01/09/2012
Alimentation : Les Bourses préparent de nouvelles émeutes de la faim
Depuis mai, le prix du blé a augmenté de près de 40 %, celui du maïs de plus de 60 %. Le soja suit la tendance. Ces hausses spéculatives se traduiront par une flambée des prix alimentaires. Les paysans français, acheteurs de céréales pour leur bétail, sont les premiers à payer la facture.
Une spéculation durable est engagée sur le blé, le maïs et le soja depuis plusieurs semaines. Par effet de contagion, la hausse des prix touche aussi les céréales secondaires, comme l’orge et les oléagineux, et les plus cultivés en Europe : le colza et le tournesol. Depuis juin, le prix du blé a augmenté de près de 40 % et celui du maïs de plus de 60 % à la Bourse de Chicago.
La tendance est la même sur les autres places financières où s’échangent chaque jour des milliers de tonnes de grains sans bouger de leurs silos. Plus sidérant encore, les récoltes de 2013, 2014 et même 2015 peuvent être partiellement prévendues sur le marché à terme très au-dessus de 200 euros la tonne car une sécheresse sévère sévissant au États-Unis, en Russie, en Ukraine et au Kazakhstan pousse les spéculateurs à considérer que les prix resteront élevés plus longtemps que lors de la crise de 2007-2008, qui déboucha sur des émeutes de la faim dans près de 40 pays.
Pour le blé, la production mondiale pourrait être cette année de 662 millions de tonnes, auxquels s’ajoute un stock de report de fin de campagne de 177 millions de tonnes. Il n’y a donc pas de risque de pénurie. Mais les stocks sont inégalement répartis. Les pays structurellement déficitaires n’étaient guère enclins aux achats, ces dernières semaines, car ils voulaient connaître la qualité des blés récoltés avant de s’engager.
Dans le même temps, les trois gros pays exportateurs que sont la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan ont une récolte en baisse de 34 % par rapport à 2011. Dès lors, leurs capacités d’exportation seront moindres. La Russie a déjà beaucoup exporté cet été et le souci de stabiliser les prix des denrées alimentaires sur leur marché intérieur peut inciter ces trois pays à relever leurs stocks de sécurité. Il n’en faut pas plus pour qu’on anticipe d’énormes profits en spéculant sur les céréales dans les salles de marché.
S’agissant du maïs, les États-Unis tablent désormais sur une récolte de 273 millions de tonnes, au lieu des 375 millions de tonnes envisagés au mois de mai dernier. Comme ce pays utilise 40 % de son maïs pour produire de l’éthanol destiné aux véhicules, la part des réservoirs entre en concurrence avec celles de la consommation humaine et animale. Du coup, les spéculateurs tablent aussi sur une pénurie de maïs et sur des prix en forte hausse.
Selon les dernières prévisions de FranceAgrimer, rendues publiques le 10 août dernier, la production française de blé tendre sera de 36,5 millions de tonnes en 2012, contre 34 millions en 2011. Le rendement moyen sera de 75 quintaux à l’hectare, soit quatre de plus que la moyenne des cinq dernières années. La qualité des blés panifiables est tout à fait correcte en dépit de quelques aléas climatiques. Il en va de même pour le blé dur, destiné à la production de pâtes, ainsi que pour les orges, dont la production est en hausse de 30 % par rapport à 2011.
Beaucoup des ces céréales ont été vendues depuis plusieurs mois sur les marchés à terme par des agriculteurs ou par l’intermédiaire de leurs coopératives. Le prix effectif a souvent été de 170 à 180 euros la tonne, tandis que celui du blé rendu à Rouen s’affiche aujourd’hui à plus de 260 euros. Nul doute que la différence aura été empochée par les spéculateurs et autres réassureurs qui ne produisent aucune richesse mais font payer leurs interventions parasitaires au consommateur final.
En France toujours, les professionnels les plus malmenés par cette politique spéculative sont les éleveurs de volailles, de porcs, les producteurs de lait de vache, de chèvre ou de brebis et, dans une moindre mesure, les engraisseurs de bovins et d’agneaux. Les fabricants d’aliments pour le bétail répercutent l’augmentation du prix des céréales et des tourteaux de soja dans celui des aliments composés qu’ils livrent aux éleveurs. Mais ces derniers ne fixent pas librement le prix des animaux de boucherie ou du lait. Ces prix fluctuent selon la loi de l’offre et de la demande dans un bras de fer permanent qui oppose les distributeurs aux transformateurs, lesquels reportent leurs propres difficultés sur les éleveurs.
