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28/02/2007

CHIFFRES ET ELECTIONS

medium_paysans.jpgÉviter la surenchère des chiffrages

Manifeste pour que l’ économie ne soit pas réduite à une « pure expression comptable ».

« Parce qu’il s’agit d’argent public, le moins coûteux d’entre eux serait le plus efficace. » Pour éviter tout raccourci à propos des programmes présidentiels, les deux économistes de l’OFCE, Jean Paul Fitoussi et Xavier Timbeau, ont publié  un manifeste pour que la « politique économique » n’en soit pas réduite à une « pure expression comptable ».

Une telle perspective est « trompeuse » parce qu’elle revient à affirmer « qu’aucun investissement n’est rentable, qu’aucune entreprise ne vaut d’être créée », écrivent les deux auteurs. Elle est contestable également d’un point de vue déontologique car le chiffrage d’une mesure sur le papier « ne nous dit rien quant aux bénéfices nets pour la société dans son ensemble que cette mesure produirait après sa mise oeuvre ». Pour Jean Paul Fitoussi et Xavier Timbeau, il convient plutôt de parler d’évaluation des programmes politiques. « Il s’agit alors d’un tout autre exercice », écrivent-ils. Pour qu’un « chiffrage » soit recevable, il faut indiquer les « principales hypothèses sur lesquelles il est fondé », soulignent les deux économistes, pour qui « ce n’est évidemment pas le cas des chiffrages qui circulent aujourd’hui ».

« Combien ça coûte » relève du « slogan de programmes télévisés », ironisent-ils. « Ce n’est pas une méthode pour savoir si les options qui nous sont proposées par les candidats à l’élection présidentielle sont à la hauteur des enjeux », affirment avec conviction les deux responsables de l’OFCE.

09:45 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : élections présidentielles, chiffres | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

25/02/2007

LADY CHATTERLEY

medium_lady.jpgPascale Ferran : « La joie pourrait être le manifeste du film »

Cinéma . Pascale Ferran réalise un Lady Chatterley magnifique d’intelligence et de sensualité. Un film d’amour virtuose à voir absolument.

Chef-d’oeuvre : le mot ne vient pas plus facilement sous la plume que le sentiment afférent ne vous saisit à l’issue d’une projection. On remonte dans l’histoire du cinéma et la raison résonne. On interroge ses propres impressions et la timidité s’insinue. Chef-d’oeuvre, pourtant, nous avons envie de conserver le terme tant le film de Pascale Ferran fait litière des clichés attachés au célèbre roman de D.H. Lawrence, tant la cinéaste fait écho à l’écrivain à hauteur de création, revivifiant la force de l’amour, sa subversion intrinsèque et cet état de joie qui transforme l’être humain au plus profond. Rencontre admirative.

Qu’est-ce qui, dans l’oeuvre de Lawrence, vous a frappée au point de provoquer un désir de cinéma dont l’intensité est palpable à l’écran ?

Pascale Ferran. J’ai découvert D. H. Lawrence relativement tard. Je ne l’ai pas lu adolescente et personne ne me l’avait signalé comme un auteur important. Ce sont les textes de Deleuze sur la littérature anglaise qui m’ont donné envie de le découvrir. Je ne l’ai pas fait par le biais des chefs-d’oeuvre mais par la bande. Concernant Lady Chatterley, ce qui m’a frappée d’emblée, c’est la profondeur de l’écart entre ce que je percevais du livre et les clichés qu’il véhicule. Comme si on en avait retenu à la fois une histoire de transgression sociale qui illustre aujourd’hui encore toute liaison d’une bourgeoise avec un plombier ou un maçon, et une histoire de cul. Or le roman est sidérant, notamment la seconde version (Lawrence en a écrit trois) que j’ai choisi d’interpréter. Ce Lady Chatterley et l’homme des bois, centré sur la relation entre Constance, lady Chatterley, et Parkin, le garde-chasse, est avant tout une incroyable, magnifique histoire d’amour. Elle raconte le processus d’apprentissage, d’apprivoisement, qui va amener deux personnes à construire une relation très puissante. À partir d’un attachement physique, ils vont parvenir à créer un monde dans lequel les classes sociales, les codes sociaux, les rapports entre hommes et femmes ne sont plus les mêmes. C’est l’amour comme un processus de possibilité d’une vérité intime. Il y a là la charge politique d’une utopie concrète.

