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19/08/2007

Les banques centrales sont au coeur de la crise

Un entretien avec Denis Durand, économiste, auteur d’Un autre crédit est possible aux éditions du Temps des cerises.

793f52b6d24eb96ce82d4a51a6ccb892.jpgQuelles sont les causes de la crise boursière que nous connaissons ?

Denis Durand. Les causes sont toujours multiples mais un élément est déterminant, c’est l’inflation financière qui domine la marche de l’économie mondiale depuis plus de trente ans. C’est à la fin des années soixante-dix que les banques centrales et les politiques économiques ont déclenché une expansion et une prise de pouvoir des marchés financiers. C’est cela qui est à la base du pouvoir des actionnaires sur la gestion des entreprises et des politiques néolibérales pratiquées par la quasi-totalité des gouvernements. Cette expansion financière a pris des dimensions sans précédent dans les années quatre-vingt-dix, au moment de la spéculation sur la nouvelle économie qui a débouché sur le krach du printemps 2000. Ce krach a très partiellement purgé l’inflation financière, mais l’argent qui servait à faire gonfler la Bourse n’a pas totalement disparu. Il s’est reporté en partie sur l’immobilier et c’est la cause principale de la spéculation immobilière un peu partout depuis cette époque.

D’où vient cette spéculation ?

Denis Durand. Ce sont des opérateurs qui veulent un rendement toujours plus élevé pour leurs placements. Pour satisfaire leurs appétits, ils ont fondu sur l’immobilier, les LBO, l’Asie, les fusions d’entreprises, les « subprimes »… On est toujours, malgré les crises successives, dans cette suraccumulation de capital financier qui demande toujours plus de profits et ne pourra jamais en obtenir autant qu’elle le désire parce que les richesses réelles créées ne croissent pas suffisamment vite. On ne dépense pas assez pour les hommes, les salaires, la formation, les services publics…

Est-ce que ça veut dire qu’on va obligatoirement vers un nouveau krach ?

Denis Durand. La récession de 2000 a permis de purger en partie seulement la suraccumulation de capital. On va donc vers une nouvelle accumulation d’exigences financières qui ne pourront pas être satisfaites et donc de la destruction de capital, des krachs, de la récession. Très certainement une explosion du chômage un jour dans les pays occidentaux. Est-ce que c’est pour tout de suite ? C’est impossible à dire. Les précédents cycles de l’économie mondiale ont duré dix ans. Les turbulences actuelles se présentent dans une conjoncture économique apparemment excellente. Une croissance mondiale très forte. Les derniers chiffres ne sont pas bons pour la zone euro, mais au total la conjoncture est relativement bonne. Ça ne durera pas éternellement et ça peut se dégrader très vite. Si on a l’accumulation financière et en plus des difficultés de croissance réelle, on aura des phénomènes brûlants.

Les banques centrales réagissent en injectant des milliards sur le marché. Est-ce une bonne méthode ?

Denis Durand. Les banques centrales sont absolument au coeur de tout le dispositif. Parce que, pour faire gonfler les marchés financiers, il faut de l’argent. Un spéculateur ne travaille jamais avec son propre argent mais avec l’argent qu’il a emprunté aux banques.

Cette quantité d’argent mise à la disposition des économies et donc aujourd’hui des marchés financiers, c’est le rôle de la banque centrale de les réguler…

Denis Durand. Aujourd’hui, les banques centrales sont devenues l’otage de l’inflation financière qu’elles ont elles-mêmes déclenchée. Les banques savent que « l’exubérance irrationnelle des marchés financiers » peut conduire à des catastrophes. En juillet et août, quand Jean-Claude Trichet a dit que la BCE allait augmenter ses taux d’intérêt ou quand Ben Bernanke a dit que la FED (réserve fédérale américaine) n’allait pas baisser les siens, ils ont cherché à freiner l’expansion financière exagérée. Et ce faisant, ils ont probablement contribué à précipiter la crise. Quand ils ont vu les accidents sur les marchés, ils ont réagi en injectant de l’argent sur les marchés. C’est contradictoire avec les discours tenus jusque-là…

Justement, il y a un débat. Faut-il baisser ou maintenir les taux d’intérêt ?

Denis Durand. Ce débat révèle les contradictions dans lesquelles les banques centrales se trouvent et l’hypocrisie de leurs discours. Elles passent leur temps à dire qu’elles combattent l’inflation. Mais leur seul objectif est de sauver la mise des marchés financiers. Chaque fois qu’un signal d’alarme s’allume pour les spéculateurs, elles sont là avec des liquidités. La BCE a prêté plus de 200 milliards d’euros aux banques sans aucune difficulté. Son objectif est d’éviter la destruction des profits financiers et en même temps elle sait qu’à long terme l’inflation financière est insoutenable. Les banques centrales sont prises dans cette contradiction.

Elles vont avoir une politique très dure pour l’économie réelle, en maintenant ou en haussant les taux d’intérêt, avec des effets négatifs sur l’investissement, surtout pour les petites entreprises, sur les capacités d’emprunt des particuliers et sur les finances publiques. Donc l’économie réelle va souffrir. Cela donne du poids aux arguments de ceux qui disent qu’il faut changer les priorités des politiques monétaires : l’argent doit être moins orienté vers la spéculation financière. Il faut qu’on l’assèche et qu’en revanche on donne plus de facilité aux projets qui développent l’emploi, les nouvelles technologies, la formation. Cela veut dire une politique monétaire sélective en faveur de l’emploi et contre la spéculation. Il faudra en passer par là pour désamorcer la crise financière. C’est un choix politique de rompre avec les priorités suivies jusqu’à présent. Sinon, au mieux, on reportera les échéances. La fébrilité des banques centrales montre combien elles ont peur de perdre le contrôle de la situation.

Entretien réalisé par Olivier Mayer, pour l'Humanité

11:30 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bourse, banque centrale, crise | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

03/08/2007

Un hôpital sur le marché, une affaire juteuse

5bd2cfc09271e032a72a8657844080bb.gifEconomie de la santé. Pour construire le nouveau Centre hospitalier sud-francilien à Evry, en assurer la gestion et la maintenance, le gouvernement a décidé de recourir à un partenariat public-privé.

Le 10 juillet dernier, la première pierre du plus grand chantier hospitalier de France a été posée à Évry (Essonne) par Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé. Parmi les officiels qui entouraient la ministre, Jean-François Roverato, président du groupe Eiffage. Le futur Centre hospitalier sud-francilien (CHSF) doit réunir en 2011 huit lieux de soins actuellement dispersés dans tout le département, parmi lesquels les hôpitaux Gilles-de-Corbeil de Corbeil-Essonnes et Louise-Michel d’Évry-Courcouronnes. Un chantier qui mobilise un investissement de 344 millions d’euros. Une société privée, Heveil, filiale du groupe de BTP Eiffage a été choisie dans le cadre d’un bail emphytéotique hospitalier (BEH), pour assurer la conception, la construction, le financement, la maintenance et l’exploitation du bâtiment pendant une période de trente ans. Voilà qui explique la présence de M. Roverato au côté de Roselyne Bachelot.

Un bail qui expire en 2041

Ce type de partenariat public-privé (PPP), déjà effectif dans certains secteurs (la rénovation du canal du Midi, la construction et l’exploitation de réseaux d’autoroutes ou les concessions communales d’éclairage au gaz ou de transports en commun) est utilisé depuis 2003 en France dans le secteur hospitalier. Le CHSF constitue toutefois le plus gros PPP du secteur au regard de son investissement. Ce contrat qui se distingue, en droit français, de la délégation de service public et du marché public, trouve sa source dans le droit anglais (Private Financial Investment). Ces accords autorisent l’État ou une collectivité publique à confier à un organisme privé la construction et la gestion de services et d’ouvrages publics (prisons, écoles…). D’après le rapport 2006-2007 de la Mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier (MNAIH), « les coûts unitaires de travaux dans les opérations en BEH sont légèrement supérieurs à ceux observés en procédure classique pour des opérations équivalentes », même si les opérations en BEH « montrent un avantage d’une dizaine de mois ».

La particularité des PPP, c’est qu’au-delà de la conception et du financement, la société Heveil sera également responsable de la maintenance et de l’exploitation du bâtiment jusqu’à l’expiration du bail, en 2041, avant de restituer le bâtiment à l’État. Pendant cette période, le centre hospitalier versera un loyer annuel de 38,8 millions d’euros à l’investisseur privé. Ce loyer sera abondé aux deux tiers par l’assurance maladie pour un coût total de plus de 900 millions d’euros sur toute la durée du bail.

Concrètement, les services de supports de l’établissement travailleront aux côtés d’une équipe de techniciens et d’agents mis à disposition par Heveil pour assurer une permanence de veille et d’entretien. Les équipes techniques de l’hôpital conserveront la maîtrise des services ayant un impact direct sur la qualité des soins et la sécurité des malades, notamment, la fourniture en eau potable, la sécurité incendie et la mise en oeuvre du plan blanc en cas d’alerte sanitaire. Les déchets et l’entretien des espaces verts seront également gérés par les équipes spécialisées de l’établissement. Pour sa part, le groupement Heveil aura la responsabilité globale, préventive et technique du bâtiment et de ses équipements. Il devra assurer, notamment, la fourniture en énergie nécessaire au bon fonctionnement de l’hôpital et au confort des patients, le nettoyage intérieur et extérieur du bâtiment, la sécurisation des locaux incluant la sécurité des biens et des personnes, les contrôles techniques périodiques réglementaires et l’analyse des eaux ainsi que la mise à jour de la signalétique. Le groupement Heveil devra également prendre en considération les évolutions des normes réglementaires et inclure une veille technologique et de modernisation pour adapter les équipements du bâtiment mais également garantir le maintien de l’ouvrage en parfait état de fonctionnement.

C’est l’un des points noirs de ce type de procédure puisque, précise par un euphémisme le rapport de la MNAIH, « le traitement des questions relatives à l’exploitation maintenance présente des voies d’amélioration certaines ». Certains spécialistes de la question n’hésitant pas à parler de véritables « arnaques », les frais de maintenance étant considérablement augmentés par rapport à la procédure classique.

« La région a besoin de cet hôpital, explique le docteur Foufa, orthopédiste et mem- bre du conseil d’administration de l’établissement. Les gens sont trimbalés d’un hôpital à l’autre. Cela entraîne plus de dépenses que d’économies. » Le médecin porte beaucoup d’espoir dans ce projet mais affirme que le corps médical restera vigilant face à ce nouveau mode de fonctionnement. « C’est une expérience nouvelle mais nous y allons sans crainte car on retient surtout le bénéfice pour la population », souligne le docteur Foufa. Du côté des syndicats, l’accueil est plus réservé. Même si l’on admet la nécessité de la construction du nouveau centre hospitalier, des inquiétudes persistent sur le fonctionnement futur de l’établissement. « Il reste encore beaucoup d’inconnues dans ce projet », explique Laurence Tinière, secrétaire CGT du Centre hospitalier sud-francilien, qui - redoute des suppressions de postes. « Que va-t-il advenir des personnels techniques et généraux puisque le groupe Heveil ramène ses propres employés ? »

Les syndicats ne sont pas les seuls à s’inquiéter des dangers que constituerait la généralisation de ces partenariats public-privé. Le Conseil constitutionnel avait déjà émis des réserves lors de l’adoption, en 2003, de la loi dite Sarkozy du 2 juillet 2003 qui autorise ce type d’accords. Le Conseil précise bien qu’il ne faut pas utiliser cette technique des nouveaux contrats ou profiter de celle-ci pour déléguer « une mission de souveraineté », ce qui semble être le cas aujourd’hui. Ces partenariats constituent des dérogations au droit commun de la commande publique et de la domanialité publique. En conséquence, les généraliser serait contraire aux exigences constitutionnelles d’égalité et de bon usage des fonds - publics. Le rapport de la MNAIH ne dit pas autre chose quand il affirme que « la procédure de BEH doit être considérée comme une procédure d’exception ».

Ces partenariats doivent donc rester « d’exception », et plus encore, la dérogation doit elle-même être justifiée par des motifs d’intérêt général, insiste le Conseil constitutionnel. Cependant chacun est libre d’en donner son interprétation et nul doute que le gouvernement pourrait utiliser cette faille pour généraliser ce type de projet.

Matthieu Delporte et Cyrille Poy

20:10 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hôpital, économie | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

07/07/2007

ACCROISSEMENT DES INEGALITES

5d08704055997e0ec165dcd2836e272d.jpgUne étude de Camille Landais, économiste souligne une très forte augmentation des revenus des ménages les plus aisés entre 1998 et 2005. Ce travail révèle un fort accroissement des inégalités de revenus depuis huit ans, du fait d'une augmentation très forte des revenus des foyers les plus riches depuis 1998, tandis que les revenus moyen et médian croissent très modestement. » Les 0,01 % de foyers les plus riches ont vu leur revenu réel croître de 42,6 % sur la période, contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches.

Selon l'économiste, la forte croissance des revenus du patrimoine est en partie responsable de ces évolutions, les hauts revenus étant plus que les autres foyers composés de ce type de rémunérations. la très rapide augmentation des inégalités de salaires a également fortement participé à cette augmentation des inégalités de revenus. Pour Camille Landais, de ce point de vue, la France rompt avec 25 ans de grande stabilité de la hiérarchie des salaires. Tout en restant un pays plus égalitaire que les pays anglo-saxons en termes de distribution des revenus primaires, la tendance actuelle n'exclut pas que la France puisse converger vers les modèles anglo-saxons. Tous les éléments disponibles pour 2006-2007 laissent d'ailleurs penser que la tendance de croissance des hauts revenus et des hauts salaires se poursuit voire s'amplifi-er.

Voir : L'étude

23:42 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : injustice, fortune, inégalités | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

08/06/2007

Exonérations de cotisations sociales : « Une véritable fuite en avant » .

74395072260221bc14cf1c9c47599d81.jpgTel est le constat formulé par la Cour des comptes à propos des diverses exonérations de charges sociales pour les entreprises. Dans un rapport destiné à la Commission des finances de l’Assemblée nationale, les magistrats de la rue Cambon ont fustigé un “ dispositif incontrôlé ”, au coût “ très élevé ” et à “ l’efficacité quantitative incertaine ”. Si incertaine que la Cour demande que le gouvernement s’interroge “ sur la pérennité et l’ampleur ” du système.

Ces exonérations représentent plus du quart des dépenses publiques dites de lutte contre le chômage. L’absence de recettes qui en résulte pour la Sécurité sociale n’est pas toujours compensée par l’État, ou alors avec retard, ce qui pose, en plus de celle de l’efficacité du dispositif, la question de “ l’équité de financement ” de la solidarité nationale. Une question d’autant plus aiguë que la Sécu est encore plongée dans un déficit abyssal, qui devrait encore atteindre 10,3 milliards d’euros cette année.

La pertinence du dispositif est mise en doute par la Cour. Celle-ci, de plus, stigmatise son échec à protéger les industries, notamment manufacturières, qui se débattent avec la mondialisation – ce qui était, au départ, l’un des buts recherchés. Elle observe ainsi que “ les principaux secteurs bénéficiaires ne sont pas exposés à la compétition mondiale et encore moins au risque de délocalisation ”, comme la construction, la restauration, le commerce, l’agriculture et les services aux particuliers.

- Le rapport de la Cour des Comptes confirme qu’au lieu de s’engager dans un effort massif de formation, ces mesures pérennisent l’emploi très peu qualifié !

- Les exonérations de cotisations sociales patronales ont maintenu la France sur des productions directement en concurrence avec des pays à bas coût salariaux, favorisant ainsi les délocalisations.

Quelques chiffres.

- Exonérations 2006 : 23,9 milliards d’euros soit + 13,6 % sur 2005, évolution liée au dispositif “ Fillon ”( La loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi a en effet créé une réduction générale des cotisations patronale de sécurité sociale, dite réduction Fillon, qui s’est substituée à la réduction dégressive sur les bas salaires et à l’allègement “ 35 heures ” - mesure codifiée à l’article L241-13 du code de la sécurité sociale-.)
- Au 1er trimestre 2005, la réduction Fillon était appliquée à 5,4 millions de salariés relevant du régime général (sur 16,5)
- 23,9 milliards = 10% des cotisations Urssaf. Ramenées aux seules cotisations patronales du secteur privé, cela représente 19,5% des cotisations Urssaf.
- 21,6 milliards sont compensés par le budget de l’État.
- Manque à gagner de la Sécu : 2,3 milliards.
- L’emploi à domicile concentre 1,6 milliards d’euros

 

Ce tableau montre l’effet pervers (et recherché) des exonérations des cotisations sociales patronales sur le niveau des salaires. En effet cette exonération est maximum au niveau du Smic et diminue quand le salaire augmente jusqu’à disparaître à 1.6 Smic ce qui incite évidemment les patrons à substituer au maximum des salariés qualifiés et reconnus comme tels par des salariés sous-payés et dont on nie ou n’encourage pas la qualification !

Le comble du paradoxe : c’est l’argent public provenant notamment des impôts des salariés qui sert à pousser à la baisse le niveau des salaires de ces mêmes salariés.

 

Source : lettre du RAPSE n°25

22:27 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charges sociales, exonérations | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!