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30/03/2013

ANGELA DAVIS, UN COMBAT, UNE VIE : UN FILM !

angela_davis_mustapha_bouttadjine.jpgAngéla Davis c'est un combat, une vie et aujourd'hui un film  : Free Angela de Shola Lynch.

PORTRAIT REALISE PAR LE JOURNAL L'HUMANITE

 Sa silhouette longiligne, sa coupe afro, son visage angélique incarnent plus qu’une époque : un combat. Le poète et dramaturge Jean Genet voyait en elle une femme à « la ténacité bouleversante jusqu’à l’étrangeté ». Quarante et un ans après sa libération, Angela Davis reste une icône révolutionnaire, une grande figure du combat d’émancipation, du combat féministe, un symbole des luttes des Noirs américains pour l’égalité.

 

Les lieux du monde où nous grandissons nous forgent. S’agissant de ségrégation raciale, Angela Davis a vu le jour dans le premier cercle de l’enfer. Birmingham, Alabama, au cœur de ce Sud raciste et sécessionniste où Rosa Parks osa, en 1955, un acte de révolte fondateur. Ses premiers souvenirs d’enfance ? Les déflagrations des bombes posées par les fascistes du Ku Klux Klan, si nombreuses que son quartier est surnommé « Dynamite Hill ». Les récits d’une grand-mère se remémorant les temps de l’esclavage. Les pancartes « white only ». Ses parents, des communistes, militent activement contre les lois Jim Crow instituant l’apartheid à l’américaine. À quatorze ans, la jeune fille quitte l’Alabama pour New York, à la faveur d’une bourse d’études. Au lycée, elle découvre le Manifeste du Parti communiste et fait ses premiers pas de militante dans une organisation marxiste, Advance.

Angela Davis est une élève brillante. En 1962, elle entre à l’université de Brandeis. En première année, elles ne sont que trois étudiantes noires. Elle y découvre Sartre, Camus, s’initie à la philosophie d’Herbert Marcuse, dont elle suit les cours. En 1964, elle part, une première fois, pour Francfort, creuset, à l’époque, d’un marxisme hétérodoxe. Elle y étudie Marx, Kant, Hegel et suit les conférences de Theodor W. Adorno. Aux États-Unis, un nouveau vent de contestation se lève, contre l’oppression raciste, contre la guerre du Vietnam. À son retour, en 1968, la jeune philosophe rejoint les Black Panthers et adhère au Che Lumumba Club, un cercle affilié au Parti communiste. Un an plus tard, titulaire d’une thèse de doctorat dirigée par Marcuse, elle est nommée professeure à l’université de Californie Los Angeles, pour enseigner la philosophie marxiste.

Le profil de la jeune femme de vingt-cinq ans, sa couleur de peau, ses convictions, ses engagements concentrent la haine de l’Amérique blanche et ultraréactionnaire que veut incarner un certain… Ronald Reagan, alors gouverneur de Californie. À la demande de celui-ci, Angela Davis est exclue de l’université.

Premier acte d’une machination politico-judiciaire dirigée contre la militante communiste. Déjà engagée contre l’industrie carcérale qui broie la jeunesse noire, la jeune femme a pris fait et cause pour trois détenus de la prison de Soledad. Avec l’un d’entre eux, George Jackson, elle entretient une liaison épistolaire, amoureuse.

La tentative désespérée du jeune frère de ce détenu pour le faire évader tourne au drame. Jonathan Jackson, deux autres prisonniers ainsi qu’un juge sont tués au cours de la fusillade. Angela Davis est accusée d’avoir fourni une arme aux assaillants.

Désignée comme ennemie publique numéro un, elle est inscrite sur la liste des dix personnes les plus recherchées des États-Unis. Par crainte d’être tuée, elle prend la fuite. L’avis de recherche la décrivant comme « armée et dangereuse » est placardé dans tout le pays. Une vague ressemblance avec Angela Davis, une simple coupe afro, valent à des centaines de femmes d’être arrêtées.

Le FBI déploie, dans le cadre de son programme de contre-intelligence visant les communistes et les Blacks Panthers, des moyens démesurés pour traquer celle que l’establishment blanc et réactionnaire surnomme « la panthère rouge » ou « la terroriste noire ». Mais, déjà, la solidarité s’exprime. Elle s’affiche au seuil des maisons amies, sur des pancartes : « Nous accueillerons volontiers Angela Davis. »

La fugitive est finalement arrêtée le 13 octobre 1970, à New York. À la télévision, le président Nixon la condamne avant même qu’elle ne comparaisse en justice. « Cette arrestation servira d’exemple à tous les terroristes », se réjouit-il. Le 5 janvier 1971, l’État de Californie l’inculpe de meurtre, kidnapping et conspiration.

 Placée à l’isolement, elle risque par trois fois la peine capitale. Un extraordinaire mouvement de solidarité international se développe alors. En Inde, en Afrique, aux États-Unis, en Europe, des millions de voix exigent la libération d’Angela Davis. Les Rolling Stones lui consacrent une chanson, Sweet Black Angel.

Lennon et Yoko Ono écrivent Angela. En France, Sartre, Aragon, Prévert, Genet dénoncent le racisme, le maccarthysme persistant, l’arbitraire de sa détention. À l’initiative de la Jeunesse communiste, 100 000 personnes foulent le pavé parisien, le 3 octobre 1971, en compagnie de Fania, la jeune sœur d’Angela Davis. L’Humanité se fait le porte-voix de ce mouvement de solidarité.

Celle qui entrait toujours poing levé dans la salle d’audience est finalement acquittée le 4 juin 1972 par un jury exclusivement blanc.

Le verdict n’efface pas le racisme de la société américaine, mais il lui porte un coup sérieux. Libérée, Angela Davis ne renonce pas au combat pour l’émancipation, pour un autre monde, libéré de l’oppression et de toutes les formes de domination. En la rencontrant, Genet dit avoir acquis « la certitude que la révolution serait impossible sans la poésie des révoltes individuelles qui la précèdent ». Angela Davis incarne toujours cela, cette grâce qui donne sens et noblesse à l’engagement politique.

 

Dessin en haut, à droite : ANGELA DAVIS par Mustapha Boutadjine Paris 2000, graphisme-collage Extrait de "Black is toujours beautiful" Collection de M. Angela Davis Merci Mustapha Boutadjine ARTBRIBUS Atelier-galerie 68, rue Brillat-Savarin 75013 Paris Tél. : 06 16 40 44 00 Email : mustaline@orange.fr Site : mustaphaboutadjine.com"

 

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Synopsis et détails

Free Angela raconte l'histoire d’une jeune professeure de philosophie, née en Alabama, issue d’une famille d’intellectuels afro-américains, politiquement engagée.
Durant sa jeunesse, Angela Davis est profondément marquée par son expérience du racisme, des humiliations de la ségrégation raciale et du climat de violence qui règne autour d’elle.
Féministe, communiste, militante du mouvement des droits civiques aux États-Unis, proche du parti des Black Panthers, Angela Davis s'investit dans le comité de soutien aux Frères de Soledad, trois prisonniers noirs américains accusés d'avoir assassiné un gardien de prison en représailles au meurtre d'un de leur codétenu.
Accusée en 1970 d'avoir organisé une tentative d’évasion et une prise d’otage qui se soldera par la mort d’un juge californien et de 4 détenus, Angela devient la femme la plus recherchée des Etats-Unis. Arrêtée, emprisonnée, jugée, condamnée à mort, elle sera libérée faute de preuve et sous la pression des comités de soutien internationaux dont le slogan est FREE ANGELA !
Devenue un symbole de la lutte contre toutes les formes d’oppression : raciale, politique, sociale et sexuelle, Angela Davis incarne, dans les années 70, le « Power to People ». Avec sa coupe de cheveux « boule » et sa superbe silhouette elle lancera, malgré elle, la mode « afro », reprise à cette époque par des millions de jeunes gens.


Quarante ans plus tard, à l’occasion de l’anniversaire de l’acquittement d’Angela Davis, Shola Lynch, avec Free Angela, revient sur cette période cruciale de la deuxième partie du XXe siècle.
Toujours engagée, militante abolitionniste, l’icône Angela continue le combat.
Power to people !

16:10 Publié dans Actualités, Cinéma, Planète, Société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : angela davis, noire, communiste, racisme, usa | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

25/03/2013

Le néo-libéralisme malade tente de s’auto-détruire, l’exemple de Dell

 	entreprise, bourse, marchés financiers, financement des entreprises, michael dell, carl icahn, dellDell, l'un des plus gros fabricants d'ordinateur au monde, décide de se retirer des marchés pour s'affranchir du diktat des actionnaires. Une opération financière importante, symptôme de la crise du néo-libéralisme.

Ce qui constitue le néo-libéralisme, dernier avatar du capitalisme mutant, c’est la mondialisation économique sans barrière et le primat de l’actionnaire, qui a complètement perverti l’usage même des marchés d’action. Ce dernier point se révèle particulièrement nocif pour les salariés, on le voit en France avec Sanofi par exemple, où les actionnaires imposent la suppression de postes de chercheurs pour augmenter les dividendes. Mais à moyen terme, il condamne les entreprises elles-même.
A l’origine et en théorie, quand une entreprise entre en bourse, c’est pour se faire financer, lever des fonds auprès d’actionnaires pour lui permettre d’investir, se développer. Aujourd’hui, c’est l’entreprise qui finance l’actionnaire qui, s’estimant propriétaire et sans limite, réclame des dividendes de plus en plus importants. De même empêche-t-ils les investissements tant que la rentabilité sur le capital investi (ROI dans le jargon) n’atteint pas des sommets de plus en plus élevés. De fait, les grands groupes sont assis sur des montagnes d’or, qui ne servent à rien, à part à justifier les hausses régulières de dividendes. Apple détient le record avec 137 milliards de dollars d’épargne, mais les sociétés du Cac 40 se portent bien, Total a un trésor de 18 milliards, EADS de 12 milliards… Lire à ce sujet : les entreprises cotées sur une montagne de cash.

Dell veut sortir de la bourse

Dans le même temps, les investissements baissent. Ce qui ne plaît pas forcément à certains patrons qui ont conscience que sans investissement, qu’il soit matériel ou humain, l’entreprise va péricliter à moyen terme. Un terme qui est déjà advenu chez Dell, constructeur informatique américain, ancien numéro 1 mondial du secteur, dans une impasse stratégique, qui a certes perdu de nombreuses parts de marché mais conserve un bénéfice annuel autour de 3 milliards de dollars. Ce que les actionnaires jugent insuffisants, bien évidemment.
L’entreprise fut fondée  et est encore dirigée par Michael Dell, brillant informaticien des années 80. Ce PDG a décidé de racheter, avec deux partenaires, les actions de sa société et de sortir de la bourse. L’opération impressionne, car elle devrait s’élever à au moins 24 milliards de dollars. Et Michael Dell est motivé car il propose de racheter les actions de son entreprise à 25 % au dessus de leur cours, ce que l’on appelle une LBO, une opération de rachat à effet de levier.
Le but évident de Michael Dell est donc de reprendre la main sur son entreprise sans être bloqué par des actionnaires qui réclament une marge garantie de 25 % avant d’autoriser tout investissement. Et Dell qui a, entre autre, raté le virage des smartphones comme des tablettes tactiles, a besoin d’innover, donc d’investir dans l’humain.

Pour ajouter à la méfiance de Michael Dell dans les marchés, il faut également savoir que le groupe a été « attaqué » par des algorithmes de trading haute fréquence en 2010 sans rien demander et a été au cœur de l'un des plus gros « flash krash » de l'histoire.

Le constat d’échec d’un modèle économique

Les commentateurs s’extasient devant l’audace de Dell : « un tour de passe-passe de génie », sans se rendre compte que c’est là un constat clair de la défaillance du modèle néolibéral. A tel point que M. Dell, un entrepreneur texan qui doit n’avoir de vision de Marx qu’avec des cornes et une queue fourchue, a pourtant son pragmatisme économique qui le pousse à quitter les marchés boursiers. Et pensons également à Twitter qui refuse obstinément son entrée en bourse.
Problème, le plan élaboré par Michael Dell et ses partenaires pour quitter WallStreet se heurte aux actionnaires et fonds de pensions. Le milliardaire Carl Icahn, tente de fédérer d'autres actionnaires minoritaires, sur la promesse de faire voter des dividendes immédiats de 9 dollars par action, de quoi plomber la trésorerie de Dell pour rien. Enfin le fonds Blackstone serait sur le point de profiter du moment pour tenter une OPA sur le groupe.

Pi. M. l'Humanité

16/03/2013

CHRONIQUE CUBAINE : VIVA EL PAPA !

papefemme.jpgLe nouveau pape élu par 115 cardinaux venus du monde entier soulève la joie parmi les catholiques mais aussi de nombreuses interrogations.

D’abord la composition uniquement masculine même de ce collège électoral prouve une nouvelle fois que la femme n’est pas l’avenir du pape et de la religion catholique.

Pourtant par ailleurs cette religion se permet des jugements uniformes sur les femmes comme le droit à l’avortement que l’église interdit même en cas de viol, ou le droit à l’homosexualité.

Le nouveau pape, François 1er, ex-cardinal argentin c’était à ce sujet violemment opposé à la présidente de l’argentine Christina Kirschner lorsque elle a proposé à son peuple ces droits élémentaires.

François 1er était beaucoup moins combattif pour s’opposer à la dictature militaire de Vilares en Argentine responsable de la mort et la disparition de plus de 30 000 personnes, de l’enlèvement d’enfants, de la torture de centaines de milliers d’Argentins (1).

pape.jpgPlus grave de nombreux témoignages, en particulier des grandes mères de la Place de Mai, qui tous les jeudis réclamaient justice et pleuraient leurs disparus mettent en cause le passé de collaborationnisme du nouveau pape avec le dictateur.

Dans une de ces premières interventions il a exigé des catholiques qu’ils se confessent sinon c’était le diable qui les attendait. Je pense que ce pape a beaucoup flirté avec le diable et qu’il en est obsédé.

Les médias en France censurent largement cet épisode peu glorieux du nouveau pape.

L’ensemble des gouvernements dont celui de Cuba, où coexiste une cinquantaine de religions pratiquées librement contrairement à ce que certains affirment ont salué l’événement de manière officielle ce qui est normal.

François Hollande a salué son homologue François 1 er qui va régner sur le territoire du Vatican et influencer (modérément) 2 milliards de catholiques déclarés sur la planète.

Ce qui est curieux est que la France enverra lors de l’investiture non le ministre de l’intérieur qui a en charge les cultes en France, mais le premier ministre.

Une semaine avant c’était un sous-ministre qui avait été expédié au Vénézuela à l’occasion de la disparition du Président Chavez. Des symboles qui en disent long sur la politique internationale menée malheureusement par la France aujourd’hui de plus en plus calquée sur celle des Etats Unis.

syrieguerre.jpgLa décision récente de Laurent Fabius d’envoyer des armes avec son ami Cameron, le premier ministre Britannique, allié inconditionnel des USA depuis des lustres aux rebelles Syriens est révélateur de cet état là. Les armes envoyés iront ont fondamentalistes islamistes qui les utiliseront pour imposer la charia comme cela se passe en Lybie.

Tout le monde en est persuadé, sauf le gouvernement français.. C’est de la Paix dont on besoin les Syriens pas des armes aujourd’hui livrés dans tous les camps par la Russie, la Chine, l’Arabie, les Turcs, la Qatar. La France a-t-elle des stocks à liquider, ou des milliardaires à enrichir ?

En matière de politique internationale la France de Hollande ne se singularise pas avec celle de Sarkozy et reste soumise aux intérêts des Etats Unis. C’est regrettable.

(1) - La dictature militaire a sévi en Argentine entre 1976 et 1983. Plus de 30 000 personnes ont disparu, dont les femmes enceintes. Parquées dans des camps, torturées, elles accouchaient, puis étaient assassinés. Leurs enfants, 500 environ, furent confiés aux familles des tortionnaires.

Diaz Diego, blogueur contestataire

03/03/2013

Jean-Claude Carrière : "On n’a jamais autant lu, contrairement à l’idée reçue... "

musique, édition, entretien, jean-luc godard, fritz lang, umberto eco, milos forman, jacques tati, pierre Étaix, luis buñuel, peter brook, Jean Claude Carrière"Dans tous les livres saints, il y a les mêmes thèmes de la paix… Et de l’épée. Le feu sur la terre. Les deux contraires existent dans toutes les religions : blanc et noir. Tout le monde sait qu’il n’y a rien, ni Dieu ni vie éternelle, mais personne ne veut l’admettre."

Émusique, édition, entretien, jean-luc godard, fritz lang, umberto eco, milos forman, jacques tati, pierre Étaix, luis buñuel, peter brook, Jean Claude Carrièrecrivain, scénariste, dramaturge, Jean-Claude Carrière (quatre-vingt-un ans) est toujours entre deux films, deux pièces ou deux livres. Mais c’est avant tout un conteur, toujours une anecdote ou une citation à la bouche. Ses livres les plus récents sont Mémoire espagnole (Plon) et Désordre (André Versailles). En juin, il publie un entretien avec Jean-Jacques Rousseau (Plon).

Pourquoi avoir écrit ce dialogue 
avec Jean-Jacques Rousseau ?

Jean-Claude Carrière. Parce qu’on me l’a proposé… C’est le nom de la collection : « Entretiens avec… ». Et parce que nous ne sommes d’accord sur rien. Ça m’a intéressé. Il y a eu un Marx, entre autres, si ça vous intéresse…

Aujourd’hui, l’édition classique (papier) 
semble très inquiète par l’avènement 
du numérique. En septembre, l’Appel des 
451 (auteurs) s’opposait à Amazon, et Google est dans la ligne de mire. La question semble plutôt concerner les droits d’auteur 
(comme pour la musique) – l’argent, quoi – 
que l’avenir de la création littéraire. 
Vous avez écrit un livre, avec Umberto Eco, intitulé N’espérez pas vous débarrasser 
des livres, en 2009 (Grasset). Votre opinion 
sur le sujet a-t-elle évolué ?

Jean-Claude Carrière. Je n’ai pas signé l’Appel des 451. Pour la simple et bonne raison que Umberto et moi ne sommes pas des adversaires des nouvelles technologies numériques. Nous avons des ordinateurs depuis vingt-cinq ans, alors que nous sommes des octogénaires tous les deux. Apprendre à se servir des nouvelles technologies est très simple. On oublie de dire que pour notre génération, c’est une sorte de miracle. J’ai connu les gommes, les effaceurs blancs qui débordaient et les machines à écrire avec carbone salissant… Et en même temps nous adorons l’objet livre qui, en soi, est un objet parfait. Nous avons des tablettes e-book, mais on s’en sert peu. Vous remarquerez qu’elles ont le format de livres. Pour l’instant, la lecture électronique n’a pas eu le succès escompté.

Lorsqu’une prétendue visionnaire, au sommet de Davos, prévoit la fin du livre, et de la presse écrite au passage, elle ne fait que pronostiquer un échec commercial, industriel…

Jean-Claude Carrière. Oui, elle oublie que l’e-book… est un book ! C’est absurde. Il est difficile, voire impossible de prévoir l’avenir. Par contre, en cas de panne d’électricité, ou de piles… Prévoir un plan B. (Rires.) Vous imaginez bien que le texte du Mahabharata (un des plus longs poèmes du monde – NDLR), je le transporterais aujourd’hui sur tablette…

La révolution numérique est même salutaire, expliquez-vous, avec Umberto Eco...

Jean-Claude Carrière. Sans elle, des documents précieux seraient détruits, comme pour les films cinématographiques. Lorsque je dirigeais la Femis, j’expliquais aux étudiants que certains de mes propres films, des années quatre-vingt, sont détruits à jamais. Heureusement qu’il y a l’INA (Institut national de l’audiovisuel – NDLR). Le papier, comme la pellicule, est périssable. Même l’Encyclopedia Britannica est passé au numérique ! Plus la peine de s’encombrer avec des tonnes de livres pour étudier ou travailler… Pour la documentation, les archives, la révolution numérique est une bénédiction. En plus, on n’a jamais autant lu, contrairement à l’idée reçue… Partout, tout le temps. Dans la rue, dans les trains, le métro, l’avion, avec les fameuses tablettes. Non seulement, on lit davantage mais avec un alphabet plus compliqué qu’avant… Des signes nouveaux sont arrivés, comme l’arobase, etc. Notre répertoire ne s’est pas amenuisé. Quand je vois la rapidité de ma fille de dix ans, je suis fasciné. Ce n’est pas un frein pour l’activité cérébrale, au contraire. La véritable question n’est pas là.

Alors quelle est-elle ?

Jean-Claude Carrière. Ce n’est pas : est-ce que l’ordinateur va remplacer le livre papier ?, mais est-ce qu’un livre va remplacer un autre livre, finalement ? Car l’e-book reste un livre, je le répète… Ils vont même jusqu’à reproduire le son de la page qu’on tourne ! Les livres actuels ne vont pas tenir trente ans ! Parce que ce n’est plus du bon papier ni de la véritable encre… Nous allons créer d’autres matières pour les pages, tout simplement.

On s’inquiète surtout de savoir si les enfants vont cesser de lire ?

Jean-Claude Carrière. La réponse est non. Ils lisent toujours… Des livres de vampires, peut-être, mais ils lisent. Sur i-Pad ou autre chose… L’autre problème, c’est : est-ce que l’activité de l’esprit que nous mettons à lire un livre développe l’activité neuronale ou pas ? Moi, par exemple, j’ai fait du latin. A priori, ça ne me sert à rien. Or ça fait fonctionner certaines capacités de mon cerveau qui sans cela ne fonctionneraient pas.

Vous n’êtes donc pas du tout inquiet ?

Jean-Claude Carrière. Aucunement. Je me souviens que lorsque les premiers ordinateurs ont été commercialisés, une association d’écrivains américains soulevait le fait que le texte étant tout de suite quasiment imprimé, cela empêchait de bien travailler, de ne plus corriger. En écrivant sur le clavier, je pense au contraire que je corrige mieux et que je peux toujours améliorer mes textes.

Il y a tout de même ce producteur américain, chez qui vous trouvez une mini-bibliothèque contenant les « chefs-d’œuvre de la littérature mondiale in digest form »…

Jean-Claude Carrière. Je n’en revenais pas ! Guerre et Paix en cinquante pages, tout Balzac en un volume… Il existe aussi de fausses bibliothèques, avec des dos de livres, pour décorer… Je travaillais avec Milos Forman, à l’époque, à New York, et nous nous amusions à imaginer des digest forms de Fritz Lang. Metropolis est le premier film que j’ai vu, enfant… J’étais à la fois fasciné et effrayé en même temps. Lang raconte que lorsque Goebbels l’a convoqué, dans son bureau, pour lui proposer de prendre la direction du cinéma allemand, il a tout de suite pris la décision de quitter le pays. Il y avait un beffroi, de l’autre côté de la rue, avec une horloge qui marquait 15 h 40. Il s’est demandé s’il aurait le temps d’aller chercher son argent avant 16 heures… Finalement, il est parti sans argent.

On vous dit prolifique. Écrivez-vous davantage 
et plus vite avec les ordinateurs ?

Jean-Claude Carrière. Non. Je travaille toujours sur deux ou trois projets par an. Un sur trois se fera, en moyenne. Je ne suis pas un si gros travailleur que ça… Mais, comme disait Brassens, « sans technique, un don n’est rien qu’une sale manie ».

Comment un fils de paysan viticulteur d’un petit village de l’Hérault a-t-il pu travailler avec les plus grands réalisateurs du siècle dernier : Jacques Tati, Pierre Étaix, Luis Buñuel, Jean-Luc Godard, et Peter Brook au théâtre ?

Jean-Claude Carrière. Je suis un pur produit du système éducatif de la IIIe République. Mes deux institutrices ont demandé à ce que j’obtienne une bourse parce que je travaillais bien à l’école. Il n’y avait pas un livre ni une image à la maison… Il y a eu aussi un oncle, par alliance, instituteur, qui m’a guidé dans sa bibliothèque. Il me disait : « Tu peux tout lire, sauf ça, ça et ça »… Évidemment, dès qu’il avait le dos tourné, je lisais les interdits. Et il le savait très bien.

Vous n’écrirez jamais vos mémoires, écrivez-vous dans Désordre. Pourquoi ? Avec tout ce que vous avez vécu ? Tous ces grands artistes avec qui…

Jean-Claude Carrière. (Il nous coupe la parole.) La barbe ! Je préfère vivre qu’écrire ma vie. Écrire son autobiographie, c’est s’accorder beaucoup d’importance ! Je ne suis pas Chateaubriand… J’ai écrit trois livres sur diverses périodes de ma vie. Que j’ai choisies. Un sur l’enfance, le Vin bourru (Plon, 2000), qui raconte Colombières-sur-Orb (Hérault), la Paix des braves (Belfond, 1989), sur ma guerre d’Algérie (le seul film tourné sur place), et le troisième, c’est les Années d’utopie (Plon), sur Mai 68. J’en ferai peut-être un autre…

Votre credo n’est-il pas la curiosité et la liberté, avant tout ? Vous êtes devenu un érudit sans
le savoir, comme Monsieur Jourdain avec 
sa prose… Une bibliothèque vivante.

Jean-Claude Carrière. J’aime la liberté de ne pas savoir ce que je vais faire dans les prochains mois, comme en ce moment. Alexandra Lamy (la femme de Jean Dujardin), que vous venez de voir sortir de chez moi, est une Cévenole. Elle aimerait faire un film sur les camisards… C’est intéressant, mais on verra bien. Comme ça touche au fanatisme religieux, ça m’intéresse.

Vous n’êtes jamais angoissé par l’avenir…

Jean-Claude Carrière. Il ne faut pas dire ça. J’ai eu des périodes très difficiles dans ma vie. J’ai écrit un livre sur le sujet, Mon chèque (Plon, 2010) : les chèques n’arrivent jamais quand on les attend, comme vous le savez. C’est comme ça depuis cinquante ans. J’en attends un au moment où je vous parle… Maintenant, je touche ma retraite, donc ça va, mais comme j’ai pris la décision assez tard de vivre de ma plume, vers trente ans, après de longues études, ce fut très dur. J’ai publié Lézard (épuisé mais lisible sur e-book, sic ! – NDLR), mon premier roman, en 1957, dans l’indifférence quasi générale. Puis, coup de chance, je rencontre Jacques Tati et Étaix… Mon éditeur, Robert Laffont, avait signé un contrat avec Tati pour tirer deux livres des Vacances de Monsieur Hulot… Tati a choisi le mien. Ma rencontre chez lui m’a beaucoup impressionné. Il ne me regardait pas dans les yeux et mettait sa main devant sa bouche pour parler. Il n’avait pas lu mon chapitre… C’est Étaix qui l’avait lu. Ce fut la journée décisive de ma vie. Il m’a demandé ce que je savais du cinéma… Je ne savais rien ! Il a demandé à sa monteuse, Suzanne Baron, de m’emmener voir comment se fabriquait le cinéma. Dans une salle de montage, pas sur un plateau. Aujourd’hui encore, j’adore le montage. Il y a un vrai langage dans le cinéma. C’est une technique compliquée. Je ne cesse de le dire aux étudiants en cinéma. Un seul plan sur un œil (cf. Buñuel) peut dire beaucoup.

C’est votre art préféré ?

Jean-Claude Carrière. Je ne dirais pas ça. C’était un moyen de gagner ma vie, avec ma plume. Le premier film a marché (le Soupirant, avec Étaix). J’ai vécu un an et demi avec ce premier film. Ça m’a encouragé à continuer.

Quel est l’artiste avec qui vous avez préféré travailler ?

Jean-Claude Carrière. Contrairement à ce qu’on croit, ce n’est pas Luis Buñuel. Tout simplement parce que j’ai travaillé trente-quatre ans avec Brook et « seulement » dix-neuf avec Buñuel. Et puis il y a eu Étaix…

N’avez-vous pas la nostalgie 
de ces personnalités ?

Jean-Claude Carrière. Étaix est toujours là et j’ai un projet avec Brook. Je rencontre de nombreux jeunes gens de talent. Des comédiennes et des musiciens extraordinaires. Vous savez, la mort va nous surprendre un jour, comme disait Montaigne, « au milieu de notre jardin imparfait »… Lors d’un repas, ou en dormant. Vouloir créer une œuvre n’a pas de sens. Mieux vaut essayer de profiter de la vie en profitant de la conjonction entre réel et imaginaire.

Comment vous définiriez-vous ?

Jean-Claude Carrière. Comme un homme de gauche, non encarté, un hédoniste travailleur, un tranquille athée… La grande question de ma vie, c’est pourquoi la croyance est plus forte que la connaissance, chez la plupart des gens ? Ça reste pour moi une énigme…

Parce qu’ils ont peur de la mort ?

Jean-Claude Carrière. Ce n’est pas si simple. Il y a mille raisons. Pourquoi, alors que l’islam a une image de plus en plus violente, il y a de plus en plus de conversions ? Pourquoi la foi, qui les éloigne du savoir et de la sagesse, les envahit ? La croyance a encore une telle importance. La trouille est un des éléments… Dans tous les livres saints, il y a les mêmes thèmes de la paix… Et de l’épée. Le feu sur la terre. Les deux contraires existent dans toutes les religions : blanc et noir. Tout le monde sait qu’il n’y a rien, ni Dieu ni vie éternelle, mais personne ne veut l’admettre. Il n’y a que l’univers. Et il y a sans doute, d’autres univers encore, et d’autres êtres… que nous effraierons, un jour, car c’est nous les extraterrestres.

Le scénariste de Buñuel. Né en 1931 à Colombières-sur-Orb, dans l’Hérault, au sein d’une famille de viticulteurs, Jean-Claude Carrière est un ancien élève du lycée Lakanal et de l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Licencié en lettres et diplômé en histoire, il abandonne rapidement sa vocation d’historien pour le dessin et l’écriture. Après la publication de son premier roman, en 1957 (Lézard), il cosigne les courts et longs métrages de Pierre Etaix. Il deviendra par la suite scénariste de Luis Buñuel, mais aussi de Milos Forman, Jean-Paul Rappeneau et Volker Schlöndorff. Il ne se consacre jamais uniquement au cinéma. Parallèlement, il poursuit une carrière de dramaturge et d’adaptateur, en particulier avec Jean-Louis Barrault et Peter Brook. Ex-directeur de la Femis (qui succède à l’Idhec), Jean-Claude Carrière est surtout homme de tous les désirs. Marié à l’écrivaine iranienne, Nahal Tajadod (Elle joue, Albin Michel), il est père de deux filles, une de dix ans, l’autre de cinquante, née d’un premier mariage.