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15/07/2014

Michel Vovelle : "L'idée de changer le monde reste vivace"

revobastille2.jpgL’historien et spécialiste de la Révolution française livre ses réflexions sur cette insurrection et la figure de l’incorruptible révolutionnaire Robespierre décriée par les réactionnaires.

Professeur d’histoire moderne à l’université d’Aix-Marseille, Michel Vovelle(*) a ensuite enseigné la Révolution française à Paris I Panthéon-Sorbonne succédant à Albert Soboul à la direction de l’Institut d’histoire de la Révolution française. Il a été également président de la société des Études robespierristes de 1980 à 1990.

La Marseillaise. Que représente le 14 juillet pour l’historien que vous êtes ?

Michel Vovelle. Une date majeure de la Révolution française. Les révolutionnaires affirment la possibilité de changer le monde à partir de la mobilisation populaire, celle du peuple de Paris. Une révolution préparée par les Lumières, le mouvement des idées, mais aussi par l’évolution profonde de la société. C’est une des dates fondatrices de l’évolution vers la démocratie et l’affirmation des libertés dans le cadre de la Nation. Nous connaissons ses limites par la mise en place de la Révolution de la bourgeoisie face à l’Ancien Régime de la monarchie. Le symbole de cette affirmation est la prise de la Bastille comme représentante de l’arbitraire et de la société inégalitaire des ordres. Le 14 juillet 1789 conduira en 1792 à la chute de la monarchie et, en 1793, à la proclamation d’une nouvelle constitution.

La Marseillaise. De nos jours, cette fête autour de l’insurrection de tout un peuple s’est transformée en un vaste défilé militaire, comment l’expliquer ?

Michel Vovelle. En 1900, on a deux visages du 14 juillet. Le défilé du village, on va au monument aux morts et la fête du soir avec le bal autour de l’héritage vivant de la Révolution française. Au lendemain de 1945 et la Libération, il n’y a pas encore de rupture entre la fête populaire et le défilé. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’armée se fera de plus en plus l’agent des guerres coloniales. Elle prend le visage réactionnaire. L’ardeur patriotique liée à la Résistance se défait dans le cadre d’une armée instrument du maintien de l’ordre mondial à l’époque de la décolonisation. En même temps, la fête profane décline en se vidant de son contenu, l’on danse moins. La fête militaire subit un grand tournant avec la fin de l’armée citoyenne. Sa professionnalisation marque une rupture entre l’aspect militaire du 14 juillet et le sentiment collectif. Aujourd’hui, le 14 juillet a un statut menacé. Il serait précieux de continuer à lui donner le sens de ses origines, celle de l’expression du peuple à changer l’ordre du monde.

La Marseillaise. Aujourd’hui, que reste-t-il de la Révolution française dans la mémoire collective ?

Michel Vovelle. Le bicentenaire de la Révolution française a permis de mesurer ce qu’il restait de cet héritage. 70% des Français ont exprimé une valeur positive de changement fondamental. Associée à l’idée que cette révolution est terminée. Idée confortée par l’implosion des régimes socialistes. Ce bouleversement des années 90 a contribué à affaiblir l’espoir d’une révolution en train de se faire. D’autres révolutions ont éclaté dans des pays arabes. Par-ici, la révolution n’est pas pour demain. Pour le moment, il y a une sorte de désenchantement. Cependant, il reste toujours un noyau de gens pour rêver d’une révolution à venir. L’idée de changer le monde reste vivace.

La Marseillaise. Le Maire du 5e secteur de Marseille envisage de débaptiser la place Robespierre. Que vous inspire les frondes contre le révolutionnaire ?

Michel Vovelle. Après Thermidor(**), Robespierre est identifié à la Terreur, à la révolution sanglante. Il a été le premier à demander l’abolition de la peine de mort, à prôner des réformes démocratiques, l’égalité des citoyens, des juifs, des noirs et de tous les marginaux. Ce pan de l’histoire a été oublié, voire gommé. L’image négative a prévalu dans le camp contre-révolutionnaire mais aussi à l’intérieur du camp des héritiers de la Révolution. On lui a opposé la figure de Danton, l’indulgent, le héros à visage humain, Robespierre c’est l’inflexible et l’incorruptible, l’homme de la révolution radicale. Il y a également en littérature une diabolisation du personnage qui perdure aujourd’hui. Jacques Duclos, ancien Secrétaire général du PCF, raconte dans ses mémoires que lorsqu’il était Maire de Montreuil, il attendait avec impatience la prolongation du métro afin de pouvoir donner à une station le nom de Robespierre, c’est chose faite à Montreuil. En France, il y a très peu de places ou de rues portant son nom. A Paris, aucune. Je me suis rendu dans la capitale en délégation avec des militants de la Libre pensée. « Pourquoi n’y a t-il pas de rue ou de place Robespierre ? », avons-nous demandé à Anne Hidalgo. Elle a répondu qu’il ne faisait pas l’unanimité, alors que, deux mois auparavant, le Maire avait inauguré la place Jean-Paul II. Je suis très fier qu’il ne fasse pas l’unanimité.

La Marseillaise. Pour quelles raisons êtes-vous robespierriste ?

Michel Vovelle. C’était un homme qui croyait en ce qu’il faisait. Il est de ceux qui ont voulu changer le monde en prenant ses responsabilités. Celles de la Terreur mais corrigée par la vertu au nom de la défense de la patrie et du peuple. « Nous sommes les sans-culottes et la canaille », disait Robespierre. Dans la grande histoire de la Révolution française Jean Jaurès s’interroge sur le héros révolutionnaire et finit par dire : « C’est à côté de lui que je vais m’asseoir aux Jacobins. »

Propos recueillis par Piedad Bemonte (La Marseillaise, le 14 juillet 2014)

révolution française,vovelle,changement(*) Michel Vovelle est aussi l’auteur de nombreux ouvrages. Le dernier en date « La Révolution française expliquée à ma petite-fille ». Éditions du Seuil, 2006.
(**) Le 27 juillet 1794, les robespierristes sont renversés.

13/07/2014

VOUS PRESIDENT ! LETTRE OUVERTE DU PROFESSEUR OBERLIN !

oberlin.jpgFace à cette boucherie insoutenable, qui fait recours aux bombes DIME, qui n'épargne même pas les morts dans leurs tombes, ni les handicapés, qui se poursuit en toute impunité dans une prison à ciel ouvert encerclée de toute part, mer terre et air, et qui me concerne non seulement pour la cause humanitaire, mais aussi en tant que citoyenne française trahie par son président, nous partageons cette lettre ouverte (voir video, attention images choquantes) du professeur de médecine Christophe Oberlin:

"Vous président, voulez-vous que je vous montre les photos des enfants palestiniens coupés en deux par les bombes israéliennes ?

Vous président, savez-vous qu’un enfant palestinien est tué par Israël chaque trois jours, depuis dix ans ?

Vous président, vous vous inscrivez dans la lignée d’une classe politique détestable : celle qui a fait fonctionner la guillotine pendant la guerre d’Algérie, celle qui a signé pour l’assassinat de Larbi ben Mhidi, celle de l’expédition de Suez, celle qui a donné la bombe atomique à Israël.

Vous président n’avez décidément rien retenu des cours d’histoire et des cours de droit de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.

Vous président, alors qu’Israël agrandit tous les jours son territoire par la force, vous prétendez nier le droit des Palestiniens à résister par la force ?

Vous président, en soutenant un état qui agrandit ses frontières par la force, vous violez la charte des Nations Unies !

Vous président, par la coopération militaire que vous entretenez avec Israël, vous êtes juridiquement complice de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Vous président, alors que les Palestiniens sont majoritaires sur le territoire de la Palestine, en soutenant la minorité vous niez la démocratie !

Vous président, je vous accuse de l’une des pires formes de racisme : le racisme en col blanc !

Vous président, vos déclarations n’engagent que vous, vous êtes la honte de la France !"

11/07/2014

ISRAEL : L'ONU dénonce un "nettoyage ethnique"

palestineen1Ziad.jpg

L'expert indépendant du Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies pour les territoires palestiniens occupés, l'Américain Richard Falk, a une nouvelle fois dénoncé aujourd'hui la politique d'Israël dans ces territoires, affirmant qu'elle présente les caractéristiques de "l'apartheid" et du "nettoyage Ethnique".

"La réalité sur le terrain s'aggrave aussi bien du point de vue du droit international que du point de vue du peuple palestinien", a-t-il dit aux journalistes à Genève. Il a notamment accusé Israël "d'efforts systématiques et continus pour changer la composition ethnique de Jérusalem Est", de "recours excessif àla force", de "punition collective" à Gaza, de destructions d'habitations et de construire de plus en plus de colonies.

"Il y a une discrimination systématique sur la base de l'identité ethnique, avec l'objectif de changer la démographie de Jérusalem", a-t-il affirmé, appelant cela une forme "de nettoyage ethnique".

Depuis 1996 plus de 11.000 Palestiniens ont perdu leur droit de vivre à Jérusalem, a souligné Falk. "Ce que nous appelons occupation est maintenant de plus en plus compris comme une forme d'annexion, une base pour un apartheid dans le sens où il y a un double système légal discriminatoire", a ajouté Falk.

Le mandat de Richard Falk expire dans quelques jours, après une mission de six ans qui lui a valu de polémiquer vivement et régulièrement avec Israël et ses soutiens, notamment les Etats-Unis et le Canada.

Ce professeur emeritus de l'Université de Princeton, âgé de 82 ans, est lui même juif, ce qui lui permet de balayer toutes les accusations d'antisémitisme dont il a fait souvent l'objet. Il considère que ces attaques visent "à dévier la conversation du message vers le messager".

Il a affirmé que la Cour Internationale de Justice devrait examiner le statut légal de cette occupation prolongée par Israël «l des territoires palestiniens et il a rappelé que cette cour avait en 2004 déclarée illégale la construction de la barrière par Israël isolant ces territoires occupés en 1967, ce qui n'a pas empêché l'Etat hébreu de poursuivre ses travaux.

Photo Ziad, article publié par le Figaro

08/07/2014

LA REPUBLIQUE DOIT CONSIDERER TOUS SES ENFANTS DE LA MEME FACON

Ssema3.jpgpécialiste de géopolitique, président de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Pascal Boniface lance un véritable débat arguant que « La République doit considérer tous ses enfants de la même façon »

En publiant 
"la France malade du conflit israélo-palestinien", Pascal Boniface affirme ses craintes de voir s’ériger des barrières séparant différentes communautés dans notre pays rejoignent sa compréhension de l’Europe et du monde.

Dans la France malade du conflit israélo-palestinien (1), vous vous interrogez sur le fait de revenir sur cette question. Pourquoi?

Pascal Boniface. Malheureusement, les faits m’ont donné raison. Quand on aborde de façon critique la politique du gouvernement israélien ou encore les prises de position des intellectuels et institutions communautaires en France sur la question du conflit israélo-palestinien, on se met forcément un peu en danger. Il y a deux risques. Le premier est d’être accusé d’antisémitisme plus ou moins assumé. Cela a été le cas.

J’ai été attaqué de façon scandaleuse par un journaliste, Frédéric Haziza, et par Julien Dray, dont on peut par ailleurs s’étonner qu’il soit encore élu au conseil régional d’Île-de-France au vu de l’ensemble de son œuvre et par rapport au désir de moralité qui semble gouverner dans les hautes sphères. Ceci étant, après cette polémique odieuse m’accusant de nier la dimension antisémite du meurtre d’Ilan Halimi, une pétition a été lancée et a recueilli plusieurs milliers de signatures sur le thème « Stop à la chasse aux sorcières » (2). Lorsque je regarde la liste des signataires et leur réputation morale, je suis réconforté. Le second risque, c’est le black-out.

Les médias dans leur grande majorité n’ont pas voulu parler du livre et de ses thèses. La tentation chez beaucoup de mes collègues chercheurs et de nombreux journalistes consiste à considérer que ça divise l’opinion ou qu’il n’y a que des coups à prendre et qu’il est donc plus prudent de ne pas aborder ce sujet. Mais, en attendant, le débat continue, et parfois, de façon plus malsaine. D’ailleurs, je suis pris entre deux écueils, les ultras pro-israéliens m’accusent d’antisémitisme. Et lorsque, dans des débats un peu chauds, je m’élève contre l’utilisation du terme « entité sioniste » pour parler de l’État d’Israël, que je refuse la vision d’une presse contrôlée par les juifs ou que je dénonce Dieudonné, d’autres m’accusent d’être payé par les juifs. Il y a donc là un enjeu essentiel pour notre débat démocratique.

Combattre l’antisémitisme mais refuser le chantage consistant à faire un amalgame entre critique politique du gouvernement israélien et antisémitisme.

Est-ce au point de tirer la sonnette d'alarme sur l?état de la société française ?

Pascal Boniface. Oui. Il y a un décalage extrêmement fort entre les élites politiques et médiatiques très prudentes et l’opinion de la rue vindicative sur la question. La prudence et 
la pusillanimité des uns, pour ne pas dire l’absence de courage, conduisent d’une certaine manière à l’extrémisme des autres. La société française perd des deux côtés. Il faut vraiment aborder cette question, en parler très ouvertement et franchement. Plus on en discutera de manière sereine et de façon ouverte et plus on évitera les dérives.

Vous mettez en garde contre le communautarisme. À quoi faites-vous allusion ?

Pascal Boniface. Le discours des institutions juives ou des intellectuels communautaires, pour ne pas dire communautaristes, répète en boucle que l’antisémitisme est très fort en France, qu’il y a une « montée » de ce phénomène, et que la menace antisémite est plus importante et virulente que les autres formes de racisme. Il faudrait alors plus se mobiliser contre cette forme de racisme. Et, en annexe, ne pas critiquer le gouvernement israélien car cela alimenterait l’antisémitisme. Pour une grande partie de la population qui vit de nombreuses discriminations au quotidien, les Noirs et les Arabes, ce discours est vécu de façon assez douloureuse. Ils ont l’impression qu’on sous-estime les discriminations dont ils sont victimes et que certains doivent être plus protégés que d’autres. Il y a alors danger. Les études et les faits montrent que l’antisémitisme, même s’il n’a pas disparu, est nettement moins fort qu’il y a une ou deux générations en France. En même temps, chaque année au dîner du Crif, le président parle d’une montée de l’antisémitisme. En fait, le grand revirement est que l’antisémitisme est moins fort mais le soutien à Israël dans la population française l’est également.

Vous regrettez une instrumentalisation de la lutte contre l'antisémitisme à des fins géopolitiques. Comment cela se traduit-il ?

Pascal Boniface. La défense inconditionnelle de l’État d’Israël des institutions juives, quelle que soit son action ou sa politique, très rapidement reliée à la lutte contre l’antisémitisme contribue à faire peur aux juifs français. Cela vient poser une barrière entre juifs et non-juifs autour de cet enjeu du soutien à Israël. Cela est très dangereux. On voit, par exemple, sur quelles bases le Crif a décidé de ne plus inviter le Parti communiste à son dîner annuel. Que l’on me montre la moindre déclaration d’un dirigeant communiste qui verse dans l’antisémitisme. Par contre, on reproche aux communistes leur solidarité avec la cause palestinienne. Le Crif privilégie ainsi son soutien à Israël au détriment du combat contre l’antisémitisme.

Tout en se disant en faveur d’un règlement pacifique, les institutions et les intellectuels communautaires pilonnent systématiquement ceux qui sont tout autant pour la paix mais qui estiment que le blocage de la situation provient plus de l’occupant que de l’occupé. Les institutions juives mettent en avant la lutte contre l’antisémitisme pour tétaniser toute expression politique contraire ou critique à l’égard du gouvernement israélien. Elle est directement taxée soit d’antisémitisme, soit de le nourrir en important le conflit du Proche-Orient.

Cet argument est pour le moins paradoxal puisque ce sont les mêmes qui, sans cesse, appellent les juifs de France à démontrer une solidarité infaillible au gouvernement israélien. Ils sont donc très largement responsables de ce faux lien.

Pourtant n'assiste-t-on pas à une recrudescence des actes antisémites les plus violents ?

Pascal Boniface. Il y a eu Mohamed Merah qui a tué des enfants parce qu’ils étaient juifs. Nous ne sommes pas à l’abri d’un tel acte terroriste qui, par définition, est incontrôlable et on ne peut pas nier l’existence d’un tel risque. Il y a eu aussi l’affaire Ilan Halimi, même si plus complexe, qui a une dimension antisémite mais qui ne peut pas se résumer uniquement à un acte antisémite.

Mais, il n’y a pas de recrudescence d’agressions ou d’injures. Les actes antisémites, bien sûr toujours trop nombreux, représentent un nombre faible face à l’ensemble des actes violents répertoriés, dans la rue, à l’école, en milieu hospitalier, etc. Je donne à ce sujet des chiffres très précis. Nous vivons dans une société violente. Et puis, surtout, il y a beaucoup d’agressions racistes qui touchent d’autres catégories de populations. Les actes antimusulmans ou anti-Noirs sont très nombreux alors qu’ils ne semblent pas faire autant l’objet d’une vigoureuse dénonciation des médias ou des pouvoirs publics. Cela est largement ressenti. Les médias et les élus de la République font très souvent du « deux poids, deux mesures », aggravent un mal qu’ils disent vouloir combattre.

Faut-il y voir un péril pour la République ?

Pascal Boniface. Je cite plusieurs exemples d’agressions d’autres communautés, pas seulement arabes, de faits graves pas ou peu médiatisés. Cela au final se retourne contre les juifs français car cela crée un sentiment d’être traité différemment. Il ne faut pas ignorer l’existence d’une nouvelle forme d’antisémitisme en banlieue aujourd’hui. Cela est dû plus à une forme de jalousie sociétale qu’à une haine raciale. Il y a le sentiment que l’on en fait plus pour les uns que pour les autres. Par ailleurs, le Crif joue à la fois un rôle de repoussoir et de modèle.

Beaucoup de musulmans y voient la bonne méthode pour se faire entendre des pouvoirs publics et veulent faire pareil. Le risque est de se retrouver communauté contre communauté. Faire ce constat, ce n’est pas vouloir dresser les uns contre les autres. Je réclame au contraire l’égalité de traitement. La République doit considérer tous ses enfants de la même façon. Quels que soient l’histoire et les drames vécus précédemment, il n’y a pas de raison que certains soient plus protégés que les autres. Je remarque toutefois que l’on parle beaucoup plus des dégradations de mosquée, des agressions et des injures islamophobes. Une prise de conscience est en train de s’opérer dans les médias certainement liée à la pression populaire et aux réseaux sociaux.

 

Vous présidez l'Iris et êtes de ce fait attentif à l'actualité du monde. À quelques jours des élections européennes et au regard de l'actualité ukrainienne, quel est l'enjeu stratégique pour l'UE ?

Pascal Boniface. Les élections vont être probablement marquées par un fort taux d’abstention 
et par des débats qui portent plus sur la politique intérieure de chaque pays que sur l’Europe. Il y a cet effet de ciseau entre un Parlement européen qui est de plus en plus important en termes de pouvoir et de détermination de politiques européennes et des citoyens français qui croient de moins en moins en l’Europe et dans sa capacité 
à impulser une direction. L’exemple de l’Ukraine montre qu’il y a encore un appétit d’Europe en dehors des frontières de l’Union européenne et une fatigue à l’intérieur. Pourquoi ?

Parce que les choses sont mal présentées. Est-ce l’UE qui impose des règles d’austérité injustes ? Le système de santé est malmené en Grèce afin de faire des économies demandées par l’UE. Mais c’est bien le gouvernement grec qui décide de ne pas imposer l’Église orthodoxe ou les armateurs et de faire peser l’effort sur les citoyens. La décision est nationale.

Sur la crise ukrainienne, l’Europe a réussi une médiation extrêmement positive entre le gouvernement 
et l’opposition ukrainienne en parvenant à l’accord du 21 février. Cet accord n’a pas ensuite été respecté et l’Europe n’en a pas tenu compte. S’il avait été mis 
en œuvre, il aurait pourtant évité la crise survenue. L’Europe n’a pas suffisamment confiance dans ses capacités d’acteur global et n’a pas conscience du poids qu’elle représente.

Jusqu'à se retrouver maintenant à la remorque de la position américaine ?

Pascal Boniface. Oui, clairement. Elle n’a pas suivi les États-Unis sur la nature des sanctions mais l’impulsion première a été donnée par les Américains et s’est appuyée sur leurs plus fidèles alliés en Europe. En réalité, le tournant a été manqué 
il y a deux décennies lorsque la fin du monde bipolaire n’a pas été gérée de façon satisfaisante. Gorbatchev a fait des efforts extraordinaires pour construire un monde nouveau en permettant aux Nations unies de jouer pleinement leur rôle. 


De leur côté, les Américains ont parlé eux d’un nouvel ordre mondial en se félicitant d’avoir gagné la guerre froide. Ils ont privilégié la tentative 
de la construction d’un monde unipolaire sur la possibilité de construire un monde basé sur la sécurité collective bâtie sur l’effort de tous. Du coup, on n’a toujours pas reconstruit un nouvel ordre mondial.

Votre grille de lecture de la société et du monde semble suivre une même logique ?

Pascal Boniface. Vous avez parfaitement raison. Il y a une matrice commune : respecter les autres, prendre le point de vue de l’autre en considération et surtout éviter d’humilier les autres car c’est une source première de violence et de rejet. Il s’agit de respecter les individus à l’échelle de la société ou les peuples au niveau mondial. L’information circule tellement aujourd’hui que l’on ne peut pas baser une relation sur le mépris et la négation de l’autre. C’est non seulement moralement indéfendable, mais c’est politiquement dangereux.

Des questions stratégiques à la géopolitique du sport. 
Pascal Boniface a écrit une cinquantaine d’ouvrages, alternant essais et livres pédagogiques sur les questions stratégiques, traitant de la politique extérieure de la France, des questions nucléaires, de la sécurité européenne, 
du conflit du Proche-Orient et de ses répercussions sur la société française et sur les rapports de forces internationaux, ainsi que du rôle du sport dans les questions internationales. Son dernier ouvrage, Géopolitique du sport, vient 
de paraître aux éditions Armand Colin.

1) Éditios Salvador. 222 pages. 19,5 euros

(2)http://www.change.org/fr/pétitions/l-opinion-publique-sto...

Entretien réalisé par 
Pierre Chaillan pour l'Humanité

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