Aux dernières nouvelles, les États-Unis, la France et le Mexique envisageraient de réunir prochainement le Forum de réaction rapide, mis en place lors du G20 agricole de juin 2011 à Paris, afin de voir s’il est possible de freiner la spéculation sur les denrées alimentaires. Ce G20 parisien entendait « améliorer la transparence sur les marchés agricoles » et « coordonner les dispositifs d’observation satellitaires de la planète » en vue de « réduire les effets de la volatilité des prix pour les pays les plus vulnérables ». Il préconisait enfin de « favoriser l’accès à des outils de gestion du risque pour les gouvernements et les entreprises des pays en développement ».
À aucun moment il n’a été question de constituer des stocks publics céréaliers de sécurité lors de cette réunion du G20, alors qu’il s’agirait du seul dispositif susceptible de casser la spéculation. Il est vrai que les pays exportateurs net de céréales et de soja n’en voulaient pas, à commencer par les États-Unis et le Brésil. Dès lors, une prochaine réunion de ce « machin » se limitera à regarder les spéculateurs spéculer alors que, de l’aveu même du commissaire européen Michel Barnier (1), les échanges de « dérivés agricoles » sur les marchés boursiers ont été multipliés par quatorze entre 2002 et 2008, sans compter l’accélération des quatre années qui ont suivi.
Tout démontre désormais que le pilotage de la production agricole à partir d’un marché mondialisé perverti par la finance crée une situation ingérable économiquement, explosive socialement et dévastatrice pour les nécessaires équilibres écologiques. Nous sommes désormais sur une planète en phase accélérée de réchauffement qui doit impérativement réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le moment de la « planification écologique » est arrivé, avec, pour reprendre une autre expression lancée par Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne de l’élection présidentielle, la « règle verte » comme boussole.
Si on veut nourrir le monde au XXIe siècle, il faut pratiquer une agriculture « écologiquement intensive », que l’on peut caractériser par des associations de plantes dont certaines utilisent l’azote de l’air comme engrais, tandis que d’autres permettent de réduire les herbicides, les fongicides et les labours.
Il faut recréer des ceintures vertes autour de nos grandes villes afin de limiter les transports de denrées périssables comme les fruits et les légumes frais en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Il faut privilégier l’herbe dans la nourriture des ruminants alors que l’association du maïs ensilé et du soja importé fragilise les vaches, pollue les sols et conduit notre pays à dépenser de précieuse devises pour importer du soja.
Il faut aussi réhabiliter l’arbre nourricier (2), adapter à grande échelle et aux conditions de notre époque une forme moderne d’agriculture médiévale que de nouveaux pionniers ont commencé à mettre en route avec une variété déjà remarquable de produits de qualité. C’est le cas avec un arbre comme le châtaignier qui pousse sur les terres pauvres, acides, pentues et inculte, produisant des tonnes de nourriture à l’hectare pour les humains, les porcins et les petits ruminants que sont les brebis et les chèvres. Mais c’est aussi le cas de l’olivier, du noyer, du noisetier, de l’amandier, du figuier, des fruits dont la production est déficitaire en France alors que les terres susceptibles de les produire sont souvent en friche.
Le XXIe siècle sera aussi celui de la mise en place de l’agroforesterie, qui associe la production de bois d’œuvre aux cultures annuelles, céréalières et autres. Des essais de rangées d’arbres en plaine céréalière menés en France depuis une quarantaine d’années ont fait la démonstration de la pertinence de cette forme d’agroforesterie pour augmenter le rendement global des parcelles et améliorer la qualité des sols, tout en protégeant les cultures annuelles des dégâts spécifiques aux périodes caniculaires.
Nous ne sommes que dans la seconde décennie d’un siècle qui va se caractériser par la cherté des énergies fossiles, des engrais, par une plus grande rareté de l’eau. Il va falloir réapprendre à jardiner la planète, plutôt que de persévérer dans la fumeuse théorie des avantages comparatifs, théorisée voilà deux siècles par le spéculateur David Ricardo, quand la planète ne comptait encore qu’un milliard d’habitants.
Le soja sera de plus en plus cher : L’Union européenne (UE) importe chaque année 34 millions de tonnes de soja pour nourrir ses animaux d’élevage. Il entre dans la composition des aliments des volailles, porcins et bovins essentiellement. Le taux de couverture de l’UE en protéines végétales pour animaux d’élevage n’est que de 44 %, celui de la France de 65 %. Environ 30 % du soja exporté d’Amérique du Nord et du Sud part en Chine et 28 % en Europe. Les chiffres étaient de 38 % pour l’Europe et 18 % pour la Chine en 2004-2005. Avec 212 millions de tonnes produites en 2008-2009, la production mondiale de soja a été multipliée par 8 en cinquante ans avec une déforestation accélérée aux conséquences écologiques et climatiques préoccupantes. Il est à plus de 500 euros la tonne et sera de plus en plus cher.
(1) Le Monde du 11 août 2012.
(2) Ces rappels renvoient au dernier livre de Gérard Le Puill, Bientôt nous aurons faim, avril 2011, Pascal Galodé Éditeurs.
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25/08/2012
UNE JEUNE BEDOUINE PALESTINIENNE DE 14 ANS « PRIX NOBEL » DE LITTERATURE
Le prix Hans Christian Andersen, parfois surnommé le petit prix Nobel de littérature, est un prix international décerné depuis 1956, tous les deux ans par l'Union Internationale pour les Livres de Jeunesse en reconnaissance d'une « contribution durable à la littérature pour enfants ».
Il y a deux catégories de lauréats : auteurs et illustrateurs. Le prix tient son nom de l'écrivain danois Hans Christian Andersen, et les lauréats reçoivent une médaille d'or des mains de la reine du Danemark.
Dans la ville italienne de Sestri Levante, le jury a décerné cette année le prix catégorie "adolescents" à Salha Hamadin jeune bédouine palestinienne de 14 ans résidant près de Jérusalem . L' adolescente primée, est l'auteure d'un conte s'inspirant de la dure réalité d'un quotidien vécu au sein de la communauté des Bédouins en Cisjordanie.
Les oeuvres de 1200 jeunes concurrents du monde entier, âgés de 11 à 16 ans, se trouvaient en compétition pour le prix du nom de l'écrivain danois.
Hantouch débute par une scène où un bulldozer militaire surgit pour démolir le foyer de la jeune fille, ce qui pousse son agneau favori à l'emmener en voyage. L'animal, qui peut voler, la transporte en Espagne où elle rencontre le célébrissime joueur de football Lionel Messi. Il revient avec elle en Cisjordanie et lui promet de réparer le terrain de football de la communauté bédouine. Il lui offre aussi une place dans son équipe mais elle refuse, affirmant qu'elle est la seule à pouvoir s'occuper du troupeau de moutons de la famille car son père est en prison.
"C'est la réalité qui m'a inspirée", raconte Salha. "J'ai l'habitude de penser et rêver à une vie meilleure." Le père de Salha, Souleiman, purge actuellement une peine de 25 ans de prison en Israël.
Membre de la communauté des bédouins Jahalin, sa famille habite en zone C de Cisjordanie restée sous le contrôle total d'Israël. Selon les chiffres du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, 2 300 bédouins vivent dans 20 campements sur des collines à l'est de Jérusalem. Bien que plus de 80% d'entre eux aient le statut de réfugiés, la plupart de leurs habitations, de leurs écoles et de leurs bergeries risquent d'être démolies car les autorités israéliennes refusent de leur accorder des permis de construire.
Malgré son succès, Salha ne veut pas déménager dans l'espoir que "le rêve devienne un jour réalité, que cet endroit soit reconnu et que les enfants puissent s'amuser sur des terrains de jeux".
17:29 Publié dans Actualités, Livre, Planète | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : palestine, prix nobel, andersen, salha hamadin | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
23/08/2012
Alain Keler "Personne n’a jugé utile de s’intéresser aux roms, ils sont devenus des fantômes"
Des pays d’Europe de l’Est dont ils sont originaires aux bidonvilles de France, Alain Keler parcourt le continent pour photographier les Roms, « minorité des minorités ».
Depuis des années, le photographe reporter Alain Keler se rend en Europe de l’Est à la rencontre des minorités ethniques et en particulier des Roms. Une partie de ses reportages a été publiée dans la revue XXI sous forme de bande dessinée avec Emmanuel Guibert (le photographe), avant de sortir en livre (1) l’an dernier.
Vous avez réalisé de nombreux reportages auprès des Roms dans les villages d’Europe de l’Est. Pourquoi partent-ils ?
Alain Keler. Pour schématiser, il s’est passé la même chose dans tous les pays de l’Est : pendant le régime communiste, les Roms étaient obligés de travailler. À la chute du bloc de l’Est, des tas d’usines pas rentables ont fermé. Les premiers licenciés ont été les Roms, parce qu’ils n’avaient pas fait d’études et, surtout, parce qu’ils étaient roms... Avec la montée du chômage, ils n’ont jamais pu se faire réembaucher. Ils ont été mis à l’écart d’une société qui devenait de plus en plus compétitive. Sans doute, eux, se sont isolés aussi. Au début des années 1990, on a vu apparaître des pogroms contre des villages roms. Ça a été d’autant plus dur qu’il n’y avait aucune politique gouvernementale pour les aider. Notamment pour la scolarisation. En Slovaquie, les enfants roms sont jugés trop turbulents et mis dans des écoles spéciales pour handicapés mentaux. C’est terrible, on leur supprime dès le plus jeune âge toutes les chancesde s’intégrer dans la société.