Votre film atteint souvent la grâce, singulièrement dans les différentes scènes d’amour physique entre les deux personnages principaux. Dans une époque ou l’on dit volontiers que l’on peut tout montrer, ce qui n’évite pas les ellipses les plus puritaines, comment avez-vous abordé cette représentation ?

medium_pferran.jpgPascale Ferran. Il s’agit là aussi d’un processus, de strates où vont se mêler instincts et points de vue pour trouver les bons gestes, la forme de chaque détail du film. Si l’on atteint la grâce, c’est en surplus, comme un accident miraculeux. Le travail avec les comédiens était un enjeu crucial. Les scènes d’amour racontent chaque fois quelque chose de très important dans la relation des personnages. Chaque fois, ils en sortent transformés. Dans le livre, c’est décrit très précisément, avec cette crudité qui a fait scandale. J’ai modifié certaines scènes, j’en ai conservé d’autres. Surtout, les comédiens et moi avons travaillé plusieurs mois avant le tournage. Je n’imaginais rien de pire que se retrouver sur un plateau pour une scène d’amour et leur intimer : « Maintenant, allez-y. » Nous avons abordé ces scènes comme on le ferait de dialogues difficiles. Ces dialogues devaient émerger de la pensée. C’est un trajet qu’accomplissent les personnages. Quel type de sensations, de mémoire des corps peuvent faire que lproduise un « objet » qui va rejaillir sur l’autre ? Nous nous sommes livrés à un travail de recherche passionnant, un peu comme au théâtre. Il a créé de la confiance entre nous. Marina Hands et Jean-Louis Coulloc’h ont appris à se toucher peu à peu, comme des danseurs. Chacun de nous mettait un temps particulier à prononcer certains mots, ce qui est aussi le cas pour Constance et Parkin. Débarrassés du phénomène d’inspiration, nous pouvions arriver sur le tournage de ces séquences en ayant moins peur, en étant capables de nous jeter dans le présent. Nous pouvions ainsi espérer que la grâce advienne, in fine. Ces scènes sont les plus saturées de significations, ce qui permettait aussi d’envisager qu’elles soient réussies même si la grâce ne devait pas arriver. Il me semble que raconter cette histoire arrive pile dans l’histoire du cinéma, à trois ou quatre ans près. Il ne s’agit pas de la question de la transgression, mais d’un partage d’expérimentation entre spectateurs et personnages. Pour ce qui est de la nudité, de la sexualité, j’avais envie que les spectateurs ne soient pas placés dans le voyeurisme. Je voulais qu’eux aussi aient envie de courir nus sous la pluie dans ce geste enfantin et libérateur, le plus loin possible de l’image d’Épinal qui occulte le propos du livre.

Avez-vous dialogué avec le fantôme de Lawrence ?

Pascale Ferran. Nous avons beaucoup parlé. Je n’aurai pas adapté sa troisième version de Lady Chatterley, dans laquelle il fait beaucoup plus intervenir la révolution industrielle. Il s’y montre plus théorique, thématise beaucoup, commente énormément par la voix de ses personnages. C’est très symphonique et j’ai préféré le quatuor, la musique de chambre. Lady Chatterley et l’homme des bois n’est pas un objet clos, ce qui m’a donné le droit de me le réapproprier. J’ai croisé peu d’oeuvres littéraires qui donnent un tel sentiment de liberté. Il y a sept ou huit ans, j’avais essayé d’écrire un scénario mettant en scène un homme et une femme dans un huis clos qui commençait également par une attraction physique. Je n’y suis pas arrivée. C’est très difficile d’écrire ce type de récit en voulant parler à d’autres tout en se fondant sur sa propre histoire. Là, j’ai pu me dévoiler aussi profondément que possible tout en me cachant derrière le fait que ce n’est pas un scénario original.

À propos d’orchestration, comment le travail cinématographique s’est-il accompli ?

Pascale Ferran. Dans le cadre de cette alchimie nécessaire à la mise en scène, j’ai mis beaucoup d’énergie à trouver les personnes les plus justes à chaque endroit, comme pour partager les responsabilités. Nous étions une petite équipe sans la hiérarchie très forte, parfois presque militaire, du cinéma. Cela peut aboutir à une colonisation des lieux de tournage. Nous avons dans chaque registre essayé l’inverse. Par exemple, nous nous sommes beaucoup appuyés sur les gens du coin. Tout cela a été décisif pour le film. J’avais souvent le sentiment d’une sorte de dissolution de la notion d’auteur. J’étais très ouverte aux propositions de collaborateurs dont il me semblait qu’ils savaient sur le film des choses que j’ignorais. Je crois que ce climat d’atelier confortait mon impression de faire un film vivant.

La nature est très présente dans le film et on sent que vous prenez plaisir à la filmer. Que représente-t-elle à vos yeux de cinéaste ?

Pascale Ferran. J’adhère à tout ce qui, dans la notion de nature, participe de la joie et de la liberté. S’il s’agit, comme pour Lawrence, d’y ancrer la question des origines, je m’en méfie. Moi qui suis très citadine, je jardine depuis une dizaine d’années et je suis devenue très férue de botanique. J’ai donc été ravie de filmer la nature en conservant du livre cette double transformation des saisons et de ce que vivent les personnages, ces interactions qui ouvrent des horizons. On dit que l’amour rend bête. Je crois que l’amour ou l’amitié rendent intelligent. L’autre, par un mot, un geste, ouvre une porte. C’est ce que le film a essayé de capter.

La joie, vous voulez bien nous en parler ?

Pascale Ferran. La joie, ce pourrait être le manifeste du film. « Nous sommes dans un monde essentiellement tragique, refusons de le prendre au tragique. » Ce qui était vrai au sortir de la Grande Guerre lorsque Lawrence écrivait, dans les années vingt, je le ressens très fortement aujourd’hui. Je ressens donc également comme une nécessité absolue la tentative de proposer un récit qui dise que la joie est encore possible entre deux personnes et qu’elle ne fait qu’un avec ce processus de vérité intime et d’abandon à l’autre.

Entretien réalisé par Dominique Widemann, pour l'Humanité

CINQ OSCAR POUR LADY CHATTERLEY

A l’image de la consécration de L'Esquive en 2005, c’est de nouveau un film d’auteur qu’ont souhaité récompenser cette année les professionnels du cinéma français, en offrant à l’œuvre de Pascale Ferran Lady Chatterley cinq prix dont les prestigieux César du meilleur film et de la meilleure actrice pour Marina Hands.

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18/02/2007

PRESIDENTIELLES

Tous les programmes passés au crible (source HD) ....
Dominique Voynet

medium_voynet.jpgLes exonérations de cotisations sociales doivent être conditionnées à la mise en place des 35 heures avec embauches compensatoires et au passage de contrats à temps partiel contraint à des contrats à plein temps. Une allocation d’autonomie sera versée aux jeunes.

EMPLOI
Contribution spécifique sur leurs résultats des entreprises qui opèrent des licenciements alors qu’elles réalisent des bénéfices. Afin d’encourager l’initiative sur les territoires, tout créateur d’entreprise pourra bénéficier des droits sociaux des salariés pendant les trois premières années et sur les 2 000 premiers euros de sa rémunération. il sera créé une prime salariale pour les premières heures des contrats à temps partiel afin d’inciter les employeurs à signer des contrats d’au moins 20 heures. Ainsi tout employé à mi-temps sera assuré de toucher au minimum les deux tiers du SMIC. Conditionnement des exonérations de cotisations sociales, dans les entreprises de moins de 20 salariés, à la mise en place des 35 heures avec embauches compensatoires et au passage de contrats à temps partiel contraint à des contrats à plein-temps

Nicolas Sarkozy

medium_sarko.jpgUn contrat de travail unique "plus souple pour les entreprises, grâce à des procédures de licenciement moins longues" . Une obligation annuelle de vente de 1 % du parc de logements sociaux.. Le candidat de la droite veut abaisser le bouclier fiscal de 60 % à 50 %. . La carte scolaire progressivement supprimée . La laïcité définie comme "le respect de toutes les religions.

EMPLOI
La "liberté de travailler plus pour gagner plus" serait reconnue comme un droit. Les entreprises pourraient négocier avec leurs salariés la transformation de RTT en jours travaillés. Les agents publics "volontaires" pourraient eux aussi "s’affranchir de la règle des 35 heures". Toute heure supplémentaire et toute RTT convertie en temps de travail seraient exonérées de charges fiscales et sociales.

Un contrat de travail unique "à durée indéterminée", "plus souple pour les entreprises, grâce à des procédures de licenciement moins longues" serait créé. Il serait applicable à toute nouvelle embauche. En contrepartie, les salariés se verraient couverts par une assurance , "salaire et retour à l’emploi". Celle-ci serait gérée par un, service public de l’emploi", né de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC. Une loi fixerait par principe que "les revenus du travail doivent être supérieurs aux revenus de l’assistance". Une "obligation d’activité" serait instaurée pour tous les bénéficiaires de minima sociaux en âge de travailler. Nicolas Sarkozy propose aussi que soit suspendue l’indemnisation des chômeurs qui refuseraient trois propositions d’emploi. Enfin la dispense de recherche d’emploi pour les seniors et les mises en retraite anticipées serait supprimée.

 François Bayrou


medium_bayrou1.gifExonération massive des cotisations sociales patronales. TVA sociale. Augmentation de la CSG. Assouplissement du Code du travail. . Libéralisation des heures supplémentaires. Diminution du déficit public de 20 milliards d’euros. Suppression des régimes spéciaux. 20000 logements "ultra-sociaux".

EMPLOI
La proposition phare de François Bayrou en matière d’emploi : "La possibilité pour chaque entreprise, quelle que soit sa taille, de créer deux emplois sans charge (à l’exception de 10 % au titredelaretraite)". Argumentdel’UDF : "En réduisant les charges qui pèsent sur le travail, on libérera l’emploi." Pour compenser ces exonérations, plusieurs pistes sont avancées : "hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) ; taxe sur la valeur ajoutée sociale (TVA sociale) ; taxe sur la consommation des carburants fossiles et taxe Tobin sociale" (voir Impôts). L’UDF défend en outre un assouplissement du Code du travail. Pour ce parti, "le législateur doit fixer les règles générales et les partenaires sociaux doivent les adapter aux situations particulières". Il propose le vote d’une loi établissant "un principe commun de contrat de travail universel à durée indéterminée et à droit progressif". Ce "principe" serait adapté par voie d’accord dans chaque profession. Il serait transposable dans d’autres domaines, comme la protection sociale (santé et retraite) et la mise en place d’un "service garanti dans les transports ". Concernant les jeunes sans qualification, François Bayrou prévoit "un contrat formation emploi, grâce auquel l’entreprise se verra rembourser les dépenses de formation et d’accompagnement qu’elle financera ".

Ségolène Royal

medium_segolene.jpgEffort en faveur de la recherche. Construction de 120 000 logements sociaux. SMIC à 1 500 euros. Lutte contre l’échec scolaire. Développement de l’accès aux soins. Revalorisation du pouvoir d’achat et des petites retraites. Une nouvelle constitution européenne.

EMPLOI
Ségolène Royal axe sa politique économique sur quatre priorités. Premièrement, elle prône un accroissement de l’effort de recherche et d’innovation en augmentant le budget que l’État y consacre de 10 % par an et en y affectant 15 % (contre 5 % actuellement) des 65 milliards d’euros d’aides publiques versées aux entreprises. Deuxièmement, elle propose la mise en place d’une politique industrielle fondée sur une agence nationale de la réindustrialisation chargée de "réduire les risques de délocalisation". Troisièmement, elle mise sur le développement des PME avec "la création de fonds régionaux de participation". Quatrièmement, elle affirme vouloir donner la priorité à l’investissement en modulant le taux de l’impôt sur les sociétés en faveur des sociétés qui réinvestissent leurs profits. En matière de lutte contre la précarité, la candidate s’engage à supprimer le CNE. Elle veut aussi conditionner les aides publiques et les exonérations de charges sociales à l’engagement de ne pas licencier en cas de "profits substantiels" et les moduler en fonction de la nature des contrats de travail. Pour les jeunes, elle entend instaurer "un droit au premier emploi" et créer 500 000 emplois tremplins. Pour favoriser le retour à l’emploi, la candidate socialiste propose de créer "une sécurité sociale professionnelle", qui garantisse "une rémunération pendant un an, égale à 90 % du dernier salaire net perçu, une formation qualifiante et une aide personnalisée àlarecherched’emploi".

 Marie george Buffet

medium_buffetmg.JPGSMIC à 1 500 euros brut. Augmenter les minima sociaux de 300 euros. Aucune retraite en dessous du niveau du SMIC. Service public et social de l’emploi-formation. Construction de 120000 logements sociaux par an jusqu’à satisfaction des besoins. Sécurité sociale du logement. Fonds national de lutte contre les inégalités à l’école. Création d’une loi pour un engagement national en faveur de la jeunesse.

EMPLOI
Le programme prévoit que tout salarié licencié puisse "bénéficier d’un" congé de reclassement amélioré", "un plan pluriannuel de résorption de l’emploi précaire" "l’abrogation du CNE et du " contrat senior" "la réduction du recours à l’intérim et la protection des rémunérations des stagiaires. "Les salariés et les comités d’entreprise pourront imposer des moratoires suspendant les décisions controversées pour faire des propositions alternatives. Le CDI sera la norme d’emploi pour tous et il sera progressivement sécurisé. Les lois Fillon seront abrogées et les lois Aubry réformées pour que les 35 heures (u.) soient un droit pour tous et créent des emplois." Enfin, " l’ANPE sera refondue avec son articulation à l’UNEDIC, à l’AFP A et à l’éducation nationale pour un grand service public et social de l’emploi-formation".

12:55 Publié dans Connaissances | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Présidentielles, programme, Voynet, Sarkozy, Bayrou, Royal, Buffet | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

09/02/2007

Marie George Buffet à l'écoute de l'Afrique

Nicolas Sarkozy s’était fait huer. Invitée par Aminata traoré, la candidate de la gauche populaire, chaleureusement accueillie au Mali, nous déclare : « La gauche a besoin d’un projet fort pour gagner. »

À l’issue d’une intense visite de vingt-quatre heures à Bamako, à l’invitation d’Aminata Traoré, Marie-George Buffet nous a accordé un entretien.

medium_MGBBamako.jpgLa journée a été très dense. À chaud, quelles sont vos premières impressions sur cette visite au Mali ?

Marie-George Buffet. Je n’ai pas rencontré une Afrique qui se plaint, mais une Afrique qui agit, qui construit et qui réclame une tout autre politique de coopération de la part de la France et de l’Union européenne. Les forces sociales africaines attendent une politique qui soit fondée sur la réponse à leurs projets, aux besoins exprimés par les Africains eux-mêmes, et non une politique qui leur imposent. La seconde leçon que je tire de ces rencontres, c’est qu’il ne peut y avoir de refonte conséquente de la politique de coopération sans détermination à refuser la fuite en avant libérale. Le Mali ne répondra pas à ses besoins alimentaires, ne diversifiera pas ses productions agricoles, ne sortira pas du tout-coton imposé par les puissances néocoloniales, sans que soient combattus les objectifs actuels de l’Organisation mondiale du commerce. Au-delà, on peut augmenter les fonds dédiés à la coopération et il faut le faire, on peut imposer leur transparence et c’est indispensable, mais la politique de coopération ne sera efficace pour les peuples concernés qu’à la condition de combattre les offensives libérales de la Banque mondiale, de l’OMC, de l’Union européenne, des gouvernements engagés dans ces choix.

S’est aussi exprimée une très grande colère à l’égard des propos de Nicolas Sarkozy...

Marie-George Buffet. Oui, je l’ai déjà rencontré dans d’autres pays, en Algérie notamment. La politique répressive contre l’immigration menée par le gouvernement soulève beaucoup d’émoi. On mesure à quel point elle est inhumaine quand on entend cette femme parler de son neveu qui est parti depuis des mois pour essayer d’aller dans un pays plus accueillant, et qui n’a plus aucune nouvelle, quand on entend ces femmes parler des milliers de jeunes Maliens morts en quelques années, noyés dans les mers, quand on écoute ces femmes qui ont essayé de faire ce voyage raconter les souffrances et les violences terribles subies. Et que disent tous ces témoignages ? Tant que la situation du pays ne s’améliorera pas, existera ce désir de partir pour vivre mieux. Oui, il y a de la colère contre la politique menée par la France en matière d’immigration et contre les politiques de coopération menées depuis des décennies.

Car tous l’ont dit : la priorité, c’est le développement...

Marie-George Buffet. Absolument. Les jeunes que nous avons rencontrés sont clairs : « Si on pouvait vivre ici, on vivrait ici, si on pouvait participer au développement de ce pays, on participerait au développement de ce pays. » Au lieu de parler de l’immigration comme un problème, parlons du développement de l’Afrique, et nous verrons que le débat sur les migrations retrouvera sa place, comme l’expression d’un besoin croissant d’échanges et de mobilités des populations. J’ai été frappée par cette dame qui disait : « Vous vous rendez compte, si on disait subitement à tous les Occidentaux : ’’Vous quittez l’Afrique.’’ Ce serait inimaginable, complètement inconséquent, et c’est pourtant exactement ce qu’on nous dit : ’’Partez de tous les pays où vous êtes venus’’. »

Au cours de cette journée, on avait parfois l’impression d’être en pleine campagne présidentielle ?

Marie-George Buffet. C’est impressionnant de voir à quel point ce qui va se passer en France compte ici. Tout le monde nous interroge, notamment sur la gauche. Pourquoi n’a-t-elle pas porté une autre politique de coopération avec l’Afrique ? Les Maliens savent qu’ils jouent aussi en partie leur avenir dans les choix politiques du gouvernement français. Il était donc impossible ici d’oublier les enjeux politiques débattus en France. Vous savez, quand j’entends les femmes maliennes me raconter l’échec de l’implantation d’une filature de coton pour cause de concurrence effrénée, me parler des tissus réimportés alors que 98 % du coton malien est exporté, j’ai l’impression d’entendre parler les ouvrières du textile dans notre pays. Nous sommes tous confrontés à la même mondialisation capitaliste, aux mêmes logiques libérales. Et j’entends partout la même question : peut-on encore mener une autre politique en France, au Mali, en Europe, en Afrique ? Je crois que les énergies existent pour cela, on le voit ici, au Mali, on le voit aussi chez nous en France. Mais il y a aussi des doutes, c’est évident. Je crois que ce qui manque le plus, c’est de mettre en débat un projet fort, et de construire la dynamique de rassemblement qui va le porter. Sans cela, les énergies sont coincées entre une droite de plus en plus arrogante et une gauche qui renonce et qui déçoit.

Vous pensez que l’élection présidentielle va se jouer là-dessus : la capacité ou non de la gauche de porter dans le débat un projet fort de changement ?

Marie-George Buffet. Oui, parce qu’après cinq ans d’une droite telle que nous l’avons eue, avec le terrible bilan qui est le sien, comment expliquer que les sondages donnent encore une gauche aussi largement minoritaire ? Je veux bien qu’on m’explique qu’il y a trop de candidats à gauche, mais quand on les ajoute tous les uns après les autres, cela donne 40 %. Alors qu’est-ce qui manque ? Je crois que c’est la dynamique autour d’un projet fort, qui engage la gauche sur un programme courageux et audacieux en termes de moyens pour le changement. Ce projet, j’ai le sentiment qu’il existe à travers tout ce que notre peuple a porté dans la bataille du « non », à travers toutes les batailles pour une autre mondialisation, à travers tout le travail réalisé par une force politique comme la mienne, le Parti communiste, à travers toute l’élaboration dans les collectifs antilibéraux avec l’apport d’autres sensibilités. Je le porte partout dans les rencontres, les débats. Cela va au-devant de très grandes attentes sur les propositions, sur les moyens pour les mettre en oeuvre. Oui, il existe dans ce pays une gauche de combat et de responsabilités.

Mais comment la rassembler en quelques semaines ?

Marie-George Buffet. En étant le porte-voix de toutes celles et de tous ceux qui ont l’impression d’être aujourd’hui ignorés par la politique française. Et en mettant en débat ce projet avec eux. Les gens se moquent des fichiers des RG ou du scooter du fils de tel ou tel candidat. Nous avons publié notre programme dans une petite brochure. Je vois que les gens la feuillettent, la lisent, la corrigent si nécessaire... Je veux que ce programme devienne le bien commun de tout le monde, la base d’une dynamique et d’un rassemblement victorieux.

Est-il encore possible de faire bouger le paysage électoral dans les deux mois qui restent ?

Marie-George Buffet. Oui, parce que cela répond vraiment à un besoin. Si ce rassemblement ne prend pas de la force, le penchant vers le moindre mal prendra le dessus. D’où l’enjeu de se rassembler maintenant, de se mobiliser sans attendre. Je vais plus loin : cette candidature, ce projet que je porte, c’est peut-être aujourd’hui la chance de gagner pour la gauche. Car on voit bien que la question ce n’est pas seulement est-ce que la gauche va réussir, mais est-ce qu’elle va gagner ?

Les journalistes me demandent parfois comment faire avec plusieurs candidatures antilibérales. Mais ce n’est plus cela le problème. Je refuse de m’enfermer dans le scénario d’une concurrence entre « petits candidats », pendant que l’on se résignerait à voir la gauche avec une candidature en quelque sorte « officielle » aller tout droit dans le mur. Je ne suis pas en train de me comparer, de me jauger par rapport à tel ou tel candidat, je m’adresse à l’ensemble des femmes et des hommes de gauche. Je leur dis, pour faire gagner la gauche, pour qu’elle change votre vie, c’est avec vous que je veux avoir ce dialogue, que je veux construire ce rassemblement. Ne nous laissons pas imposer un scénario qui mène à l’échec. Toute la gauche est concernée.

Entretien réalisé par Pierre Laurent, pour l'Humanité

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