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26/04/2015

La « guerre mondiale contre le terrorisme » a tué au moins 1,3 million de civils

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Révélations l'Humanité,
MARC DE MIRAMON

Un rapport publié par un groupe de médecins lauréats du prix Nobel de la paix révèle qu’un million de civils irakiens, 220 000 Afghans et 80 000 Pakistanais ont péri, au nom du combat mené par l’Occident contre « la terreur».

« Je crois que la perception causée par les pertes civiles constitue l’un des plus dangereux ennemis auxquels nous sommes confrontés », déclarait en juin 2009 le général états-unien Stanley McCrystal, lors de son discours inaugural comme commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (ISAF).

Cette phrase, mise en exergue du rapport tout juste publié par l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IP- PNW), lauréate du prix Nobel de la paix en 1985, illustre l’importance et l’impact potentiel du travail effectué par cette équipe de scientifiques qui tente d’établir un décompte des victimes civiles de la « guerre contre le terrorisme » en Irak, en Afghanistan et au Pakistan.

« LES FAITS SONT TÊTUS »

Pour introduire ce travail globalement ignoré des médias francophones, l’ex-coordinateur humanitaire pour l’ONU en Irak Hans von Sponeck écrit: « Les forces multinationales dirigées par les États-Unis en Irak, l’ISAF en Afghanistan (...) ont méthodiquement tenu les comptes de leurs propres pertes. (...) Celles qui concernent les combattants ennemis et les civils sont (par contre) officiellement ignorées. Ceci, bien sûr, ne constitue pas une surprise.

Il s’agit d’une omission délibérée. » Comptabiliser ces morts aurait « détruit les arguments selon lesquels la libération d’une dictature en Irak par la force militaire, le fait de chasser al-Qaida d’Afghanistan ou d’éliminer des repaires terroristes dans les zones tribales au Pakistan ont permis d’empêcher le terrorisme d’ atteindre le sol états-unien, d’améliorer la sécurité globale et permis aux droits humains d’avancer, le tout à des coûts “ défendables ”».

Cependant, « les faits sont têtus », poursuit-il. « Les gouvernements et la société civile savent que toutes ces assertions sont absurdement fausses. Les batailles militaires ont été gagnées en Irak et en Afghanistan mais à des coûts énormes pour la sécurité des hommes et la confiance entre les nations. »
Bien sûr, la responsabilité des morts civils incombe également aux « escadrons de la mort » et au « sectarisme » qui portait les germes de l’actuelle guerre chiitesunnite, souligne l’ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld dans ses mémoires (« Know and Unknown », Penguin Books, 2011).
Mais comme le rappelle le docteur Robert Gould (du Centre médical de l’université de Californie), l’un des auteurs du rapport, « la volonté des gouvernements de cacher le tableau complet des interventions militaires et des guerres n’a rien de nouveau.Concernant les États- Unis, l’histoire de la guerre au Vietnam est emblématique.
 
Le coût immense pour l’ensemble de l’Asie du Sud-Est, incluant la mort estimée d’au moins 2 millions de Vietnamiens non combattants, et l’impact à long terme sur la santé et l’environnement d’herbicides comme l’agent orange, ne sont pas encore pleinement reconnus par la majorité du peuple américain». Et Robert Gould d’établir un autre parallèle entre la sauvagerie des Khmers rouges, qui émergeront d’un Cambodge dévasté par les bombardements, et la récente déstabilisation « post-guerre » de l’Irak et de ses voisins, laquelle a rendu possible la montée en puissance du groupe terroriste dit « État islamique »

TOTAL ESTIMÉ À 3 MILLIONS

Bien loin des chiffres jusqu’à présent admis, comme les 110 000 morts avancés par l’une des références en la matière, l’« Iraq Body Count » (IBC), qui inclut dans une base de données les morts civils confirmés par au moins deux sources journalistiques, le rapport confirme la tendance établie par la revue médicale « Lancet », laquelle avait estimé le nombre de morts irakiens à 655 000 entre 2003 et 2006.

Depuis le déclenchement de la guerre par George W. Bush, l’étude de l’IPPN aboutit au chiffre vertigineux d’au moins 1 million de morts civils en Irak, 220 000 en Afghanistan, et 80 000 au Pakistan. Si l’on ajoute, concernant l’ancienne Mésopotamie, le bilan de la première guerre du Golfe (200 000 morts), et ceux du cruel embargo infligé par les États-Unis (entre 500 000 et 1,7 million de morts), ce sont presque 3 millions de morts qui sont directement imputables aux politiques occidentales, le tout au nom des droits de l’homme et de la démocratie.
 
En conclusion du rapport, les auteurs citent le rapporteur spécial des Nations unies de 2004 à 2010 sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires: selon Philip Alston, qui s’exprimait en octobre 2009, les investigations sur la réalité des attaques de drones (lire encadré) étaient presque impossibles à mener, à cause de l’absence totale de transparence et le refus des autorités états-uniennes de coopérer. Puis il ajoutait, après avoir insisté sur le caractère illégal au regard du droit international de ces assassinats ciblés, que « la position des États-Unis était intenable». Trois semaines plus tard, Barack Obama recevait le prix Nobel de la paix ...

PENDANT CE TEMPS-LÀ, EN IRAK, EN AFGHANISTAN, AU PAKISTAN... Le 20 avril dernier, la « coalition antidjihadistes » dirigée par les États-Unis indiquait dans un communiqué avoir mené en 24 heures 36 raids aériens contre des positions du groupe « État islamique », dont 13 dans la province d’Al-Anbar, à l’ouest de Bagdad.

Combien de « dommages collatéraux » civils dans cette région, l’une des plus touchées par les violences depuis l’invasion de l’Irak en 2003 ? Les communiqués militaires demeurent systématiquement muets sur cette question, alors que plus de 3 200 « frappes » aériennes, selon la novlangue moderne, ont été effectuées depuis le mois d’août 2014 et la prise de Mossoul par l ’« État islamique».
Le 18 avril, c’est un attentat-suicide, « technique » de combat inconnue en Afghanistan avant le 11 septembre 2001, qui faisait 33 morts près de la frontière pakistanaise. À la fin du mois de mars, des sources sécuritaires pakistanaises faisaient état de 13 « djihadistes » liés aux talibans tués lors d’une attaque d’un drone états-unien.

Près de 10 000 soldats américains sont toujours stationnés en Afghanistan.

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21/04/2015

RESURRECTION D'UN TABLEAU DE POUSSIN !

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"La fuite en Égypte", Nicolas Poussin, 1657. Huile sur toile, 97 x 133 cm. Musée des beaux-arts de Lyon.
Restituant l’histoire de la résurrection d’un tableau de Poussin, le dernier livre de Bernard Lahire décrypte le phénomène symbolique.

Flânant dans les musées d’art, les visiteurs sont tenus à distance et admirent plus ou moins en silence. Sur les toiles exhibées, un glacis imperceptible de croyances collectives dans la valeur de la peinture s’est formé avec le temps. On ne touche qu’avec les yeux et le respect dû aux choses sacrées. Et le mystère ne désépaissit pas, malgré les explications pédagogiques des guides, des historiens et des critiques – ou même encore, au cœur de la matière, par les analyses aux rayons X menées à des fins d’authentification.

C’est ce privilège symbolique accordé aux œuvres d’art, se rejouant chaque jour dans des milliers de musées, que le sociologue Bernard Lahire se propose d’ausculter dans son dernier livre. Son propos n’est pas de sacraliser davantage, ni d’ajouter une nouvelle couche de commentaires, mais au contraire de « désévidencer » à la façon de l’ethnologue étudiant des rites exotiques. Car tout cela n’a rien de naturel.

Cette enquête passionnante se lit comme un polar

L’histoire erratique de la Fuite en Égypte, de Nicolas Poussin, sert de toile de fond à une enquête passionnante se lisant comme un polar. Peint en 1657, le tableau disparut des siècles durant, pour réapparaître dans les années 1980. Mais, et c’est l’intérêt de ce fabuleux destin, en trois versions. Des luttes de classement, de reclassement et d’attribution divisèrent publiquement durant des années les différents propriétaires, des historiens renommés et spécialistes de Poussin, des conservateurs…

Deux galeristes, les frères Prado, eurent le nez creux en achetant peu cher (l’équivalent de 240 000 euros) l’une des versions en 1986. Après d’usantes inspections et des confrontations avec les deux autres exemplaires, la toile fut reconnue comme œuvre autographe du peintre. Et, comme par magie, sa cote explosa.

S’estimant lésée, l’ancienne propriétaire de ce qu’elle croyait être une copie se tourna vers la justice afin d’annuler la vente. Après trois ans de procès, elle obtint gain de cause en 2003 et récupéra le tableau, qu’elle remit aussitôt à la vente. Un authentique Poussin venait ainsi d’éclore et pouvait être proposé sur le marché. Les autorités publiques, hantées par la perte d’un trésor national, décidèrent de l’acquérir. En 2007, le musée des Beaux-Arts de Lyon et ses mécènes privés déboursèrent 17 millions d’euros pour l’accrocher. Fin de l’histoire : la Fuite en Égypte est désormais une attraction muséale et un « détour » de dépliant touristique.

« Ceci n’est pas qu’un tableau » est un tour de force. Car on n’envisagera le cas du tableau repêché de Poussin qu’à partir de la page 359, après avoir lu une patiente et rigoureuse décomposition théorique des mécanismes par lesquels l’art pictural se trouve magnifié. Passant « du général au particulier et du structurel à l’individuel », Lahire replace l’objet « peinture d’art » dans un cadre d’analyse général de la domination, de la magie, de la religion, du sacré et de l’art.

L’épiphénomène que constitue la Fuite ne prend ainsi toute sa signification qu’inscrit dans la longue durée d’une histoire structurale des conditions de possibilité de l’art comme monde social relativement autonome. Les innombrables sources et les coups de sonde érudits sur la trajectoire du « sublime Poussin » ou l’autorité des experts dans la controverse sur l’authenticité du tableau donnent chair à ce travail qui fera date.

En résumé, Lahire fait œuvre de désenvoûtement, sans pour autant détruire l’idole Poussin. On apprend beaucoup en s’observant observer les contingences déterminées d’un rapport cultu(r)el à l’art. Et c’est en cela que ce regard sociologique sur la peinture est émancipateur.

Ceci n’est pas qu’un tableau. Essai sur l’art, la domination, la magie et le sacré, par Bernard Lahire. Éditions La Découverte, 2015, 592 pages, 25 euros.

Article publié dans l'Humanité

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10:40 Publié dans Arts, Connaissances | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bernard lahire, poussin | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

11/04/2015

LA FACE CACHEE DES LOW-COST !

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Crash de l’Airbus : ce que les médias ne disent pas
Low cost attention danger !
(par Jet Aelys)

Le pilote du vol 4U9515 de la Germanwings a mis fin a ses jours, entraînant 150 passagers et équipage dans la mort...

Comme pour tout suicide au travail, les patrons et leurs plumitifs n’expliquent cet acte que par la faiblesse psychologique du pilote, sans reconnaître que les facteurs liés au travail interviennent aussi dans cette faiblesse. Avec toutes les méfiances et suspicions lors des futurs contrôles de salariés : pas dépressif, pas musulman, pas rebelle, de sexe bien genré...

Low costisation et pression
Germanwings est une compagnie aérienne à bas prix, filiale de la Lufthansa. La guerre des prix qui fait le succès des low cost, cache une guerre des salaires à la baisse, des contrats précaires, des conditions de travail dégradées. En 2013, Lufthansa avait transféré chez Germanwings la plupart de ses vols intérieurs, faisant gonfler sa flotte de 32 à 90 avions, mais avec des salaires inférieurs de 20 %. « Soit ils prendront un contrat Germanwings, soit ils rejoindront les hubs de Francfort et Munich, ou alors ils démissionneront de l’entreprise », résumait à l’époque le patron, Carsten Spohr... Et pour accélérer le processus, Germanwings devrait laisser la place à la nouvelle « Eurowings », avec renégociation à la baisse de nouveaux contrats, pour une baisse de 40 % des « coûts d’exploitation ».

Avec les salaires et le maintien du droit à la retraite à 55 ans, c’est une des raisons qui motivent les grèves à répétition des pilotes de la Lufthansa et de Germanwings. Douze en 2014, et la dernière les 18 et 19 mars dernier, très suivie, à l’appel du syndicat de pilotes Vereinigung Cockpit. Le copilote qui a crashé l’avion se plaignait de la pression. Le journal allemand Bild cite son ex-amie : « nous avons toujours beaucoup parlé du travail, et là il devenait quelqu’un d’autre, il s’énervait à propos des conditions de travail : pas assez d’argent, peur pour son contrat, trop de pression »...

La Lufthansa avance le coût de la formation des jeunes pilotes... mais ils doivent la rembourser par la suite, et le montant est important : 100 000 euros. Sur un salaire de copilote à 3 000 euros, il faut donc enlever 1 500 euros pendant 15 ans. On est loin du rêve. Et si l’on perd la licence de vol, c’est la ruine ! C’est une des raisons pour laquelle ce jeune a caché son arrêt maladie.
Toute ressemblance n’étant pas fortuite, Air France a aussi son projet de développement de filiale low cost, Transavia, ralenti par la grève des pilotes de cet automne.

Des circonstances dramatiques, mais éclairantes !
Pour raison d’économies, c’est avec l’A320 que les compagnies ont imposé le pilotage à deux, au lieu de trois auparavant... Pour raison de sûreté antiterroriste, le système de blocage de la porte a empêché le commandant de bord de regagner son poste. Pour raison de prétendue supériorité occidentale, on n’a pas tenu compte des nombreux précédents actes suicidaires (Royal Air Maroc en 94, Silk Air en 97 et Egypt Air en 99... et Malaysian en 2014 ?). Les visites médicales, qui avaient lieu tous les 6 mois, sont devenues annuelles, là aussi pour faire des économies.

Ce drame nous frappe aussi parce qu’il est une métaphore du système : piloté par des gens qui ont perdu la raison et qui nous emmènent au crash sans qu’on ne puisse rien faire... D’après son amie, le pilote aurait déclaré : « Un jour je vais faire quelque chose qui va changer le système, et là on connaîtra mon nom... ». Nous aussi, nous voulons faire quelque chose pour « changer le système », bien sûr par d’autres moyens…

Isolés, les salariés en souffrance réagissent pour certains en passant à l’acte de façon désespérée. Notre réponse est tout autre : résister collectivement et changer un système qui nous entraîne dans une spirale suicidaire, entre destruction de la planète, solitude de tous et toutes, et attaques de nos acquis sociaux.

Jet Aelys

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07/04/2015

Expo Vélasquez. De l’infant Felipe au pape, un troublant regard

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"Vénus au miroir" (1647-1651). Londres, National Gallery, huile sur toile, 122,5 sur 177 centimètres.
Photo : National Gallery of London
 
Au Grand Palais, à Paris, La Réunion des musées nationaux consacre une exposition remarquable à celui que Manet avait appelé 
le peintre des peintres et à ses contemporains, avec lesquels il n’y a pas photo.

On se gardera de dire que Vélasquez a remarquablement peint les enfants, ce qui prêterait à une regrettable équivoque avec les innombrables mièvreries qui caractérisent le genre.Il s’agit de bien autre chose.

Ainsi du portrait en pied du petit prince Felipe Prosper, peint vers 1659, alors qu’il est âgé de deux ans. Vélasquez est au sommet de son art, il a soixante ans et n’a plus qu’une année à vivre. Le petit prince ne vivra que quelques mois de plus. Est-ce donc cela qui nous retient dans ce tableau, cette pâleur, ces yeux candides mais troublants tant ils ont de vérité.

Derrière, dans l’ombre, il y a cette porte entrouverte vers une autre lumière, celle peut-être déjà que l’on voit dans les Ménines, avec la silhouette d’un homme en noir dans l’embrasure. Vélasquez pouvait-il pressentir la mort prématurée de l’enfant royal que l’on disait fragile, ou bien est-ce le sentiment de l’imminence de la sienne qui passe dans son regard, on ne sait, mais c’est là. Vélasquez est l’un des plus grands portraitistes de toute l’histoire de la peinture et sans doute le premier à aller aussi près de la vérité des êtres.

C’est là ce que l’on peut retenir d’abord de l’exposition exceptionnelle qui est consacrée au Grand Palais à Paris au plus grand des peintres espagnols, avec Goya, cela va de soi. Bien sûr, on regrettera l’absence des Ménines (1656), où le peintre, entouré de l’infante Marguerite, de chiens et de bouffons, nous fait face, comme s’il nous peignait sur la grande toile qui est devant lui, alors que dans le miroir au fond de cette boîte, ou de cette caverne, se reflète le couple royal qu’il est donc censé peindre, à notre place même. Mais ce n’est pas le lieu ici de commenter plus longuement cette toile, d’autres l’ont fait amplement et ce n’est pas fini.

Le baroque fait l’actualité à Paris

Disons simplement qu’elle nous manque quand bien même on comprend que le musée du Prado ait du mal à s’en séparer, comme le Louvre de la Joconde, et qu’en outre ses ­dimensions la rendent sans doute difficilement transportable.

Nous manquent aussi les Lances ou la Reddition de Breda (1635), dont il y aurait tant à dire. En revanche, prêté par la National Gallery, la Vénus au miroir (vers 1647-1651), l’un des chefs-d’œuvre absolus de la peinture occidentale, est bien là, comme le Portrait du pape Innocent X (1650), dont Francis Bacon fera la matrice de sa série de papes hurlants. Mais il faut sans doute faire un rapide détour par l’époque. Le XVIIe siècle et donc le ­baroque qui, singulièrement, fait l’actualité à Paris avec l’expo du Petit Palais sur les bas-fonds de Rome, et une autre, dès la ­semaine prochaine, au musée Jacquemart-André, intitulée « De Giotto à Caravage ».

Le baroque, c’est d’abord l’injonction faite aux artistes par le concile de Trente de rapprocher dans leurs sujets la ­religion du peuple et c’est, du même coup, l’entrée du peuple dans la peinture. C’est sans doute aussi, dans la logique même de la ­peinture, telle qu’elle apparaît déjà dans les Flandres avec Bruegel et d’autres, la force progressive du réel dans la négation des dogmes et des conventions. Regardons déjà, du tout jeune Vélasquez âgé de dix-neuf ans le visage de jeune fille de son Immaculée Conception.

­Regardons, dix ans plus tard, le Christ chez Marthe et Marie, où les deux femmes sont au premier plan. Quelle simplicité, quelle vérité, quelle grandeur du quotidien. Alors, il est bien vrai que Vélasquez sera le peintre du roi, le premier artiste de la cour, honoré de son vivant par Philippe IV dont on dit que c’est lui-même qui aurait tracé la croix rouge de chevalier sur l’orgueilleuse figure du peintre des Ménines. Mais quelle humilité, et surtout quelle humanité quand Vélasquez va vers le visage de l’autre, que ce soit parce qu’il le comprend ou parce qu’il l’interroge, qu’il s’agisse du pape, du portrait en pied d’un homme en noir, sans aucun décor, dont Manet saura se souvenir, de ces portraits d’hommes ou de femmes à nous désormais inconnus mais qui furent de la pensée, de la foi, de la cruauté…

Dans les Lances, à gauche du tableau, un soldat parmi d’autres tourne son visage vers nous. Vélasquez lui-même. Comme le couple royal, nous sommes devant lui et peints.

Du 25 mars au 13 juillet, 
Grand Palais, Paris 8e. Catalogue édité 
par La Réunion des musées nationaux 
et du Musée du Louvre. 410 pages, 50 euros.
 
Maurice Ulrich, L'Humanité
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16:51 Publié dans Arts, Connaissances | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vélasquez, grand palais | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!