24/03/2017
Pierre Laurent (PCF) : « Nous voulons la tenue d’une COP fiscale »
Dans un entretien au Quotidien, journal indépendant du Luxembourg, le secrétaire général du Parti communiste français (PCF), Pierre Laurent, plaide pour une Europe de la solidarité et dit ses espoirs d’unité de la gauche.
Le secrétaire général du PCF était vendredi 17 mars à Thionville où il a demandé à rencontrer l’OGBL pour échanger sur la problématique des frontaliers. Le sénateur de Paris, dont le parti soutient la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, s’exprime sur les scrutins à venir et la recomposition du paysage politique français.
Le Quotidien : Les frontaliers, généralement absents du débat politique en France, suscitent un intérêt accru des politiques. Pourquoi?
Pierre Laurent : Il s’agit d’une problématique montante parce que le nombre de travailleurs frontaliers grandit. C’est pour ça que nous souhaitions rencontrer les camarades de l’OGBL pour aborder cette thématique que nous voulons relayer avec plus de force.
Nous avons vu avec l’OGBL qu’il y a des enjeux importants pour préserver les droits des frontaliers car il y a des fragilités. Il y a la précarité due au recours très important à l’intérim. Les intérimaires représentent une part importante des travailleurs frontaliers du Luxembourg.
Quels sujets avez-vous abordés?
Il y a des problèmes concrets d’accès aux droits sociaux, au chômage. Il faut pousser les gouvernements à mener des discussions qui lèvent ces obstacles. Il y a aussi le problème très important des transports. Pour moi qui suis un élu parisien, il est frappant de constater que les temps de transport des frontaliers sont voisins de ceux que connaissent les Franciliens.
Il y a des enjeux importants d’investissement dans les infrastructures et cela concerne le gouvernement français. Il ne peut pas se désintéresser des conditions de vie et de travail de plus de 80 000 frontaliers, chiffre qui pourrait grimper à 120 000 dans les années à venir.
Ces problèmes renvoient aussi au sens que l’on veut donner à la construction européenne…
Dans le cadre des élections françaises, nous avons des rencontres thématiques nationales et nous en tenons une ce soir (NDLR : vendredi dernier) à Villerupt sur l’Europe. Nous voulons remettre la France à l’offensive sur ce terrain pour placer l’Europe sociale au cœur du débat. On voit que certains exploitent les difficultés sociales dans différents pays. La mise en concurrence de plus en plus de travailleurs européens pousse à des réponses de repli, de fermeture des frontières, des réponses nationalistes qui sont une impasse.
Comment éviter cette impasse?
Le moment est venu pour la France de reprendre l’initiative sur la question de l’harmonisation des droits sociaux vers le haut pour tous les travailleurs européens.
Le PCF soutient la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. Il a eu, ces dernières semaines, des mots assez durs pour le Luxembourg, en premier lieu sur la fiscalité.
L’harmonisation fiscale est un de nos combats. Nous portons, avec nos parlementaires, l’idée de mettre en place une « COP fiscale » pour lutter contre les logiques de dumping fiscal et social en Europe. L’Europe reste une zone qui produit énormément de richesses, mais une part considérable de ces richesses échappe à la construction commune, au profit des actionnaires de multinationales.
Le problème ne vient pas du fait qu’une partie des Européens auraient de la richesse et les autres n’en auraient pas. Tous les Européens sont spoliés par un système fiscal et financier qui est organisé pour capter la richesse. Il y a un intérêt commun des Européens, qu’ils soient luxembourgeois, allemands, français ou belges, de remettre la main sur ces richesses pour financer leur développement.
L’idée de l’harmonisation fiscale en Europe est parfois perçue comme un épouvantail au Luxembourg. Le comprenez-vous?
On voit que chacun peut faire miroiter l’idée qu’en se mettant à l’abri de règles communes on serait mieux protégé. C’est une erreur. Regardez comment le débat a été utilisé en Grande-Bretagne pour justifier le Brexit : on voit que les travailleurs britanniques n’ont rien à y gagner. En revanche, tout le monde a intérêt à la solidarité.
Et pourtant, c’est la peur de l’autre, qui semble dominer le débat?
La peur est utilisée de différentes manières dans les pays européens pour opposer les uns et les autres. La vérité est que la solidarité donnerait aux Européens la maîtrise des richesses créées. Il est paradoxal de constater que les dirigeants libéraux qui ont le plus le mot « Europe » à la bouche sont aussi ceux qui renoncent à la solidarité et font peur aux gens. C’est aux forces de gauche, démocratiques et progressistes de reprendre le flambeau de la construction d’une Europe de la solidarité.
Jean-Luc Mélenchon a sur ce point un discours plus radical…
Pour répondre de manière très directe, l’Europe est un sujet sur lequel nous avons parfois des positions qui ne sont pas exactement les mêmes. Notre diagnostic converge sur l’impasse des politiques d’austérité et de dérèglementation en Europe. Mais le PCF est persuadé qu’il faut y opposer une ambition solidaire.
Les travailleurs européens sont tous confrontés aux mêmes situations dans des conditions nationales qui diffèrent d’un pays à l’autre. Notre travail politique est de faire converger les intérêts. La solidarité en Europe a été délaissée par la majorité des gouvernements. Je crois qu’il ne faut pas ouvrir la porte à des logiques mettant en concurrence les peuples. C’est un engrenage que les forces les plus dangereuses pourraient exploiter.
L’Europe divise aussi les deux principaux candidats de la gauche : Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Une candidature commune est-elle définitivement exclue?
Les forces de gauche ont conscience qu’il faut rompre avec l’austérité, qu’il faut construire une ambition sociale. J’ai souhaité pendant toute l’année écoulée que ces forces convergent pour construire une candidature commune. La situation montre que cette exigence était justifiée. Mais il sera difficile d’y parvenir. En revanche, on peut continuer à faire grandir les exigences communes en vue de la construction d’une plateforme commune. Après la présidentielle, il y aura des législatives dont l’objectif doit être d’échafauder une nouvelle majorité politique, un pacte entre ces forces.
Qui serait aussi un contrepoids à l’extrême droite?
C’est indispensable face au danger de l’extrême droite, mais aussi de la droite avec des projets de plus en plus radicalisés. C’est le cas en France et dans d’autres pays européens. Je suis persuadé que la grande majorité des Français n’a pas envie de se livrer à Marine Le Pen ou à des aventures politiques aussi dangereuses.
Pourtant la tentation est là?
Beaucoup de gens n’ont pas encore décidé pour qui voter. Ils cherchent une voie nouvelle parce que les réponses des deux derniers quinquennats, celui de droite et celui de Hollande – Valls, ont fait faillite. C’est notre responsabilité d’encourager cette recherche. Les forces existent. On l’a vu dans les mobilisations sociales contre la loi travail. Tout ça n’a pas disparu des consciences en France.
Cela passe-t-il aussi par un renouveau des idées?
Des choses nouvelles se sont déclenchées. Sans cela, il n’y aurait pas eu le mouvement contre la loi travail l’an dernier. Il n’y aurait pas eu la victoire de Benoît Hamon à la primaire qui avait été justement conçue pour éviter cette réponse-là. Mais ce n’est pas facile : la présidentialisation extrême de la vie politique française, sa personnalisation, est un obstacle car les forces sont diverses et il faut construire des coalitions respectant cette diversité.
C’est pour ça qu’il faut aussi porter l’effort sur les législatives. Il y a des éléments de danger dans la situation actuelle, mais aussi des éléments de confiance.
La confiance dans les dirigeants politiques est passablement entamée auprès des électeurs et les affaires secouant la campagne électorale n’arrangent rien…
Le débat est confisqué par les affaires. Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit Benoît Hamon : la campagne électorale française est polluée par l’argent et de la pire des manières. Elle l’est parce qu’une partie du monde politique est dans un rapport devenu trop étroit avec les milieux financiers, qui sont les plus intéressés à la poursuite du système actuel. Ce conflit d’intérêts entre forces de l’argent et responsables politiques gangrène la démocratie.
Que proposez-vous pour sortir de cette situation?
Il y a un énorme problème de représentation populaire dans le système politique français. Un des enjeux des législatives est qu’il faudra à nouveau à l’Assemblée nationale des ouvriers, des employés, des professeurs des écoles, des gens qui savent ce qu’est le travail à l’hôpital. Cette population qui fait la richesse du pays n’est plus représentée, ou tellement marginalement. On a besoin de rénover les institutions politiques nationales, du sol au plafond.
