08/05/2013
En ce temps-là, la classe ouvrière allait au Paradis
Un documentaire de Ken Loach, c’est une profession de foi, un engagement, un plaidoyer. Le militant se penche sur le passé de la Grande-Bretagne. L’Esprit de 45, en salle ce mercredi.
S’il est un réalisateur, parmi les célèbres, demeuré fidèle à des convictions progressistes, dont on ne l’a jamais vu se départir, c’est bien Ken Loach. Le voici qui persiste et signe avec ce documentaire. La thèse en est qu’il y a bien un moment où la classe ouvrière d’outre-Manche a tenu une place prépondérante dans l’histoire du pays, à savoir à la Libération, période dont il serait bon de retrouver aujourd’hui les valeurs.
Un exposé ayant valeur de cours magistral nous rappelle le rôle tenu alors par la Grande-Bretagne, seule parmi les grandes puissances occidentales à n’avoir pas été mise à genoux par les bombardements nazis, d’où une expansion industrielle phénoménale, conséquence des besoins considérables des marchés. De même que la société britannique avait trouvé son unité pendant la guerre, elle la prolonge pendant la paix avec le vote qui porte les travaillistes au pouvoir, au grand dam de Churchill, dans un raz-de-marée sans précédent. Ce qui naît alors est le sujet de ce film qui ignore ce qui a pu se dérouler précédemment, soit depuis la naissance du Labour, aux premiers jours du XXe siècle.
Un brillant travail de documentation
Le point de vue est clair, la méthode de travail tout autant. Elle consiste à aller dans les archives avec méticulosité pour en sortir tous les plans utiles à la démonstration et, parallèlement, à interviewer des témoins de la période racontant ce que fut leur vie, le tout en noir et blanc (à l’exception de la dernière séquence), dans un souci d’harmonie. Le résultat est magnifique, digne d’un artiste en ce qu’on y trouve cette touche sensible qui distingue le créateur de l’historien ou du journaliste. Et quel travail de documentation ! Chacun connaît des images de Churchill fumant ses gros cigares, tout en assénant ses vérités souveraines.
Ici, par exemple, on pourra découvrir des plans de l’homme en pleine campagne électorale renonçant à parler sous les huées populaires. De surcroît, il s’agit en vérité d’un film d’auteur fidèle à sa manière. Ce que l’on voit ici, autre exemple, de la nationalisation des chemins de fer et de l’arrêt de la gabegie, qui était due à la concurrence des réseaux privés, rejoint précisément ce que Ken Loach avait pu traiter déjà par la fiction, en l’occurrence dans The Navigators.
Convoquer un socialisme authentique
De même avec l’emploi ou le logement. Concrétisation d’une utopie, mais qui n’aura qu’un temps. Margaret Thatcher, arrivée au pouvoir, s’empressera de défaire tout ce qui avait été édifié sans que le parti, qui n’a cessé de se social-démocratiser, s’en émeuve outre mesure, lui-même converti aux nécessités du marché. C’est donc bien cet esprit que convoque le titre, que le réalisateur intime de retrouver, celui d’un socialisme authentique qui mette l’homme, non le profit, au poste de commandement.
L’Esprit de 45, de Ken Loach. Grande-Bretagne, 1 h 34.
Artcile publié par le journal l'Humanité
Bande annonce L'ESPRIT DE 45 - Ken Loach par cinemadupantheon
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06/05/2013
Vente des participations de l’Etat : une absurde stratégie à court terme
Jean-Marc Ayrault a confirmé que le gouvernement envisageait de réduire la participation de l'Etat dans le capital "d'un certain nombre d'entreprises publiques", pour consacrer ces sommes à l'investissement. C’est accepter de perdre son droit de regard sur certains choix industriels stratégiques, mais aussi sabrer une source de revenu pour l’Etat sur le long terme.
"Nous envisageons que dans un certain nombre d'entreprises publiques où le taux de participation de l'Etat en tant qu'actionnaire est très important, nous puissions dégager une partie pour financer l'investissement, pas pour boucher les trous du budget", a déclaré le Premier ministre dimanche soir au JT de TF1.
Et la vente des bijoux de famille a commencé. Rien que le mois dernier, le ministère de l'Economie a annoncé avoir vendu 3,12% du capital de Safran, soit 13 millions d'actions, ce qui lui a rapporté 448,5 millions d'euros. La vente de titres EADS a déjà rapporté près de 1,2 milliard d'euros à l'Etat français, en avril également.
Une double erreur
Une somme qui peut paraître importante, mais à comparer aux dividendes, « rente », que ces participations apportent à l’Etat s’élève ces dernières années entre 4 et 5 milliards d’euros annuellement (cf. projets de loi de finances). Un revenu que l’Etat ampute à chaque fois qu’il vend ses participations. Un des plus gros contributeurs au budget de l’Etat est GDF-Suez, 1,4 milliards en 2012. Et le gouvernement envisage d’en vendre une partie.
Vision économique à court terme, mais aussi erreur stratégique. Vendre des participations c’est s’enlever du pouvoir de contrôle sur les décisions du groupe. C’est la participation de l’Etat au capital de France Telecom qui a permit d’éviter de brader Dailymotion. C’est aussi ce qui aurait pu lui permettre, avec un peu de volonté politique, d’empêcher la stratégie de délocalisation à tout crin chez Renault…
Le Premier ministre entend utiliser ces sommes pour investir sur 10 ans, dans les domaines du numérique et nouvelles technologies, de la transition énergétique, de la santé et des grandes infrastructures. Le détail du plan sera dévoilé au cours des prochaines semaines. Privatiser pour investir sur l'avenir, c'est bien la preuve que le gouvernement est toujours dans sa logique d'austérité.
Cette annonce, le soir même de la grande marche du 5 mai, est aussi un message politique adressé à la gauche. Le signe que le gouvernement, s’il a entendu, n’a pas l’intention d’écouter.
Article publié dans l'Humanité
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29/04/2013
ANI : La reculade organisée (point de vue !)
Non, ça ne colle vraiment pas. Discuter cinq mois du mariage pour tous, peut-être. Mais passer en trois semaines, avec procédure d’urgence et vote bloqué, une loi essentielle très contestée sur le droit du travail, ça ne se justifie pas.
Même pour ceux qui la défendent, ce n’est pas glorieux : silence médiatique général, aucun débat contradictoire, obscurité organisée sur les 27 articles disparates de l’ANI péniblement transformés en loi, votes forcés, expéditifs, et à reculons, sous pression, des députés.
On en arrive à une des lois les plus mal votées de l’histoire de la Ve République. Elle ne créera aucun emploi, ne supprimera aucun précaire. Pourtant le Code du travail est le droit le plus intime, le plus décisif pour 18 millions de salariés du privé. Même pour ceux qui ne le connaissent pas, leur vie en dépend.
Un bon Code du travail, ça produit de bons salaires. Un bon Code du travail, ça protège l’emploi. Un bon Code du travail, c’est la civilisation. Un mauvais Code du travail, c’est la précarité, la flexibilité, le mal contre ceux qui bossent. Le droit du travail est fait de sueur et de sang, de luttes et de larmes.
Il a fallu 170 ans pour le bâtir. Il a fallu 80 ans pour passer de la journée de 17 heures à celle de 10 heures. Et encore 70 ans pour passer de la semaine de 40 heures à celle de 35 heures. Le Code du travail c’est l’histoire du progrès, du respect, de l’humanité.
C’est le droit le moins enseigné, le plus dénigré, le plus fraudé. C’est le droit qui établit, ou non, la dignité des salariés. Sans État de droit dans l’entreprise, la subordination liée au contrat de travail devient une soumission sans contrepartie.
La gauche a toujours fait progresser le droit du travail dans l’unité. Il y a eu des « ANI » célèbres, en juin 1936 à Matignon (40 heures et congés payés). Autre ANI célèbre en juin 1968 à Grenelle où le SMIG a augmenté de 33 % et le SMAG de 55 % pour constituer le SMIC ! Jospin avait eu le courage de convoquer un « sommet social » le 10 octobre 1997 pour imposer les 35 heures.
La droite a passé à l’acide le Code du travail pendant dix ans. Elle a « recodifié » dans un silence général entre 2004 et 2008. On s’attendait à ce que la gauche reconstruise. C’était dans le programme de Hollande. Si c’était la droite qui avait fait ce forcing ANI-MEDEF on aurait tous été dans la rue, le 5 mars, le 9 avril et le 1er mai.
C’est la première fois dans l’histoire que la gauche décide de faire reculer, gravement, le Code du travail pour tenter d’amadouer le MEDEF, rassurer les marchés et leurs agences de notation. Michel Sapin a même évoqué « les lois Hartz 1, 2, 3 et 4 » votées de 2002 à 2004 par le SPD et la CDU, Schröder et Merkel. Le paradoxe, c’est que le SPD aujourd’hui s’en mord les doigts et les remet en cause pour affronter Merkel aux élections de 2013 (et Hartz, comme Cahuzac, a été inculpé et condamné pour corruption). Ainsi, au moment où ces lois Hartz qui ont fait tant de mal aux salariés allemands sont enfin dénoncées par les socialistes à Berlin, de façon incroyable, à contretemps, ce sont les socialistes français qui les font passer à Paris.
C’est la première fois dans l’histoire que la gauche décide de faire reculer, gravement, le Code du travail.
GÉRARD FILOCHE, INSPECTEUR DU TRAVAIL, MEMBRE DU BUREAU NATIONAL DU PS
Tribune publiée dans l'Humanité Dimanche
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27/04/2013
MURS DES CONS : REACTION DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE ET DE LA CGT
Le « scandale » a éclaté il y a deux jours.C’est Atlantico qui s’est procuré la vidéo. On y découvre un « mur des cons » dans les locaux du Syndicat de la magistrature. Beaucoup de politiques de droite sont épinglés au tableau d’honneur, mais aussi des journalistes et des intellectuels. Seule consigne aux contributeurs : « Avant d’ajouter un con, vérifiez qu’il n’y est pas déjà. »
Le président de l’UMP, Jean-François Copé a immédiatement demandé à la ministre de la Justice de « diligenter une enquête ».
Jeudi, la garde des Sceaux a finalement saisi, pour avis, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Christiane Taubira a fait part, jeudi dans la matinée, de sa « vive émotion » et de sa « consternation » ; dans l’après-midi, au Sénat, elle a « condamné » en termes particulièrement vifs « un acte insupportable, stupide et malsain ».
Le CSM devra donc dire s’il y a manquement à la déontologie.
Nous publions, la lettre du Syndicat de la magistrature à Christiane Taubira :
« Madame la ministre,
Suite à la diffusion mercredi 24 avril par le site Atlantico d’une vidéo d’images soustraites à l’intérieur de notre local syndical, vous avez cru devoir saisir le Conseil supérieur de la magistrature pour apprécier s’il y a eu “manquement à la déontologie”.
Vous avez déclaré, dans un communiqué de presse et devant le Sénat, “condamner cette pratique”, vous avez exprimé “votre consternation face à ce comportement” et considéré qu’il s’agissait “d’un acte insupportable, stupide et malsain”.
Quelle pratique ? Celle d’un journaliste qui filme en cachette l’intérieur d’un local syndical privé à l’insu de ses occupants ?
Quel acte ? Celui d’un site en ligne, proche de la droite la plus dure, qui décide de diffuser ces images qu’il sait soustraites ?
Quel comportement ? Celui d’une certaine droite prompte à instrumentaliser cette “révélation” à des fins bassement politiciennes pour décrédibiliser ceux qui combattent avec force leurs idées depuis des années ?
Et bien non, tout cela ne semble pas vous avoir choquée …
Vous avez au contraire cédé à la pression de ceux-ci et choisi de vous en prendre à l’expression en privé d’une opinion – lapidaire et caricaturale certes mais qui n’a rien à envier aux propos publics outranciers de certains à notre égard – concernant ceux dont nous dénoncions les propos, les actes ou les prises de position.
Souhaitez-vous donc réglementer la liberté d’opinion des syndicalistes, définir les standards de l’affichage autorisé dans les locaux syndicaux, voire même encadrer la liberté des magistrats que nous sommes s’exprimant dans la sphère privée ?
Vous prétendez, dans votre communiqué, que “le devoir de réserve des magistrats suppose la retenue même dans le cadre de l’expression syndicale”.
Quelle expression syndicale, Madame la ministre ?
Des propos satiriques tenus en privé par des syndicalistes dont personne d’autre qu’eux n’auraient dû avoir connaissance sans cette soustraction d’images ? Cette violation de notre sphère privée syndicale n’est pas “une expression syndicale”, laquelle est par nature publique. Faut-il vous rappeler que dans nos prises de position publiques nous nous en sommes toujours tenus au débat d’idées ?
Quel devoir de réserve, Madame la ministre ? Celui des magistrats ou celui d’un syndicat ?
Est-il besoin de vous rappeler que “l’obligation de réserve” ne s’applique qu’à l’expression publique des magistrats et qu’en tout état de cause, elle ne constitue ni une obligation au silence, ni une obligation de neutralité ?
Mais, au-delà des circonstances de l’espèce, et en raison de l’amalgame qui est fait entre expression privée et action syndicale, c’est bien l’expression publique syndicale et, par conséquent, le fait syndical dans la magistrature que vous remettez en question par votre saisine consternante du Conseil supérieur de la magistrature. Nous attendions plutôt de vous, Madame la ministre, que vous défendiez vous-même cette liberté syndicale.
En plus de 40 années de combats pour les droits des magistrats et les libertés publiques, le Syndicat de la magistrature a dû faire face à de multiples tentatives visant à l’empêcher de s’exprimer.
Vous venez de vous inscrire dans cette longue tradition, nous le regrettons vivement.
Nous vous prions, Madame la ministre, de croire en l’assurance de notre parfaite considération. »
Pour le Syndicat de la magistrature,
Françoise Martres, présidente.
Soutien au Syndicat de la Magistrature
REACTION DE LA CGT
vendredi 26 avril 2013Si nous avions pu penser que l’ère des assauts à l’encontre du syndicalisme de lutte était terminée ou presque, l’actualité nous démontre qu’il n’en est rien ! Si nous avions pu espérer que la loi d’amnistie serait votée afin de décriminaliser l’action syndicale, l’actualité nous démontre qu’il n’en est rien puisque la Commission des lois, sur demande du gouvernement, vient de rejeter la proposition de loi.Depuis deux jours le courroux politico-médiatique s’est abattu sans relâche sur nos camarades du Syndicat de la Magistrature. Les raisons invoquées sont disproportionnées et délirantes.« Les déchainés du mur des cons », et leurs partenaires, leur reprochent donc, d’avoir acté leur liberté de penser syndicale, leur liberté de penser le fait et l’individu politique avec humour dans un local privé ! N’a-t- on donc plus le droit en France d’avoir de l’humour ?Si nous avions pu penser que les agressions politiques et médiatiques menées à l’encontre du monde judiciaire, particulièrement à l’encontre des magistrats, durant cinq longues années étaient terminées nous nous leurrions.Si nous avions pu penser que l’ère de la défiance, des menaces, des moqueries, des atteintes graves au professionnalisme et à la réputation des magistrats était finie, nous nous trompions. L’actualité nous montre l’inverse.Ce déchainement sans précédent étonne alors que dans le même temps des magistrats sont menacés de mort et rien n’est fait.Après la criminalisation de l’action syndicale, après le rejet inacceptable du texte d’amnistie, nous sommes contraints de constater que la liberté de penser dans un lieu privé devient criminel.Par contre, nous constatons que les propos et discours homophobes entendus ces derniers temps, les appels indirects à la haine ou les menaces de « guerre civile » de la part de responsables politiques, associatifs, religieux ne sont pas sanctionnés à la hauteur du danger que ces actes collectifs représentent pour notre Démocratie. Les violences verbales et physiques perpétrées au sein de l’Assemblée nationale par les représentants du peuple ne le sont pas non plus.Certains ont le droit d’être hors la loi, d’autres non. Ce n’est pas nouveau, nous le savons !Si un syndicaliste avait menacé de « guerre civile », il serait emprisonné sans sommations.Si des syndicalistes s’étaient réunis autour de l’Assemblée nationale en pleine nuit pour demander l’abrogation de l’ANI ou l’adoption de la loi d’amnistie alors, ordre aurait été donné à la police de leur tirer dessus avec des Flash Ball, fichés et leur ADN prélevé…L’action et la pensée syndicale ne peuvent être criminalisées en Démocratie.La CGT apporte son soutien au Syndicat de la Magistrature.Montreuil, le 26 avril 2013
17:14 Publié dans Actualités, Cactus, Le dessin du mois, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : murs des cons, cgt, syndicat de la magistrature, taubira | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |