28/11/2013
Coût du capital: actionnaires gavés, salariés à la diète
Trente années de partage de la valeur ajoutée se soldent par une explosion des dividendes versés aux actionnaires, tandis que la part revenant à la rémunération du travail a reculé.
Médias, économistes, commentateurs patentés, ils nous le répètent tous, jusqu’à l’overdose : si l’économie française décroche, la faute en incombe au « coût du travail ». Voilà trente ans qu’au nom de ce dogme un arsenal sans cesse grossissant de mesures budgétaires visant à alléger ce prétendu fardeau des entreprises est mis en œuvre. Loin de les remettre en cause, le gouvernement Ayrault en rajoute aujourd’hui une grosse louche, avec les 20 milliards du crédit d’impôt compétitivité.
Pourtant, les chiffres très officiels de l’Insee permettent d’établir un tout autre diagnostic. D’après les comptes nationaux des entreprises non financières, depuis le début des années 1980, le partage de la richesse créée n’a pas évolué à l’avantage du travail, bien au contraire : la masse salariale représentait ainsi, en 2012, 66,6 % de la valeur ajoutée, contre 72,9 % en 1981. À l’inverse, la part de la valeur ajoutée revenant au capital, sous forme d’intérêts versés aux banques et de dividendes octroyés aux actionnaires, a été multipliée par plus de 7, passant de 39,1 milliards d’euros à 298,6 milliards. Les seuls dividendes, qui pesaient 5 % de la valeur ajoutée il y a trente ans, en représentent 22,4 % en 2012.
Les entreprises versent donc près de cinq fois plus de dividendes actuellement que dans les années 1980, alors que, dans le même temps, elles ont comprimé la part du gâteau réservée au travail. C’est bien le capital qui a tiré son épingle du jeu. Et on peut constater que, crise ou pas, que la santé des entreprises soit bonne ou mauvaise, les actionnaires sont désormais toujours gagnants : leur rémunération est préservée et toujours à la hausse. Ce, alors que, selon la théorie libérale classique, ces financiers prennent des risques en investissant, et seraient donc exposés à de mauvaises fortunes. En réalité, les risques ont été transférés sur les salariés : l’emploi et la rémunération sont les véritables variables d’ajustement.
Autre constat essentiel : contrairement là aussi au discours dominant, la baisse relative du « coût du travail » ne s’est pas accompagnée d’un accroissement de l’investissement, celui-ci représentant en 2012 la même part de la valeur ajoutée qu’en 1981 (19,4 %).
- Brisons le tabou ! Editorial par Jean-Emmanuel Ducoin.
N’écoutez plus ceux qui ne parlent que de «coût du travail» en oubliant le coût prohibitif du capital !
17:37 Publié dans Actualités, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : économie, finances, actions, budget, salaires | |
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12/11/2013
THIERRY LEPAON : LE GOUVERNEMENT N'ECOUTE QUE LE PATRONAT
LE FIGARO. - Les syndicats, dont la CGT, sont absents des mouvements actuels de contestation. Pourquoi?
Thierry LEPAON. - L'efficacité du syndicalisme se mesure d'abord dans l'entreprise. Ensuite, il y a dans la période un effet de curiosité médiatique. La manifestation des «bonnets rouges» à Quimper, c'est nouveau. Le rassemblement de Carhaix, mené par la CGT, Solidaires et Sud, a été moins relayé par les médias. Mais sur le fond, le fait que les organisations syndicales n'aient pas une démarche unitaire sur les questions de l'emploi n'aide pas. Les patrons, eux, sont unis. Ce sont eux qui ont inspiré la manifestation des «bonnets rouges». Ils ont un discours identifié: ils réclament la baisse des cotisations sociales, en demandant le maintien des aides qu'ils reçoivent! La lettre de Pierre Gattaz s'engageant à créer un million d'emplois en cinq ans si les dépenses publiques baissent et si les cotisations sociales sont transférées sur d'autres impôts est pour nous une déclaration de guerre.
Comment comptez-vous réagir?
Le comité CGT de Bretagne a travaillé pour bâtir une démarche unitaire. Le 23 novembre, il y aura une manifestation à laquelle participeront toutes les organisations syndicales, à l'exception de la CFE-CGC. Mais la crise n'est pas qu'en Bretagne. Actuellement, il y a 10 plans sociaux et 1000 chômeurs de plus par jour en France! 70 % des salariés français estiment que les conditions pour bien faire leur travail ne sont pas réunies. Et puis, il y a les suicides au travail. Le climat est très tendu, c'est explosif partout. Face à cela, nous avons lancé une campagne bâtie sur un triptyque: les salaires, l'emploi et la protection sociale. Car tout est lié.
Mais pourquoi les salariés ne se mobilisent pas?
Le chômage fait peur, les salariés se replient sur eux-mêmes. C'est à nous d'aller à leur rencontre pour les remobiliser.
Le problème ne vient-il pas du fait que le motif de la fronde actuelle - le «ras-le-bol fiscal» - n'est pas compris par les syndicats?
Le «ras-le-bol fiscal» cristallise le mécontentement. J'entends des gens qui s'en plaignent, alors qu'ils ne payent pas d'impôt! Mais le vrai problème, c'est le pouvoir d'achat. À un moment, les salariés verront aussi que cela irait mieux si les rémunérations n'étaient pas bloquées comme elles le sont depuis trois ou quatre ans. Les fonctionnaires vont subir la quatrième année de gel. Et les salaires n'augmentent plus, même dans les entreprises qui vont bien. À un moment, la colère va s'exprimer par un «on veut gagner plus». Voilà pourquoi on a demandé au gouvernement d'ouvrir des négociations nationales sur les salaires, et notamment sur la question du smic, ainsi que sur l'emploi. Nous voulons discuter de l'efficacité en termes d'emploi du crédit d'impôt compétitivité emploi et des 200 milliards d'euros d'aides et exonérations que touchent les entreprises.
Avez-vous le sentiment d'être entendu par le gouvernement?
Non. Il y a deux poids deux mesures: il ne fait qu'écouter le patronat sans être récompensé. Plus il cède aux revendications des patrons, plus ils revendiquent! Il n'y a pas non plus de traitement égalitaire entre les organisations syndicales. La CFDT est ultraprivilégiée. Cela révèle un dysfonctionnement de ce gouvernement.
Êtes-vous déçu par l'équipe Ayrault?
C'est peu de le dire. Ce que je leur reproche, c'est de ne pas traiter les questions sociales qui sont pourtant urgentes. Entre ce qu'ils disaient quand ils étaient dans l'opposition ou en campagne, par exemple sur les retraites, et ce qu'ils font aujourd'hui, il y a un gouffre. Ce décalage entre les paroles et les actes nous mène dans le mur. Dans ce gouvernement, on ne sait pas qui fait quoi et on est en début de mandat! Où sont passées les réformes de fond promises pendant la campagne: la réforme fiscale, la décentralisation? Quelles sont les priorités de l'exécutif? Ça pèche par manque de responsabilité et d'innovation. Nous sommes face à une crise du politique, qui n'est pas nouvelle, mais qui s'aggrave.
N'y a-t-il pas aussi une crise de la CGT, qui n'a pas proposé d'idées fortes depuis longtemps?
Nous avons fait de nombreuses propositions sur les retraites. S'il y a eu des avancées en termes de pénibilité, d'égalité hommes-femmes et de prise en compte des années d'études, la CGT y est pour beaucoup. Mais c'est vrai que la CGT était plus efficace il y a quelques années pour lancer de nouvelles idées. À l'époque, quand on avançait une proposition, on l'accompagnait d'une action sur le terrain. Je veux revenir à cet engagement militant. On va lancer de cette façon le débat sur le coût du capital. Le travail est-il un coût, ou une richesse? C'est aussi une question essentielle. II faut que la CGT s'exprime à nouveau sur les questions économiques. C'est pour cela que j'ai créé un pole économie dans le nouvel organigramme. Nous avons les ressources internes et une trentaine d'experts extérieurs travaillent avec nous.
Vous avez mis huit mois à définir ce nouvel organigramme. N'est-ce pas le signe d'un flottement à la CGT?
Non. D'abord si l'on enlève la période des congés d'été, cela fait cinq mois. Cinq mois pour bien établir une nouvelle organisation, c'est rapide! Nous sommes maintenant en ordre de marche.
Comptez-vous mener d'autres actions contre la réforme des retraites?
Oui. Nous avons prévu une journée d'action le 19 novembre, puis des rassemblements devant l'Assemblée et les préfectures, lorsque les députés voteront le texte.
Et sur le travail du dimanche?
Nous attendons les résultats du rapport Bailly. Sur le fond, notre position est claire. Le travail atypique - le dimanche, de nuit - ne doit avoir lieu que lorsqu'il est nécessaire: dans la santé, les services publics, certaines industries… Vendre du parfum après 21 heures sur les Champs-Élysées, ouvrir les magasins de bricolage le dimanche, ce n'est pas nécessaire. Les Français disent vouloir des magasins ouverts le dimanche, mais ils ne veulent pas travailler ce jour-là! Sur ce sujet, nous faisons là aussi face à une campagne du patronat, qui paye les salariés pour manifester mais aussi des affiches et des cabinets de communication. La ficelle est grosse! Elle va finir par se voir.
14:56 Publié dans Actualités, Economie, Entretiens, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le paon, gouvernement, patronat, cgt | |
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29/10/2013
Trading hautes fréquences: la guerre des millisecondes s’amplifie
Des entreprises lèvent des centaines de millions de dollars pour gagner 2 millisecondes de vitesse dans un tuyau long de 1000 kilomètres. Le but: aller toujours plus vite que le voisin sur les marchés financiers.
Une entreprise propose même très sérieusement de placer un relais de dirigeables au dessus de l’Atlantique, entre les bourses de New York et de Londres pour gagner quelques millisecondes. Les informations transiteraient par un système mêlant laser et ondes millimétriques (autrement appelées ondes radio à extrêmement haute fréquence). Une opération estimée à 300 millions de dollars, qui n’attend plus qu’une banque motivée pour se réaliser.
On arrive à un niveau de folie inédit, explique à ITproPortal David Lauer, un ancien trader HFT qui a démissionné suite au flash Krach de 2010. « Il n’y a rien de plus insensé. Des quantités massives de capitaux, des milliards de dollars, sont investis uniquement pour gagner quelques millisecondes entre deux endroits. Trouvez-moi quelqu’un capable de m’expliquer l’utilité sociale de réduire de 2 millisecondes les temps de transferts entre New York et Chicago ? Mais il y a encore de l’argent à faire… »
Comme 800 millions de dollars en 7 ms
Et il y a quelques jours, un évènement lui a parfaitement donné raison. Le 18 septembre, la FED (banque centrale américaine), a annoncé contre toute attente poursuivre ses injections massives de liquidités dans l’économie américaine. Pour le dire schématiquement, la FED continue de faire marcher la planche à billets pour favoriser la reprise économique, mais avec le risque de légèrement dévaluer le dollar. L’information ne devait être publiée qu’à 14 heures très précise. Les journalistes étaient confinés dans un bunker avant la conférence de presse pour s’assurer qu’il n’y ait aucune fuite. Sauf que 5 à 7 millisecondes avant que l’information ne fasse de Washington New-York, elle était arrivée à Chicago. Un laps de temps suffisant pour spéculer à hauteur de 800 millions de dollars sur l’or (valeur refuge par excellence en cas de dévaluation), sur le marché des dérivés de Chicago…
5 millisecondes qui suffisent pour démontrer un délit d’initié. La seule autre possibilité serait qu’un opérateur aurait réussi à dépasser la vitesse de la lumière, ce que suggère avec ironie le spécialiste Nanex(*). Comme il y a environ 1000 kilomètres entre Washington (la Fed) et Chicago, la lumière prendrait un peu plus de 3ms.
Le lobby des traders à hautes fréquences s’est défendu ce jeudi dans un communiqué, pointant plutôt la responsabilité de journalistes qui auraient brisé l’embargo.
Une histoire qui démontre encore l’incapacité totale des organismes de régulation des marchés financiers, comme la SEC aux Etats-Unis, à surveiller quoique ce soit. S’il a fallu quelques millisecondes pour échanger près de 800 millions de dollars, les régulateurs n’ont, deux semaines après, toujours pas compris ce qui s’était passé.
On parle de l’importance du temps de transfert et non des temps de calcul pour une bonne raison. Le 30 septembre, une entreprise britannique, Argon Design, a ainsi d’annoncer avoir réussi à réduire le temps de calcul de son algorithme pour décider d’une transaction à 176 nanosecondes, soit 10-9 seconde, contre 10-3 seconde pour les millisecondes qu'on emploie pour mesurer les temps de transfert.
(*)Nanex est une société américaine qui a développé un programme permettant d’analyser jusqu’à 8 milliards d’opérations boursières par jour. Leurs études permettent de se rendre compte de l’influence du HFT dans le jeu financier, de repérer les anomalies et les flash-krach.
18:08 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, International, Planète, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bourses, etats-unis, marchés financiers, trading à haute fréquence, finance internationale | |
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12/10/2013
Thierry Lepaon. « Le FN est porteur du désespoir »
Successeur de Bernard Thibault à la tête de la CGT, Thierry Lepaon se bat aujourd'hui sur plusieurs fronts (retraites, travail le dimanche). Il lui appartient aussi de dresser des barricades contre un FN qui recrute, élection après élection, dans un électorat traditionnellement ancré à gauche.
Vous combattez le projet de loi sur les retraites. Sur ce sujet, y a-t-il une différence entre la droite et la gauche ?
On constate que très peu de propositions que nous avons faites, dans le cadre de la concertation qui a précédé le dépôt de ce projet de loi, ont été retenues. Nous sommes en opposition sur la question de la durée des cotisations, telle qu'elle est aujourd'hui définie à 43 ans pour les générations futures.
Cela ne nous conduit pas à dire que ce gouvernement mène la même politique que celle du gouvernement précédent. La preuve, c'est que, dans le projet de loi, même s'il n'est pas satisfaisant, il y a de vraies avancées. Il y a ainsi la question de la pénibilité. Il y a aussi la question de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, qui s'appliquera pour la première fois. Il y a aussi la question de la prise en compte des années d'études pour les jeunes.
Beaucoup de consommateurs, beaucoup de salariés réclament l'ouverture des magasins le dimanche et en soirée. Sur ce dossier, la CGT ne livre-t-elle pas un combat d'arrière-garde ?
Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, les consommateurs ne réclament pas l'ouverture des magasins le dimanche. Ils y vont quand le magasin est ouvert. Mais je n'ai pas vu de manifestations qui réclament cette ouverture le dimanche. Le consommateur sait bien qu'à un moment donné il est aussi salarié. Nous pensons que le travail atypique (travail de nuit et travail du dimanche) peut être nécessaire quand la situation l'exige. C'est vrai pour la sécurité, pour la santé, pour les transports. Pour tout ce qui concerne les missions de service public. Mais pour acheter un parfum, il n'est pas nécessaire de le faire après 21 h ou le dimanche. Il y a un temps pour le travail, un temps pour le loisir, un temps pour la culture. Il faut réapprendre à vivre ensemble.
Croyez-vous, comme l'affirme François Hollande, qu'il est possible d'inverser la courbe du chômage d'ici à la fin de l'année ?
C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre. J'ai entendu la volonté du gouvernement de sortir une série de chiffres qui tenteraient à démontrer que le chômage recule. On ne peut que s'en féliciter. Tout ce qui va dans le sens du maintien de l'emploi et du recul du chômage constitue forcément une bonne nouvelle. Reste la question de la nature de l'emploi ainsi recréé. J'ai peur que, malheureusement, les contrats d'avenir, les contrats de génération soient des emplois artificiels.
Tous les sondages témoignent du fait qu'une partie importante des employés et des ouvriers apportent désormais leurs suffrages au Front National. N'est-ce pas le signe d'un échec grave ?
C'est une catastrophe. Le FN n'apporte aucune solution aux salariés, notamment sur la question de la rémunération du travail. C'est un parti qui s'oppose au monde du travail, contre les salariés. On se souvient des dérives auxquelles cette famille politique pouvait se prêter dans les années les plus sombres de notre histoire. Il nous faut désormais faire un travail militant pour que le désespoir n'entraîne pas un vote pour des candidats FN et pour des thèses contraires à la solidarité, telle que nous la prônons. Mais il faut aussi que le politique prenne ses responsabilités. Il faut mener une politiquequi prenne en compte les préoccupations des Français, sur les salaires, l'emploi, la protection sociale, une nouvelle dynamique industrielle capable de permettre la création d'emplois. Sinon, notre société va sombrer dans le désespoir. Et le FN est aujourd'hui porteur de ce désespoir.
08:47 Publié dans Actualités, Dossier retraites, Economie, Entretiens, Point de vue, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lepaon, cgt, syndicat, retraites, fn, travail le dimnache | |
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