grandissante, le président de la République annonce plusieurs mesures lors d’une allocution télévisée. Ce 10 décembre 2018, il proclame : « Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur. » Ce qui fait bondir Fanny, une statisticienne de 27 ans, par ailleurs militante du Parti communiste français. « Quand on a entendu ça, avec des amis, on s’est dit qu’il fallait essayer de démonter la supercherie. » Car, si la nouvelle peut séduire à première vue, le fait d’augmenter les salaires sans mettre à contribution le patronat sent l’entourloupe. À ce moment-là, sur les ronds-points et dans les rues, gilets jaunes et chasubles rouges ne sont pas dupes, mais la démonstration est loin d’être partagée massivement.
Après discussions, les trois amis décident de réaliser des vidéos sur leur temps libre, via une chaîne YouTube, le site hébergeur de vidéos le plus consulté de France. « Nous voulions qu’elles répondent à deux critères, précise Fanny. Qu’elles soient courtes pour être regardées entièrement, et qu’elles parlent de ce qui se passe autour de nous. De nos vies. » Un vrai défi, car l’analyse marxiste, par essence systémique, conduit à ne laisser de côté aucun champ d’étude. « Il faut que le propos aille à l’essentiel et on doit accepter de ne pas tout dire. C’est un bon exercice ! » sourit la jeune femme.
Si l’on en juge par le visionnage des premières vidéos, le pari semble réussi puisque aucune n’excède six minutes. Une prouesse qui n’existerait pas sans les savoir-faire de Benjamin et Lucas à la caméra et au montage. Dans les quartiers où ils vivent et militent, les jeunes vidéastes font face au besoin grandissant de comprendre ce qui se passe, « car les gens se rendent compte que le système économique dans lequel nous sommes est dans l’impasse ».
« Démystifier le réel pour apporter des clés de compréhension »
Alors, à travers ces vidéos, ils ambitionnent de donner « des outils de compréhension » et « des perspectives de lutte ». Mais, pour y parvenir, il faut une méthode rigoureuse. « Par exemple, pour construire la vidéo sur le chômage de la saison à venir, nous avons décrypté plusieurs types de politiques en différentes séquences. On construit ensuite un scénario en s’appuyant sur des données statistiques. » D’où la liste exhaustive des sources dans les informations inscrites sous la vidéo. « Évidemment, ça prend un peu de temps », fait remarquer Fanny. « Notre but, c’est de démystifier le réel pour apporter des clés de compréhension, pas de démystifier le réel pour créer de la confusion », précise-t-elle.
Comme une manière de se différencier de nombreuses chaînes YouTube, qui, du révisionnisme aux théories du complot, cherchent à manipuler les esprits en dévoyant la réalité. Depuis le premier épisode en janvier, « Sur les épaules de Marx » voit son audience s’accroître progressivement pour atteindre le millier de vues et presque autant d’abonnements. À titre de comparaison, les vidéos traitant d’économie et mises en ligne par le quotidien libéral l’Opinion plafonnent à 150 vues sur YouTube. Et ce, alors même qu’elles sont plus courtes et que les moyens dont dispose ce journal dépassent largement ceux des auteurs de la jeune chaîne d’éducation populaire.
Encouragée par des internautes, l’équipe de vidéastes marxistes fait aussi l’objet de l’attention croissante d’économistes, tels que Denis Durand. « Ces vidéos sont une excellente initiative, d’autant que cela permet d’entrer en résonance avec des alternatives », juge le codirecteur de la revue Économie et politique. Et d’ajouter que ces clips peuvent être une réponse aux « leçons de morale que l’idéologie néolibérale assène aux salariés ». « Nous préparons déjà la saison 3, sur l’entreprise et les grands groupes », dévoile Fanny.
De quoi donner des armes pour démêler et défaire la toile capitaliste. Même si, pour Denis Durand, « on comprendra mieux le capitalisme le jour où on l’aura remplacé par un autre système ».
11:52 Publié dans Economie, Point de vue, Pour les nuls | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : economie, marx, vidéos | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
19/01/2018
L'insolente croissance du Portugal inflige un camouflet au culte de l'austérité de Bruxelles
La réussite du modèle portugais ne vient pas des politiques de l'offre mais au contraire des politiques de la demande. Bruxelles est dans l'embarras.
Longtemps le modèle de référence en Europe a été le modèle allemand. Bruxelles en a fait régulièrement l'apologie, notamment en raison de l'exceptionnel excédent budgétaire allemand, de la dynamique de sa dette, de ses réformes permettant une exceptionnelle compétitivité. Bruxelles s'est souvent appuyé sur ce modèle pour faire pression sur les Etats.
Historiquement, ce modèle repose sur les réformes hétéroclites de l'épopée du Chancelier Schröder pour dépasser la crise des années 1990 en Allemagne. Réformes de l'assurance maladie, célèbres lois Hartz, accords de compétitivité dans les entreprises ont propulsé l'Allemagne vers l'idéal de l'économie de l'offre. L'abaissement des charges des entreprises et la hausse de la TVA ont déplacé la pression fiscale. En parallèle à cela, c'est tout le poids de l'Etat qui a été nettement diminué. Ce modèle qui repose finalement sur les entreprises, on le trouve en Autriche, aux Pays-Bas mais aussi... en Italie du Nord. Ces politiques pro-entreprises ont connu leur apogée en Europe entre 2005 et 2011, date à laquelle, en particulier, la croissance allemande a été maximale.
Mais qu'à cela ne tienne, l'Allemagne s'est essoufflée en 2013-2014 avec une croissance, certes, toujours positive. Un fait notable et loin d'être anodin, le taux de croissance du Portugal est passé au-dessus de celui de l'Allemagne en 2015-2016 et ce sera le cas probablement en 2017. Cependant, avec des excédents commerciaux qui inquiètent de plus en plus Bruxelles, l'Allemagne aujourd'hui interroge.
L'influence de l'Allemagne sur les politiques d'austérité en Europe a atteint ses limites. Car la locomotive de l'Europe ne roule désormais plus qu'à petite vitesse, en termes de croissance et d'exportations, un comble!
Pas de réforme structurelle du marché du travail pour assouplir les droits des salariés, pas d'abaissement de la protection sociale, pas de programme d'austérité comme celui du gouvernement antérieur de droite. Au contraire.
Car pendant ce temps, le petit poucet de l'Europe, longtemps décrié par Bruxelles, vient bouleverser les grandes certitudes sur les bonnes politiques amères à mener en Europe. Il s'agit du Portugal. Il y a un peu plus d'un an en juillet 2016, la Commission européenne entamait une procédure pour "déficit excessif" contre le gouvernement de Lisbonne. Mais depuis, le Portugal a réduit son déficit à 2,1% en 2016 et devrait le ramener à 1,5% cette année quand on peine en France à passer en-dessous de la barre des 4%.
Après une période historique de privatisations forcées pour obtenir les prêts de la Troïka, c'est finalement la coalition de gauche entrée au pouvoir en 2015 qui allait inverser les choses, mettant Bruxelles dans un grand embarras.
Car le modèle économique portugais qui dépasse les taux de croissance allemand aujourd'hui est totalement contraire à celui prôné par Bruxelles. Depuis 2015, la croissance réelle du Portugal s'est nettement redressée après des années noires, celles de la Troïka, durant lesquelles les taux de croissance étaient même négatifs de 2011 à 2013. Aujourd'hui, les taux de croissance du Portugal dépassent ceux de l'Allemagne. Si le taux de chômage frôlait les 17% avec les politiques d'austérité en 2013, celui-ci a décru fortement depuis 2015 pour atteindre 8% en 2017 selon toute probabilité.
Une baisse remarquable, du jamais vu. Le Portugal bénéficie également d'une forte reprise de la consommation depuis 2 ans, jointe à un excédent de la balance des biens et services. Les investissements productifs en pourcentage du PIB se rapprochent même de ceux de l'Allemagne, c'est à dire 16,5% contre 20% pour l'Allemagne.
Avec une amélioration continue du capital humain, on observe également une belle chute des crédits au secteur privé quand l'épargne est en hausse constante depuis deux années. L'inflation quant à elle est totalement maîtrisée, même plus basse (1,3%) qu'en Allemagne (1,6% en 2016). Certes la dette portugaise avoisine les 146% contre 68% en Allemagne, mais elle diminue depuis deux ans.
Les politiques de demande ne sont donc pas systématiquement des politiques d'accroissement de l'endettement. Par ailleurs les taux d'intérêt à long terme se situent à 3,2% en 2016 contre 0,09% en Allemagne. En 2015 et 2016 ce sont les plus bas qu'ait connu le pays depuis 2010 avec la nouvelle coalition de gauche arrivée en 2015.
Le gouvernement n'a pas lésiné sur le plan de relance du pouvoir d'achat.
Car la réussite du modèle portugais ne provient pas vraiment des politiques de l'offre mais au contraire des politiques de demande: pas de réforme structurelle du marché du travail pour assouplir les droits des salariés, pas d'abaissement de la protection sociale, pas de programme d'austérité comme celui du gouvernement antérieur de droite qui avait notamment gelé le salaire minimum et les pensions de retraite, augmenté les impôts et tout cela sans aucun effet notoire sur l'économie. Au contraire, on a assisté en parallèle à une hausse de la pauvreté.
Ici, rien de tel: le salaire minimum a été augmenté en 2016 puis en 2017. En parallèle à cela nous avons assisté à une baisse des cotisations employeurs de 23 à 22%. Enfin, le gouvernement n'a pas lésiné sur le plan de relance du pouvoir d'achat: hausse des retraites et allocations familiales, renforcement du droit du travail, baisse des impôts pour les salaires les plus modestes, arrêt net des privatisations... Pour clore le tout, le Portugal a compris qu'il ne servait plus à rien d'essayer de concurrencer les pays de l'est à bas coûts, donc, on est monté en gamme, dans l'industrie et dans le tourisme. Un point dont la France devrait s'inspirer: la montée en gamme du pays et des politiques de stimulation de la demande, conjointement à un simple abaissement des charges des entreprises.
11:17 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, International, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : portugal, économie, réussite, allemagne | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |