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16/03/2013

CHRONIQUE CUBAINE : VIVA EL PAPA !

papefemme.jpgLe nouveau pape élu par 115 cardinaux venus du monde entier soulève la joie parmi les catholiques mais aussi de nombreuses interrogations.

D’abord la composition uniquement masculine même de ce collège électoral prouve une nouvelle fois que la femme n’est pas l’avenir du pape et de la religion catholique.

Pourtant par ailleurs cette religion se permet des jugements uniformes sur les femmes comme le droit à l’avortement que l’église interdit même en cas de viol, ou le droit à l’homosexualité.

Le nouveau pape, François 1er, ex-cardinal argentin c’était à ce sujet violemment opposé à la présidente de l’argentine Christina Kirschner lorsque elle a proposé à son peuple ces droits élémentaires.

François 1er était beaucoup moins combattif pour s’opposer à la dictature militaire de Vilares en Argentine responsable de la mort et la disparition de plus de 30 000 personnes, de l’enlèvement d’enfants, de la torture de centaines de milliers d’Argentins (1).

pape.jpgPlus grave de nombreux témoignages, en particulier des grandes mères de la Place de Mai, qui tous les jeudis réclamaient justice et pleuraient leurs disparus mettent en cause le passé de collaborationnisme du nouveau pape avec le dictateur.

Dans une de ces premières interventions il a exigé des catholiques qu’ils se confessent sinon c’était le diable qui les attendait. Je pense que ce pape a beaucoup flirté avec le diable et qu’il en est obsédé.

Les médias en France censurent largement cet épisode peu glorieux du nouveau pape.

L’ensemble des gouvernements dont celui de Cuba, où coexiste une cinquantaine de religions pratiquées librement contrairement à ce que certains affirment ont salué l’événement de manière officielle ce qui est normal.

François Hollande a salué son homologue François 1 er qui va régner sur le territoire du Vatican et influencer (modérément) 2 milliards de catholiques déclarés sur la planète.

Ce qui est curieux est que la France enverra lors de l’investiture non le ministre de l’intérieur qui a en charge les cultes en France, mais le premier ministre.

Une semaine avant c’était un sous-ministre qui avait été expédié au Vénézuela à l’occasion de la disparition du Président Chavez. Des symboles qui en disent long sur la politique internationale menée malheureusement par la France aujourd’hui de plus en plus calquée sur celle des Etats Unis.

syrieguerre.jpgLa décision récente de Laurent Fabius d’envoyer des armes avec son ami Cameron, le premier ministre Britannique, allié inconditionnel des USA depuis des lustres aux rebelles Syriens est révélateur de cet état là. Les armes envoyés iront ont fondamentalistes islamistes qui les utiliseront pour imposer la charia comme cela se passe en Lybie.

Tout le monde en est persuadé, sauf le gouvernement français.. C’est de la Paix dont on besoin les Syriens pas des armes aujourd’hui livrés dans tous les camps par la Russie, la Chine, l’Arabie, les Turcs, la Qatar. La France a-t-elle des stocks à liquider, ou des milliardaires à enrichir ?

En matière de politique internationale la France de Hollande ne se singularise pas avec celle de Sarkozy et reste soumise aux intérêts des Etats Unis. C’est regrettable.

(1) - La dictature militaire a sévi en Argentine entre 1976 et 1983. Plus de 30 000 personnes ont disparu, dont les femmes enceintes. Parquées dans des camps, torturées, elles accouchaient, puis étaient assassinés. Leurs enfants, 500 environ, furent confiés aux familles des tortionnaires.

Diaz Diego, blogueur contestataire

03/03/2013

Jean-Claude Carrière : "On n’a jamais autant lu, contrairement à l’idée reçue... "

musique, édition, entretien, jean-luc godard, fritz lang, umberto eco, milos forman, jacques tati, pierre Étaix, luis buñuel, peter brook, Jean Claude Carrière"Dans tous les livres saints, il y a les mêmes thèmes de la paix… Et de l’épée. Le feu sur la terre. Les deux contraires existent dans toutes les religions : blanc et noir. Tout le monde sait qu’il n’y a rien, ni Dieu ni vie éternelle, mais personne ne veut l’admettre."

Émusique, édition, entretien, jean-luc godard, fritz lang, umberto eco, milos forman, jacques tati, pierre Étaix, luis buñuel, peter brook, Jean Claude Carrièrecrivain, scénariste, dramaturge, Jean-Claude Carrière (quatre-vingt-un ans) est toujours entre deux films, deux pièces ou deux livres. Mais c’est avant tout un conteur, toujours une anecdote ou une citation à la bouche. Ses livres les plus récents sont Mémoire espagnole (Plon) et Désordre (André Versailles). En juin, il publie un entretien avec Jean-Jacques Rousseau (Plon).

Pourquoi avoir écrit ce dialogue 
avec Jean-Jacques Rousseau ?

Jean-Claude Carrière. Parce qu’on me l’a proposé… C’est le nom de la collection : « Entretiens avec… ». Et parce que nous ne sommes d’accord sur rien. Ça m’a intéressé. Il y a eu un Marx, entre autres, si ça vous intéresse…

Aujourd’hui, l’édition classique (papier) 
semble très inquiète par l’avènement 
du numérique. En septembre, l’Appel des 
451 (auteurs) s’opposait à Amazon, et Google est dans la ligne de mire. La question semble plutôt concerner les droits d’auteur 
(comme pour la musique) – l’argent, quoi – 
que l’avenir de la création littéraire. 
Vous avez écrit un livre, avec Umberto Eco, intitulé N’espérez pas vous débarrasser 
des livres, en 2009 (Grasset). Votre opinion 
sur le sujet a-t-elle évolué ?

Jean-Claude Carrière. Je n’ai pas signé l’Appel des 451. Pour la simple et bonne raison que Umberto et moi ne sommes pas des adversaires des nouvelles technologies numériques. Nous avons des ordinateurs depuis vingt-cinq ans, alors que nous sommes des octogénaires tous les deux. Apprendre à se servir des nouvelles technologies est très simple. On oublie de dire que pour notre génération, c’est une sorte de miracle. J’ai connu les gommes, les effaceurs blancs qui débordaient et les machines à écrire avec carbone salissant… Et en même temps nous adorons l’objet livre qui, en soi, est un objet parfait. Nous avons des tablettes e-book, mais on s’en sert peu. Vous remarquerez qu’elles ont le format de livres. Pour l’instant, la lecture électronique n’a pas eu le succès escompté.

Lorsqu’une prétendue visionnaire, au sommet de Davos, prévoit la fin du livre, et de la presse écrite au passage, elle ne fait que pronostiquer un échec commercial, industriel…

Jean-Claude Carrière. Oui, elle oublie que l’e-book… est un book ! C’est absurde. Il est difficile, voire impossible de prévoir l’avenir. Par contre, en cas de panne d’électricité, ou de piles… Prévoir un plan B. (Rires.) Vous imaginez bien que le texte du Mahabharata (un des plus longs poèmes du monde – NDLR), je le transporterais aujourd’hui sur tablette…

La révolution numérique est même salutaire, expliquez-vous, avec Umberto Eco...

Jean-Claude Carrière. Sans elle, des documents précieux seraient détruits, comme pour les films cinématographiques. Lorsque je dirigeais la Femis, j’expliquais aux étudiants que certains de mes propres films, des années quatre-vingt, sont détruits à jamais. Heureusement qu’il y a l’INA (Institut national de l’audiovisuel – NDLR). Le papier, comme la pellicule, est périssable. Même l’Encyclopedia Britannica est passé au numérique ! Plus la peine de s’encombrer avec des tonnes de livres pour étudier ou travailler… Pour la documentation, les archives, la révolution numérique est une bénédiction. En plus, on n’a jamais autant lu, contrairement à l’idée reçue… Partout, tout le temps. Dans la rue, dans les trains, le métro, l’avion, avec les fameuses tablettes. Non seulement, on lit davantage mais avec un alphabet plus compliqué qu’avant… Des signes nouveaux sont arrivés, comme l’arobase, etc. Notre répertoire ne s’est pas amenuisé. Quand je vois la rapidité de ma fille de dix ans, je suis fasciné. Ce n’est pas un frein pour l’activité cérébrale, au contraire. La véritable question n’est pas là.

Alors quelle est-elle ?

Jean-Claude Carrière. Ce n’est pas : est-ce que l’ordinateur va remplacer le livre papier ?, mais est-ce qu’un livre va remplacer un autre livre, finalement ? Car l’e-book reste un livre, je le répète… Ils vont même jusqu’à reproduire le son de la page qu’on tourne ! Les livres actuels ne vont pas tenir trente ans ! Parce que ce n’est plus du bon papier ni de la véritable encre… Nous allons créer d’autres matières pour les pages, tout simplement.

On s’inquiète surtout de savoir si les enfants vont cesser de lire ?

Jean-Claude Carrière. La réponse est non. Ils lisent toujours… Des livres de vampires, peut-être, mais ils lisent. Sur i-Pad ou autre chose… L’autre problème, c’est : est-ce que l’activité de l’esprit que nous mettons à lire un livre développe l’activité neuronale ou pas ? Moi, par exemple, j’ai fait du latin. A priori, ça ne me sert à rien. Or ça fait fonctionner certaines capacités de mon cerveau qui sans cela ne fonctionneraient pas.

Vous n’êtes donc pas du tout inquiet ?

Jean-Claude Carrière. Aucunement. Je me souviens que lorsque les premiers ordinateurs ont été commercialisés, une association d’écrivains américains soulevait le fait que le texte étant tout de suite quasiment imprimé, cela empêchait de bien travailler, de ne plus corriger. En écrivant sur le clavier, je pense au contraire que je corrige mieux et que je peux toujours améliorer mes textes.

Il y a tout de même ce producteur américain, chez qui vous trouvez une mini-bibliothèque contenant les « chefs-d’œuvre de la littérature mondiale in digest form »…

Jean-Claude Carrière. Je n’en revenais pas ! Guerre et Paix en cinquante pages, tout Balzac en un volume… Il existe aussi de fausses bibliothèques, avec des dos de livres, pour décorer… Je travaillais avec Milos Forman, à l’époque, à New York, et nous nous amusions à imaginer des digest forms de Fritz Lang. Metropolis est le premier film que j’ai vu, enfant… J’étais à la fois fasciné et effrayé en même temps. Lang raconte que lorsque Goebbels l’a convoqué, dans son bureau, pour lui proposer de prendre la direction du cinéma allemand, il a tout de suite pris la décision de quitter le pays. Il y avait un beffroi, de l’autre côté de la rue, avec une horloge qui marquait 15 h 40. Il s’est demandé s’il aurait le temps d’aller chercher son argent avant 16 heures… Finalement, il est parti sans argent.

On vous dit prolifique. Écrivez-vous davantage 
et plus vite avec les ordinateurs ?

Jean-Claude Carrière. Non. Je travaille toujours sur deux ou trois projets par an. Un sur trois se fera, en moyenne. Je ne suis pas un si gros travailleur que ça… Mais, comme disait Brassens, « sans technique, un don n’est rien qu’une sale manie ».

Comment un fils de paysan viticulteur d’un petit village de l’Hérault a-t-il pu travailler avec les plus grands réalisateurs du siècle dernier : Jacques Tati, Pierre Étaix, Luis Buñuel, Jean-Luc Godard, et Peter Brook au théâtre ?

Jean-Claude Carrière. Je suis un pur produit du système éducatif de la IIIe République. Mes deux institutrices ont demandé à ce que j’obtienne une bourse parce que je travaillais bien à l’école. Il n’y avait pas un livre ni une image à la maison… Il y a eu aussi un oncle, par alliance, instituteur, qui m’a guidé dans sa bibliothèque. Il me disait : « Tu peux tout lire, sauf ça, ça et ça »… Évidemment, dès qu’il avait le dos tourné, je lisais les interdits. Et il le savait très bien.

Vous n’écrirez jamais vos mémoires, écrivez-vous dans Désordre. Pourquoi ? Avec tout ce que vous avez vécu ? Tous ces grands artistes avec qui…

Jean-Claude Carrière. (Il nous coupe la parole.) La barbe ! Je préfère vivre qu’écrire ma vie. Écrire son autobiographie, c’est s’accorder beaucoup d’importance ! Je ne suis pas Chateaubriand… J’ai écrit trois livres sur diverses périodes de ma vie. Que j’ai choisies. Un sur l’enfance, le Vin bourru (Plon, 2000), qui raconte Colombières-sur-Orb (Hérault), la Paix des braves (Belfond, 1989), sur ma guerre d’Algérie (le seul film tourné sur place), et le troisième, c’est les Années d’utopie (Plon), sur Mai 68. J’en ferai peut-être un autre…

Votre credo n’est-il pas la curiosité et la liberté, avant tout ? Vous êtes devenu un érudit sans
le savoir, comme Monsieur Jourdain avec 
sa prose… Une bibliothèque vivante.

Jean-Claude Carrière. J’aime la liberté de ne pas savoir ce que je vais faire dans les prochains mois, comme en ce moment. Alexandra Lamy (la femme de Jean Dujardin), que vous venez de voir sortir de chez moi, est une Cévenole. Elle aimerait faire un film sur les camisards… C’est intéressant, mais on verra bien. Comme ça touche au fanatisme religieux, ça m’intéresse.

Vous n’êtes jamais angoissé par l’avenir…

Jean-Claude Carrière. Il ne faut pas dire ça. J’ai eu des périodes très difficiles dans ma vie. J’ai écrit un livre sur le sujet, Mon chèque (Plon, 2010) : les chèques n’arrivent jamais quand on les attend, comme vous le savez. C’est comme ça depuis cinquante ans. J’en attends un au moment où je vous parle… Maintenant, je touche ma retraite, donc ça va, mais comme j’ai pris la décision assez tard de vivre de ma plume, vers trente ans, après de longues études, ce fut très dur. J’ai publié Lézard (épuisé mais lisible sur e-book, sic ! – NDLR), mon premier roman, en 1957, dans l’indifférence quasi générale. Puis, coup de chance, je rencontre Jacques Tati et Étaix… Mon éditeur, Robert Laffont, avait signé un contrat avec Tati pour tirer deux livres des Vacances de Monsieur Hulot… Tati a choisi le mien. Ma rencontre chez lui m’a beaucoup impressionné. Il ne me regardait pas dans les yeux et mettait sa main devant sa bouche pour parler. Il n’avait pas lu mon chapitre… C’est Étaix qui l’avait lu. Ce fut la journée décisive de ma vie. Il m’a demandé ce que je savais du cinéma… Je ne savais rien ! Il a demandé à sa monteuse, Suzanne Baron, de m’emmener voir comment se fabriquait le cinéma. Dans une salle de montage, pas sur un plateau. Aujourd’hui encore, j’adore le montage. Il y a un vrai langage dans le cinéma. C’est une technique compliquée. Je ne cesse de le dire aux étudiants en cinéma. Un seul plan sur un œil (cf. Buñuel) peut dire beaucoup.

C’est votre art préféré ?

Jean-Claude Carrière. Je ne dirais pas ça. C’était un moyen de gagner ma vie, avec ma plume. Le premier film a marché (le Soupirant, avec Étaix). J’ai vécu un an et demi avec ce premier film. Ça m’a encouragé à continuer.

Quel est l’artiste avec qui vous avez préféré travailler ?

Jean-Claude Carrière. Contrairement à ce qu’on croit, ce n’est pas Luis Buñuel. Tout simplement parce que j’ai travaillé trente-quatre ans avec Brook et « seulement » dix-neuf avec Buñuel. Et puis il y a eu Étaix…

N’avez-vous pas la nostalgie 
de ces personnalités ?

Jean-Claude Carrière. Étaix est toujours là et j’ai un projet avec Brook. Je rencontre de nombreux jeunes gens de talent. Des comédiennes et des musiciens extraordinaires. Vous savez, la mort va nous surprendre un jour, comme disait Montaigne, « au milieu de notre jardin imparfait »… Lors d’un repas, ou en dormant. Vouloir créer une œuvre n’a pas de sens. Mieux vaut essayer de profiter de la vie en profitant de la conjonction entre réel et imaginaire.

Comment vous définiriez-vous ?

Jean-Claude Carrière. Comme un homme de gauche, non encarté, un hédoniste travailleur, un tranquille athée… La grande question de ma vie, c’est pourquoi la croyance est plus forte que la connaissance, chez la plupart des gens ? Ça reste pour moi une énigme…

Parce qu’ils ont peur de la mort ?

Jean-Claude Carrière. Ce n’est pas si simple. Il y a mille raisons. Pourquoi, alors que l’islam a une image de plus en plus violente, il y a de plus en plus de conversions ? Pourquoi la foi, qui les éloigne du savoir et de la sagesse, les envahit ? La croyance a encore une telle importance. La trouille est un des éléments… Dans tous les livres saints, il y a les mêmes thèmes de la paix… Et de l’épée. Le feu sur la terre. Les deux contraires existent dans toutes les religions : blanc et noir. Tout le monde sait qu’il n’y a rien, ni Dieu ni vie éternelle, mais personne ne veut l’admettre. Il n’y a que l’univers. Et il y a sans doute, d’autres univers encore, et d’autres êtres… que nous effraierons, un jour, car c’est nous les extraterrestres.

Le scénariste de Buñuel. Né en 1931 à Colombières-sur-Orb, dans l’Hérault, au sein d’une famille de viticulteurs, Jean-Claude Carrière est un ancien élève du lycée Lakanal et de l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Licencié en lettres et diplômé en histoire, il abandonne rapidement sa vocation d’historien pour le dessin et l’écriture. Après la publication de son premier roman, en 1957 (Lézard), il cosigne les courts et longs métrages de Pierre Etaix. Il deviendra par la suite scénariste de Luis Buñuel, mais aussi de Milos Forman, Jean-Paul Rappeneau et Volker Schlöndorff. Il ne se consacre jamais uniquement au cinéma. Parallèlement, il poursuit une carrière de dramaturge et d’adaptateur, en particulier avec Jean-Louis Barrault et Peter Brook. Ex-directeur de la Femis (qui succède à l’Idhec), Jean-Claude Carrière est surtout homme de tous les désirs. Marié à l’écrivaine iranienne, Nahal Tajadod (Elle joue, Albin Michel), il est père de deux filles, une de dix ans, l’autre de cinquante, née d’un premier mariage.

21/02/2013

Esclavage moderne aux Émirats

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Pourquoi ne parle-t-on jamais de cette réalité du capitalisme mondialisé ?

Le coolie trade est une pratique instaurée par les grandes puissances coloniales à la suite de l’abolition de l’esclavage. Pour compenser la perte d’une main-d’œuvre asservie, l’empire britannique fit appel aux populations les plus misérables d’Asie et institua un système moralement douteux : en échange de leur force de travail, l’État garantit aux travailleurs des salaires de misère, et les invita à travailler dans des conditions de travail telles que les anciens esclaves les avaient fuies.

Dubaï, aujourd’hui symbole de la puissance financière des Émirats, est une ville factice qui a émergé du désert en moins de trente ans. Sa population, forte de quelque 5 % d’Émiratis, est majoritairement composée de travailleurs étrangers : les expatriés occidentaux, au compte de grandes multinationales, et les ouvriers dépêchés pour subvenir à la nouvelle politique de grands travaux, ainsi que des domestiques, souvent des femmes, en provenance des Philippines.

Ces deux derniers groupes sont exploités, et ce sans discrimination de sexe. À l’instar des anciens coolies, ils ont des conditions de travail effroyables : papiers confisqués par leur employeur à leur arrivée à Dubaï, salaires de misère… Le mode opératoire est toujours le même : les travailleurs quittent leur pays natal après qu’on leur a fait miroiter une somme qui leur permettrait de soutenir leur famille. La réalité est toute autre : la plupart des bonnes perçoivent un salaire très inférieur à celui dû et sont fréquemment victimes de viols (1) comme cette jeune Éthiopienne qui s’est suicidée en décembre dernier. Les travailleurs immigrés masculins sont logés à la même enseigne. La tour de Burj Khalifa, du haut de ses 828 mètres, fleuron de la politique de grands travaux, a nécessité l’emploi de plus de 10 000 travailleurs, œuvrant au prestige de la ville pour quelque 2,85 euros par jour, sans filet de sécurité ni harnais. Ces pratiques alarmantes font douter de la véracité du nombre de morts déclaré pendant la construction (un seul), alors que l’ONG Human Rights Watch n’a cessé de dénoncer le surmenage et les suicides des ouvriers. Bâtisseurs du prestige de Dubaï, les travailleurs, le soir venu, sont dérobés aux yeux des touristes dans un bidonville à quelques dizaines de kilomètres du centre-ville.

Rares sont ceux à connaître un sort plus enviable que leurs ancêtres coolies. Ces travailleurs pauvres sont les esclaves modernes, victimes corvéables de leur misère natale et d’un capitalisme dément. Avec la mondialisation, les pays de la péninsule Arabique disposant d’une nouvelle manne financière se sont lancés dans une modernisation effrénée pour s’imposer comme un modèle régional, un acteur mondial, et surpasser le modèle occidental des pays dits développés. Dubaï est l’image même de tous les excès de nos sociétés d’hyperconsommation, au prix du sang et des larmes des travailleurs bafoués.

philippines, esclavage, libres-échanges, dubaï, burj khalifaLe non-respect des droits de l’homme est symptomatique de la région. À l’heure où Dubaï réussit à s’imposer à l’international, cette mentalité, cette conception de l’autre, permet de douter de la légitimité d’un modèle cynique qui s’appuie sur la négation de l’autre, une traite immonde, une forme d’esclavage moderne. Ce modèle qui prône la puissance de l’argent réduit l’autre à une simple bourse, ou une force de travail qu’il convient de réduire à l’impuissance.

 (1) Lire le dossier de Courrier international n° 1130, juin 2012.

Ambre Froment et Dounia Boumaza, 18 et 17 ans , publié dans l'Humanité spécial jeunes

17/02/2013

Gaz de schiste : le grand boum international

énergie, gaz de schiste, géologie, pollution industrielle, fracturation hydraulique, hydrocarbures, Emmenée par les états-Unis, la course aux hydrocarbures paraît officiellement lancée à l’échelle internationale. Disposant de réserves estimées non négligeables, la France n’est pas sans porter un certain intérêt à l’affaire.

C’est peut-être l’une des plus importantes offensives opérées dans le secteur privé énergétique depuis la révolution pétrolière : les gaz de schiste et plus globalement les hydrocarbures non conventionnels reviennent de manière détonante sur le devant de la scène. Emmenée par les États-Unis, dont la production de gaz de schiste – shale gas, dit-on là-bas – est passée de 1 %, au début des années 2000, à près de 35 % en 2011, la course paraît officiellement lancée entre des nations qui voient dans cet hydrocarbure new age l’opportunité d’une redistribution des cartes géopolitiques. Avec toujours une même menace en toile de fond : explosif économiquement, le grand rush des gaz de schiste pourrait l’être également écologiquement.

Pour être apparus récemment sur la scène médiatique, les gaz de schiste ne sont pas à proprement parler une donnée nouvelle, ni pour les géologues ni pour les pétroliers. On fait remonter la toute première production, réalisée à Fredonia, dans l’État de New York, à 1821. « Certaines, même, verront le jour en France vers 1930, aux alentour d’Autun », rappelle Jean Laherrère, géologue et président d’ASPO France .

Très coûteuses, à l’époque, toutes ses exploitations seront vite abandonnées dès lors que le gaz conventionnel émergera sur le marché. La crise pétrolière des années 1970 relancera l’intérêt des producteurs, lesquels impulseront la recherche dans ce domaine. Mais c’est au début des années 2000 que les gaz de schiste commenceront à devenir réellement rentables. L’amélioration de la technologie dite de fracturation hydraulique, née en 1949, y contribuera largement. La perspective d’un pick oil pétrolier et gazier, c’est-à-dire d’un plafonnement puis d’une diminution des ressources facilement exploitables, leur conférera leur valeur actuelle.

Les États-Unis ont été les premiers à se lancer massivement dans la production, non sans un certain succès économique. On y compterait plus de 100 000 puits en fonctionnement. De 20 milliards de mètres cubes en 2005, la production des gaz de schiste y serait passée à 220 milliards en 2011. Cerise sur le derrick : de pays importateur de gaz, la puissance est devenue, en quelques années, exportatrice et ne serait plus très loin de se hisser au rang de premier producteur mondial. Alors que l’AIE, agence américaine de l’énergie, estime les réserves exploitables à 25 000 milliards de mètres cubes, la machine paraît ne pas être prête à s’arrêter de sitôt. Le pays toutefois n’est plus seul en lice.

La Chine, qui dispose de la plus vaste réserve estimée – le qualificatif « estimé » est important – commence, elle aussi, à distribuer des permis d’explorer. Pékin envisagerait d’extraire 6,5 milliards de mètres cubes dès 2015, et 100 milliards en 2020.

L’Inde suit de près, qui vient de signer un contrat avec Shell. Autre grand champ de possible estimé, l’Amérique latine n’est pas en reste. Le Mexique qui disposerait de près de 20 milliards de mètres cubes récupérables, envisage de relancer sa production d’hydrocarbure, de même que l’Argentine.

Les industriels privés mènent le bal.

Point commun à ces situations ? Ce sont, dans tous les cas de figure, les industriels privés qui mènent le bal. Exxon en Amérique du Nord, Shell en Asie, Chevron en Lituanie ou en Argentine : les industriels sont à l’offensive, visant chaque marché, draguant chaque pays prêt à lui vendre ses ressources. Forums et autres sommets régionaux, réunissant acteurs publics et privés, se sont multipliés en 2012. On parle de 1 000 milliards de dollars investis dans les hydrocarbures non conventionnels cette même année. Et la France dans tout cela ? Elle n’est pas sans manifester d’intérêt au potentiel dont l’a affublée l’EAI. Selon les pronostics de l’Agence américaine, l’Hexagone disposerait de 5 300 milliards de mètres cubes de gaz de schiste techniquement récupérables, un volume qui la placerait au premier rang des pays producteurs européens, devant le Royaume-Uni, la Pologne et la Norvège.

La perspective n’est pas sans faire mouche du côté des politiques. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangère, et même Michel Rocard, ancien premier ministre et actuel « ambassadeur des pôles », ne masquent pas leur enthousiasme vis-à-vis d’une perspective, qui, affirment-ils, pourrait permettre à la France de se désempêtrer de sa dépendance chronique aux importations de gaz naturel, notamment de Russie.

Encore faut-il que les projections de l’IEA se réalisent. En Pologne, alors qu’elle estimait à 5 290 milliards de mètres cubes les ressources techniquement récupérables, le Polish Geological Institute les a évaluées, après prospection, entre 350 et 700 milliards de mètres cubes.

Encore faut-il, aussi, que l’exemple américain soit transposable. « Nous n’avons ni le même sous-sol géologique, ni les mêmes surfaces, ni le même Code minier… ni les mêmes gens », relève ainsi Bruno Goffé, directeur de recherche et délégué scientifique géo-ressource à l’Institut national des sciences de l’univers. Alors qu’en France le sous-sol et ses ressources appartiennent à l’État, aux États-Unis, ils appartiennent au propriétaire du terrain. « Si les gens ont accepté une telle expansion des exploitations de gaz de schiste là-bas, c’est parce qu’ils tiraient un très bon prix de la vente de leurs terres », souligne ainsi Jean Laherrère.

La confusion entre ressources et réserves

Encore faut-il, enfin, que l’exemple américain ne soit pas qu’un feu de paille. « Tout le monde se lance dans le rush des gaz de schiste comme dans une chasse à l’or, mais, pour le moment, ce sont surtout les vendeurs de pelles qui font fortune », reprend le président de l’Aspo. Car le boum a aussi ses travers, et pour accroître la production de gaz, il en a également fait baisser le cours. De 12 dollars l’équivalent baril en 2008, le prix a chuté à moins de 4 dollars en 2012. Le gaz de schiste n’y paraît plus aussi avantageux qu’affirmé. La société Cheasapeack, premier producteur et premier propriétaire de réserve estimée en 2009, a revendu et se retrouve, trois ans après, endettée d’une dizaine de milliards de dollars. Dans le Dakota du Nord, où les puits se sont multipliés comme des petits pains tous les cinquante mètres, les compagnies se réorientent vers la production d’huile de schiste et en viennent à torcher 40 % du gaz produit.

La faute à la confusion entretenue entre ressources et réserves exploitables. La faute, surtout, à des compagnies que la production de gaz n’intéresse que lorsqu’elle génère un profit optimal. Une démonstration de mauvais augure pour qui cherche à sécuriser sa production énergétique.

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