28/09/2008
Les Français et la pauvreté
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25/09/2008
ROMS EXPULSES - TEMOIGNAGE
Jose Vieira a écrit :
L’expulsion des Roms qui habitaient sur le parking de la gare de Massy Palaiseau était prévue pour le 16 septembre. La préfecture, pudique, a-t-elle voulu attendre la fin du premier sommet européen sur les Roms pour déclencher son opération de déguerpissement ? Toujours est-il que l’expulsion a lieu le lendemain, le 17 septembre 2008.
Le commandant de la police de Palaiseau avait annoncé aux Roms qui manifestaient le 15 septembre devant la sous-préfecture que le lendemain il les mettraient dans le train. Pour aller où ? lui demandaient les habitants du parking. L’officier de police leur rétorqua que cette question n’était pas de son ressort. Les ordres étaient formels, ils devaient les faire déguerpir du secteur. Pour aller où ? insistaient les Roms. A Bobigny, leur proposa le commandant, comme s’il faisait un bon mot.
Le 17 septembre, la police a encerclé le camp. La préfecture avait envoyé, entre autres, des agents de la DASS chargés de recenser ceux qui pouvaient prétendre à un hébergement d’urgence. La DASS, qui n’avait jamais mis le pied par ici pour s’inquiéter de la situation sanitaire, improvisa et cafouilla. Quelques familles, avec des femmes enceintes et des enfant de moins d’un an, furent hébergés pour quelques jours. Dans une semaine, ils iront rejoindre d’autres camps déjà formés. En attendant, un mini-car les amène par petits groupes à la maison des solidarités de Palaiseau, qui jusqu’ici a refusé d’écouter une quelconque doléance concernant les habitants du parking de la gare RER.
Les familles qui n’avaient pas d’hébergement, de loin les plus nombreuses, étaient retenues au bout du parking, encerclées par les CRS et les policiers. Sur le parking, le bulldozer avait déjà rasé les quelques baraques qui avaient été construites récemment et commencé à nettoyer le terrain. Les CRS formaient maintenant un cordon jusqu’à la passerelle de la gare de Massy-Palaiseau. « A la gare », cria le commandant de police. Les habitants du parking, chargés de sacs et de valises, se mirent lentement en route. Des enfants criaient, des hommes chantaient. Au pied de la passerelle, avant d’entrer dans la gare, il y a eu un arrêt. Un refus d’avancer. Des hommes criaient leur indignation d’être ainsi traités, humiliés. Je me souviens que j’ai dit à un CRS : « Des policiers, des gens avec des valises et une gare, ça vous rappelle rien ? ».
« A la gare », répétait inlassablement le commandant de police. Puisque deux familles devaient être prises en charge à Corbeil par le 115, et qu’une majorité d’habitants du parking avaient décidé de s’y rendre pour tenter d’être hébergés, le commandant en profita pour obliger les Tsiganes à prendre le train pour Corbeil-Essonnes et ainsi à déguerpir du coin. Tout le monde se retrouva sur le quai du RER C à destination de Corbeil, via Juvisy. Sur le quai, avec, en fond, cette passerelle en travaux qui ressemblent étrangement à un mirador, les images étaient chargée de symboles (1). Des femmes donnant le sein à leur bébé, assises sur des valises, des enfants qui n’avaient que les sacs et les baluchons pour jouer, des familles entières sur un quai de gare encerclées par la police qui les obligea à monter dans un train. Le RER qui rentra en gare était bleu, blanc, rouge et assorti aux uniformes des policiers qui veillaient à ce que personne ne rate le train. Le convoi partit de la gare RER C de Massy Palaiseau. A la première station, à Longjumeau, des gens ont voulu descendre du train.
Aussitôt, des policiers, ont sauté du train pour les en empêcher. A la correspondance de Juvisy, un groupe qui avait réussi à sortir de la gare a été rattrapé, empêché de monter dans un bus et remis dans le train pour Corbeil.
Des gens chargés de sacs et de valises, hommes, femmes et enfants, en tout une soixantaine, encadrés par les policiers et guidés par des agents de la SNCF, en plein jour, cela n’avait pas l’air d’émouvoir grand monde. L’illégalité était là, évidente. Plusieurs fois, je l’ai dit à des policiers ou à des agents de la SNCF. Je l’ai dit à des policiers qui patrouillaient dans le train et qui disaient n’avoir rien à voir avec l’opération. Ils m’ont dit que j’avais raison, que c’était illégal, qu’ils ne voulaient pas être filmés et ils ont fermé la porte du wagon. Je l’ai signalé à un agent zélé de la SNCF qui m’a > dit qu’il rendait service. Je lui ai répété qu’il participait à une opération illégale, il m’a dit qu’il obéissait aux ordres./ /Tout le monde disait obéir aux ordres. Les policiers, les agents de la SNCF.