La crise actuelle va-t-elle recomposer le champ politique en France?
La recomposition a déjà démarré. Elle peut déboucher sur le meilleur comme sur le pire. Elle peut être confisquée par des forces qui vont discréditer la démocratie et encourager l’avènement de régimes de plus en plus autoritaires. Ce n’est pas propre à la France : il suffit de voir ce qui se passe en Grande-Bretagne, ce qui se passe avec Erdogan, avec Trump ou dans plusieurs pays européens.
À l’inverse, cela peut aboutir à la poussée d’exigences démocratiques très fortes. Le fait que l’idée d’une VI e République grandisse en France en est le signe. Il y a donc des dangers, mais aussi des potentiels de refondation démocratique très importants. C’est la même chose partout en Europe.
Nous trouvons-nous à la croisée des chemins?
Il est frappant de voir en ce moment à quel point les élections nationales dans différents pays intéressent au-delà des frontières. Tout le monde sent qu’on est dans une période charnière. Beaucoup de regards se tournent vers la France, on retient son souffle. Le fait est qu’on est au bout de quelque chose. La construction européenne telle qu’elle a été engagée produit des crises et des chaos politiques.
En France, les deux partis qui ont dominé la vie politique nationale seraient éliminés du deuxième tour de la présidentielle. Ça veut quand même dire que ça secoue très fort dans la société.
Fabien Grasser
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04/03/2017
« Macron, c’est Tony Blair avec 20 ans de retard »
Propos recueillis pas Lola Ruscio, Humanite.fr
Frédéric Farah : Macron est vendu comme du neuf, mais ce qu’il propose est poussiéreux. Il s’inscrit dans la continuité avec la ligne social-libérale du gouvernement tout en appuyant sur l’accélérateur. On pourrait croire que la nouveauté se trouve dans sa réforme du marché du travail ou de l’assurance-chômage, mais elles sont directement inspirées du modèle anglais. Alors que l'assurance-chômage est aujourd'hui financée par les cotisations salariales et patronales, il veut que ce système soit financé par l’impôt. Ce qui va engendrer un Etat social au rabais : tout le monde va bénéficier d’un minimum chômage, mais les indemnités vont être tirées vers le bas, comme c’est le cas en Grande-Bretagne. Pareil sur l’arrêt du versement des allocations chômage en cas de refus après des offres d’emploi, elles aussi inspirées par Margaret Thatcher. Autant de mesures qui ne combattent pas le chômage, mais les chômeurs.
11:27 Publié dans Connaissances, Economie, Entretiens, Science | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : macron, présidence, économie, social, propositions | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
05/12/2016
L’OFCE pointe le gâchis du pacte de stabilité
Clotilde Mathieu, L'Humanité
La politique gouvernementale est en partie visée par l’organisme de recherche, qui prône une relance de 20 milliards d’euros afin de créer 245 000 emplois en trois ans.
Et si l’investissement public était un des leviers pour créer de l’emploi et de la croissance et retrouver le chemin d’une reprise durable ?
La réponse semble convenue, mais l’affirmation est toujours plus pertinente lorsqu’elle est appuyée par des chiffres. À court terme, une hausse de l’investissement public de 1 %, soit 20 milliards d’euros environ, générerait par exemple au bout de trois ans « une hausse du PIB de 1,1 % et une réduction de 245 000 chômeurs si elle est financée par la dette », résume le président de l’OFCE (Office français de conjoncture économique), Xavier Ragot.
Recul de l’investissement en France de 4,2% à 3,5% du PIB
Surtout que, en temps de crise, l’effet sur l’activité est plus fort, précise l’économiste. C’est dire le gâchis en termes d’emplois et de points de croissance perdus, puisque, entre 2009 et 2015, l’investissement public a reculé en France de 4,2 % à 3,5 % du PIB à cause des politiques économiques menées consécutivement par Nicolas Sarkozy puis François Hollande.
Les économistes qui ont travaillé sur ce rapport ciblent particulièrement les investissements relevant de « la transition écologique, l’amélioration du système éducatif ou encore les infra-structures de transport dans des villes congestionnées ou dans le très haut débit numérique, l’eau, les déchets ».
Si la nécessité de nouveaux investissements fait consensus, la question de son financement, elle, fait débat. François Fillon annonçait jeudi sa volonté de vendre les bijoux de la France en poursuivant la vague de privatisations des entreprises détenues par l’État « dans le secteur commercial », y voyant un moyen de « réinvestir le fruit de ces privatisations dans des infrastructures » sans alourdir la dette, quand d’autres, à l’instar de la gauche alternative, proposent de renégocier les traités européens.
L’OFCE propose d’ailleurs, lui aussi, de surseoir au pacte de stabilité, appliqué par François Hollande dès 2012, avec l’instauration d’une « règle d’or » qui exclurait « les investissements publics, mais aussi les dépenses de fonctionnement, notamment dans les domaines de l’éducation ou de la santé ».
Selon l’OFCE, ces 20 milliards d’euros d’investissement n’auront que peu d’impact sur les finances publiques du fait de la faiblesse des taux d’intérêt. La dette augmenterait de 2,5 % en cinq ans. À titre de comparaison, entre 2012 et 2017, selon les prévisions du gouvernement, celle-ci aura progressé de 7,7 %. Prenant les devants, les économistes alertent sur le faible effet des investissements si ceux-ci devaient être financés via une baisse des dépenses publiques. L’apport ne serait alors que de 0,4 % du PIB et le nombre des effectifs salariés de 147 000.
10:30 Publié dans Connaissances, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, collectivités, investissement, pacte de stabilité | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
18/02/2016
« En avant vers le passé ! »
L'éditorial de Patrick Apel-Muller, journal l'Humanité
: "Tout cela dessine un ordre cohérent, le libéralisme autoritaire où le patron n’est pas seulement choyé par un premier ministre qui aime les entreprises, mais dont la toute-puissance s’édifie sur les vestiges de la République. À gauche, il est grand temps de rallier le mot d’ordre de Rimbaud : « Il faut être résolument moderne, tenir le pas gagné. » Et reprendre la marche vers le progrès."
Mais que restera-t-il à Nicolas Sarkozy ? Je n’évoque pas là ses malheurs judiciaires mais le pillage en règle dont il est victime. Après lui avoir ôté la part de copropriété qu’il détenait avec Marine Le Pen sur la déchéance de la nationalité, voilà que François Hollande et Manuel Valls lui dérobent son libéralisme forcené.
La loi, qu’ils ont chargé Myriam El Khomri de présenter, est une véritable bombe placée au cœur du monde du travail, pulvérisant le droit au repos, démantelant le droit syndical par le référendum d’entreprise et la primauté des accords d’entreprise sur la loi, hachant menu les protections contre les licenciements… Le site du Figaro hier soir éprouvait un ravissement au bord de la pâmoison et même de l’épectase. Voilà l’avènement de la loi du plus fort, celle du patron restaurée dans sa version la plus rétrograde. « En avant vers le passé ! », proclament les marquis du régime.
La même inspiration préside à ce démantèlement du droit du travail qu’au monstrueux gaspillage de fonds publics que constitue le pacte de responsabilité. Des dizaines de milliards d’euros sont jetés dans la fournaise des dividendes et des placements financiers. Calculez ce que 40 milliards auraient pu utilement financer : au moins 400 000 emplois annuels convenablement rémunérés, autant de chômeurs en moins, de consommateurs en plus relançant l’activité, de postes utiles pour l’éducation, la santé, la culture, la transition énergétique… Mais ils ont été détournés vers les profits, cette politique de l’offre et son corollaire, le démantèlement du modèle français, avec ses protections sociales et ses droits.
Tout cela dessine un ordre cohérent, le libéralisme autoritaire où le patron n’est pas seulement choyé par un premier ministre qui aime les entreprises, mais dont la toute-puissance s’édifie sur les vestiges de la République. À gauche, il est grand temps de rallier le mot d’ordre de Rimbaud : « Il faut être résolument moderne, tenir le pas gagné. » Et reprendre la marche vers le progrès.
09:59 Publié dans Actualités, Economie, Pour les nuls | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : code du travail, gouvernement, medef | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |