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14/01/2015

Partout les inégalités explosent. Fin de la théorie du ruissellement ?

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Alors que la somme des richesses créées n’a jamais été aussi importante, 2014 s’affirme comme l’année de toutes les inégalités. Même des organismes aussi libéraux que le FMI et l’OCDE s’en alarment !

Si les financiers déposaient des cadeaux au pied de la corbeille de la Bourse de Paris, nul doute que le plus demandé au père Noël du capital serait... une action d’Axa, l’entreprise la plus généreuse en France avec 2,7 milliards distribués au deuxième trimestre (celui du versement principal). Mais le père Noël n’est pas capitaliste ; au reste, les actionnaires n’ont pas besoin de cadeau cette année, car 2014 a été celle de tous les records.
 
Pensez : rien qu’en France, plus de 80 milliards d’euros distribués par les entreprises du CAC 40 – les oies ne sont pas les seules à être gavées. « Une juste rétribution des risques et de la création de richesses », chantent-ils en choeur. Mais comment expliquer qu’en 2014 les mêmes entreprises ont vu leurs profits baisser de 8 %, pour s’établir à 48 milliards d’euros, distribuant ainsi plus de dividendes qu’elles n’ont dégagé de bénéfices ?
 
La voracité de la finance est telle que même le magazine « Challenges », peu suspect d’anticapitalisme, parle « d’un très gros effort qui se fait au détriment de l’investissement ». Et encore, il ne parle pas des salaires... Michel Sapin, le ministre des Finances, y a déjà pensé, exhortant, le 18 décembre, les patrons éventuellement frappés par le virus de la justice sociale à « faire en sorte que les salaires n’augmentent pas considérablement plus que la productivité de leur entreprise ». Il faut bien payer les dividendes : la France est au deuxième rang mondial, derrière les États- Unis, en ce qui concerne la rétribution des actionnaires.
 
UNE PLUIE DE DIVIDENDES !
 
L’année 2014 a donc été celle de l’accélération brutale de la voracité du capital, que les dirigeants accommodants appellent « crise ». Mais comment parler de crise quand on sait que depuis 2009 la hausse des dividendes atteint... 60 % (70 % aux États-Unis, 136 % pour les BRICS, et seulement 22 % pour l’Europe).
 
D’ailleurs, le record est tombé : cette année, les 1 200 plus grandes entreprises mondiales ont distribué un peu moins de 1 200 milliards de dollars (980 milliards d’euros), soit 133 milliards de plus qu’en 2013. Mention spéciale aux heureux détenteurs d’actions de la finance (57 milliards d’euros au troisième trimestre 2014), de l’énergie (35 milliards d’euros) ou des télécommunications (19,6 milliards d’euros). En France, Orange, BNP Paribas, Axa donc, ou la Société générale sont en tête. Et de l’autre côté ?
 
Peanuts. Au point que l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), d’habitude au garde-à-vous libéral, s’alarme dans un rapport paru le 9 décembre : les inégalités se creusent trop. « Jamais en trente ans le fossé entre riches et pauvres n’a été aussi prononcé », y est-il écrit.
 
AU SEIN DES PAYS DÉVELOPPÉS, LE REVENU DES 10 % LES PLUS RICHES EST 9,5 FOIS PLUS ÉLEVÉ QUE CELUI DES 10 % LES PLUS PAUVRES.
 
À l’échelle de la zone OCDE (pays issus pour la plupart du monde occidental), le revenu des 10 % les plus riches est aujourd’hui 9,5 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres : ce rapport était de 1 à 7 dans les années 1980. Surtout, l’organisation d’études économiques prend peur : loin des antiennes libérales qui répètent que déverser des montagnes de cash au sommet de la pyramide permet un ruissellement jusqu’à la base de la société et profite à tous, le rapport établit que ces inégalités ont coûté... 8,5 points de PIB sur 25 ans. Énorme.
 
Et de poursuivre : « Ce n’est pas uniquement la pauvreté ou le revenu des 10 % de la population au bas de l’échelle qui inhibe la croissance. Les pouvoirs publics doivent se préoccuper plus généralement du sort des 40 % les plus défavorisés. (...) Lutter contre les inégalités par l’impôt et les transferts ne nuit pas à la croissance. » Transmis à la troïka... Désormais, tout le monde sait ce qu’il faut faire, comme le rappelait Robert Reich, dans ces colonnes (lire « HD » n° 400) : « Le pas suivant est de s’organiser et de s’engager politiquement. » Cela commence maintenant. C’est une bonne résolution.
 
BENJAMIN KÖNIG, L'HUMANITE

23:24 Publié dans Economie, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, patrimoine, inégalités | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

06/01/2015

UKRAINE : Les néonazis fêtent le Nouvel An

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Le ministère de la Défense ukrainien a décidé de mettre à disposition d’un groupe fasciste les bases d’entraînement de l’armée. Le cortège ressemble à un défilé nazi des années 1930 en 
Allemagne.

Regards hostiles, tenues de camouflage, torches flamboyantes serrées dans les poings. Les images d’Euronews sont éloquentes. À Kiev, le soir de la première journée du Nouvel An 2015 charrie des relents nauséabonds que l’on croyait réservés 
aux pellicules sépia de la dernière guerre.

Ils sont des milliers de partisans des mouvements d’extrême droite Svoboda et Pravy Sektor à défiler dans les rues de la capitale ukrainienne. Les banderoles explicites s’agitent : « Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros ! Gloire à la nation ! Mort aux ennemis ! » Des hommes en treillis, d’autres en civil portent un étendard rouge au cœur duquel trône l’effigie de Stepan Bandera, né il y a cent six ans.

L’anniversaire du chantre de l’ultranationalisme ukrainien est d’ailleurs prétexte à ce rassemblement.En ce début d’année plein d’incertitudes quant à l’issue de la crise ukrainienne, 
le symbole est loin d’être innocent et la référence au soi-disant « libérateur » de la nation ukrainienne moderne et ennemi juré de l’Union soviétique a de quoi inquiéter. Il suffit de convoquer l’histoire pour s’en rendre compte.

La démonstration de force 
devrait sonner comme un rappel pour les Occidentaux

naziselle.jpgStepan Bandera est approché en 
février 1941 par les nazis. Il lui est demandé de créer une résistance intérieure pour endiguer l’avancée de l’Armée rouge. Bientôt, il forme une légion ukrainienne à la solde des SS, et le 25 juin de la même année, ses hommes commettent une série de pogroms contre les juifs de la plus grande ville occidentale du pays, Lviv.

Le 30 juin, alors que la Wehrmacht a repoussé l’Armée rouge hors de la région, Stepan Bandera et quelques milliers d’Ukrainiens accueillent l’armée allemande en libératricers. Le même jour, les nazis établissent un gouvernement à Kiev avec le leader nationaliste à sa tête.

L’accord passé entre Stepan Bandera et le Troisième Reich est sans équivoque : «  L’État ukrainien nouvellement formé travaillera en étroite collaboration avec le national-socialisme de la Grande Allemagne, sous la direction de son chef, Adolf Hitler, qui veut créer un nouvel ordre en Europe et dans le monde et aider les Ukrainiens à se libérer de l’occupation soviétique. »

Depuis le début du conflit qui mine l’Ukraine, le Kremlin a souvent dénoncé le caractère néonazi de la révolution de Maïdan et si les affirmations de Vladimir Poutine ne font certes pas office de vérité révélée, la démonstration de force de ce début d’année devrait sonner comme un rappel pour les Occidentaux, Européens en tête, qui, jusqu’à présent, restent désespérément neutres.

Il y a un peu plus d’un mois, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution proposée par le Brésil et la Russie condamnant la glorification du nazisme. Avec les États-Unis et le Canada, l’Ukraine avait été l’un des trois États à voter contre cette résolution. L’ensemble des membres de l’Union européenne se sont quant à eux étrangement abstenus, y compris l’Allemagne et les pays ayant eu de fortes accointances avec le régime nazi…

De fait, la décision prise hier par le ministère de la Défense ukrainien de mettre ses bases d’entraînement à la disposition du Pravy Sektor – à la fois parti dont des députés participent à la politique menée par Porochenko, mais aussi véritable milice armée et supplétif de l’armée classique ukrainienne – révèle de plus en plus la nature duplice de ce régime. « L’initiative de créer une unité conjointe a été lancée par les nationalistes, et les militaires ont accepté cette idée », a précisé la chaîne 
de télévision TSN. « Le groupe ultranationaliste ukrainien Pravy Sektor et le ministère de la Défense ont convenu de former un bataillon “polyvalent” dans la région de Vinnitsa dans le centre du pays », rapportent également les médias locaux.

L’exact contraire de ce que prônait ce week-end Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch, inquiet de l’autonomie des milices d’extrême droite et des exactions commises : « Nous souhaiterions que ces bataillons intègrent le système du ministère de la Défense ou de l’Intérieur.

Il importe que cela ne se fasse pas que pour la forme, mais que cela contribue à l’affirmation de la discipline et au respect des dispositions des conventions de Genève. » Le fait que Pravy Sektor soit à l’initiative de ce rapprochement avec l’armée ukrainienne et non l’inverse, comme le souhaitait Kenneth Roth, a en effet de quoi surprendre et confirme le glissement progressif de l’Ukraine dans un ultranationalisme assumé au su et au vu d’une Union européenne qui, pour l’instant, campe sur ses positions antirusses.

Les horreurs liées au nazisme n’appartiennent pourtant pas qu’aux livres d’histoire, comme le rappelle pudiquement le responsable de Human Rights Watch : « Nous sommes préoccupés par de nombreuses violations des droits de l’homme de la part des bataillons composés de volontaires. » La sonnette d’alarme est tirée. Y aura-t-il des hommes à Bruxelles et ailleurs pour l’entendre ?

Stéphane Aubouard, l'Humanité

20:06 Publié dans Actualités, Histoire, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ukraine, nazis, manifestation | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

02/01/2015

Algérie : la révolution des escaliers arc-en-ciel

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Depuis plusieurs mois, une frénésie créatrice a saisi les jeunes qui ont entrepris de repeindre les lieux publics dans plusieurs villes du pays. Une association de Tizi Ouzou, à l’est de la capitale, a repeint l’escalier d’un quartier populaire pour que les enfants jouent dans un environnement agréable.

Quel gosse n’a jamais rêvé d’un monde arc-en-ciel ?

Depuis plusieurs mois, en Algérie, une frénésie créatrice a saisi les jeunes qui ont entrepris de dissiper la grisaille de leurs quartiers en couvrant l’espace public de couleurs vives. Le berceau de cette « révolution des escaliers » se situe à Souk Ahras, dans l’est du pays, où une petite association, Nadhafa (Propreté), a décidé cet été de réagir à l’abandon des lieux communs, livrés à la saleté, défigurés par l’absence d’entretien.

Postées sur Internet, les photographies des escaliers multicolores ont soulevé l’enthousiasme et suscité des émules dans tout le pays. À Alger, à Tiaret, à Aïn Temouchent, à Blida, les fresques rivalisent d’inventivité, dessinant un mouvement citoyen d’un nouveau genre. Ici, à TiziOuzou, un « escalier piano » a pris corps, avec touches noires et blanches, croches et clés de sol échappées d’une portée.
Là, à Mascara, c’est un paon qui arbore une traîne rouge, vert et bleu, comme prêt à faire la roue. Dans la capitale, au seuil d’une école, un escalier remaquillé de pastels s’est changé en ludique table de multiplication. Les marches du Rialto, à Skikda, se sont transformées en vagues azurées sur lesquelles flotte un voilier.
Le peintre Ahmed Zahi a promis aux artistes en herbe d’apporter sa touche à ce paysage maritime avec un dauphin et un goéland. « Ville d’escaliers par excellence, Skikda ne pouvait passer à côté de cette fièvre colorée qui s’est emparée de plusieurs villes du pays. Les initiateurs, tous bénévoles, ont d’abord nettoyé les marches avant de passer à l’action, créant ainsi une belle ambiance au centre-ville et attirant les regards », rapporte le quotidien El Watan. Les compositions colorées semblent entrer en dialogue avec les noms des rues, chargés de poésie : Drouj El bahri (« escaliers de la brise »), Drouj El ghoula (« escaliers de l’ogresse »), Drouj El mouhal (« escaliers de l’impossible »).
 
Un ballon d’oxygène face aux carences de l’État
Encadrées par des associations de quartier ou complètement autogérées, ces initiatives convergentes, sur les réseaux sociaux, en communautés. Comme celles lancées par les groupes 7oumti (Mon quartier) et Algérie propre, qui veulent « essayer de sensibiliser les jeunes Algériens au respect de l’environnement et de l’espace dans lesquels ils vivent ».
 
Cette « révolution des escaliers » est, de fait, un ballon d’oxygène dans un pays où l’urbanisation accélérée et anarchique, les carences des services publics locaux et les déchets générés par l’essor de la société de consommation défigurent les paysages. « Nous sommes conscients des conséquences des négligences environnementales à long terme. La jeunesse algérienne ne manque ni de talent ni d’intelligence, mais juste un peu de volonté. En semant quelques graines d’espoir, nous souhaitons améliorer notre mode de vie. L’incivisme est la gangrène qui ronge nos rues et vole la beauté de nos villes », explique-t-on à l’ACT, une association locale de Tizi-Ouzou engagée dans ce mouvement, mais aussi dans la réhabilitation des espaces verts et la promotion du tri sélectif.
 
Dans l’élan, certains ont troqué les pinceaux contre des râteaux, pour nettoyer les plages, rendre vie aux fontaines publiques ou débarrasser les champs des affreux sacs en plastique dispersés par millions aux quatre vents. Cette année, Alger s’était placée parmi les dix agglomérations les moins vivables au monde dans le classement établi par The Economist. Sans que cela n’émeuve des autorités, locales ou nationales, toujours promptes à rejeter sur le peuple la responsabilité de la pollution et de la saleté. « Echaâb machi m’rabbi ou moussakh » (« La population est sale et mal éduquée »), c’est par cette sentence méprisante que les responsables politiques ont coutume d’éluder les critiques sur leurs propres défaillances.
L’an dernier, une enveloppe de 100 millions de dinars a été allouée, avec force publicité, au nettoyage et à « l’embellissement » de la Ville blanche… Sans effets visibles. « Il faut nettoyer le pays ! » avait clamé le premier ministre, Abdelmalek Sellal, en arrivant au pouvoir, en 2012. Sans conséquences. Sans plus rien attendre de l’État, les jeunes à l’origine de la « révolution des escaliers » se prennent en main, transformant sans moyens, avec un peu de peinture et beaucoup d’imagination leur cadre de vie quotidien.
 
Après les « drouj », les couleurs promettent de se déverser partout : sur les murs, sur le béton des échangeurs d’autoroutes, et même sur les antennes paraboliques qui rendent si tristes les façades des immeubles. À Tébessa, les élèves du collège Abi Moussa El Achaari, lassés d’étudier dans des salles de classe lugubres, ont redonné vie à leur lieu d’étude par la magie de quelques dessins. D’autres adolescents, déjà, les imitent, rivalisant de créativité.
 
Cette belle aventure collective nous remet en mémoire un poème de Bachir Hadj Ali, Rêves en désordre : « Je rêve d’îlots rieurs et de criques ombragées / Je rêve de cités verdoyantes silencieuses la nuit / Je rêve de villages blancs bleus sans trachome / Je rêve de fleuves profonds sagement paresseux / Je rêve de protection pour les forêts convalescentes / Je rêve de sources annonciatrices de cerisaies / Je rêve de vagues blondes éclaboussant les pylônes / Je rêve de derricks couleur de premier mai. »
 
 

10:22 Publié dans Arts, Connaissances, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, art, escalier | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

21/12/2014

JEFF KOONS : Une œuvre lisse ? Comme une eau qui dort

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Avec Antiquity 3, (2009-2011), point de Cicciolina, mais de recyclage du mariage de figures antiques avec la modernité.

La rétrospective Jeff Koons au Centre Pompidou jalonne de façon très pertinente le parcours de l’ancien trader 
devenu un artiste américain un peu trop tranquille.

La rétrospective Jeff Koons qui vient d’ouvrir au Centre Pompidou connaîtra un beau succès de fréquentation et alimentera de sempiternelles polémiques et critiques : Koons gagne beaucoup d’argent, c’est une entreprise qui travaille pour lui, les objets qu’il met en circulation ne sont que des objets de la vie courante ou leurs copies surdimensionnées, des doubles de statues antiques connues. Tout cela est vrai mais appelle d’emblée quelques remarques.

Picasso aussi gagnait beaucoup d’argent. à quelques exceptions près, les grands artistes, une fois reconnus, ont généralement gagné de l’argent et, qu’on le veuille ou non, un artiste doit vivre et existe avec et par le marché de l’art. Van Gogh est aussi mort de ne pas vendre. Koons est à la tête d’une entreprise. C’est vrai, mais Rubens aussi l’était avec une trentaine de personnes et n’hésitait pas dans un tableau qu’il signait de sa main, à faire appel à tel ou tel peintre spécialiste de telle ou telle figure.

Tous les peintres, sauf exceptions là encore, de la Renaissance au XIXe siècle sont à la tête d’importants ateliers. La figure de l’artiste mourant de faim seul dans sa mansarde pour y créer une œuvre géniale est une vision romantique et datée, de la seconde partie du XIXe siècle aux années 1950 ou 1960.

Un Américain pas du genre à chercher midi à 14 heures

On peut donc passer au troisième point. L’œuvre de Jeff Koons.

La rétrospective de Pompidou, avec un parcours chronologique commenté à chaque nouvelle étape, est pertinente. Désormais directeur du Centre, Bernard Blistène en est le maître d’œuvre, fort d’un travail de plus de trois ans au plus près de l’artiste et de ses œuvres, non sans mettre le doigt sur la complexité de ce qui se présente d’emblée comme un monde lisse et enchanté, n’hésitant pas à citer dans le texte qui ouvre le catalogue la chanson de l’Île aux enfants.

Héritier en un sens de Marcel Duchamp, Koons n’est pas Duchamp. Entretenant un rapport avec les objets de la vie quotidienne et l’argent le faisant ressembler à Warhol, Koons n’est pas Warhol. Il ne partage pas a priori le questionnement intellectuel du premier et l’univers d’ombres du second.

L’ancien trader de Wall Street, âgé aujourd’hui de cinquante-neuf ans, et qui décide à la fin des années 1970 de se lancer dans l’art, se présente sans mystère comme un Américain propre sur lui, bien coiffé, pas du genre à chercher midi à 14 heures. Il commencera par exposer tout simplement des aspirateurs dans des vitrines, puis des ballons de basket en suspension, également dans des vitrines, puis des pubs pour des boissons, remarquant simplement au passage, l’air de ne pas y toucher, qu’elles ne sont pas conçues de la même façon en fonction des couches sociales, voire des « classes » auxquelles elles s’adressent.

Il passe ensuite à des reproductions agrandies de statuettes de l’art populaire comme à des sculptures kitchissimes.

La plus célèbre est celle représentant Michael Jackson et son singe, exactement conçue comme un bibelot en porcelaine dorée d’un incroyable mauvais goût que l’on place sur une cheminée. Il fait réaliser par ses équipes de grands tableaux au fini impeccable représentant des paysages jouets peuplés de Playmobil.

L’Américain sans histoires, pourtant, n’hésitera pas, lorsqu’il vit une relation passionnée avec la Cicciolina (qui lui soustraira par la suite leur enfant), actrice porno puis parlementaire, à mettre en scène leur relation en photos et sculptures très hard. Ce n’est pas cela qui est pornographique, dira-t-il en substance, mais le monde.

La cloche de la liberté que l’on découvre plus loin est fêlée et les reproductions de statues de l’avant-dernière partie du parcours, d’une exceptionnelle perfection formelle et représentant parfois des années de travail de son atelier, semblent émerger, par leurs arrondis et leur hyperbrillance, de rêves incertains, comme de passage dans notre conscience. L’œuvre de Koons est lisse, à peu près comme une eau qui dort.

Jusqu’au 27 avril 2015. Catalogue édité par le Centre Pompidou, 
314 pages, 44,90 euros.
 
Maurice Ulrich, l'Humanité

18:22 Publié dans Arts, Connaissances | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jeef koons, centre pompidou | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!