Les ordres venaient, paraît-il, de la Préfecture. La police qui avait ordre d’expulser avait-elle ordre d’obliger les Roms à prendre le train ? Depuis quand la SNCF offre ses trains et le service de ces agents aux forces de l’ordre ? Jusqu’où cette collaboration est-elle légale ?
J’ai vu une jeune journaliste qui travaille pour un quotidien voir ce que j’ai vu au départ de la gare de Massy Palaiseau et ne rien dire dans son article sur l’ignominie à laquelle elle a assisté. À part quelques rares passants, je n’ai vu aucune question, aucune compassion. Pas un cri de solidarité. J’ai vu des regards hostiles mais surtout la plupart des voyageurs ne semblent pas touchés par ces images. Les Roms de Roumanie sont les étrangers de tout le monde. Les
regards se détournent. Les voyageurs qui descendent s’empressent de descendre, ceux qui montent évitent les wagons où s’entassent les Tsiganes.
Une fois tous les bagages trimballés pour aller devant le 115 (Croix rouge) de l’Essonne, seule une famille sur les trois prévues a pu obtenir un hébergement. Pour les autres, rien. La mairie de Corbeil a envoyé un camion avec trois employés municipaux. Ils ont déchargé des barrières de protection et puis s’en sont allés. La police est passée, le gradé a déclaré « tout est plein dans le coin » et ne constatant pas de trouble à l’ordre public s’en est allé. La police municipale de Corbeil, après avoir escorté le cortège de la gare à la Croix rouge, observa la situation puis d’en alla. Deux types, avec un look très passe-partout se présentant d’emblée comme deux agents des Renseignement Généraux (j’ai pas retenu le nouveau nom du service), ont vite vu qu’il n’y avait pas grand chose à pêcher et s’en allèrent.
La Croix rouge a offert une espèce de repas… Un premier groupe se mit en route vers la gare. Une heure plus tard, le dernier groupe qui quitta les lieux – malgré l’assurance de la police qui annonça qu’ils pouvaient s’installer dans le secteur pour la nuit - fut empêché de descendre à toutes les gares jusqu’à la gare du nord, ultime destination où ils ont enfin pu dormir, dehors, allongés sur les tentes qu’ils ne pouvaient pas déployer pour la nuit…
(1) Les Tsiganes ont été exterminés par les Nazis. L’Etat français qui a reconnu sa responsabilité dans la Shoah, continue de l'éluder pour ce qui est du Samudaripen, le génocide des Tsiganes. Photos du camp des ROMS de Palaiseau.
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22/09/2008
LE DESSIN DU MOIS DE SEPTEMBRE
17:55 Publié dans Le dessin du mois | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lagarde, crise, économie | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
19/09/2008
une crise structurelle du capitalisme
Comment analysez-vous la crise financière actuelle ?
La crise actuelle est plus qu’une crise bancaire, parce qu’elle met en cause la configuration de l’économie mondiale. Celle-ci revêt trois grandes caractéristiques. La première est la baisse de la part salariale à l’échelle mondiale. Mais l’augmentation des profits qui en résulte ne conduit pas à un surcroît d’accumulation productive. Le profit non investi augmente régulièrement et va nourrir la sphère financière. Celle-ci augmente ensuite en fonction des déséquilibres de l’économie mondiale : déficit commercial des Etats-Unis d’un côté, excédents de l’Europe, du Japon, des pays « émergents » et/ou producteurs de pétrole, de l’autre. Le besoin de financement de l’économie étasunienne se creuse et nécessite une arrivée de flux de capitaux croissants. Enfin, la déréglementation financière rend impossible le contrôle de ces flux financiers qui parcourent le monde à la recherche de rendements extravagants. Le résultat, c’est les bulles successives (la Net-économie puis l’immobilier, etc.) et, depuis 15 ans, une série de crises financières localisées (Mexique, Argentine, Asie du Sud-Est, etc.).
Pensez-vous, comme certains, que cette crise est la plus grave depuis 1929 ?
La différence avec 1929, c’est que les gouvernements comprennent mieux qu’alors les mécanismes de la crise. Celle-ci est née de l’éclatement de la bulle immobilière et c’est un phénomène relativement classique. Mais ce qui est nouveau, c’est la réaction en chaîne qu’elle a déclenchée. La déréglementation financière et la « titrisation » ont conduit à une imbrication très profonde, mais aussi extrêmement opaque, entre banques d’affaires et fonds spéculatifs. On découvre tous les jours l’ampleur des pertes cumulées, que le FMI vient d’évaluer à 945 milliards de dollars. L’immensité de ces pertes explique pourquoi les interventions des banques centrales n’ont pas pu enrayer le mouvement. La Fed a baissé ses taux en dessous de l’inflation, injecté des liquidités, racheté de fait une grosse banque d’affaires (Bear Stearns) et échangé 200 milliards de dollars de Bons du trésor contre des crédits hypothécaires douteux. Mais rien n’y fait : le marché de l’immobilier continue à plonger, et chaque jour apporte sa mauvaise nouvelle. Une telle crise ne peut rester cantonnée à la sphère financière, ni aux Etats-Unis : ces derniers sont en récession, et le FMI vient encore de réviser ses prévisions à la baisse pour l’économie mondiale. Il prévoit pour la France une croissance de 1,4 % en 2008 et de 1,2 % en 2009 et ne prévoit un rebond qu’en 2010.
Quelles sont les perspectives ?
On est enlisé dans la crise pour au moins deux ans. Elle a en plus un caractère irréversible : le modèle de croissance des Etats-Unis vient d’exploser en vol et on ne voit pas bien comment il pourrait être rafistolé. Ce modèle reposait sur un double mécanisme : d’un côté, la baisse régulière du taux d’épargne des ménages (près d’un demi-point chaque année) et, de l’autre, l’augmentation tout aussi régulière du déficit commercial. C’est la consommation qui tirait la croissance des Etats-Unis, soutenue par un recours croissant à l’endettement. Il s’agissait donc d’une croissance à crédit qui devait être couverte par des entrées de plus en plus massives de capitaux en provenance du reste du monde. Ce système de vases communicants ne peut plus fonctionner : à cause de la ruine de millions de ménages et en raison de la baisse du dollar. Le dollar n’a jamais été aussi faible et instable, et les taux d’intérêt ne sont plus attractifs, si bien que les capitaux vont cesser d’entrer, si ce n’est déjà fait. La grande inconnue est alors le modèle de rechange qui devrait remettre en cause les incroyables inégalités de revenus qui existent aux Etats-Unis. Tout le supplément de croissance des dernières années a en effet été capté par une couche sociale très étroite et le salaire moyen n’a pratiquement pas augmenté. Pour passer à un régime de croissance plus équilibré, il faudrait écrêter les plus hauts revenus. Le prochain gouvernement voudra-t-il ou pourra-t-il mettre en oeuvre un New Deal qui éviterait à la grande masse des salariés de ne pas payer les pots cassés de la haute finance ?
Vous avez signé l’appel international des économistes contre la liberté de mouvement des capitaux en Europe (http://www.stop-finance.org/). Pourquoi ?
Parce qu’il est bien ciblé, ce qui explique son succès. Il montre que l’ampleur de la crise « d’intervenir au cœur du « jeu », c’est-à-dire d’en transformer radicalement les structures » et constate qu’au sein de l’Union européenne, « toute transformation se heurte à l’invraisemblable protection que les traités ont cru bon d’accorder au capital financier ». Il propose ensuite deux objectifs précis : l’abrogation de l’article 56 du Traité de Lisbonne et la restriction de la « liberté d’établissement » prévue à l’article 48 qui interdisent toute restriction aux mouvements de capitaux. Cela ne suffit certes pas à définir une politique globale mais de mener concrètement campagne autour de la question-clé, celle d’un nécessaire contrôle des capitaux. Et l’Europe est un ensemble économique assez vaste et intégré pour qu’une autre politique puisse être envisagée à ce niveau.
Face à ce monde dominé par le libre-échange et les marchés financiers où se développent ces crises, peut-on faire autrement ?
Nous sommes face à un capitalisme qui a échappé à tout contrôle. Lutter contre ses dérives financières doit conduire à remettre en cause la liberté absolue de circulation des capitaux mais aussi, plus fondamentalement, l’exploitation croissante des travailleurs à travers le monde. Il faut, autrement dit, fermer « à la source » le robinet qui alimente la spéculation. L’objectif est de mettre l’économie au service des besoins sociaux, et cette aspiration permet, à travers la lutte contre la mondialisation financière, de fonder un nouvel anticapitalisme.
Propos recueillis par Benoît Pradier
(1) Michel Husson est l’auteur de Un pur capitalisme, Editions Page Deux.
Entretien publié dans l'Humanité
19:48 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, crise, bourse | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |