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25/09/2018

Zahia Ziouani, "maestra" à la Fête de l’Huma 2018, cheffe d'orchestre au coeur de la réalité

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Zahia Ziouani fête Humanité2.jpgSous le soleil de la « Grande Scène », dimanche 16 septembre 2018, Fête de l’Humanité à La Courneuve. Zahia Ziouani dirigeait son Orchestre symphonique Divertimento face à des milliers de spectateurs conquis. L’aventure musicale et humaine qu’elle incarne fait d’elle une « maestra ». Rencontre

En 2010,  à 32 ans, Zahia Ziouani signait  l’histoire de son parcours professionnel dans un livre intitulé « La chef d’orchestre ». En riant, la maestra (son équipe la désigne ainsi avec déférence) reconnaît aujourd’hui que, si elle devait re-publier son livre, elle en féminiserait  le titre  « Oui, «  la cheffe d’orchestre », cela me va ! »
 
« A la seconde où elle tourne le dos au public et lève la baguette, elle devient magique. Zahia Ziouani est l’incarnation même de la puissance, du talent et de l’énergie ». Le magazine Elle dit vrai. Ajoutons qu’elle est aussi l’incarnation  de la détermination. Dans le monde de la direction d’orchestre,  les femmes sont aujourd’hui moins de 4% ! Un chiffre qui se vérifie en France, mais aussi ailleurs, et qui chuterait encore si l’on s’arrêtait aux seuls orchestres symphoniques. Après la précurseuse Nadia Boulanger (qui dirigea dans les années 1930 des concerts à Paris, Londres, Boston, New York et organisa l’accompagnement musical du mariage du Prince Rainier avec Grace Kelly !), le tour est vite fait avec les Françaises Emmanuelle Haïm, Laurence Equilbey ou Nathalie Stutzmann, les Canadiennes Mélanie Léonard, Tania Miller, et la Suissesse Sylvia Caduff.

Créer son orchestre pour balayer les résistances

« Féminiser le nom de mon métier, est symboliquement important, mais au-delà, je réalise que ce sont les résistances auxquelles j’ai été confrontée en tant que femme qui ont fait que je me suis questionnée sur ma place dans la société et que je  me suis  construite.» Des résistances qui ont structuré sa carrière et ont conduit Zahia Ziouani à créer son propre orchestre symphonique quand elle avait 20 ans. 70 instrumentistes professionnel.le.s, dont les premier.e.s ont été recruté.e.s sur les bancs de la Sorbonne, l’accompagnent aujourd’hui et constituent Divertimento. Un nom joyeux, à la petite saveur mozartienne.
 
En classe d’orchestration au Conservatoire, la jeune femme avait déjà signé un acte de bravoure : tenir 18 mois alors que son maître  adulé, le Roumain Sergiu Celibidache, l’avait prévenue : « les filles, chez moi,  jettent toujours l’éponge dans les 15 jours ! »

L'inclusion par la musique

Et aujourd’hui encore son engagement reste intact. A la musique, certes. Mais aussi à la transmission, à commencer par celle qu’elle opère dans les banlieues : « on attend de la jeunesse d’assimiler beaucoup de savoir-être pour s’intégrer dans la société, la vie professionnelle. » Les filles et les garçons qu’elle initie lui procurent un plaisir jubilatoire qu’elle leur réinsuffle, tout comme l’art de faire « de belles rencontres », d’être traversé.e « de belles émotions » en écoutant, mais surtout en pratiquant la musique.

Le dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale DEMOS, développé pour les enfants par les ministères de l’Education Nationale, de la Culture et de la Ville, lui doit beaucoup. Et le Plan « chorale » qui devrait amener des millions de collégiens français à chanter en 2019 procède du même état d’esprit.
 
Le week-end du 15 et 16 septembre 2018, Zahia Ziouani  emballait donc  des milliers de militants et de sympathisants du quotidien communiste l’Humanité, lors de la fête du même nom, rassemblement politico culturel et festif incontournable, au travers du répertoire qu’elle avait choisi, soit West Side Story,  Les 7 Mercenaires, Pirates des Caraïbes et  Candide, notamment.
Se jouant des frontières politiques, la veille, elle avait enchanté  les jardins de l’Elysée pour les Journées européennes du Patrimoine.
 
Dans quelques jours, son orchestre se produira à Sevran (Nord Est de Paris). Puis au fil des semaines, au Palais Garnier et à la Seine Musicale,  dans un répertoire très classique cette fois, ou encore au Théâtre du Rond-point pour  un « Lenny » nourri de Bernstein.
 
Rien d’un éparpillement ou d’une boulimie musicale. L’éclectisme est la clé de la cheffe pour donner à aimer  la musique à des publics hétérogènes.

La musique facteur de paix

Tout particulièrement les publics qui ressemblent à la famille algérienne dans laquelle elle a grandi. Famille modeste, mais tellement éprise de musique que sa sœur jumelle est aussi tombée dans la marmite. Elle est violoncelliste – encore un point commun avec Nadia et Lili Boulanger, autres sœurs prodiges de la musique. Les fillettes habitaient Pantin. La majorité communiste d’alors avait développé une politique d’éducation culturelle qui leur a particulièrement réussi.
 
Ou encore les publics des deux rives de la Méditerranée. En 2007, Zahia Ziouani devient la 1ère cheffe  invitée de l’Orchestre National d’Algérie. Un sujet d’immense fierté et de belle responsabilité. En 2013, elle se produit à la tête de son orchestre symphonique à Marseille, capitale culturelle européenne. En amont et en aval, elle dirige des formations dans la capitale française (Salle Pleyel, Basilique Saint-Denis, Philharmonie de Paris, Olympia) ainsi qu’en Pologne, en Egypte, en Russie, au Mexique et ailleurs. Et souvent elle en profite pour jouer la carte du brassage des cultures : « la programmation dédiée à  la Méditerranée m’a donné l’occasion de faire venir des musiciens de Chypre, de Malte, de Tunisie, d’Algérie, mais aussi des Israéliens et des Palestiniens. Oui, la musique peut contribuer modestement à bâtir la paix ! »

La notion de lien est au cœur de l’accès à la culture pour les jeunes.

Sources TV5 Monde

12:24 Publié dans Entretiens, Musique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : zahia ziouani, fête huma, classique, musique | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

12/07/2013

Fête de l'Humanité. Divertimento, l'orchestre symphonique du 93 qui rend la musique classique populaire

l'humanité,austérité,patric le hyaric,la courneuve,divertimento,musique classique,fête de l'humanité 2013,zahia ziouaniZahia Ziouani est une chef d’orchestre précoce et talentueuse qui, à l’âge de 35 ans, a déjà tenu la baguette d’ensembles illustres.

À la tête du Conservatoire de musique et de danse de Stains, et de Divertimento, orchestre symphonique avec lequel elle revient sur la grande scène de la Fête de l’Humanité 2013, cette jeune femme de conviction s’efforce de démocratiser la musique classique. Entretien.

Vous êtes femme et chef d’orchestre. Chose rare. En tirez-vous une fierté ? Comment êtes-vous perçu dans ce milieu réputé masculin ?
Zahia Ziouani.
La présence de femmes au sein des orchestres philharmoniques est récente. Il y a peu encore, certains orchestres en Europe interdisaient les femmes. L'orchestre philharmonique de Vienne en est le plus grand exemple. Depuis dix, douze ans, les choses évoluent. Très jeune, j'ai été passionnée par ce métier. Ne venant pas de ce milieu, peut-être était-ce par naïveté, mais jamais je n'ai pensé que ce métier m'était impossible. Avec le recul, cela reviendrait à vouloir être cosmonaute ou président de la République! J'ai commencé très jeune et ne souhaitais pas attendre 40 ou 50 ans avant d'exercer. Quand on est jeune et femme, il est vrai que c'est un peu compliqué. L'idée reçue voudrait qu'une femme n'ait pas l'autorité nécessaire pour diriger un orchestre. Pour cela, j'ai créé mon orchestre, Divertimento, afin d'apporter la preuve que j'étais capable de diriger. Aujourd'hui, mon challenge est de convaincre le monde musical que je suis en mesure de diriger de grands orchestres. Sur l'estrade face à l'orchestre, je ne me pose pas la question de savoir si je suis une femme ou un homme. Je veux être un bon chef simplement, être efficace, exigeante et innovante dans mon travail. 

Vos parents ne sont pas du sérail, vous êtes ancrée en Seine-Saint-Denis et venez d'un milieu modeste, comment avez-vous eu accès à la musique classique ?
Zahia Ziouani. Mes parents aimaient la musique classique. C'est un héritage familial. Par ailleurs, j'ai grandi à Pantin, ville à l'époque communiste, où existait une prise de conscience concernant les politiques culturelles à mener pour favoriser l'accès à la culture. J'ai pu devenir chef d'orchestre car j'ai pu grandir dans cette ville. Si j'avais grandi dans une autre ville, je ne suis pas certaine que j'aurais eu accès à la musique. J'ai également eu la chance de rencontrer des professeurs intéressants et exigeants. Dès lors, quand j'ai débuté comme musicienne professionnelle, se posait la question de savoir où et comment. M'installer en Seine-Saint-Denis apparaissait comme une évidence. Il était important d'être utile, d'associer la dimension artistique à la transmission. Il était important de transmettre à mon tour ce que j'avais reçu. C'est un engagement fort que je porte d'être présente sur ce territoire. Petite, pour aller au concert, il fallait se rendre à Paris. Je n'ai plus envie de cela maintenant. Si une famille veut se rendre au concert, il est important qu'elle puisse le faire à Sevran, Stains ou Villiers-le-Bel, qu'il y ait des temps forts de musique classique sur ces territoires. Certains décideurs politiques ne voient la banlieue que par le prisme de la culture urbaine et ne développent les actions culturelles qu'en ce sens. Il est dommage d'opposer les arts entre eux. 

Les concerts de musique classique représentent 7% des pratiques culturelles des Français. Comment amener les catégories populaires à la musique classique ?
Zahia Ziouani. La gratuité a beaucoup été développée pour encourager à la pratique. À mon sens, ce n'est qu'un aspect. L'environnement culturel est très important. Il est nécessaire d'apporter quelque chose de supplémentaire aux aspects pécuniaires, souvent et uniquement mis en place. Il existe des problématiques concrètes qu'il convient de résoudre. Une famille de Stains désireuse de se rendre à Paris pour un opéra, même gratuit, rencontre des difficultés. Après 21 heures, les bus ne circulent plus. Certains quartiers sont enclavés. Puis la France est métissée. Or la musique classique appartient au patrimoine européen. Elle n'est pas forcément leur référence, ce n'est pas un chemin naturel pour eux. Il nous faut prendre le temps d'expliquer. C'est un travail de terrain. La question est de savoir comment nous, musiciens, devons travailler en destination de ces nouveaux publics. Pour ma part, je travaille beaucoup avec les maisons de quartier et les centres socio-éducatifs. Les rencontres entre le public et les musiciens existent peu. Nous allons en amont les rencontrer pour les inciter à venir, pour garantir une diversité culturelle mais aussi sociale. Mon parcours m'amène à penser autrement. Il est d'ailleurs regrettable que l'aspect artistique soit relégué parfois au second plan. Une même symphonie de Beethoven jouée à la Cité de la musique sera reconnue quand, à Stains, ce sera vu comme du travail socioculturel.

Comment expliquez-vous ce distinguo ?

  Zahia Ziouani. Les décideurs politiques, institutionnels et musicaux ne se déplacent pas et restent dans Paris. Ils vont plus facilement aller voir ce qu'il se passe, par exemple, au Venezuela plutôt que de passer le périph et venir observer les projets développés en Seine-Saint-Denis ! Il existe une vraie méconnaissance. Jamais un ministre ne se déplace ici pour un événement culturel. Pour certains, c'est moins glamour de venir à Stains qu'aller à la salle Pleyel. Nous manquons de visibilité, donc notre travail de terrain est peu pris en compte.

Vous avez signé l'appel du 93 (En 2005, suite à la demande des collégiens et du reste de la population de Seine-Saint-Denis qui veulent faire changer les regards sur ce département, le conseil général décide de réunir 93 personnalités du monde sportif et associatif, des artistes, des militants pour mettre en avant la dynamique de solidarité et de fraternité qui existe dans le département. Il a été signé par plus de 2 500 personnalités dont Zahia Ziouani), la musique est-elle aussi une manière de changer le point de vue sur ce département ?

 Zahia Ziouani. Complètement. Cet appel a permis de fédérer. Oui, la Seine-Saint-Denis connaît des difficultés mais il existe des gens de valeur, des musiciens de grand talent. C'est une manière pour moi de valoriser ce département. Il est important de briser l'image et la fatalité.

Vous dirigez aussi un orchestre à Alger, quel rapport entretenez-vous avec l'Algérie?? Est-ce la même démarche que celle que vous menez en Seine-Saint-Denis ?

  Zahia Ziouani. Au départ, ma démarche était personnelle. L'Algérie est le pays de mes origines. Ces visites ont créé un déclic et m'ont permis de développer un univers artistique. En Algérie, nous prenions le soin que la musique classique arabe puisse être également représentée. Il n'y a aucune raison de prioriser. À partir de là, j'ai commencé à travailler sur des musiques classiques extra-européennes et à leur donner une place dans les programmations. Cette année, dans le cadre de Marseille-Provence 2013, nous travaillons autour de la Méditerranée. Nous mêlons musique classique, traditionnelle et contemporaine. Mes origines n'ont cependant aucun rapport là-dedans. Nous travaillons aussi autour du jazz. Un orchestre peut aborder des esthétiques diverses. Pour mon travail sur l'Algérie, il était intéressant de montrer que les rapports avec la France n'ont pas été que compliqués. Ils ont été très riches également. Camille Saint-Saëns, par exemple, a beaucoup puisé dans la musique traditionnelle algérienne pour ses compositions.

Vous qui êtes sensible à la démocratisation de la culture, quel sens accordez-vous à la Fête de la musique ?

 Zahia Ziouani. J'aime l'aspect festif même si j'aimerais que cette fête dure toute l'année. J'aime ce moment de partage et de vivre ensemble. Il s'agit d'un événement festif et populaire mais qui montre ses limites. Il s'agit d'un gros coup d'éclairage quand tout au long de l'année des questions ne sont pas abordées. L'aspect populaire de la musique ne se pose que le jour de cette fête. Or je suis persuadée qu'au même titre que le sport, la musique classique peut fédérer et être populaire.

Cette année sera votre deuxième participation à la Fête de l'Humanité. Que représente-t-elle ?

  Zahia Ziouani. Je trouve courageux que la grande scène accorde de la place à la musique classique à côté du rock, de la chanson ou de la pop. Ces moments sont importants, notamment quand on voit les programmes de télévision de plus en plus mauvais, avec une place toujours plus tardive de la culture dans les grilles. Cette fête populaire rejoint les valeurs que je défends. Jouer une oeuvre classique devant 60.000 personnes est très stimulant. Et pour tout dire, je vais à la Fête de l'Huma tous les ans depuis que je suis petite, alors pouvoir aujourd'hui en devenir acteur est très flatteur.

 

Zahia Ziouani et l’Orchestre Divertimento seront, le 14 septembre, sur la grande scène de la Fête de l’Humanité.