En ex-Yougoslavie, la situation était un peu différente, non ?
Alain Keler. Au Kosovo, quand les Serbes ont quitté le pays fin 1999, la première chose qu’ont faite les Albanais a été de brûler les maisons des Roms qu’ils accusaient d’avoir collaboré avec les Serbes. Beaucoup sont partis, notamment en Serbie parce qu’ils parlaient la langue. Ils sont devenus des fantômes : sans papiers d’identité, ils vivaient dans des forêts près de Belgrade et travaillaient en récupérant du métal. Personne n’a jamais jugé utile de s’intéresser à eux et ça a duré comme ça une vingtaine d’années dans tous ces pays. Pendant que les gens goûtent aux plaisirs de la société ultralibérale, eux sont mis complètement à l’écart. En Roumanie, ils vivent dans des petits villages, loin de tout et très pauvres. Quelques-uns arrivent à s’en sortir, heureusement.
Comment réagissez-vous aux évacuations de campements menées en France ces dernières semaines ?
Alain Keler. Mal. J’ai été très surpris. Le discours est moins violent, mais on se retrouve dans le même cas de figure que sous Hortefeux et Guéant. Je pensais que le gouvernement aurait la sagesse d’organiser des rencontres entre associations et ministères pour essayer de trouver des solutions. Les Roms vivent dans des conditions épouvantables ; au niveau sanitaire, c’est terrible, il y a des rats, des épidémies. Je pensais qu’il y aurait une vraie réflexion pour supprimer les bidonvilles, pour que les familles soient mieux traitées et puissent se stabiliser.
Et pourtant, 80 % des Français se disent favorables aux expulsions de campements roms…
Alain Keler. L’opinion publique a été beaucoup manipulée par le précédent gouvernement. Quand je dis que je travaille sur les Roms, les gens réagissent souvent en les traitant de voleurs. C’est la fable des romanichels voleurs d’enfants qu’on raconte depuis toujours. Ils ne savent pas de quoi ils parlent et n’essayent pas de savoir pourquoi ces gens vivent ici dans des conditions dramatiques. Si on expulse tous les bidonvilles, ça ne résoudra pas nos problèmes ! De tout temps, les immigrés, qu’ils soient juifs, italiens ou maghrébins, ont été rejetés. Quand on leur laisse leur chance, ils enrichissent la société française.
Comment êtes-vous accueilli par les Roms en tant que photographe ?
Alain Keler. Plutôt bien, surtout dans les endroits où je retourne régulièrement. Il faut du temps, leur donner des photos, faire des échanges... C’est délicat, surtout quand ils sont à la une de l’actualité et que toute la presse y va. Ça les énerve d’être considérés comme des animaux en cage, ce que je peux comprendre. Si quelqu’un venait chez moi prendre des photos, je ne serais pas ravi…
(1) Des nouvelles d’Alain, d’Emmanuel Guibert, Alain Keler et Frédéric Lemercier. Éditions les Arènes, 95 pages, 19 euros.
Entertien publié dans le journal l'Humanité
12:10 Publié dans Actualités, Connaissances, Entretiens, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roms, sans-papiers, europe, expulsions, roumanie, entretien, slovaquie | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
20/08/2012
Quel sens cela a-t-il de se dire «communiste» en 2012 ?
Pierre Laurent est secrétaire national du Parti communiste français (PCF).
Quel sens cela a-t-il de se dire «communiste» en 2012 ?
Le communisme, c’est une mise en commun, un partage. Et la révolte contre l’injustice est toujours autant d’actualité. Tous les systèmes d’aliénation doivent être dépassés pour inventer une autre manière de vivre ensemble. Après plusieurs décennies de mondialisation accélérée, on voit aujourd’hui émerger la question des «biens communs» de l’humanité et revenir celle de la maîtrise sociale des richesses. Pendant une partie du XXe siècle, les idées communistes ont été dogmatisées, jusqu’à être détournées de leur objet dans les pays de l’Est. Mais les idées communistes, au-delà des caricatures et de leurs perversions profondes, restent valables. Cela suppose un effort d’invention extrêmement profond pour penser des solutions dans un monde très différent.
Par exemple ?
L’impasse majeure des expériences communistes a été l’aveuglement démocratique. Il a empêché de dépasser les obstacles rencontrés. Aujourd’hui, les modèles représentatifs touchent leurs limites à cause d’un niveau inédit de savoir dans la société. Les démocraties doivent être profondément renouvelées. Le sens de la production doit être repensé. La question du sens des richesses produites, qu’il s’agisse de leur utilité et de leur finalité, devient décisive pour l’avenir écologique de la planète.
En tant que communiste, êtes-vous toujours opposé à la propriété privée des moyens de production ?
La vision étatiste, centralisée de la propriété collective est dépassée, mais pas l’appropriation sociale des richesses. Le système de la Sécurité sociale, créé en France à la Libération à l’initiative d’un ministre PCF, est une idée profondément communiste ! Prélever à la source une partie des richesses pour la consacrer au bien-être social des populations, c’est communiste ! Mais cela n’est pas contradictoire avec l’existence d’entreprises privées ! Le communisme aujourd’hui est tout sauf un égalitarisme qui s’imposerait de manière administrative et qui nierait le travail. Les individus ont besoin de confronter librement leurs envies de création. Mais, je n’aspire pas à une société idéale.
C’est une révolution chez les communistes de ne plus avoir l’idéal comme horizon !
Je suis animé par le fait de rêver une société, mais ça n’a rien à voir avec définir une société idéale. Je ne crois pas plus au communisme par plans quinquennaux. Le communisme est un mouvement, un chemin de projets partagés, sans cesse remis en discussion. Ce n’est pas une société parfaite à atteindre.
Le communisme d’aujourd’hui ne serait-il pas devenu le socialisme d’hier ?
Entre 1830 et 1917, le Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels se décline dans une multitude d’expériences dites socialistes. Mais à partir de 1917, un débat traverse les forces socialistes dans le monde entier, et un très grand nombre d’entre elles choisit la voie communiste. Relisez les textes socialistes de 1936, vous verrez la distance avec ce que dit le PS actuel. Le PCF d’aujourd’hui est l’héritier des traditions socialistes et communistes de la première moitié du XXe siècle, alors que la plupart des sociaux-démocrates ont perdu le fil de cette tradition.
Mais pourquoi garder le nom «communiste» ? Par nostalgie ?
Parce que la gauche française s’est structurée en deux grands courants issus de la même matrice. Les communistes et les socialistes. Cela marque les consciences et les cultures. A partir des années 60, ces deux grands courants ont eu des stratégies communes de conquête du pouvoir à travers un programme commun, la gestion de municipalités, des expériences gouvernementales. C’est une originalité française d’avoir eu en Europe une gauche très à gauche ! Mais on voit aujourd’hui, à rebours de l’histoire, le PS français vouloir faire tardivement une mue sociale-démocrate. Au moment où toute la gauche française doit repenser ses fondamentaux ! Avec la stratégie du Front de gauche, le PCF est engagé dans une transformation très profonde. En tirant les leçons de son histoire et grâce aux nouvelles générations.
Le communisme productiviste et l’écologie sont-ils compatibles ?
Ils sont inséparables. Produire toujours plus sans se poser la question de savoir si on répond à des besoins utiles, cela n’a pas de sens. La réflexion écologique permet de s’interroger sur le sens de l’activité humaine. Mais pour penser la transition écologique, nous aurons besoin d’outils industriels. On peut à la fois défendre notre industrie et défendre le fait qu’elle doit connaître une mutation. Nous sommes bien conscients que si la prévention écologique n’est pas intégrée dans l’activité industrielle, celle-ci va continuer à faire des dégâts environnementaux.
Les déchets nucléaires engagent des générations… Vous êtes toujours pronucléaire ?
Pour certains, le nucléaire est devenu l’alpha et l’oméga de la question écologique. C’est très réducteur. Deux questions se posent : est-ce que la maîtrise de cette technologie dans de bonnes conditions écologiques est possible ? Est-ce que les risques sont supportables et répondent aux enjeux énergétiques ? Si la société répond que le nucléaire ne doit pas être utilisé, les ouvriers du secteur, avec leur haut niveau de qualification, peuvent facilement se reconvertir. Si on considère qu’il reste nécessaire, il faut créer des conditions de sécurité suffisantes pour les salariés comme pour la société.
Par LILIAN ALEMAGNA, JONATHAN BOUCHET-PETERSEN, pour Libération
16:11 Publié dans Actualités, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre laurent, pcf, communisme | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |