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01/07/2018

LE PERE DE BECASSINE

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PINCHON JOSEPH PORPHYRE (1871-1953)

Si le personnage de Bécassine, la domestique bretonne naïve mais au grand cœur, reste bien connu plus d’un siècle après sa création, son premier dessinateur, Joseph Porphyre Pinchon, est aujourd’hui oublié, quand il n’est pas confondu avec son frère, le sculpteur Émile Pinchon (1872-1933).

Après une première parution dans l'hebdomadaire La Semaine de Suzette en 1914, Bécassine en apprentissage, texte de Caumery et illustrations de Joseph Pinchon, paraît en album chez les éditions Gautier-Languereau en 1919

Né à Amiens le 17avril 1871, Joseph Porphyre Pinchon se destine à la peinture, qu’il apprend dans l’atelier de Fernand Cormon. Peintre animalier, spécialiste des scènes de vénerie, il adhère en 1899 à la Société nationale des beaux-arts, où il sera vice-président de la section peinture. En 1928, il en obtiendra le grand prix et vingt ans plus tard le grand prix Puvis de Chavannes. Tout en participant à des expositions, il est illustrateur pour les éditions de luxe de différents ouvrages, de L’Arbre (1899), nouvelle de l’écrivain symboliste belge Georges Rodenbach, au roman de Paul Vialar La Grande Meute (1947).

Pinchon fait également une incursion dans le monde de l’opéra et du cinéma. De 1908 à 1914, en tant que dessinateur en chef du théâtre de l’Opéra, il crée les costumes de tous les spectacles représentés au Palais-Garnier. Il réalise deux films, un récit de fiction, Mektoub (1919), premier long-métrage tourné au Maroc, et Mon village (1920), réalisé en Alsace.

Parallèlement à ses diverses activités, il collabore à de très nombreux journaux pour enfants, illustrant des contes ou des histoires en images dont les auteurs lui livrent le texte, qui est ensuite imprimé sous ses dessins et non, comme dans les bandes dessinées modernes, à l’intérieur même de l’image. Cette longue carrière dans la presse enfantine commence en 1903 dans Saint-Nicolas et son édition bon marché L’Écolier illustré, avec L’Automobile enchantée, récit fantastique de Willy (Henry Gauthier-Villa [...]

Sources Universalis

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17/06/2018

"La Bataille du rail" : 36 écrivains solidaires avec les cheminots en grève

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Par Culturebox

Trente-six écrivains dont l'académicienne Danièle Sallenave, la lauréate du prix Femina Geneviève Brisac ou encore Annie Ernaux ont écrit un livre collectif, "La Bataille du rail", pour soutenir les cheminots en grève de la SNCF : les droits d'auteur seront versés aux caisses de grève.

"La lutte des cheminots n'est pas une lutte corporatiste, elle cristallise au contraire l'idéal de solidarité, concrétisé par les services publics, de tout un peuple", expliquent ces écrivains dans "La bataille du rail" (Don Quichotte), un livre sorti jeudi en librairie et dont la couverture est signé Jacques Tardi.
 
Les droits d'auteur seront reversés aux caisses de grève, a indiqué l'éditeur, une marque des éditions du Seuil. Le livre de 240 pages est vendu 16,90 euros.
 
Le sociologue Jean-Marc Salmon à l'origine de la cagnotte de soutien aux cheminots lancé sur la plateforme Leetchi a salué les "dizaines d'écrivains qui ont jeté leur nom du côté du monde du travail".

"Nous avons tous un rapport particulier avec le train"

Cette cagnotte, lancée le 23 mars pour combler le manque à gagner des grévistes, a recueilli à ce jour plus de 1,2 million d'euros de la part de plus de 28.000 donateurs.
 
Les 32 textes réunis dans l'ouvrage qui compte également une vingtaine d'illustrations de Mako ont tous un rapport avec le rail.
 
"Nous avons tous un rapport particulier avec le train, des souvenirs d'échappées belles, de rencontres cocasses, de paysages qui défilent, de baisers échangés sur un quai de gare, de voyages qui ont changé une vie", ont expliqué les auteurs solidaires parmi lesquels on retrouve notamment Laurent Binet (Goncourt du premier roman et prix Interallié), Didier Daeninckx, Bernard Chambaz, Nedim Gürsel, Hédi Kaddour, Lola Lafon, François Morel et Jean-Marie Laclavetine.

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19/05/2018

MUSIQUES ARABES A TRAVERS LES SIECLES

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La Philharmonie de Paris propose la première grande exposition en France sur les musiques arabes à travers les siècles. Sélection des meilleurs moments. L'exposition démarre par le film truculent d'un jeune chanteur saoudien, qui en six minutes chrono, mime et interprète l'essentiel du répertoire de la musique arabe, des chants médiévaux du XIIe siècle aux tubes d'aujourd'hui en passant par une imitation d'Oum Kalthoum, l'une des plus grandes chanteuses égyptienne, munie de son éternel mouchoir.

Et le "clip" résume bien l'esprit d'"Al Musiqa", première exposition d'envergure en France sur les musiques du monde arabe, de la période préislamique à nos jours. C'est un voyage visuel et sonore, en français et en arabe, que propose la Philharmonie de Paris, jusqu'à la mi-août, à travers des calligraphies, des peintures, des photographies, des instruments de musique, des affiches de cinéma, des bandes dessinées et même un authentique Scopitone des années 1970 qui diffusait, dans un café de Barbès, des airs "du pays".

Des extraits de chants arabo-andaloux, de mélopées soufis, ou de mélodies issues de l'esclavage, comme les Gnawa au Maroc, rythment cette excursion enivrante à travers le temps et les continents, des territoires perses, turcs, asiatiques à l'est, jusqu'aux régions berbères et africains au sud, et européens au nord. L'exposition ne donne pas de définition stricte des musiques arabes, mais elle en montre la diversité et la façon dont elles ont influencé le continent européen.

Que ce soit au IXe siècle, au lendemain de la conquête arabe, avec l'émergence à Cordoue d'une musique arabo-andalouse qui a marqué la culture ibérique, ou dans les années 1980 et 1990, avec le succès, en France, du raï chanté par les immigrés et enfants d'immigrés, ou plus récemment avec la musique électro de Bachar Mar-Khalifé.

Voilà, en cinq étapes à ne pas manquer, une visite guidée d'"Al Musiqa":

Le clip du youtuber, Alaa Wardi, né en 1987 en Arabie saoudite et installé aujourd'hui en Turquie

Dans cette vidéo vue 13,5 millions de fois sur les réseaux sociaux, Alaa Wardi revisite a capella l'histoire de la musique arabe à travers 42 chansons emblématiques, du chant médiéval "Lamma Bada" au tube de Khaled, en passant par Oum Kalthoum ou Fairouz. L'usage du beatbox – qui imite les instruments de musique avec la voix – lui permet de contourner malicieusement la méfiance du clergé wahhabite à l'égard de la musique instrumentale."

"A travers cette galerie de portraits [inédits, NDLR], la photographe rend compte de l'extrême richesse et diversité des sociétés marocaines, dans leurs aspects tour à tour africain, arabe et berbère. Sillonnant son pays natal avec un appareil photo et un studio mobile, elle documente et immortalise, à travers ces femmes et ces hommes pleins de dignité, des traditions dont certaines sont en train de disparaître."

"Icons of the Nile", 1991-2010, de Chant Avedissian, né en Egypte en 1951.

"Particulièrement préoccupé par l'avenir du monde arabe et la disparition possible de sa culture au moment de la guerre du Golfe en 1991, Chant Avedissian entame alors cette série de portraits de chanteuses, actrices, danseuses, musiciens et hommes politiques associés à des scènes de la vie quotidienne où affleure l'idéal socialiste prôné par Nasser.

Réalisée au pochoir d'après des photographies anciennes, cette œuvre offre une vision kaléidoscopique de l'Egypte des années1950 : à la fois populaire, glamour, révolutionnaire, patrimoniale et politique, marquée avant tout par le pouvoir de l'image."

"Initiée dès le XIXe siècle, l'immigration maghrébine en France s'intensifie au lendemain de la Première, puis de la Seconde Guerre mondiale, encouragée par les mouvements d'indépendance et les besoins en main-d'œuvre pour la reconstruction du pays. A Paris, les musiciens arabes, kabyles, musulmans et juifs immigrés trouvent un public et des maisons de disques qui diffusent leurs chansons inspirées des traditions populaires, du répertoire judéo-arabe ou encore de celui des grands maîtres égyptiens.

C'est aussi la naissance des cabarets orientaux au quartier latin, dont le fameux Tam-Tam (Tunisie-Algérie-Maroc). Les cafés représentent un lieu de sociabilité où l'on écoute, à l'aide du Scopitone, une musique qui rappelle le pays quitté. Progressivement, les musiques venues du Maghreb, d'abord cantonnées à un public communautaire, s'étendent pour toucher une plus large audience, contribuant ainsi à la vitalité musicale et culturelle de la France d'après-guerre."

A travers cette musique populaire née dans la région d'Oran au début du XXe siècle, les artistes expriment les conditions de vie difficiles et la volonté de se libérer des tabous sociaux dominants en Algérie.

Très populaire en France dans les années 1980 et 1990, elle se renouvelle à travers l'émergence d'une génération de chanteurs portés par les chebs (jeunes), également influencés par le rock, le reggae ou la pop, qui enrichissent son instrumentation via le synthétiseur et la boîte à rythme, et clament des textes où la dureté des paroles est atténuée par rapport au répertoire parfois très âpre des anciens.

En 1986, année où Khaled arrive en France, le raï occupe une place de premier plan aux festivals de Bobigny et de la Villette. Le phénomène prend une ampleur telle qu'il devient à l'étranger le symbole de la culture française au même titre que le bal musette, tandis que sur le plan culinaire, le couscous devient le plat préféré des Français."

(Les textes ont été rédigés par la commissaire de l'exposition, Véronique Rieffel.)

15/11/2017

Lydie Salvayre : « Cette part de nuit, d’étrangeté, est en chacun de nous »

lydie salvayre.jpgEntretien réalisé par Sophie Joubert, L'Humanité

Prix Goncourt 2014 pour Pas pleurer, Lydie Salvayre signe une tragédie moderne sur le populisme et la haine de l’autre, ancrée dans un village du sud de la France. Entretien.

lydie salvayre tout homme est une nuit.jpgTout homme est une nuit est-il né d’un mouvement de colère ?

Lydie Salvayre Je sors d’une période où me sont tombés dessus simultanément le Goncourt et la maladie. Pendant une saison, j’ai été « les cailloux et la boue noire », comme je le dis dans le texte. Le désert, aucun goût pour rien. Je me suis dit que l’impulsion ne reviendrait peut-être pas. Et puis est arrivée la campagne présidentielle. Pas un jour ne passait sans que j’entende une bassesse, une invective, un propos xénophobe ou d’exclusion. Je me suis dit que je ne pouvais pas continuer à faire mes petits romans, comme si de rien n’était. Je ne pouvais pas et ne voulais pas me dérober, même si je tiens en suspicion la littérature qui surfe sur les événements présents pour aller à l’émotion et faire du réalisme à bon compte. Je suis souvent dans le désir du monde et dans le désir de retrait. Cette fois je me suis dit qu’il fallait y aller. À certaines périodes historiques, d’autres l’ont fait : Malraux pendant la guerre d’Espagne, Charles Péguy ou Zola pendant l’affaire Dreyfus… Me sont venues des questions vieilles comme le monde : pourquoi les hommes reportent-ils leurs inquiétudes sur l’intrus, sur l’étranger, plutôt que de s’en prendre à la racine de leur mal ?

Comment traiter aujourd’hui la question archaïque du bouc émissaire ?

Lydie Salvayre Depuis que j’ai terminé le livre, je lis beaucoup sur le populisme. La victime émissaire est légèrement différente des autres, presque conforme mais pas vraiment. Tout est dans le presque. Selon René Girard (1), elle doit présenter des caractères enviables ou odieux. Mon narrateur a les deux, il est enviable car il ne travaille pas, et son teint un peu bronzé le rend haïssable. Ces choses insignifiantes vont devenir peu à peu des preuves irréfutables, à cause d’une espèce de déraison qui s’empare des uns et des autres, un déchaînement des passions. Mais il me ferait horreur d’être dans le camp du bien. J’essaie de semer des indices pour éviter d’opposer le pauvre exclu à l’infâme populiste. Dans le livre, l’étranger n’est pas pure victime, il est enfermé dans des pratiques citadines, qui séparent le public et le privé. Cette barrière est beaucoup moins étanche à la campagne. Mon narrateur s’exprime bien, il peut apparaître comme un érudit, appartenant à l’élite. De l’autre côté, le village se meurt, déserté par l’industrie. Ses habitants ont le sentiment d’être les derniers représentants d’un monde qui s’achève. Ils essaient de faire groupe, tentent de maintenir un collectif.

La construction du roman alterne deux voix, celle du narrateur, l’étranger, sous forme de journal intime et celle des villageois, dans le café. Le personnage d’Augustin, qui arrive plus tard, incarne-t-il une autre voix possible ?

Lydie Salvayre Je ne peux pas écrire tant que je n’ai pas de forme. J’ai tenté la simultanéité, ce qui est impossible en littérature, contrairement à la musique. Augustin n’est ni dans un camp ni dans l’autre. Il représente une France qui ne serait pas dans le ressentiment ou sur la défensive. C’est peut-être une voix idéale, utopique, celle que j’appelle de mes vœux. Il fait partie de ceux que j’appelle les idiots sublimes, un personnage littéraire que j’aime entre tous : le prince Mychkine de Dostoïevski, le brave soldat Schweyk de Brecht, Plume de Michaux, ou le Quichotte. Leur bonté est tellement exceptionnelle qu’elle en paraît incongrue, déconcertante et même scandaleuse. Je ne m’étais jamais autorisé cette figure. Quand Augustin arrive, la logique du roman se poursuit mais ce personnage me permet de respirer entre ces deux camps presque symétriques, qui sont dans un parfait non-dialogue. Un réseau de survie minuscule va se créer et s’avérer efficace face aux déchaînements des passions tristes dont parle Spinoza.

Votre narrateur est, comme vous, d’origine espagnole, et transfuge de classe. Votre histoire de fille d’ouvriers, républicains espagnols arrivés en France pendant la guerre d’Espagne, a-t-elle influencé ce texte ?

Lydie Salvayre Mon narrateur, comme moi, est inscrit dans une histoire familiale qui le rend infiniment sensible à la question de l’étranger. Elle a plusieurs sens : l’étranger dans la cité, parce qu’il est fou ou mal adapté, notre inconscient comme étranger, la maladie comme corps étranger. Le titre du roman dit cette part de nuit, d’étrangeté en chacun de nous. Je suis fille d’ouvriers, d’Espagnols, et comme mon narrateur j’ai ressenti cette honte des origines. Le sentiment que je m’exprimais mal, que mes parents étaient pauvres, que je vivais dans un HLM, était si violent que je n’ai pas pu en faire œuvre jusqu’à ce livre. Il aura fallu soixante-dix ans pour que je m’autorise à en parler. Je me suis tellement battue pour essayer de bien m’exprimer, de bien écrire, de bien me tenir. Nos parents nous ont beaucoup aidées, mes sœurs et moi. Ils voulaient que nous soyons plus républicaines que les républicains, plus laïques que les laïques. Peut-être avons-nous fait tant d’efforts que c’est resté très douloureux, même aujourd’hui. Il y a toujours un angle mort. Je crèverai avec ça.

Votre narrateur dit qu’il est passé maître dans l’art de dissimuler, ses origines et la maladie…

Lydie Salvayre S’arracher aux origines est une entreprise de dissimulation. L’accent, les manières de table sont à vie en nous mais on peut les dissimuler. J’ai vécu dans la communauté des réfugiés politiques espagnols. On entendait des blagues sexuelles à n’en plus finir. J’ai toujours gardé le goût du mauvais goût, de la grossièreté. Quevedo est un exemple parfait de ce qu’est pour moi le baroque : une langue très érudite et extrêmement populaire, voire vulgaire, qui va vers le bas autant que vers le haut. Je crains que, pour quelqu’un de bien né, en ville, cette espèce de vulgarité banale dans laquelle j’ai baigné enfant, celle des cafés de village que je décris dans le roman, soit prise comme une caricature. Tant pis !

Pourquoi ce vers du Cimetière marin de Valéry, qui revient dans le livre : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre »  ?

Lydie Salvayre Pendant la maladie, on s’accroche à des petites choses. On ne lâche pas. La maladie ne recentre pas, ne fait pas grandir humainement. On est malheureux, c’est tout. Pendant quelque temps, mon narrateur est enfermé par son état. Puis il expérimente qu’il ne peut pas penser seul. On ne pense que parmi les autres, disait Deleuze. C’est la belle théorie du rhizome. L’un de mes personnages dit qu’il voudrait vivre comme Thoreau, au milieu de la nature. Mais si les mots ne se frottent pas à ceux des autres, ils sont ravalés par le cerveau et font une bouillie informe, cette idée m’est assez chère. La parole lie et sépare. Or, dans le café du livre, ils disent tous la même chose et donc ne se parlent pas. La parole est fondée sur l’altérité.

(1) Le Bouc émissaire, Grasset, 1982.