26/06/2015
Islamisme et dictature, les deux faces d’une même pièce !

Alaa El Aswany, dans votre livre Extrémisme religieux et dictature, vous évoquez à propos de l’islamisme et des régimes autoritaires les deux faces d’un même malheur historique… Quels liens ces deux projets politiques entretiennent-ils ?
Alaa El Aswany Je parlerai de l’Égypte. L’Occident commet à mon avis une erreur en appliquant la même grille de lecture à tous les pays arabes… Dès 1952, en Égypte, ce piège s’est mis en place : d’un côté la dictature, de l’autre, le fascisme religieux, avec une alliance tacite entre le dictateur et les extrémistes. Le dictateur utilise les extrémistes pour se débarrasser du mouvement démocratique. Mais lorsque les extrémistes veulent le pouvoir, une confrontation se produit : les extrémistes sont réprimés, jetés en prison, assassinés. Vient ensuite le temps des négociations aboutissant à une nouvelle alliance. Au final, c’est toujours le peuple qui paie l’addition, bien plus que les extrémistes. Ce cycle se répète aujourd’hui. Dictateurs et extrémistes ont besoin les uns des autres. La dictature a toujours été justifiée, en Égypte, par le danger extrémiste.
Comment le mouvement populaire contre le régime du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, a-t-il pu ouvrir la voie à un coup d’État militaire ?
Alaa El Aswany Mohamed Morsi a été élu. J’ai boycotté le second tour de l’élection présidentielle, parce que l’alternative était terrible : le fascisme religieux ou un autre Moubarak. Je n’ai pas voté pour Morsi, mais je considérais que la légitimité des urnes lui conférait le droit absolu d’accomplir son mandat. Trois mois seulement après son arrivée au pouvoir, il a commencé à suspendre toutes les procédures démocratiques, à abroger certaines lois et à mettre la Constitution entre parenthèses. Il s’agissait là des premiers pas vers l’institution d’un régime islamique. Les décisions présidentielles étaient placées au-dessus de la loi. Au fond, il s’est servi de la démocratie comme d’un marchepied pour tenter d’instaurer un régime islamique.
Nous n’avions pas de Parlement qui aurait pu lui ôter la confiance. Donc nous avons décidé d’occuper l’espace public, avec une pétition qui a recueilli 22 millions de signatures. Au même moment, certains partisans de Morsi appelaient déjà au djihad. Certains leaders des Frères musulmans menaçaient de faire couler en rivières le sang des « infidèles ».
Dès lors, sans soutenir le général Abdel Fattah Al Sissi, je pensais qu’il était dans les prérogatives de l’armée égyptienne d’intervenir pour éviter une guerre civile. Ma position, celle des révolutionnaires égyptiens, est une opposition franche aux Frères musulmans comme à l’armée. Nous défendons des principes que ne partagent ni les islamistes, ni les représentants de l’ancien régime. Des milliers de jeunes révolutionnaires ont sacrifié leur vie. D’autres ont été assassinés, condamnés à mort ou croupissent en prison. Ils ont donné leur vie sans rien gagner en contrepartie.
Certains affairistes sont prêts à dépenser des millions pour stopper le changement et sauver leurs prébendes. Les chaînes de télévision, en Égypte, sont toutes contrôlées par les millionnaires de Moubarak. Mais la partie n’est pas finie. La révolution n’est pas un match de football, avec 90 minutes pour désigner le vainqueur. Nous avons besoin de temps dans ce conflit qui oppose des principes aux intérêts économiques. Après quatre ans, la Révolution française aussi a d’abord tourné court. Je reste donc optimiste. C’est une révolution de la jeunesse, dans lequel le rapport entre générations est décisif. Plus de 60 % des Égyptiens ont moins de trente ans et cette nouvelle génération cultive une vision du monde très différente de celle de ses aînés.
Kamel Daoud En Algérie, nous avons connu un scénario similaire. En 1988, le soulèvement contre le parti unique a donné lieu à une répression féroce, à la torture. Puis les islamistes ont débarqué, exactement comme sur la place Tahrir. Lorsqu’ils ont vu le rapport de force pencher vers les révoltés, ils ont pris en charge le mouvement.
Nous sommes passés par le même cycle, avec des élections municipales et parlementaires remportées par le Front islamique du salut (FIS). Ce n’est pas allé jusqu’à la présidence, nous n’avons pas eu de Morsi en Algérie. Mais nous avons été pris dans le même piège. Que faire, lorsqu’au nom de la démocratie, il faut laisser des fascistes prendre le pouvoir ? Il n’y a pas de solution, leur premier objectif étant justement de détruire toutes les avancées démocratiques.
En Algérie, la confrontation fut d’une rare violence. Elle a débouché sur dix ans d’une guerre sanglante. La mécanique était simple. Face au mouvement démocratique de 1988, le régime a utilisé les islamistes. Il a favorisé leur ascension, avant de recourir au coup d’État, légitimé, à l’extérieur comme à l’intérieur, par la peur. En vérité, les islamistes n’avaient pas la majorité électorale : le mode de scrutin taillé sur mesure pour le parti unique et surtout, seuls 30 % des électeurs se sont rendus aux urnes. Quoi qu’il en soit, les militaires ont arrêté le processus électoral et repris la main.
Durant la décennie noire, le régime militaire, qui avait instrumentalisé les islamistes contre le camp démocratique, a utilisé ce dernier pour légitimer sa guerre contre les islamistes. « Sans nous, ils massacreront tout le monde », proclamaient les généraux. Aujourd’hui, la mouvance islamiste légale est éclatée, avec une dizaine de partis en compétition pour le leadership. Surtout, elle a été domestiquée par le pouvoir, qui a clientélisé les islamistes grâce à l’argent de la rente pétrolière. Le deal est simple. L’argent et le pouvoir restent aux mains d’un régime hétéroclite, incluant militaires et affairistes. En bas, les islamistes s’occupent de la rue. Ils dictent à leur guise les normes sociales, les codes vestimentaires, les rites.
Cette expérience de la décennie noire explique-t-elle la sidération de l’Algérie face aux révolutions tunisienne et égyptienne ?
Kamel Daoud Plusieurs raisons expliquent cette sidération. Le souvenir de la guerre civile, bien sûr. Cette guerre sans images fut d’autant plus atroce que nous l’avons vécue seuls, à huis clos. Daesh (« État islamique ») sature aujourd’hui l’espace médiatique. Mais dans les années 1990, l’horreur était devenue le quotidien de la ruralité algérienne, avec des enfants égorgés, des femmes éventrées. Le résultat, c’est que les Algériens préfèrent aujourd’hui l’immobilité au chaos.
Second facteur, les révolutions arabes ont connu un virage. Après la phase Tunisie-Égypte, s’est ouverte la phase Libye-Syrie. En s’appuyant sur l’échec libyen, le pouvoir algérien a travaillé l’équation démocratie = chaos. L’intervention militaire française aussi a servi la propagande du régime, qui n’a pas hésité à jouer sur le traumatisme colonial toujours vif en assimilant la démocratie au retour de la France. Troisième facteur, l’argent. Le pouvoir a distribué énormément d’argent, renforçant le rapport de clientélisme avec la population.
Entre le confort et la démocratie, les gens préfèrent le confort. Une révolution qui touche uniquement la Terre ne suffit pas, elle doit aussi toucher le Ciel. Le slogan des Frères musulmans, « L’islam est la solution », doit être cassé, démantelé, pour que la chute d’un dictateur produise un vrai changement. Nous devons faire la grande révolution des mentalités.
Quel rôle ont joué les chaînes de télévision ?
Kamel Daoud Dès le début des soulèvements tunisien et égyptien, sont apparues des chaînes de télévision privées de droit étranger, financées par des milieux d’affaires interlopes, proches du régime. Leur propagande a fait son effet. Ceux qui contestaient le principe d’un troisième mandat de Bouteflika ont subi un véritable lynchage médiatique sur ces antennes. Il faut évoquer, aussi, le poids des chaînes de télévision wahhabites, qui captent un auditoire déshérité de femmes vivant en milieu rural, sans formation critique. Ces médias ont déplacé tous les référents.
Que peut un journaliste, que peut un romancier, face à ces 1 200 chaînes de télévision ? Le combat est trop inégal. À l’intérieur du pays, nous sommes isolés par le régime, par les conservateurs, par les islamistes. À l’extérieur, il y a ce risque d’être pris dans un engrenage médiatique occidental, d’être embarqué dans un casting qui n’est pas le vôtre. Je ne suis pas un Occidental, je ne suis pas un Européen, je ne suis pas un Français. Je suis un Algérien. C’est chez moi que je me bats. Je refuse d’endosser le rôle d’Arabe libéral de service.
Alaa El Aswany En Égypte aussi les chaînes de télévision wahhabites jouent un rôle décisif. Tous les wahhabites d’Égypte étaient opposés à la révolution. Le wahhabisme est une interprétation très étroite, très agressive de l’islam. L’application de cette doctrine, c’est l’État islamique, qui doit être instauré par la violence s’il le faut. Mais en même temps, ses adeptes prêchent, paradoxalement, l’obéissance au président. En 2011, les téléprédicateurs wahhabites se relayaient donc à l’antenne, pour déclarer « haram », « illicite », la participation à la révolution.
Ces idéologies de régression se seraient-elles imposées aussi aisément au Maghreb et au Machreq sans l’afflux de pétrodollars en provenance du Golfe ?
Alaa El Aswany Certainement pas ! L’idée que l’islam puisse être aux fondements de l’État n’a émergé en Égypte qu’en 1928, avec les Frères musulmans. Auparavant, notre combat était celui de l’indépendance et de la construction d’un État démocratique. Après la révolution de 1919, une première Constitution a été élaborée. Adoptée en 1923, elle comprenait une disposition sur la liberté de conscience, c’est-à-dire la liberté de croire ou de ne pas croire. En 1934, un pamphlet intitulé Pourquoi je suis athée a rencontré, en Égypte, un grand succès auprès du public. Au point qu’un autre pamphlet, intitulé Pourquoi je suis croyant, a été publié en réponse. En 1933, le pays fêtait, place Tahrir, la première aviatrice égyptienne, arabe et africaine, Lotfia El Nadi.
L’obtention de son brevet de pilote était vécue comme une victoire nationale. En 1939, le fils du chah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, épousait la princesse Fawzia d’Égypte. Il n’était aucunement question, à l’époque, d’un conflit entre sunnites et chiites ! Ce qui prévalait encore, c’est cette conception égyptienne, défendue par le juriste et mufti réformateur Mohamed Abduh, d’une séparation entre la religion et l’État. Après le choc pétrolier de 1973, des millions de dollars ont été dépensés pour la promotion du wahhabisme. Pourquoi ? À cause de la structure politique des régimes du Golfe, tous adossés à l’alliance entre une famille royale et des cheikhs wahhabites. Pour ces régimes, la promotion du wahhabisme est donc une condition de la stabilité politique. Cela explique l’hostilité unanime des régimes du Golfe contre la révolution égyptienne.
Kamel Daoud La papauté non plus n’était pas franchement favorable à la Révolution française… Pour ces cheikhs saoudiens, l’immobilisation de la société est indispensable à la perpétuation d’un ordre féodal. Chez nous aussi, l’afflux des pétrodollars pour rendre possible le boom wahhabite est visible, nous en payons la facture. Ce phénomène a bénéficié en Algérie d’un terrain de pénétration facile, mais l’Occident aussi est concerné. Quant à l’Afrique subsaharienne, elle est en première ligne, avec les constructions de mosquées, le financement d’écoles, etc.
Dans deux décennies, Boko Haram deviendra un phénomène continental. Ce qui est extraordinaire, avec l’Occident, c’est sa complaisance à l’égard de l’Arabie saoudite, qui n’est rien d’autre qu’une sorte de Daesh bien habillé. Donnez à Daesh beaucoup de pétrole et un peu de temps : ils achèteront le Printemps et se baladeront dans les rues de Paris. L’Occident entretient un rapport d’hypocrisie avec ce fléau, cette peste. On ne naît pas islamiste, on le devient. Quand la patronne du FMI, Christine Lagarde, salue l’œuvre du roi d’Arabie saoudite en faveur des femmes, elle condense de la façon la plus cynique et la plus tragique ce rapport d’hypocrisie. Vouloir ruser en instrumentalisant l’islamisme à des fins de pouvoir est périlleux. On ne joue pas avec le diable.
Alaa El Aswany, Il y a de très belles pages dans votre livre sur les femmes, on pourrait les rapprocher d’une récente chronique de Kamel Daoud sur les jambes féminines. Pourquoi le corps des femmes est-il devenu un enjeu de lutte politique ?
Alaa El Aswany Si vous regardez les films égyptiens jusqu’aux années 1970, vous serez étonnés de ne voir aucune femme voilée. L’Égypte a eu une interprétation très ouverte de l’islam. Après la révolution égyptienne de 1919, le leader Saad Zaghloul a considéré qu’on ne pouvait libérer le pays sans libérer les femmes. Aujourd’hui, quand il y a un problème de burqa en Occident, on incrimine l’islam. Or le problème vient du wahhabisme, qui ne voit pas la femme comme un être humain mais seulement comme un objet sexuel, une machine à faire des enfants.
On couvre le corps des femmes non pas pour le protéger mais pour empêcher les autres de « l’utiliser ». Si la femme se trouve dans la rue sans son « propriétaire », n’importe qui se sent autorisé à assouvir ses pulsions sexuelles. Les islamistes égyptiens ont lancé l’appel « Elles méritent le scandale », pour inciter les jeunes à poster sur Internet des photos de femmes considérées comme impudiques.
Kamel Daoud Le rapport à la femme est le nœud gordien, en Algérie et ailleurs. Nous ne pouvons pas avancer sans guérir ce rapport trouble à l’imaginaire, à la maternité, à l’amour, au désir, au corps et à la vie entière. Les islamistes sont obsédés par le corps des femmes, ils le voilent car il les terrifie. Pour eux, la vie est une perte de temps avant l’éternité. Or, qui représente la perpétuation de la vie ? La femme, le désir. Donc autant les tuer.
J’appelle cela le porno-islamisme. Ils sont contre la pornographie et complètement pornographes dans leur tête. Il existe deux sortes de peuples. Ceux qui respectent leurs femmes avancent dans la vie, deviennent libres, ont des créateurs, savent jouir de la vie et avoir du plaisir. Les autres, ceux qui entretiennent un rapport trouble à la femme, sont des peuples maudits. Quand les hommes bougent, c’est une émeute. Quand les femmes sont présentes, c’est une révolution.. Libérez la femme et vous aurez la liberté.
En Occident, depuis 2001, un lien entre islam et terrorisme s’est établi dans les têtes. Il sert conservateurs et mouvements d’extrême droite. Comment s’en défaire ?
Alaa El Aswany Il est facile de créer un ennemi imaginaire après des attentats. Un musulman est une personne qui pratique une religion comme les autres, un islamiste est un extrémiste, quelqu’un qui croit à la violence et à la guerre pour créer un État islamique. Si nous ne sommes pas capables de voir la différence entre musulmans et islamistes, nous aurons tous des problèmes. L’Église catholique a représenté des valeurs positives d’amour et de tolérance. Cette même Église a commis des crimes, durant les Croisades ou l’Inquisition. Pour autant, je n’ai pas le droit de dire que tous les chrétiens sont des criminels. Or ce raisonnement est utilisé par la droite, qui fait de tout musulman un terroriste potentiel.
Kamel Daoud Mais les gens doivent se réveiller, ouvrir les yeux sur le péril islamiste. Il n’est pas arabe, algérien, égyptien ou subsaharien : il est mondial.
Daesh exerce un attrait irrationnel sur une petite frange de la jeunesse, pas seulement dans le monde dit arabe, mais aussi en Occident. Comment l’expliquez-vous ?
Alaa El Aswany Il faut ouvrir la porte à une vraie démocratie. 50 % des Égyptiens vivent sous le seuil de pauvreté. Quel choix s’offre à un jeune qui se sent marginalisé et humilié ? Soit il a un réseau démocratique et peut s’exprimer par le vote, changer les choses. Soit il est poussé vers l’extrémisme. On peut faire le parallèle avec les jeunes de la deuxième génération en Occident, auxquels on répète qu’ils ne sont pas français ou anglais. Dans les pays arabes ou les banlieues européennes, ces jeunes sont désespérés, frustrés et veulent retrouver leur dignité à travers ce rêve illusoire que leur propose l’État islamique.
Kamel Daoud El Aswany est profondément optimiste, j’espère qu’il va me contaminer et non le contraire. Je me bats pour ma liberté, l’enjeu est immense. Du point de vue de la pédagogie, de l’éducation, on n’a pas proposé d’alternative à l’islamisme. Il faut construire et proposer une offre aux jeunes de seize ans pour affronter la vie. Sans cette alternative philosophique à l’islamisme, on court à l’échec. Un jeune de seize ans a besoin d’un dieu, il peut le trouver au ciel ou sur le visage d’une femme belle. S’il ne peut pas s’exprimer, il se tourne vers ceux qui lui font miroiter l’au-delà. L’’islamisme offre du confort, comme tous les fascismes. La lutte est politique, la résistance est politique et c’est bien plus profond que l’exercice du pouvoir : c’est lié au sens de la vie. Vous trouvez des livres djihadistes dans le Sahel mais rarement des romans. C’est donc aussi une bataille de livres.
Comment voyez-vous la suite ?
Kamel Daoud La société algérienne a été transformée en profondeur par les islamistes et les conservateurs, et nous avons un régime en crise. Du point de vue de l’histoire, le régime ne tourne pas la page de la génération qui a fait la guerre, ceux qu’on appelle les libérateurs. Il a fallu chasser les colons, maintenant il faut chasser les libérateurs. C’est très difficile. Cette absence de transition est aggravée par la chute des prix du pétrole et le refus de laisser émerger de nouvelles figures. L’autre facteur, le plus dramatique, c’est la terreur de l’Occident vis-à-vis de l’instabilité en Algérie. L’Occident préfère l’immobilisme et un « dictateur éclairé ». Nous sommes un pays bizarre qui a prouvé qu’une dictature peut se passer de président. Bouteflika a été soigné pendant quatre mois en France et le pays a fonctionné normalement. Quand les révoltes ont éclaté dans le monde arabe, les gens me demandaient pourquoi on ne faisait pas la révolution. J’ai répondu : « Chez nous on dégage qui ? Ben ou Ali ? » On ne sait même pas qui dirige. Les Tunisiens et les Égyptiens avaient la chance tragique d’avoir un dictateur. Pour nous, c’est plus compliqué. Les gens ont peur maintenant. J’ignore ce que sera l’après-Bouteflika. Va-t-on passer par une rupture violente ? Je ne le souhaite pas… Je suis fatigué. Pendant mes vingt premières années, on m’a parlé de la guerre de libération puis, entre vingt et trente ans, j’ai vécu la guerre civile. Nous ne voulons pas de rupture violente, mais le régime ne fait rien pour une transition en douceur. Nous sommes vraiment coincés.
Alaa El Aswany Je crois que le système est beaucoup plus important que le dictateur. En Syrie, je ne pense pas que Bachar Al Assad soit le vrai décisionnaire. En Algérie, la dictature a besoin du président même s’il est malade ou absent. En Égypte, nous avons retenu cette leçon. Nous étions très contents de nous débarrasser de Moubarak et nous nous sommes rendu compte qu’il était seulement la couverture de la machine. Sous cette couverture, nous avons trouvé une machine beaucoup plus méchante que Moubarak. La situation est différente selon les pays. Mais contrairement à Kamel Daoud, je ne suis pas fatigué. Je sais que nous allons y arriver, même si le processus est long. Je ne peux pas penser autrement. Il faut combattre pour ceux qui ne peuvent pas se défendre. C’était la motivation principale de la révolution égyptienne.
Alaa El Aswany est né au Caire en 1957. Il a publié chez Actes Sud des romans, l’Immeuble Yacoubian (2006), Chicago (2007), Automobile-Club d’Égypte (2014), un recueil de nouvelles, J’aurais voulu être égyptien (2009), et deux recueils de chroniques parues dans la presse égyptienne, Chroniques de la révolution égyptienne (2011) et Extrémisme religieux et dictature (2014).
Kamel Daoud est né en 1970 à Mostaganem. Il est journaliste au Quotidien d’Oran, où il tient une chronique depuis douze ans. Il a publié deux recueils de nouvelles, la Préface du nègre (Barzakh, 2008), le Minotaure 504 (Sabine Wespieser Éditeur, 2011) et un roman, Meursaut, contre-enquête (Actes Sud), contrepoint à l’Étranger, d’Albert Camus, pour lequel il a obtenu le prix Goncourt du premier roman et le prix des cinq continents de la francophonie. Il vit à Oran.
entretienEntretien réalisé par Sophie Joubert et Rosa MoussaouiMardi, 2 Juin, 2015
17:11 Publié dans Connaissances, Entretiens, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alaa el aswany, kamel daoud, islam, musulman | |
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14/06/2015
VISION DES FEMMES ET DE L'ORIENT !
Tableau le plus cher au monde! Merci à Picasso, allié de la résistance algérienne, d'avoir métamorphosé le tableau "orientaliste" de Delacroix.
Inès Safi
"Dans l’écriture et l’art orientalistes, le harem est souvent dépeint comme un endroit où un grand nombre de femmes illettrées attendaient passivement l’occasion de satisfaire les besoins sexuels de leur maître. Les photographes orientalistes ont utilisé les images des femmes moyennes-orientales tantôt comme objets sexuels tantôt comme une métaphore de l’Orient.
« Les photographies orientalistes des femmes ont servi à définir l’altérité, à exprimer les fantasmes sexuels des hommes occidentaux d’une façon acceptable (parce que lointains et donc non menaçants) ; et de justifier le colonialisme en conjurant arriération, dépravation ou absence de la notion de temps chez les Moyen-orientaux ». Durant la période coloniale, la notion d’un Orient qui attend d’être pénétré par l’Occident était prédominante dans l’art, notamment la peinture, la photographie et la littérature. De plus, la féminisation du territoire liait métaphoriquement la conquête des femmes colonisées à la conquête du territoire indigène inscrivant ainsi les notions sexuées de conquête et d’assujettissement dans les fantasmes coloniaux.
Pour les féministes occidentales dont le but était d’atteindre l’égalité en Occident, la participation des femmes à la vie publique était perçue comme la condition préalable à toute émancipation. Elles ont ainsi mesuré le statut et le pouvoir des femmes dans les sociétés non occidentales selon le degré d’accès des femmes à la sphère publique et la mixité entre les sexes. Elles ont négligé le degré de l’influence sociale que les femmes musulmanes possédaient véritablement et n’ont pas prêté attention à la façon dont les musulmanes interprétaient leurs propres besoins et statuts.La perception des rôles de genre dans les sociétés européennes et colonisées a servi les prétentions à la supériorité des puissances coloniales et a justifié le colonialisme. Selon Leila Ahmed, « Les féministes occidentales étaient intégrées au service du colonialisme au même moment que les colonialistes combattaient le féminisme dans leurs propres sociétés ».
Contrairement aux présupposés selon lesquelles les femmes musulmanes étaient prisonnières du harem, beaucoup d’entre elles étaient présentes dans l’espace public, physiquement ou symboliquement, selon leur statut social. Les femmes paysannes et tribales (qui constituaient la majorité écrasante de la population féminine au dix-neuvième siècle) ou celles appartenant aux couches populaires urbaines exerçaient une activité économique. En Egypte par exemple, leur activité économique était soutenue par les réseaux locaux et informels des femmes plus aisées. Ces réseaux ont été d’ailleurs largement affaiblis suite à l’intégration centralisatrice de l’économie égyptienne au marché européen. Par ailleurs, différentes activités et pratiques sociales, y compris celle de l’observance religieuse, réunissaient les femmes de diverses origines et catégories sociales leur permettant aussi de forger des stratégies personnelles ou collectives susceptibles de mettre en question les rapports de pouvoir ou les inégalités sociales entre les sexes.
Les femmes aisées exerçaient un rôle économique, social ou politique (en tant qu’épouse ou mère du Sultan, des princes ou de l’élite politique) au sein d’un espace ségrégé (le harem) qui était pourtant lié à l’ensemble de la société. Pour l’historienne Leslie Pierce, le pouvoir des femmes de la maison ottomane était trop publiquement affirmé et trop solidaire de l’institution politique pour avoir été totalement illégitime. Elle précise par ailleurs que les femmes du harem n’étaient ni plus ni moins recluses que les hommes de rang correspondant. Se protéger des regards, dans la société ottomane, serait affaire de statut et non de sexe. À travers l’étude des archives juridiques ottomanes, Ronald Jennings montre que les femmes se présentaient devant les qadis (juges religieux) pour porter plainte, demander le divorce, la garde de leurs enfants ou leurs parts de l’héritage et qu’elles obtenaient souvent un jugement favorable.
Au dix-neuvième siècle et contrairement à leurs homologues européennes, les musulmanes restaient propriétaires de leurs biens et continuaient de les contrôler après le mariage. Les femmes aisées ne sortaient certes pas de chez elles du fait de leur rang social, mais interagissaient avec la société, y compris avec les producteurs et les commerçants. La présence de ces femmes à l’extérieur du foyer était assurée par leurs œuvres caritatives : la construction des fontaines, l’établis-sement des écoles religieuses ou des bains publics qui portaient leurs noms. Il s’agissait donc d’une autre méthode à travers laquelle les identités des femmes aisées orientales/musulmanes entraient dans l’espace public23.
Cependant, étant différente de l’expérience des occidentales, leur présence dans l’espace public n’était pas reconnue par les féministes eurocentristes dont les discours et les écrits ont souvent servi à justifier la guerre coloniale, ni par les féministes hégémonistes plus d’un siècle plus tard. Dans cette optique, elles ont qualifié le voile d’instrument de réclusion des femmes et de leur ségrégation sexuelle ainsi que symbole principal de leur statut inférieur. Dans les années 1930 et 1940, les féministes occidentales membres de International Alliance of Women et leur présidente Hanna Rydh ont accordé une importance primordiale à l’interdiction du port du voile. Leurs discours et textes qui insistaient sur le besoin des femmes musulmanes d’être « libérées » de leur voile en même temps que « de leurs oppresseurs » (à savoir leurs pères, frères ou époux) perpétraient le discours du colonialisme.
Cette position rappelle celle de Lord Cromer, Consul général britannique en Égypte de 1883 à 1907, convaincu de l’infériorité de l’islam et de la société musulmane et de ce qu’il appelait « l’esprit de l’oriental ». Il condamnait avec véhémence la façon dont l’islam traitait les femmes et estimait que le voile et la réclusion des femmes constituaient les entraves fatales à l’accès à la civilisation occidentale des Égyptiennes. Il estimait que ces femmes devaient être persuadées ou à défaut être forcées à devenir civilisées en abandonnant le port du voile. Mais Cromer a tout fait pour entraver l’accès des femmes égyptiennes à l’école et une fois en Angleterre, il a fondé la Ligue des hommes contre l’octroi des droits politique aux femmes britanniques.
Entre 1912 et 1950, Jus Suffrajii, l’organe de International Women’s Suffrage Alliance dont la plupart des postes de direction était occupée par les femmes européennes et américaines, a publié 27 articles qui reproduisaient les stéréotypes orientalistes sur l’ignorance, la passivité et la paresse des femmes du harem.Au fur et à mesure que les femmes occidentales s’approchaient de leurs objectifs (à commencer par le droit de vote et d’éligibilité), l’Orient leur est apparu de plus en plus arriéré. Ces féministes occidentales ont négligé les diversités historiques, les changements en cours dans les pratiques culturelles et des négociations politiques qui contribuent à changer le sens et la signification de ces pratiques. Elles ont ainsi substitué l’analyse essentialiste de genre à celle de l’essentialisme culturel estimant que l’abandon des modes de vie ancestrale était la condition préalable à l’émancipation des femmes musulmanes.
L’insistance sur la supériorité de la culture occidentale avait pour fonction de justifier le colonialisme. Cet autoportrait de la culture occidentale n’avait qu’une faible ressemblance avec les valeurs politiques et culturelles réellement existantes dans les sociétés occidentales. Ainsi, liberté et égalité pouvaient être présentées comme des valeurs paradigmatiques au moment où les nations occidentales étaient engagées dans l’esclavage, la colonisation et le déni de liberté et d’égalité à l’égard d’un large éventail de « sujets » occidentaux, y compris les femmes.
Les femmes étaient utilisées pour établir les identités raciales et pour construire un racisme apte à légitimer l’exploitation coloniale sur la base de la « mission civilisatrice ». Comme l’a précisé Ong, « Ces attitudes ethnocentriques sont colonisatrices et nient aux femmes vivant dans différentes sociétés leurs propres réalités et expériences dans la construction de genre et de sexualité et le droit de déterminer le sens et les buts de leurs vies »
Ces préjugés des féministes eurocentristes étaient partagés par les colonisateurs en Afrique : « La lecture des sociétés africaines selon le filtre des valeurs victoriennes aboutit au refus de connaître aux femmes un rôle actif dans les sociétés africaines tant sur le plan économique que politique. Elles furent privées de formes de pouvoir politique dont elles disposaient avant la colonisation (...) Les administrateurs marginalisèrent les femmes qui occupaient une place fondamentale dans la production agricole (…) Ils restèrent aveugles aux réalités de pouvoir qui concernaient certaines catégories de femmes en fonction de leur âge, de leur statut social ou encore de leur poids économique ».
25Les théories féministes post/dé-coloniale sont certes fragilisé le discours hégémonique en le décentrant mais elles n’ont pas encore réussi à transformer en profondeur la théorie féministe occidentalocentrique et ses militantes. Le soutien de nombreuses féministes Nord américaines et européennes à l’invasion américaine de l’Afghanistan, au nom de l’émancipation des femmes afghanes et de la sororité internationale, en est une illustration.
Ces attitude et démarche néo-coloniales entravent les femmes non-occidentales dans leur rôle de natives en tant que sujets historiques et dans leur démarche visant à ce que Aimé Césaire appelle « une réactivation du passé en vue de son propre dépassement », sans succomber à la nostalgie des origines."
Source (article entier et références): http://cedref.revues.org/603
11:19 Publié dans Connaissances, Inès Safi, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : harem, picasso, orient | |
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17/05/2015
Les 1000 Britanniques les plus riches le sont deux fois plus qu'en 2009
Les Weston (ici Galen Weston) connaissent la plus forte progression par rapport à 2014. La famille d'industriels a vu sa fortune grossir de 3,7 milliards de livres et atteindre les 11 milliards cette année. (Crédits : Reuters)
| 26/04/2015, 17:44 - 179 mots Les 1000 personnes les plus fortunées résidant au Royaume-Uni possèdent 763 milliards d'euros au total, en 2015. Pour figurer dans cette liste, il faut disposer d'au moins 139 millions d'euros.Les niveaux records des marchés boursiers mondiaux ont particulièrement stimulé les grandes fortunes britanniques, estime le Financial Times. En effet, désormais, les 1000 personnes les plus riches vivant au Royaume-Uni possèdent 547 milliards de livres (763 milliards d'euros), selon un classement paru dimanche 26 avril dans un supplément du Sunday Times. C'est plus du double par rapport à 2009 (112% de plus précisément), durant la crise financière.
Désormais, pour faire partie des 1000 britanniques les plus fortunées, disposer d'au moins 100 millions de livres (139 millions d'euros) est nécessaire. C'est 15 millions de livres de plus qu'en 2014.
Par ailleurs, le Royaume-Uni compte désormais 117 milliardaires en 2015, soit 13 de plus que l'année dernière.
Les grandes fortunes, boostées par les marchés boursiers
Len Blavatnik, le propriétaire de Warner Music est le britannique le plus fortuné. Il jouit d'une fortune estimée à 13,17 milliards de livres (18,4 milliards d'euros).
Les Weston connaissent, quant à eux, la plus forte progression par rapport à 2014. La famille d'industriels a vu sa fortune grossir de 3,7 milliards de livres et atteindre les 11 milliards cette année.
Article publié par la Tribune
16:42 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grande bretagne, riches | |
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13/05/2015
Ziad Medoukh : « À Gaza, on résiste pour exister et on existe pour résister »
Neuf mois après la guerre de l'été 2014, dans quelle situation se trouve le peuple de Gaza aujourd'hui ? Entretien avec Ziad Medoukh, directeur du département de français de l’universite al-Aqsa dans la bande de Gaza, par Anouk Guine, maitre de conférences à la faculté des affaires internationales de l’université du Havre.
Parmi les attaques armées d’Israël contre la bande de Gaza, comment a été vécue celle de l'été 2014 ? Quel a été le bilan humain et matériel ?
Ziad Medoukh : Le bilan de 50 jours (juillet-août 2014) d’offensive militaire israélienne sur la bande de Gaza a été le suivant: 2160 morts palestiniens, dont 570 enfants, 270 femmes et 110 personnes âgées suite à des bombardements et des attaques sanglantes; 11250 blessés, dont 2000 femmes, 450 personnes âgées et 3250 enfants; plus de 7900 raids israéliens partout dans la bande de Gaza; des quartiers totalement détruits et effacés de la carte, dont 6000 maisons détruites, 9000 d’entre elles endommagées; plus de 30000 personnes sans-abri; 73 mosquées détruites et 197 endommagées; deux églises bombardées; 5 pêcheurs, 18 journalistes, 20 ambulanciers et secouristes, et 12 agents municipaux tués; cinq universités, 150 écoles publiques et 10 écoles privées bombardées; 5 écoles de l’ONU visées; 32 écoles publiques et 27 crèches et jardins d’enfants détruits; 5 hôpitaux et 29 centres médicaux bombardés; 25 ambulances et 120 usines détruites; 3 banques visées; 2 hôtels bombardés; 60 bateaux de pêche détruits; 20 organisations et associations détruites; 30 postes de polices touchés; 50 bâtiments publics et 12 chaînes de radio et de télévision bombardées; la centrale électrique détruite; 40 puits d’eau, 13 cimetières et 9 stades bombardés; 25 clubs sportifs, 15 lieux et monuments historiques, routes et terrains agricoles, infrastructures civiles importantes détruits; destruction massive partout dans la bande de Gaza; les pertes économiques dépassent 5 milliards d’euros.
Le bilan est très lourd, notre population a vécu un nouveau drame, elle a essayé de supporter cette tragédie, mais rien n’était évident devant l'ampleur de cette attaque meurtrière qui a touché tout dans la bande de Gaza, une région sous blocus et en souffrance permanente.
Dans quelle situation économique et sociale se trouve la population de Gaza après cette attaque ?
Ziad Medoukh : La situation humanitaire est catastrophique, il y a une absence de perspectives même si l’on peut se féliciter de la solidarité familiale et sociale existante. Je vous renvois à mon article.
Après cette attaque, la population se trouve dans une situation terrible sur tous les niveaux. Les Palestiniens de Gaza paient les conséquences de cette agression.
Quelles ont été les conséquences politiques sur le plan international ?
Ziad Medoukh : La mobilisation populaire de solidarité avec la Palestine lors des évènements de Gaza, n'a pas été suivie par les instances internationales. Les choses bougent, mais lentement. La reconnaissance de la Palestine par quelques parlements européens est importante, mais les Palestiniens ont besoin de concret sur le terrain : un changement, la fin de l'occupation et la création de leur Etat libre et indépendant. Les Palestiniens comptent beaucoup sur l'Europe et sur la communauté internationale qui ne bouge pas assez pour arrêter leur souffrance et proposer une fin de la colonisation.
Que font aujourd'hui les Nations Unies et les ONG pour Gaza ?
Ziad Medoukh : Au niveau économique, elles sont très actives, mais au niveau politique, elles sont impuissantes. Il y a beaucoup de convois humanitaires qui entrent à Gaza via ces ONG et organisations internationales, mais les matériaux de construction sont souvent bloqués, et ces organisations n'arrivent pas à faire pression sur les Israéliens pour ouvrir les passages ou faire entrer les produits interdits. Malgré leurs besoins énormes au niveau humanitaire et économique, les Palestiniens cherchent une solution politique.
Quelles sont les activités de soutien psychologique menées au Centre de la Paix que vous avez créé à l'université Al-Aqsa de Gaza?
Ziad Medoukh : Après la fin de l'agression israélienne en août 2014, le centre de la paix a commencé un programme de soutien psychologique, au début pour les jeunes, puis il a formé une équipe de 7 étudiants qui organisent eux-mêmes des séances de soutien psychologique pour les enfants traumatisés partout dans la bande de Gaza, afin de redonner le sourire à ces enfants qui ont beaucoup souffert pendant les bombardements. En 5 mois, le centre a organisé 20 séances dans plusieurs structures, écoles et jardins d'enfants dans toutes les villes de la bande de Gaza, des actions soutenues par des associations et des personnes de bonne volonté dans le monde francophone, et appréciées par les enfants et leurs familles. Sur ce lien, vous trouvez toutes les activités du Centre de la paix: http://www.palestine-solidarite.org/centredepaix.sommaire.htm
Vous avez été invité à plusieurs reprises en France, notamment à l'université du Havre. Vous n’avez pas de problème pour vous déplacer ?
Ziad Medoukh : Pour la deuxième fois en trois mois je n’ai pas été autorisé à quitter la bande de Gaza via le passage d'Erez pour me rendre en France via la Jordanie. Je ne vous cache pas que je reçois presque tous les mois des invitations pour me rendre à l'étranger, notamment dans les pays francophones afin de participer à des colloques, conférences universitaires et des rencontres scientifiques et littéraires. Mais le blocus et la fermeture des frontières m'empêchent de sortir de Gaza, et cela malgré les efforts du Consulat de France. Mais tout dépend de la « bonne volonté » des autorités israéliennes. En France, j'ai toujours un programme très chargé: rencontres, conférences, entretiens avec les médias, réception par des élus, mais surtout des rencontre avec les gens, les solidaires et le mouvement de solidarité avec la Palestine. Le plus important c'est l'échange avec les gens, et passer le message sur la situation actuelle dans la bande de Gaza.
Comment expliquez-vous la capacité de résilience et de résistance des Gazaouis ?
Ziad Medoukh : Les Palestiniens de Gaza ont tout perdu: maisons, proches, travail, mais il reste l’espoir. C'est avec l'espoir qu'ils vivent et qu'ils résistent et existent. Ils vivent avec une volonté remarquable et une patience extraordinaire, ils ont une capacité de s'adapter à leur situation et contexte: ils vivent, ils attendent et ils espèrent! L'espoir est une maladie en Palestine et dans la bande de Gaza. On résiste pour exister et on existe pour résister.
Comment est-ce que le peuple de Gaza a réagi à l'attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier ? Comment est-ce que la couverture de ce journal publiée après l'attentat a retenti à Gaza ?
Ziad Medoukh : A Gaza, presque toute la classe politique et sociale a dénoncé l'attentat meurtrier contre Charlie Hebdo, y compris le Hamas. Il y a eu plusieurs rassemblements de solidarité avec la France devant l'Institut Français de Gaza, organisés par des ONG, des universités et des personnalités. La France est considérée comme un pays ami de la Palestine, et les Français sont de plus en plus solidaires de notre cause. Après, il y a eu des manifestations contre les caricatures, et pas contre la France, organisées à Gaza par quelques petits groupes. Le problème est que les médias étrangers se sont beaucoup intéressés à ces manifestations, mais pour les rassemblements de solidarité, il n'y a pas eu une vraie couverture médiatique.
Que pensez-vous de la dernière victoire électorale de Benjamin Netanyahou ?
Ziad Medoukh : La réélection de Netanyahou est un renouvellement du racisme et de l’apartheid dans une société israélienne qui bascule de plus en plus vers la droite et l'extrême droite. Les Israéliens ont choisi le camp de la guerre et de la violence, cette élection montre que le chemin pour la paix est encore long, et que le monde entier doit bouger et assumer ses responsabilités en imposant une solution pacifique.
14:45 Publié dans Actualités, Connaissances, Entretiens, International, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ziad medoukh, palestine | |
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