Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/04/2014

Le risque de pauvreté s'est "accru" pour les "mères célibataires"

	pauvreté, inégalités, secours populaire, égalité hommes femmesSelon une enquête du Secours populaire français (SPF), six mères célibataires sur dix disent avoir rencontré des" difficultés financières importantes" pour assurer leurs dépenses de logement et d'alimentation au cours des douze derniers mois.

"La pauvreté se fabrique d'abord au féminin", alerte l'association dans son dossier sur la précarité des Français. 41% des Français interrogés ont par ailleurs affirmé avoir déjà connu une situation de pauvreté, un chiffre en hausse de 4 points en un an et de 11 points par rapport à 2007.

Les premières victimes sont les femmes et plus particulièrement les mères seules, 62% d’entre-elles ont confié avoir rencontré des difficultés à se procurer une alimentation saine et équilibrée (37% pour l'ensemble des personnes interrogées) et 61% pour payer leur loyer, un emprunt immobilier ou les charges de leur logement (36% pour l'ensemble). Selon le SPF, le risque de pauvreté est "accru" pour les mères qui élèvent seules leurs enfants (quatre familles monoparentales sur cinq sont dirigées par des femmes) et "les victimes de la pauvreté sont majoritairement des femmes (56%)".

Lutter contre les inégalités de salaire

Près de la moitié des personnes interrogées (48%) estime que la lutte contre les inégalités de salaire entre les hommes et les femmes est une priorité pour éviter que les femmes ne connaissent une situation de précarité. Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, a présenté en juillet un projet de loi proposant un éventail de mesures pour combattre les inégalités, allant de l'égalité professionnelle à la mise en place d'une garantie pour les impayés de pensions alimentaires.

Inquiétudes dans tous les milieux sociaux

"En 2013, la pauvreté en France a progressé de façon implacable", alerte l'association de lutte contre la précarité. "L'enlisement dans la crise accroit ainsi la proportion de populations fragilisées et suscite des inquiétudes dans tous les milieux sociaux", ajoute-t-elle. Le sondage a été réalisé sur internet en juillet auprès d'un échantillon représentatif de la population française composé de 849 personnes (405 hommes et 444 femmes dont 169 mères célibataires de 15 ans et plus).

Article publié par l'Humanité

02/04/2014

La fiscalité pour partager les richesses créées

Payer l’impôt est un acte citoyen. Mais en raison de la pression des patrons et des libéraux, les erreurs du gouvernement, la faiblesse du pouvoir d’achat, les gens le considèrent comme une charge inadmissible.

Les mauvais choix des gouvernements successifs ont rendu le système, au fil du temps, de plus en plus incompréhensible, de plus en plus injuste. Loin d’être une charge inadmissible, l’impôt nous fait surtout beaucoup de bien tout au long de notre vie.

Sans lui, par exemple, l’Etat n’aurait pas les moyens d’assurer la sécurité, la santé, l’éducation, les routes et autres infrastructures, l’accès à la culture. En s’attaquant aux impôts, les patrons et les libéraux veulent en fait privatiser les services publics.

L’impôt permet le vivre ensemble et au plus grand nombre de vivre dignement en finançant les politiques publiques et les services publics qui sont eux même source de développement économique et créateurs de richesse. Loin de vouloir nous « en débarrasser » comme certains le revendiquent, faisons d’abord la clarté. Ce petit glossaire peut nous y aider.

L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu est le prélèvement le plus « visible ». Nous déclarons nos revenus, nous recevons un avis d’imposition et acquittons cet impôt. L’impôt sur le revenu est progressif (le taux d’imposition augmente d’autant plus que les revenus sont importants) c’est pourquoi il est aussi le mode d’imposition le plus juste. Il représente pourtant moins d’un quart des recettes fiscales. La moitié des contribuables ne paient pas cet impôt surtout faute de revenu suffisant.

Les plus riches contribuent de moins en moins par rapport à l’ensemble de la population. Ils ont aussi été les grands gagnants des réformes de l’impôt sur le revenu surtout mises en place sous Sarkozy. Ils ont notamment bénéficié d’une explosion des niches fiscales et d’une baisse des taux d’imposition. Le taux maximum était de 65% en 1983. Il est, en 2013, de 45%. Bien informés par leurs « conseillers fiscaux », les plus aisés accaparent la majorité de ces aides publiques. 62% des niches fiscales sont utilisées par les 10% les plus riches.

Pour qu’un impôt soit juste, il doit permettre à chacun de contribuer à hauteur de ses moyens. L’impôt sur le revenu est construit afin de répondre à ce critère. Durant les trente dernières années, le montant collecté a été largement réduit au profit de taxes comme la TVA.

Réhabilitons l’impôt sur le revenu : en limitant drastiquement les déductions fiscales à celles ayant démontré une efficacité sociale ou économique ; en augmentant le nombre de tranches et les taux d’imposition afin que chacun contribue à hauteur de ses moyens ; en taxant davantage les revenus du capital.

La TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et les impôts indirects

On dit que la moitié de la population ne paient pas d’impôt. C’est faux : tous le monde paie l’impôt à partir du moment elle ou il consomme. Seulement, il s’agit d’un impôt invisible, indirect.

La France a fait le choix historique de structurer ses prélèvements fiscaux à partir de la fiscalité indirecte : La TVA, la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers), certaines taxes à caractère environnemental ou budgétaire de consommation d’énergie fossile.

La taxe sur la valeur ajoutée ou TVA est un impôt indirect sur la consommation. Le montant de la taxe est proportionnel au prix de vente hors taxe. Ainsi les vendeurs ou prestataires de services jouent en fait auprès de leurs clients le rôle de collecteur d’impôt pour le compte de l’État, sans que cette charge ne les touche personnellement.

Payée par les « consommateurs » elle est particulièrement injuste puisqu’elle pèse beaucoup plus lourd dans le budget des ménages les plus modestes. Cependant, elle paraît indolore. Qui se soucie vraiment de l’impôt qu’il paye à chaque fois qu’il passe à la caisse du supermarché ? En effet, cette taxe se substitue durant les trente dernières années à l’impôt sur le revenu.

Réduisons le poids de la TVA : en supprimant la TVA sur les produits de première nécessité ; en baissant le taux normal de la TVA à 15 % ;

La Taxe d’Habitation et la Taxe Foncière

Pour obtenir le montant de la taxe d’habitation, on multiplie ce que l’on appelle « la valeur locative cadastrale » (valeur locative foncière), c’est-à-dire ce que rapporterait sur un an l’habitation si elle était mise en location, par les taux d’impositions votés par les communes. Ce montant peut être diminué de certains allègements notamment en raison de conditions d’âge ou d’infirmité.

Le montant de la valeur locative de notre habitation est le résultat d’un calcul complexe. Il tient compte de la superficie du logement, des éléments de confort (nombre de salles de bain par exemple), de l’état de l’immeuble, de l’attractivité de sa situation géographique. Sur le principe, la méthode est bonne. Seulement, aucune révision de ces valeurs locatives n’a été effectuée depuis 1970. Résultat, elles sont très souvent largement surévaluées dans les immeubles construits dans les années 1970 en périphérie des villes par rapport à ceux des vieux quartiers de centre-ville maintenant réhabilités et, par conséquent, sous évalués.

Se contenter d’une révision des valeurs locatives n’est pas suffisant. En effet, les valeurs locatives sont globalement très inférieures à la réalité du marché et au final leur revalorisation pourrait faire doubler ou tripler le montant de la taxe d’habitation. Cela accentuerait encore d’avantage les inégalités, réservant les logements les plus agréables aux plus riches et reléguant les autres encore plus loin de leur lieu de travail dans des logements encore plus exigus et inconfortables.

Transformons les Taxe d’habitation et Taxe Foncière : en révisant les critères de calcul de cette taxe (ceux-ci sont basés sur des éléments datant de 1970) ; en prenant en compte les revenus des occupants et la réalité de l’habitat dans le calcul de la taxe. En modulant les taux de la taxe foncière en fonction de l’usage de la propriété.

La fiscalité des entreprises

L’Impôt sur les sociétés

A entendre les patrons, les entreprises sont asphyxiées par l’impôt sur les sociétés. Pourtant, le montant de cet impôt est un quart de la TVA : 36 mds € dans le budget 2014, contre 140 mds € de TVA et 75 mds d’impôt sur le revenu.

Le taux de l’impôt sur les sociétés a régulièrement baissé. Il s’établit actuellement à 34 %. En réalité, ce taux est beaucoup plus faible. En particulier, le taux réel d’imposition des grandes entreprises est de l’ordre de 8%. En effet, la loi permet aux grandes entreprises d’afficher leurs bénéfices dans les pays où le taux d’impôt sur les sociétés est plus faible. C’est ce qu’on appelle « optimisation fiscale ».
De plus, les entreprises reçoivent beaucoup d’aides de l’Etat et des collectivités territoriales. Il faut comparer l’impôt sur les sociétés aux 200 mds€ d’aide accordées entreprises.

La fiscalité locale des entreprises

Les évolutions récentes en matière de fiscalité locale ont largement mis en danger les finances des collectivités. Elles ont principalement eu pour conséquence d’alléger la pression fiscale sur les entreprises et cela notamment à l’occasion du remplacement de la Taxe professionnelle (TP) par la Contribution économique territoriale (CET).

Ces dernières années, les collectivités se sont vu attribuer de nouvelles compétences sans pour autant recevoir les transferts financiers correspondants. En 2014 et 2015, la dotation de l’État sera même, chaque année, réduite de 1,5 milliards d’euros.

Les conséquences sont graves. Les collectivités n’ont d’autre choix que de se tourner vers les ménages ! À l’heure actuelle, les collectivités locales n’ont, en effet, quasiment plus aucun moyen de modifier le niveau de prélèvement sur les entreprises. Ce sont donc les particuliers, parfois les plus modestes, qui mettent la main à la poche pour financer les allègements consentis aux entreprises. Malgré tout, cela ne garantit pas un niveau de financement suffisant pour le maintien de services publics de qualité.

Luttons efficacement contre l’évasion et la fraude fiscale

La fraude fiscale et les paradis fiscaux sont désormais dans le collimateur de l’Union européenne et des grandes puissances économiques. En France, nous en sommes au neuvième rapport parlementaire en quinze ans sur le sujet.Les avoirs détenus dans les paradis fiscaux sont estimés entre 20000 et 30000 milliards d’euros. Le montant annuel de la fraude dans l’Union européenne était estimé en septembre dernier à 1000 milliards d’euros par le Parlement européen. Aujourd’hui, la Commission européenne l’évalue à 2000 milliards d’euros, soit l’équivalent du PIB de la France… L’énormité des sommes montre l’importance de l’enjeu. En France les estimations varient mais elles vont jusqu’à 80 milliards d’euros par an.

L’absence d’harmonisation européenne en matière de fiscalité, l’absence également de coopérations au niveau mondial, de même que la déréglementation des économies expliquent essentiellement l’évasion fiscale. Le durcissement de la législation doit s’entendre au niveau international et au minimum au niveau européen.

Faisons de la fiscalité des entreprises un moteur pour l’économie et le progrès social : en modulant le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’utilisation des bénéfices afin de favoriser l’emploi, les salaires, la recherche, la préservation de l’environnement, etc. ; en subsistant à l’actuel CET une nouvelle fiscalité locale à destination des professionnels modulable en fonction de la politique des entreprises en terme d’emploi, de salaires, d’investissements, de formation et de l’environnement... Il est également essentiel que ce nouvel impôt, remplaçant la CET, soit établi sur des règles communes à l’échelon national afin de ne pas entraîner un dumping fiscal entre les territoires qui serait catastrophique pour les populations en luttant contre les paradis fiscaux et en harmonisant les législations fiscales au niveau européen ; en taxant véritablement les transactions financières.

Les propositions CGT sont parfaitement réalistes. Elles concourent à l’efficacité économique en dégageant des recettes supplémentaires et à la justice sociale en faisant peser une fiscalité moins lourde sur la majorité de la population. Elles impliquent toutefois la volonté politique de rompre avec les choix précédents qui ont eu pour conséquences l’augmentation des inégalités et l’aggravation de la crise économique et sociale.

12:23 Publié dans Actualités, Economie, Point de vue, TV E-MOSAIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fiscalité, impôts, cgt | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

14/03/2014

« Un cadeau au Medef, et sans contrepartie »

gouvernement.jpg

Pour l’économiste Gilles Raveaud, le pacte de responsabilité coûte très cher, profite surtout au patronat, n’est pas adapté aux réalités de l’entreprise et ne répond pas aux exigences sociales.

Enseignant à l’université Paris VIII-Saint-Denis et collaborateur régulier d’Alternatives Economiques, Gilles Raveaud est aussi membre de l’association des « Économistes atterrés ». Il dénonce avec véhémence le bien-fondé du pacte de responsabilité.

Le Pacte de responsabilité est le projet de réforme phare de François Hollande. Il semble y croire dur comme fer...

On a effectivement un gouvernement de gauche qui est absolument convaincu, je parle d’un point de vue intellectuel, par le fait que dans le contexte actuel il n’y aurait pas d’autre stratégie économique possible que celle visant à suivre celle de l’Allemagne. Avec une très forte baisse du coût du travail, qui a abouti là-bas à un système de déréglementation libérale très fort du marché du travail, accompagné de baisses des cotisations sociales, avec des réductions des droits des chômeurs, avec la création d’emplois très mal payés. Je pense que notre gouvernement est convaincu que de toutes les façons on ne peut pas faire autrement et que baisser le coût du travail est le meilleur moyen de défendre l’emploi. Et que, comme lutter contre le chômage est la priorité numéro 1, ça justifie cette politique.

En dehors de ces constations sur l’exemple allemand, que reprochez vous au projet ?

Le premier argument que l’on peut rappeler c’est que le coût du travail n’est pas le premier coût de production des entreprises. Dans le débat politique tel qu’il est structuré, on a l’impression qu’il n’y a que des entreprises de main d’œuvre ! Comme si on était en Chine avec ses ateliers textile, où le premier coût de production est précisément la main d’œuvre. En fait non. En France, c’est loin d’être le cas. Avec une estimation plus ou moins haute, le coût du travail, y compris avec les cotisations sociales, etc., c’est 25% du coût de production. Donc quand on se plie à réduire le coût du travail comme on le fait-là, les réductions proposées se réduisent à quelques bribes du vrai coût de production des entreprises. Ce serait vraiment maigre. On arriverait à 2 ou 3% [de baisse du coût de production, ndlr]. L’effet du pacte, qui coûte très cher, est forcément limité. Ensuite, même si on est vraiment dans la logique du gouvernement, il ne faudrait cibler les mesures que sur les entreprises qui sont confrontées à la concurrence européenne et internationale. Mais baisser les charges pour tout le monde, ça n’a pas de sens. Il faudrait le faire pour les seules entreprises exportatrices et donc réfléchir à d’autres méthodes. On ne pourrait pas y parvenir sur les cotisations sociales puisque l’on toucherait alors certaines entreprises et pas d’autres. Il faudrait donc avoir recours à d’autres mécanismes comme les primes à l’exportation ou apporter des crédits à taux zéro qui ciblent directement ces entreprises. Ce serait aller dans le bon sens de la restructuration des filières qui exportent plutôt que de prendre une mesure générale. Enfin, c’est ahurissant de faire ce genre de cadeau sans contrepartie ! C’est comme l’avait fait le gouvernement précédent avec la baisse de la TVA dans la restauration... sans rien demander en retour aux restaurants, ce qui avait coûté très cher pour des effets minimes sur l’emploi.

En dehors du Medef, qui semble en position de force, les partenaires sociaux ont-ils du mal à structurer leur action contre les effets nocifs du pacte ?

Je crois que la difficulté est là : comme nous avons derrière nous trois décennies de chômage de masse, toute la question du dialogue social est devenue complètement déséquilibrée. On se retrouve en plus avec un acteur très fort et structuré, qui est le Medef. Au demeurant, il représente très mal les employeurs puisqu’il y a des composantes très variées au sein du patronat et qui sont très mal représentées et complètement écrasées par la domination du Medef. Celui-ci représente un nombre limité d’entreprises. Quand on rajoute à ça les divergences stratégiques et politiques des syndicats français, on en arrive à une situation où il est même exagéré de parler de dialogue social. Et finalement, en face du Medef, il n’y a plus personne, pas vraiment d’acteur structuré capable d’apporter réellement la contradiction.

A entendre vos critiques, le projet est tout sauf un projet de gauche... Où est l’alternative ?

C’est le grand drame de la présidence Hollande. Nous avions des jeunes gens qui dansaient place de la Bastille le soir de son élection comme le 10 mai 81, en disant « grâce à Hollande on va faire reculer le chômage » et à l’inverse on a un gouvernement qui mène une politique de réduction des politiques budgétaires, qui a accru le chômage… Non seulement on a pas remis en cause la politique précédente mais encore on l’a aggravée. Effectivement, dans l’imaginaire et dans le discours politique, on n’a pour le coup aucune espèce d’imagination, d’invention ou d’inventivité qui permettrait d’imaginer un autre futur que celui qu’on nous réserve actuellement. Et qui est glauque. Alors qu’il avait lui-même, Hollande, évoqué cette piste qui était celle de la remise en cause de la finance. Alors que c’est effectivement le problème économique majeur ! Si on analyse les choses froidement, en absence de tout calcul politique, pourquoi le gouvernement s’est-il refusé à nationaliser les banques ? Nous avons un secteur financier qui est complètement délirant, qui n’est pas au service de la société, pourquoi ne pas le nationaliser ? L’autre voie, la voie keynésienne, est celle des grands travaux. Rien n’a été fait dans ce sens non plus, notamment avec les autres partis européen, pour lancer des programmes de ce type. Pourquoi n’a-t-on pas porté la contradiction publiquement, en disant à Angela Merkel : « l’Europe est en train de crever sous le chômage, les salaires stagnent, la consommation est en baisse, il faut absolument une politique de relance » ? Ce débat sur la politique de relance, il a duré quinze jours et François Hollande s’est immédiatement rallié à la position allemande avec la fameuse blague du « pacte de croissance », qui n’a jamais existé. Une troisième voie, complémentaire aux autres, est celle de la transition écologique. Nos économies ne sont pas soutenables il faut donc organiser des modes de production, de distribution, de consommation qui soient tout à fait différents. Et le marché ne peut pas faire ça. Il n’y a que l’État qui peut agir.

Entretien réalisé par Claude Gauthier

26/02/2014

Lutter pour prendre la tête de la Commission européenne et renverser l’austérité » par Alexis Tsipras

alexis tsispras,élections,députés,europe

Président du parti grec Syriza, candidat à la présidence de la Commission Européenne.

Entretien réalisé par Fabien Perrier et publié sur l’Humanité du Dimanche

Pour la première fois, lors du scrutin européen de mai 2014, les électeurs voteront à la fois pour le député d’un parti et pour le candidat de ce parti à la présidence de la Commission européenne. Alexis Tsipras sera celui de la Gauche européenne. Il entend porter, sur leur terrain, le combat politique face aux sociaux-démocrates et aux libéraux qui ont condamné les peuples européens à l’appauvrissement. Lui prône une redistribution radicale des richesses et l’annulation d’une partie des dettes publiques. Comment compte-t-il convaincre que cette alternative est la seule possible ?

HD. Quel sera votre principal défi pour 2014 ?

Alexis Tsipras. Le premier défi est de renverser la politique d’austérité. Nous devons élaborer une sortie de crise favorable à la société et aux populations. Il faut donc annuler une part de la dette des pays, du sud de l’Europe essentiellement, et restructurer la part restante ; il faut financer des politiques de développement, celles qui créent de l’emploi à condition qu’il soit sécurisé et non précaire. Ces points centraux de la politique anti-austérité, il faut les appliquer avec le soutien de toute la société. Les partis traditionnels qui se sont partagé le pouvoir sont ceux qui ont créé les problèmes et ont conduit l’Europe dans sa crise actuelle. Quant aux idées de l’extrême-droite, elles mènent droit à la fin de la démocratie et à l’effondrement de la civilisation. En réalité, les peuples d’Europe sont en danger, la démocratie elle-même est en danger. Le néolibéralisme est une menace pour les peuples d’Europe. Et nous sommes la seule vraie alternative.

HD. Vous serez le candidat de la Gauche européenne à la présidence de la Commission européenne. Comment cette candidature vous permettra-t-elle de réaliser ce défi ?

A.T. Pour la première fois, la vraie gauche mènera la lutte sur le même terrain que les forces auxquelles elle s’oppose. Elle sera au cœur d’une bataille où, jusqu’à maintenant, ces forces tiraient profit d’être les seuls protagonistes. Nous avons donc décidé d’utiliser ce moyen qu’est la candidature à la présidence de la Commission pour défendre nos positions. Nous sommes les seuls qui exprimeront une alternative par rapport au néolibéralisme. C’est une occasion à saisir. Et quand bien même nous serions considérés comme outsiders dans cette bataille, nous pousserons cet avantage : nos opposants sont les tenants d’un système qui a failli, ils appartiennent à un système qui ne peut plus recueillir la confiance des peuples.

HD. Quel est l’état de la Grèce aujourd’hui, à l’heure où le pays prend la présidence de l’UE ?

A.T. Ce que nous vivons actuellement en Grèce revêt le visage le plus barbare que nous ayons connu depuis la guerre. C’est une tache qui ternit la civilisation européenne. Il est inacceptable d’avoir 30% de chômage officiel, et même 60% chez les jeunes ! Inacceptable que plus de 2 millions de gens vivent sous le seuil de pauvreté, ne puissent pas couvrir leurs besoins alimentaires vitaux ni se chauffer suffisamment. Récemment, une jeune fille est morte à Thessalonique parce que sa famille, qui n’avait pas les moyens de payer l’électricité, avait dû faire un brasier pour se chauffer. Dans Athènes comme dans les principales villes de Grèce, chaque jour, des femmes et des hommes correctement habillés fouillent les poubelles pour y trouver de la nourriture. En outre, l’ensemble du programme de prêt à la Grèce est une véritable faillite. Quand il a été lancé, la dette souveraine était à 120% du PIB ; elle est maintenant à 160%. Enfin, ce mémorandum et cette politique d’austérité, qui ont détruit la cohésion sociale, ont fait une autre victime : la démocratie. Pour nous, ces mesures barbares ne peuvent être appliquées dans le respect de la démocratie et des droits de l’homme. La Grèce est le miroir de l’échec de cette politique européenne erronée. Il faut agir urgemment. L’Europe actuelle n’a rien à voir avec l’Europe des visions communes de la solidarité et du progrès. C’est une Europe qui redistribue les richesses au profit des puissants et des riches, et la pauvreté, la misère, la douleur aux pauvres et aux faibles. Par conséquent, les élections que nous avons devant nous ne sont pas une confrontation politique conventionnelle. C’est un combat politique crucial pour refonder l’Europe et ses perspectives pour ses peuples.

HD. Dans ce cadre, quel sens donnez-vous, en tant que Grec, à votre candidature ?

A.T. Bien sûr, ma candidature porte un symbole particulier, parce qu’elle provient d’un pays qui est devenu le cobaye de la crise. Mais la guerre contre les peuples est menée sur tout le territoire européen. Et fait partout des victimes : chômeurs, SDF, travailleurs pauvres… Comme la Grèce est en première ligne dans cette bataille a émergé l’idée que je sois candidat. Mais quand j’ai accepté, j’ai dit que je ne serai pas un candidat de la Grèce, du Sud ou de la périphérie, mais un candidat de tous les peuples de l’Europe, car c’est la gauche qui soutient et lutte pour les droits des peuples, contre les intérêts des marchés financiers, des banques et des riches.

HD. Mais les Allemands, les Danois, les peuples du Nord… peuvent-ils l’entendre ?

A.T. A notre avis, les divisions ne sont pas géographiques mais politiques. Notre grand pari est de convaincre nos sociétés et les peuples du nord que leur vrai intérêt n’est pas de continuer les politiques qui sont imposées aujourd’hui et impliquent de recourir systématiquement à de nouveaux prêts. Parce qu’il y a ce cercle vicieux : austérité-récession-dettes-prêts. Nous voulons le casser. Notre but est de convaincre les peuples du nord qu’une solution pour les peuples du sud est aussi dans leur intérêt. Sinon, les pays du sud devront perpétuellement recourir aux prêts, sans que cela profite à l’économie réelle et la cohésion sociale, mais aux banques qui ont déjà failli et que nous continuons à financer. L’Europe de la cohésion sociale, de la solidarité et de la démocratie est l’affaire de tous les peuples. Seule une Europe démocratique et juste peut exister ; sinon, elle court à sa perte.

HD. Quelles sont, alors, vos propositions pour l’Europe et pour la Grèce ?

A.T. Il faut un « New Deal » pour l’avenir de l’Europe, c’est-à-dire financer par le budget européen des projets de développement, pour l’emploi et la cohésion sociale. Cela va de pair avec une redistribution radicale de la richesse au profit de ceux qui la produisent et de ceux qui en ont besoin : il faut prendre à ceux qui profitent du visage barbare des politiques menées aujourd’hui tout en les encourageant. Si, dans le passé, cette proposition semblait idéologique, elle s’impose comme une réponse aux questions existentielles de l’Europe. En ce qui concerne la Grèce, nous pensons que son avenir nécessite des réformes structurelles de la base productive. L’économie grecque doit être remise à flot avec des mesures à destination de ceux qui produisent la richesse. Quand les Grecs me demandent : « comment allez-vous trouver l’argent pour nous aider ? », je réponds : « nous n’allons pas trouver l’argent ! Nous allons soutenir ceux qui produisent les biens et la richesse, ceux qui font tourner la machine. Nous voulons soutenir les chercheurs, les forces productives, les agriculteurs… C’est une différence fondamentale avec les néolibéraux qui ne soutiennent que les marchés et les banques et non ceux qui font l’économie. »

Entretien réalisé par Fabien Perrier