Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/09/2011

Camila Vallejo «Notre mécontentement est dû à l’insoutenable inégalité»

camilavallejo.jpgÂgée de vingt-trois ans, Camila Vallejo, 
s’est imposée à la tête du mouvement de contestation étudiante qui secoue actuellement 
le Chili. Elle étudie 
la géographie 
et elle est membre des Jeunesses communistes.

Correspondance. Depuis plus de trois mois, vous manifestez pour une éducation publique, gratuite et de qualité. Pourquoi faut-il réformer 
le système éducatif chilien ?

Camila Vallejo. La mobilisation actuelle a atteint ce niveau de pertinence et attire autant l’attention, car nos revendications reflètent le sentiment des Chiliens et de nombreux citoyens du monde. Les médias parlent de LA crise de l’éducation, mais le problème va beaucoup plus loin. Il s’agit d’une crise du système démocratique et d’un mécontentement généralisé dû à l’insoutenable inégalité qui maintient l’énorme majorité des Chiliens dans la précarité, sans santé publique, sans éducation publique et endettés jusqu’au cou, en raison des salaires trop bas. Dans ce contexte, nous n’exigeons pas une réforme du système, mais un changement radical des fondements de celui-ci. Car, dans l’éducation, en premier lieu, c’est à cause de ces fondements que nous sommes encore un pays sous-développé, sans les projets nationaux qui envisagent d’autres valeurs que celles du marché.

Chaque année, les étudiants chiliens se mobilisent. Le mouvement de 2011 semble plus fort et plus entendu...

Camila Vallejo. Tant que le Chili sera un pays injuste et inégalitaire, les gens descendront dans la rue pour le dénoncer. Cela a toujours été la note dominante, même depuis la fin de la dictature. Depuis l’arrivée de Piñera au pouvoir, toutefois, l’évidente défense du privé dans les services basiques du pays et l’assaut de privatisations que le gouvernement a tenté de lancer dans le dos des acteurs sociaux, ont provoqué un mécontentement tel parmi les citoyens qu’il a débouché sur la mobilisation sociale la plus grande depuis les années 1980. Les contradictions entre ce que propose le gouvernement de droite et ce que les citoyens veulent défendre sont de plus en plus aiguës. D’où, la popularité très basse de l’exécutif ces derniers mois.

Qu’attendez-vous du dialogue 
avec le gouvernement ?

Camila Vallejo. Durant ces mois de mobilisation, nous avons été marqués par l’intransigeance avec laquelle le gouvernement a défendu le modèle néolibéral qui prédomine dans l’éducation. En particulier, lorsqu’il s’est montré prêt à exprimer son côté le plus violent et répressif. Après tant de manifestations de centaines de milliers de personnes, qu’il commence juste à vouloir faire respecter la loi (qui interdit le profit dans l’éducation – NDLR) sonne comme un manque de respect. Ce mouvement mérite d’être écouté. Et si le président n’est pas disposé à céder par le dialogue, nous exigerons un référendum pour démontrer et faire respecter l’opinion de la majorité.

Est-ce un avantage 
ou un inconvénient d’être face 
à un gouvernement de droite ?

Camila Vallejo. Avec le gouvernement Piñera, le Chili a compris qu’il n’y a rien de pire pour le peuple qu’un programme de droite. Difficile donc d’y voir un avantage. Cependant, l’assaut de privatisations et les graves erreurs du gouvernement – comme la répression excessive et l’intransigeance idéologique – ont généré une plus grande émotion dans la population, fatiguée des privilèges de quelques-uns. Ceci nous a permis d’atteindre une participation historique aux manifestations et un soutien jamais vu auparavant. À l’inverse, les ferventes convictions néolibérales du gouvernement rendent les avancées et les possibilités d’accord plus difficiles. De plus, cette droite est liée aux « propriétaires du Chili », c’est-à-dire au secteur entrepreneurial et aux familles les plus riches. Elle dispose donc de la grande majorité des médias de masse, de l’influence des riches entrepreneurs, en plus des forces policières et militaires. Déjà en vigueur sous la Concertación (coalition de centre gauche, au pouvoir pendant vingt ans – NDLR), cette situation est encore plus forte aujourd’hui, car le mouvement effraie les plus privilégiés.

En 2006, la mobilisation étudiante avait obtenu une grande table de travail sur l’éducation. Mais, arrivés au Parlement, les projets de loi ont été vidés de leur substance. Comment éviter un échec similaire ?

Camila Vallejo. Même si les deux mouvements se ressemblent, de nouveaux éléments font aujourd’hui envisager une issue positive. D’une part, malgré les efforts de la presse pour nous diviser ou détourner l’attention de la population, nous bénéficions toujours d’un très fort soutien et nos opinions comme dirigeants étudiants sont bien évaluées. D’autre part, même si c’est en partie par opportunisme, la Concertación et ses parlementaires ont une posture plus proche de la nôtre que de celle de l’exécutif. Enfin, nous nous préparons pour cette étape de dialogue. Nous avons exigé des garanties (débats télévisés, gel des projets de loi sur l’éducation lancés au Parlement notamment), pour que le dialogue ne se transforme pas en un accord de coalitions politiques en catimini. Surtout, nous continuerons à manifester.

Vous faites partie des Jeunesses communistes. Quelle influence 
a cet engagement sur votre travail 
de leader et sur le mouvement ?

Camila Vallejo. Une grande partie de la dirigeante que je suis aujourd’hui vient de la militante d’hier. Ma formation politique, la discipline et le soutien de nombreux camarades engagés me permettent de réaliser mon travail avec clarté et tranquillité. Sans eux, ce serait impossible. Par ailleurs, la lutte de ce mouvement est aussi la lutte de ma jeunesse. J’endosse cette cause en tant que représentante des étudiants de l’Université du Chili, mais c’est aussi par conviction personnelle que je me bats pour rétablir l’éducation publique dans mon pays.

En plus d’écrire sur votre rôle à la tête du mouvement, des médias ont évoqué votre physique, vous qualifiant de « belle rebelle », voire de « leader sexy ». Quelle est votre réaction ?

Camila Vallejo. Cela répond au machisme qui, malheureusement, caractérise encore notre société. Mais je crois aussi qu’à cette occasion, nous apprenons quelque chose des capacités des femmes, et j’espère que nous pourrons avancer en matière de discrimination sexiste. Pour que cette situation ne devienne pas juste une anecdote de mauvais goût derrière l’historique mobilisation de cette année.

Entretien réalisé par Lucile Gimberg pour l'Humanité

12/09/2011

737 maîtres du monde contrôlent 80 % de la valeur des entreprises mondiales

EuropeNOnCapital-j.jpgCapitalisme

Une étude d’économistes et de statisticiens, publiée en Suisse cet été, met en lumière les interconnexions entre les multinationales mondiales. Et révèle qu’un petit groupe d’acteurs économiques – sociétés financières ou groupes industriels – domine la grande majorité du capital de dizaines de milliers d’entreprises à travers le monde.

LE RÉSEAU DE CONTRÔLE GLOBAL PAR LES GRANDES ENTREPRISES

Stefania Vitali, James B. Glattfelder, et Stefano Battiste

Leur étude, à la frontière de l’économie, de la finance, des mathématiques et de la statistique, fait froid dans le dos. Trois jeunes chercheurs de l’Institut fédéral de technologie de Zurich [1] ont scruté les interactions financières entre multinationales du monde entier. Leur travail – « The network of global corporate control » (le réseau de domination globale des multinationales) – porte sur un panel de 43.000 groupes (« transnational corporations ») sélectionnés dans la liste de l’OCDE. Ils ont mis en lumière les interconnexions financières complexes entre ces « entités » économiques : part du capital détenu, y compris dans les filiales ou les holdings, prise de participation croisée, participation indirecte au capital…

Résultat : 80 % de la valeur de l’ensemble des 43.000 multinationales étudiées est contrôlé par 737 « entités » : des banques, des compagnies d’assurances ou des grands groupes industriels. Le monopole de la possession du capital ne s’arrête pas là. « Par un réseau complexe de prises de participation », 147 multinationales, tout en se contrôlant elles-mêmes entre elles, possèdent 40 % de la valeur économique et financière de toutes les multinationales du monde entier.

Une super entité de 50 grands détenteurs de capitaux

Enfin, au sein de ce groupe de 147 multinationales, 50 grands détenteurs de capital forment ce que les auteurs appellent une « super entité ». On y retrouve principalement des banques : la britannique Barclays en tête, ainsi que les « stars » de Wall Street (JP Morgan, Merrill Lynch, Goldman Sachs, Morgan Stanley…). Mais aussi des assureurs et ds groupes bancaires français : Axa, Natixis, Société générale, le groupe Banque populaire-Caisse d’épargne ou BNP-Paribas. Les principaux clients des hedge fund et autres portefeuilles de placements gérés par ces institutions sont donc, mécaniquement, les maîtres du monde.

Cette concentration pose de sérieuses questions. Pour les auteurs, « un réseau financier densément connecté devient très sensible au risque systémique ». Quelques-uns flanchent parmi cette « super entité », et c’est le monde qui tremble, comme la crise des subprimes l’a prouvé. D’autre part, les auteurs soulèvent le problème des graves conséquences sociales que pose une telle concentration. Qu’une poignée de fonds d’investissement et de détenteurs de capital, situés au cœur de ces interconnexions, décident, via les assemblées générales d’actionnaires ou leur présence au sein des conseils d’administration, d’imposer des restructurations dans les entreprises qu’ils contrôlent… et les effets pourraient être dévastateurs. Enfin, quelle influence pourraient-ils exercer sur les États et les politiques publiques s’ils adoptent une stratégie commune ? La réponse se trouve probablement dans la brûlante actualité des plans d’austérité.

Ivan du Roy

17:41 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, Planète | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : capitalisme, maîtres, économie | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

25/07/2011

Richard Bohringer «Les communistes ont une lumière dans l’œil que les autres n’ont pas»

boringher.jpgRichard Bohringer «Les communistes ont une lumière dans l’œil que les autres n’ont pas»

Acteur populaire, chanteur éclectique, écrivain voyageur… Richard Bohringer ressemble à John, l’un des personnages de son nouveau livre, les Nouveaux Contes de la cité perdue (Flammarion), homme libre, engagé et détaché de tout, sauf de l’amour. Un révolté avant tout, dégoûté du monde d’aujourd’hui voué au culte de l’argent, bouffi d’orgueil et de préjugés.

Votre dernier livre, les Nouveaux Contes de la cité perdue (Flammarion), commence par évoquer Jésus… puis la révolution : « Paulo et John s’étaient rencontrés en ces temps troubles. […] Paulo avait été communiste. John aussi. » On ne vous savait pas aussi engagé politiquement ?

Richard Bohringer. À gauche, vous pouvez l’écrire... Les Tunisiens m’ont filé un sacré coup d’énergie alors que j’écrivais ce livre. Je voulais évoquer le parcours des gens qui s’indignent, se rebellent, n’acceptent pas. Cela va de Kerouac, qui prend la route à vingt ans, parfois naïvement, aux jeunes Tunisiens qui risquent leur vie pour changer le monde. Leur monde... Ils sont enthousiastes et utopiques. Ils se battent pour être libres. Je ne pouvais pas écrire ce livre sans évoquer ces peuples courageux de la Méditerranée...

Vous les appelez « le clan des affamés » 
et vous ajoutez : « Les gens étaient perdus, 
avec des promesses pas tenues... »

Richard Bohringer. Oui, c’est ça : le clan des affamés. Des bafoués dont on se moque… C’est pour ça que je cite Lumumba et Sankara, les deux leaders africains assassinés qui ont voulu plus de justice dans leurs pays. Ils ont connu le sort du commandant Massoud… S’il avait été accueilli par la grande porte, le sort de l’Afghanistan aurait été différent, c’est certain. Ce chaos interminable... Je ne m’adresse pas aux soi-disant élites quand j’écris. Mais aux gens comme moi, qui n’ont peut-être pas eu ma chance. S’ils s’y retrouvent, tant mieux. Je fais souvent des séances de dédicace où je constate qu’ils ont envie qu’on parle en leur nom. C’est souvent gênant, parce que je ne suis pas aussi bien qu’ils le croient… Ce n’est pas parce que tu es connu que tu n’es plus un citoyen lambda. Je suis comme les autres. La seule différence, c’est que j’ai la chance de faire un métier qui me passionne et de gagner ma vie avec. Je ne me lève pas à 6 heures du mat’ pour faire deux heures de transport et gagner à peine de quoi survivre… Je ne suis pas démago en disant ça : je suis et resterai de ce côté-là. Du côté des exploités, quoi. Du milieu d’où je viens… Moi aussi je m’inquiète pour mes enfants. L’avenir, c’est eux.

Tout au long de votre récit, vous évoquez 
Jack London, auteur de Martin Eden… 
En quoi vous inspire-t-il ?

martin eden-jack london.jpgRichard Bohringer. C’est sa manière de transcrire l’émotion et la vie. Je crois qu’il y a la littérature américaine avant Jack London et après… Je sais bien que je n’aurai jamais son génie, mais c’est lui qui m’a autorisé à écrire. Je n’ai pas été longtemps à l’école, mais comme Martin Eden, j’ai commencé en autodidacte. Et n’oublions pas que c’est un témoin socialiste de son époque. Les communistes lisaient tous Jack London… Les jeunes gens un peu trop mous à l’intérieur, à mon goût, en France, devraient lire. Martin Eden, c’est un livre de conquête, c’est un chef-d’œuvre orgueilleux, sur la résistance d’un homme au destin aventureux. London était une sorte de génie… Le jour où je me suis rendu compte que je n’avais que du talent, j’ai été soulagé finalement, tout est devenu plus simple. À mes débuts, j’étais dans l’attente du génie. Mes amis d’alors me disaient que j’avais quelque chose, du swing dans mes mots : j’y ai cru, alors j’ai écrit, du théâtre… Je sais que je n’écrirai pas de chef-d’œuvre, mais j’écris.

À quel âge avez-vous commencé ?

Richard Bohringer. À vingt ans… Zorglub et les girafes, ma pièce de théâtre, a été joué très tôt, en 1966. J’ai commencé à écrire comme un musicien de jazz improvise. Sans plan. Je me laisse inspirer par l’actualité. Ma phrase devait bien sonner. Après, je me suis intéressé à la syntaxe, à la grammaire, etc. J’écrivais mes phrases comme des solos de be-bop, ou des riffs de guitare de blues. Je viens du be-bop. L’époque des beatniks… J’aime les mots pour leur beauté et leur sonorité.

Que faites-vous en ce moment ? On vous voit moins au cinéma…

Richard Bohringer. Je cherche mes racines… Je réapprends le créole, par exemple. Je suis en train de découvrir des zones mystérieuses dans mon passé, ma généalogie. Ma grand-mère me disait que j’avais du sang maure ! Arabish, elle disait. Ce qui expliquerait pourquoi je suis tellement attiré par l’Afrique et La Réunion, où je suis tout le temps fourré, malgré toutes les complications que cela implique… Ils ont été tellement trahis, exploités, là-bas, qu’il faut savoir se faire accepter avec patience. Il y a un énorme décalage entre l’Occident et l’Afrique. Sinon, j’écris, vous voyez, et je continue à chanter, en tournée, seul, a cappella, tradition orale, je parle, comme un griot… blanc ! Je fais des lectures, je dédicace mes livres, et j’ai un beau projet pour la rentrée au cinéma. Le premier film d’une actrice qui s’appelle Hélène Vaissière, avec Laetitia Casta et Benoît Poelvoorde. Je serai le mari de la sublime Laetitia Casta. Je suis heureux de la façon dont ça s’est décidé… dans la joie : un beau cadeau.

Vous évoquez le bar du Bout du monde, 
et les amis qui vous manquent : 
Philippe Léotard, Roland Blanche, 
Bernard-Pierre Donnadieu et Bernard Giraudeau, qui viennent de nous quitter. L’amitié tient une grande place dans votre vie...

Richard Bohringer. Oui, mais pas forcément au bistrot, comme certains semblent encore le croire… Je ne bois plus depuis plus de dix ans ! Tous ces mecs m’ont appris beaucoup de choses. Comme dans les bars, d’ailleurs… Le type du bout du zinc qui vous parle enfin, après des jours et des jours de silence face à un verre : c’est le destin d’un homme qui est comme un présent somptueux. Il se lâche dans l’ivresse et tu découvres que c’est l’amour, la mort, la vie qui a fait que… Je ne le cite pas, mais j’ai souvent fait la fête avec Belmondo ! Il m’appelait le « fils de Levigan ». C’était l’époque de Blondin, l’Humeur vagabonde, les verres de contact… Jean-Paul était le casting parfait pour Un singe en hiver ! C’était un poète, il partait en ivresse, il était drôle, sympa, une crème. Un homme bon et modeste. Il était temps que le Festival de Cannes lui rende hommage. Jean-Paul, c’est pas « mon cul sur la commode », n’oublions pas que c’est non seulement À bout de souffle, mais aussi Léon Morin, prêtre, Pierrot le Fou, etc.

Dans votre livre, John dit qu’il a flingué 
sa carrière tout seul… Comme il est votre double, c’est ce que vous pensez de la vôtre ?

Richard Bohringer. Oui. J’ai ma part de responsabilité. L’époque a changé. Ce ne sont plus les mêmes à la tête des boîtes de production : on m’a mis l’étiquette d’ingérable, caractériel, comme Bernard-Pierre Donnadieu, qui était un acteur formidable, un homme intègre. J’ai arrêté de boire parce que c’était mauvais pour ma santé mentale. Cette belle fleur vénéneuse complote avec la folie… Sur les plateaux de ciné, lorsque j’étais au cul du camion, c’était pas seulement pour boire des pastis avec les machinos, c’était parce que je viens de là et que leur avis sur mon jeu était parfois plus pertinent que celui du réalisateur, qui ne savait pas ce qu’il voulait. Je reconnais que c’était pas fastoche de tourner avec moi à une certaine époque, mais quand tu vois un réalisateur ne sait pas où mettre sa caméra, que tu ne seras pas dirigé parce que tu vois dans son œil une fragilité de gallinacé, eh bien ça ne se passe pas bien. Pas de problème avec Peter Greenaway, alors que le tournage était difficile.

Vous avez vraiment la double nationalité 
franco-sénégalaise ?

Richard Bohringer. Je ne suis jamais allé chercher les papiers… J’ai fait ça pour le geste symbolique : une main blanche dans une main noire pour la vie ! Respect et style… Plus mon immense admiration pour le continent africain. Quand tu descends vers l’empire du Mali… La Terranga du Sénégal, c’est fort, mythique, mystique : le berger peul, il est à la verticale du prophète, sous le soleil, avec ses bêtes… Ses uniques compagnons, avec Dieu. Sous 45° de soleil le jour et – 2 la nuit… Va lui parler d’autre chose que de son Dieu ! Mais, là-bas, si tu ne veux pas prier, tu ne pries pas… Personne ne va te faire ch… Tu veux prier, tu pries, personne te fera ch… Je ne dis pas que c’est le paradis, mais l’Afrique c’est prenant. J’y vais par période.

Vous avez eu aussi 
votre période réunionnaise…

Richard Bohringer. Oui, une île très marquée politiquement par le Parti communiste. J’y ai chanté avec le groupe Zizkakan et mon ami Gilbert Pounia, là-bas… La moitié de la population de l’île est au RMI, faut pas l’oublier. Les niches communistes y restent rayonnantes. C’est toujours agréable de partager une mangeaille avec des communistes… Je suis parfois allé déjeuner au siège de l’Huma, à Saint-Denis. Je le lis de temps en temps… Les communistes ont une lumière dans l’œil que les autres non pas, comme à la Fête de l’Humanité, où je ne suis pas retourné depuis longtemps. C’est l’utopie qui est intéressante.

Comment John – vous-même – 
s’est-il mis à la politique ?

Richard Bohringer. Rhhaaaa, il sait bien qu’il ne s’est pas assez engagé, John… Il s’est perdu dans sa tourmente romanesque. C’est sur le tard qu’il se rend compte qu’il a toujours été de ce côté-là, mais il n’a pas laissé fleurir ses velléités révolutionnaires. Moi-même, je n’ai jamais milité mais j’ai eu de nombreux amis communistes. En ce moment, on ne sait plus où on en est.

Que pense le citoyen 
de la future élection présidentielle ?

Richard Bohringer. Je crains surtout le rassemblement de la droite. Parti comme c’est parti, la gauche est mal barrée… Mélenchon et le Front de gauche m’intéressent. S’ils font un gros pack d’avants, comme au rugby, on a des chances… Il faut que la vraie gauche réexiste. Que ce soit un poids que la gauche socialo-écologiste soit obligée de prendre en compte. Les écolos recommencent à dérailler. Moi j’aime bien la manière franche et claire du parler de Daniel Cohn-Bendit. On comprend ce qu’il dit. De toute façon, je voterai à gauche et je dis qu’il n’y a pas de vote inutile… Je me refuse à l’abstention. C’est à nous de régler nos comptes. J’attends que ce soit un peu plus clair…

Biographie express

Né en janvier 1942 (soixante-neuf ans), à Moulins, Richard Bohringer est comédien. Son mentor 
fut Antoine Blondin, auteur de l’Humeur vagabonde. César du meilleur acteur pour son rôle dans 
le Grand Chemin (1984), il reçoit le césar du second 
rôle pour l’Addition (1985). À ce jour, il a joué dans 
120 films et 50 téléfilms. Son livre, C’est beau 
une ville la nuit (1988) a été un best-seller et se vend encore. Il a publié depuis le Bord intime des rivières (1994), l’Ultime Conviction du désir (2005), Carnets 
du Sénégal (2007), Bouts lambeaux (2008). 
ll a également publié chez Flammarion : Zorglub et les Girafes (2009) et Traîne pas sous la pluie (2010). Puis les Nouveaux Contes de la cité perdue, qui s’est déjà vendu à 10 000 exemplaires.

Entretien réalisé par Guillaume Chérel pour l'Humanité

 

12:37 Publié dans Cinéma, Connaissances, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : richard bohringer, communiste | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

17/07/2011

POLICE : GRANDEUR ET DECADENCE

police0001.jpg

"Des résultats peu éclairants sur l'efficacité des services", "une toujours faible présence (des forces de sécurité) sur la voie publique" et une mauvaise répartition en fonction des réels besoins sur le terrain, "des réformes difficiles souvent inabouties", "une efficacité encore à évaluer" de la vidéosurveillance... Voilà quelques-unes des conclusions du rapport consacré à L'organisation et la gestion des forces de sécurité publique rendu public par la Cour des comptes ce jeudi (cliquez ici pour la synthèse du rapport) Une étude au "karsher" à l'encontre de toute la politique sécuritaire prônée et mise en place par Nicolas Sarkozy depuis 2002, en tant que ministre de l'Intérieur puis comme président de la République.

Dans ce rapport de 250 pages, la Cour des comptes dit avoir mené une enquête dans une cinquantaine de villes d'Ile-de-France, Rhône-Alpes ou Paca. Elle passe au crible les forces de sécurité publique (SP), celles étant dans la rue, le gros des troupes de la police et de la gendarmerie (80.000 fonctionnaires chacune). Voici quelques-uns de ces chiffres les plus croustillants:

Les chiffres maquillés des effectifs

-5,3%. Compte tenu de la forte baisse des adjoints de sécurité (ADS), "l'effectif total de policiers a reculé" de 5,3% sur 2003-2010. Voilà les vrais chiffres et les vrais effets de la Révision générale des politiques publiques.

+ 3,1% des effectifs de policiers sur le "Grand Paris" sur la période 2006-2009. Super! Sauf que cette augmentation est "due au regroupement des agents de surveillance de Paris (ASP, les ex-pervenches), qui n'ont pas le statut de policier".

gestion, vous avez dit gestion?

+80% d'heures supplémentaires en six ans dans la police. Voilà le symbole des méfaits de la Révision générale des politiques publiques prônées par Sarkozy. Moins de personnels pour toujours plus d'objectifs à atteindre. Durée annuelle de travail des policiers en 2007: 1.500 heures environ, 1.800 dans la gendarmerie.

Les statistiques bidons de la délinquance

Du simple au double: les gendarmes sont confrontés à un taux de délinquance "deux fois plus faible" que les policiers dans les Alpes-Maritimes. De quoi avoir de sérieux doutes sur les statistiques fournies par le ministère de l'Intérieur. La Cour des comptes note par ailleurs que l'outil officiel des statistiques de la délinquance présente "des lacunes et des imperfections". Les faits "ne correspondent qu'à une partie de la délinquance" et "l'augmentation de 52% des infractions relevées par l'action des services (IRAS) a été due aux 3/4 aux infractions liées au stupéfiants". (à lire: "Quand on les donne en pâture, les chiffres de la délinquance brouillent l'esprit", par Véronique Goaziou, sociologue et philosophe)

Inégalités territoriales

155 agents, en 2009, sont effectivement présents dans la rue dans le Rhône, contre 31 dans les Yvelines, malgré un nombre d'habitants comparable.

Moins d'1 policier pour 500 habitants: c'est la situation que vivent plusieurs villes d'Ile-de-France qui affichent pourtant un taux de délinquance élevé. La plus forte densité de policiers est en revanche constatée "dans de petites villes". Mende, Privas ou Guéret ont ainsi un policier pour 200 habitants malgré une délinquance faible.

8,5 ans: c'est la moyenne de l'ancienneté des policiers en Seine-Saint-Denis, département sensible qui aurait pourtant mérité de profiter des agents les plus expérimentés. En Ile-de-France (IDF), une forte proportion de policiers dans la rue sont des "débutants qui restent peu longtemps", note la Cour des comptes. Au lieu de 16 ans au plan national, l'ancienneté moyenne est de 10,4 ans en IDF.

Très chères vidéosurveillance et polices municipales

28.300 agents de police municipale (PM) en France, au poids "grandissant", comptabilisés par le rapport soit "11% des effectifs cumulés" police/gendarmerie.Face au manque d'effectifs dans la police et la gendarmerie nationales, les communes se rabattent sur une police municipale qu'elles payent. Mais les villes n'ont pas toutes les mêmes moyens à allouer: 0,8% du budget de Vitry-sur-Seine en région parisienne (1,5 million d'euros), 7% à Cannes (25,7 M) deux fois plus que Lyon (21,8 M) "au regard de son budget". (à lire: Le syndicat qui veut armer tous les ppoliciers municipaux)

90%, c'est la proportion de communes des Alpes-Maritimes équipées de caméras de vidéosurveillance. A rapporter aux 7% des communes de Seine-et-Marne sont équipées de caméras, contre plus de 90% dans les Alpes-Maritimes. A Cluses (Haute-Savoie), le maire a chargé une société privée de visionner les écrans "en infraction avec la loi". Coût annuel d'exploitation d'une caméra : 3.000 euros à Cannes, près de 20.000 euros à Saint-Fons (Rhône).

Publié par l'Humanité