28/03/2013
«Chypre restera comme le cobaye de la zone euro»
Chypre, envoyé spécial de l'Humanité. Stavros Evagorou, député et responsable du secteur économique du parti communiste (AKE L), évoque le mauvais rôle joué par Bruxelles dans la crise, alors que les banques chypriotes vont rouvrir ce jeudi après l'adoption de restrictions inédites dans la zone euro, censées limiter les effets d'une éventuelle panique bancaire.
Chypre est-il un paradis fiscal ?
Stavros Evagorou. Plusieurs mois avant la décision de l’Eurogroupe de taxer tous les dépôts, les media allemands ont propagé des accusations fausses contre Chypre. Notre pays serait un paradis fiscal, un centre de blanchiment d’argent… Ces journaux écrivaient sur les oligarques russes. Pourtant nous avons le même taux d’imposition sur les sociétés que la Bulgarie, un taux proche de l’Irlande et supérieur à celui de Malte. Pourquoi donc s’acharner sur Chypre? Aux Pays-Bas, il y a trois fois plus d’argent russe déposé qu’à Chypre. Et deux fois plus au Luxembourg. Il ne me semble pas que là-bas, les Russes soient prolétaires. Notre système bancaire a été inspecté par Moneyval, une institution du Conseil de l’Europe chargée de la lutte contre le blanchiment d’argent. Nous avons une note meilleure que l’Allemagne. Nous sommes les septièmes dans la zone euro. S’ils insistent pour détruire notre système financier, ce n’est pas parce qu’ils ont quelque chose contre les Chypriotes. Ils ciblent les Russes. Ces derniers jours, des délégations de banquiers allemands ou de la zone euro se rendent à Chypre pour convaincre les investisseurs russes de transférer leur argent dans leur pays.
Akel estime que la troïka « asservit » Chypre. Pourquoi une telle expression ?
Stavros Evagorou. Chypre restera dans l’histoire économique comme le cobaye de la zone euro. Suite à un accord avec l’UE, nous avons voté depuis 2011, trente-cinq lois comprenant des mesures d’austérité, telles que des baisses de salaires. Nous n’avons pas encore reçu un euro. L’accord de l’Eurogroupe lundi avec le président de la République Nicos Anastasiades, n’est pas la fin de la route. Ce n’est que le début. Il y aura des privatisations et de nouvelles mesures d’austérité. Ces mesures sont appliquées en Grèce, au Portugal. Elles ont conduit ces peuples à la pauvreté, leurs pays à la récession.
Akel demande que Chypre évalue les solutions en dehors du cadre de la troïka. Qu’entendez-vous ?
Stavros Evagorou. Prendre nos propres mesures, mais en dehors du cadre de la troïka. Peut-être souffrira-t-on autant. Mais nous n’aurons pas, à chaque étape de notre vie quotidienne, dans les institutions, les ministères, les représentants de la troïka qui nous dictent ce qu’il faut faire. La chancelière Angela Merkel est la représentante d’une doctrine qui augmente le chômage au Sud et draine l’argent vers le Nord. Malheureusement, François Hollande est devenu, comme on l’appelle ici, le « politicien invisible ». De nombreuses voix demandent maintenant d’abandonner la zone euro. Ce n’est pas ce que nous disons. Car c’est une voie très dure. Ce ne serait pas sage, de la part de mon parti, sans avoir les cartes en main, de dire qu’il faut en sortir. Mais il faut étudier les coûts respectifs du fait de rester dans le cadre de la troïka et du fait de sortir de l’euro.
Le président Dimitris Christofias, membre d’Akel et au pouvoir jusqu’à fin février, n’est pas parvenu à faire voter par le Parlement une augmentation de l’impôt sur les sociétés. A-t-il tenté de réformer le système bancaire ?
Stavros Evagorou. Il a tenté de convaincre le précédent gouverneur de la Banque centrale de Chypre – c’est pour cette raison que les relations entre eux n’étaient pas bonnes – de restructurer le système bancaire. Le gouvernement peut dire qu’il faut restructurer le système bancaire. C’est tout. Une restructuration passe par des décisions de la Banque centrale, qui est indépendante. Or celle-ci a autorisé l’expansion des banques en Grèce, en Russie et en Serbie. Ce que critiquait Akel. Quand nous critiquions le gouverneur, le parti de droite Disy de l’actuel président Nicos Anastasiades disait : « Ne touchez pas à l’indépendance de la Banque centrale ». La loi sur la restructuration du système bancaire, votée vendredi, accorde enfin des pouvoirs au ministère de l’Economie. Elle était préparée par le précédent gouvernement, pour appliquer les consignes de la BCE.
Quelles sont ces trente-cinq lois d’austérités prises depuis 2011, y compris donc, lorsque vous étiez au gouvernement ?
Stavros Evagorou. Il s’agit de baisse de salaires et des pensions au-delà d’un certain montant. La troïka est aveugle: elle nous demandait de diminuer le nombre de fonctionnaires de 6.000 alors qu’ils sont 52.000. On s’est rendu compte qu’il manquait des infirmières, des docteurs, sans qu’on puisse en recruter de nouveau. On nous a empêchés de choisir dans quel secteur agir. Nous n’avions d’autre choix, du fait du mémorandum avec la troïka et l’UE. La meilleure voie aurait été d’investir l’argent disponible pour développer le pays. Mais cette possibilité était caduque du fait de la crise internationale, de la dette et des banques. Le problème de Chypre, ce n’était pas les finances publiques. Du fait des mesures prises, nous avons eu un surplus budgétaire. Si vous avez 5% de déficit public et 70-75% de dette publique, avec quelques mesures, vous pouvez reprendre la voie du développement. Le problème de Chypre, ce n’était pas la dette publique, mais celle du secteur bancaire. Sa faillite est la conséquence des mauvaises décisions prises par nos partenaires européens: l’annulation partielle de la dette grecque qui a fait perdre à nos banques 4,5 milliards d’euros en une nuit. C’est d’ailleurs plus ou moins la somme réclamée aujourd’hui par l’Eurogroupe.
Avez-vous pris des mesures sociales ?
Stavros Evagorou. Nous avons introduit un quatorzième mois pour les petites retraites, augmenté les allocations pour les familles nombreuses ou monoparentales. La contribution sociale pour les étudiants a progressé. Même après les mesures d’austérité, la progression des fonds sociaux reste aujourd’hui de 12% par rapport à ce qui existait précédemment.
Sur quelles bases peut se reconstruire Chypre ?
Stavros Evagorou. Ce qui reste doit être sauvé. Ensuite, on peut transformer notre île en pays de services, en développant nos systèmes de santé et d’éducation, nos services d’audits, nos services légaux. L’activité bancaire peut jouer un rôle, mais avec un secteur plus petit. Une petite progression peut exister dans des secteurs spécifiques tels que la pharmacie ou l’hi-tech. Il faut développer notre secteur gazier et pétrolifère. Enfin, vue notre situation géographique, nous pouvons améliorer notre aéroport et nos ports. La Chine veut des installations navales pour ses exportations. Chypre trouvera à nouveau sa voie. Les Chypriotes sont des travailleurs. Nous réussirons.
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25/03/2013
Le néo-libéralisme malade tente de s’auto-détruire, l’exemple de Dell
Dell, l'un des plus gros fabricants d'ordinateur au monde, décide de se retirer des marchés pour s'affranchir du diktat des actionnaires. Une opération financière importante, symptôme de la crise du néo-libéralisme.
Ce qui constitue le néo-libéralisme, dernier avatar du capitalisme mutant, c’est la mondialisation économique sans barrière et le primat de l’actionnaire, qui a complètement perverti l’usage même des marchés d’action. Ce dernier point se révèle particulièrement nocif pour les salariés, on le voit en France avec Sanofi par exemple, où les actionnaires imposent la suppression de postes de chercheurs pour augmenter les dividendes. Mais à moyen terme, il condamne les entreprises elles-même.
A l’origine et en théorie, quand une entreprise entre en bourse, c’est pour se faire financer, lever des fonds auprès d’actionnaires pour lui permettre d’investir, se développer. Aujourd’hui, c’est l’entreprise qui finance l’actionnaire qui, s’estimant propriétaire et sans limite, réclame des dividendes de plus en plus importants. De même empêche-t-ils les investissements tant que la rentabilité sur le capital investi (ROI dans le jargon) n’atteint pas des sommets de plus en plus élevés. De fait, les grands groupes sont assis sur des montagnes d’or, qui ne servent à rien, à part à justifier les hausses régulières de dividendes. Apple détient le record avec 137 milliards de dollars d’épargne, mais les sociétés du Cac 40 se portent bien, Total a un trésor de 18 milliards, EADS de 12 milliards… Lire à ce sujet : les entreprises cotées sur une montagne de cash.
Dell veut sortir de la bourse
Dans le même temps, les investissements baissent. Ce qui ne plaît pas forcément à certains patrons qui ont conscience que sans investissement, qu’il soit matériel ou humain, l’entreprise va péricliter à moyen terme. Un terme qui est déjà advenu chez Dell, constructeur informatique américain, ancien numéro 1 mondial du secteur, dans une impasse stratégique, qui a certes perdu de nombreuses parts de marché mais conserve un bénéfice annuel autour de 3 milliards de dollars. Ce que les actionnaires jugent insuffisants, bien évidemment.
L’entreprise fut fondée et est encore dirigée par Michael Dell, brillant informaticien des années 80. Ce PDG a décidé de racheter, avec deux partenaires, les actions de sa société et de sortir de la bourse. L’opération impressionne, car elle devrait s’élever à au moins 24 milliards de dollars. Et Michael Dell est motivé car il propose de racheter les actions de son entreprise à 25 % au dessus de leur cours, ce que l’on appelle une LBO, une opération de rachat à effet de levier.
Le but évident de Michael Dell est donc de reprendre la main sur son entreprise sans être bloqué par des actionnaires qui réclament une marge garantie de 25 % avant d’autoriser tout investissement. Et Dell qui a, entre autre, raté le virage des smartphones comme des tablettes tactiles, a besoin d’innover, donc d’investir dans l’humain.
Pour ajouter à la méfiance de Michael Dell dans les marchés, il faut également savoir que le groupe a été « attaqué » par des algorithmes de trading haute fréquence en 2010 sans rien demander et a été au cœur de l'un des plus gros « flash krash » de l'histoire.
Le constat d’échec d’un modèle économique
Les commentateurs s’extasient devant l’audace de Dell : « un tour de passe-passe de génie », sans se rendre compte que c’est là un constat clair de la défaillance du modèle néolibéral. A tel point que M. Dell, un entrepreneur texan qui doit n’avoir de vision de Marx qu’avec des cornes et une queue fourchue, a pourtant son pragmatisme économique qui le pousse à quitter les marchés boursiers. Et pensons également à Twitter qui refuse obstinément son entrée en bourse.
Problème, le plan élaboré par Michael Dell et ses partenaires pour quitter WallStreet se heurte aux actionnaires et fonds de pensions. Le milliardaire Carl Icahn, tente de fédérer d'autres actionnaires minoritaires, sur la promesse de faire voter des dividendes immédiats de 9 dollars par action, de quoi plomber la trésorerie de Dell pour rien. Enfin le fonds Blackstone serait sur le point de profiter du moment pour tenter une OPA sur le groupe.
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08/03/2013
Chine : le parlement chinois veut changer radicalement le pays
Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti
Le principal événement de la session de l'Assemblée nationale populaire, qui s’est ouverte à Pékin mardi matin, ne sera pas le changement du gouvernement en Chine. Cet événement fait partie des activités prévues et attendues : les candidatures de Xi Jinping (futur président de la Chine) et de Li Keqiang (premier ministre) ont été annoncées et suggérées au parlement en novembre déjà.
Bien plus intéressante est la prise de conscience, par les Chinois, du besoin de changements radicaux au sein du modèle de développement. Ils veulent faire évoluer des choses très sérieuses comme le rôle du pays en tant qu'"atelier du monde" et même l'air pollué des grandes agglomérations.
Entre la pollution et la tempête de poussière
La session de l'Assemblée nationale populaire de Chine se tient toujours pendant les premiers jours du printemps après les fêtes de fin d'année - avec leurs feux d'artifice et guirlandes de lanternes rouges.
Le temps, à Pékin, est actuellement chaud et ensoleillé. La semaine dernière, le vent glacial du désert de Gobi a dispersé le smog pékinois hivernal, gelant les chambres et les appartements des maisons où les fenêtres ferment mal. Cela a permis de voir toute la ville jusqu'à l'horizon - et non pas seulement les formes des gratte-ciels les plus proches se détachant du brouillard.
En ce qui concerne la brume, un phénomène inhabituel a été constaté mi-janvier dans tout le nord-est de la Chine (y compris Pékin) : les détecteurs de qualité d'air ont atteint la zone rouge. Les ingénieurs ne s'attendaient pas à ce qu'il ait un jour autant de pollution. Elle a finalement été emportée par le vent.
Mais en cette saison le désert perd sa couverture de neige et commence à envoyer à la capitale une poussière fine. Les tempêtes surviennent à Pékin entre mars et mai – mais pas seulement.
Ces dernières années, la ville s'est débarrassée de nombreuses entreprises polluantes, dont une usine métallurgique. Et ceux qui ont visité Pékin en hiver jusqu’aux années 1990 pourront affirmer qu'avant, c'était pire : les anciens quartiers étaient chauffés au charbon brun.
Il en va de même pour Shanghai, qui a été toujours recouverte par un brouillard humide ; ou encore l'immense Chongqing sur Yangzi Jiang, reconnue comme une fente entre deux crêtes insupportable en termes de pollution depuis Tchang Kai Chek. L'air est devenu bien plus respirable aujourd'hui. Autrement dit, le problème est ancien est n'est pas forcément provoqué par le développement actuel du pays. On cherche à y remédier, également, et même parfois avec succès.
Cependant, l'air pollué n'était pas considéré auparavant comme un risque intolérable et on ne rejetait pas la responsabilité sur le gouvernement. Aujourd'hui, la société chinoise a changé.
Pendant les quelques mois qui ont précédé la réunion de l'Assemblée, on a assisté à une discussion très enflammée et franche sur les priorités du futur gouvernement. L'environnement fait partie des priorités depuis peu de temps alors qu'auparavant, le principal problème était la pauvreté rurale et la migration de près de 300 millions de ces pauvres vers les villes.
Au congrès du parti et pendant les débats tenus la veille, la question était posée de la manière suivante : le plus important, ce n'est pas la corruption mais le comportement des cadres du parti étant donné cette pauvreté. Même si la partie environnementale était, déjà, soudainement apparue à l'époque dans les documents du parti.
Mais le problème a pris une nouvelle dimension quand, à deux semaines de la session parlementaire, l'alimentation en eau de toute une région (60 000 personnes) dans la province de Jiangxi a été coupée parce qu’un tuyau percé a provoqué une fuite d'essence dans la rivière… Après le scandale de Shanghai, également, en raison de la réutilisation de l'huile usée dans les restaurants - les grands restaurants revendaient l'huile usagée au marché noir, c'est-à-dire aux restaurants de qualité inférieure - et lorsqu'il s'est avéré qu'il existait un problème de recyclage de ces déchets, alors que Shanghai est grande, cela fait beaucoup d'huile… Autrement dit, il ne s'agit pas seulement de l'air.
Tout cela fait l'objet de débats en Chine, sur internet et dans la presse traditionnelle, faisant directement et clairement référence à la session parlementaire actuelle.
La conclusion des acteurs du débat est inattendue : nous n'avons pas besoin d'un tel PIB. On annonce qu'un groupe de chercheurs travaille à mettre en place un système de définition du PIB "propre", "vert" – autrement dit soustraire au chiffre global ce que l’on produit en polluant l'environnement. Sans cela, on ne pourra pas fixer de nouveaux objectifs à l'économie.
Il vaut mieux ne pas être la première économie du monde que…
Les changements sont très rapides. Il y a un an, le principal thème de discussion en Chine était de savoir comment vivre sur fond du ralentissement de la croissance économique. D'ailleurs, cette "diminution" atteint 7 à 8% par an au lieu des anciens records à deux chiffres.
Le gouvernement du pays - ou du moins les experts - craignent des troubles sociaux si une certaine croissance n'était pas maintenue. Aujourd'hui, on affirme que la société chinoise, qui a changé, demande avant tout à son gouvernement des services sociaux de bonne qualité (y compris de l'air propre), avec une volonté de croissance et d’enrichissement.
En 2016 la Chine pourrait rattraper et dépasser les Etats-Unis pour devenir la première économie mondiale. Aujourd'hui, il est évident que ce n'est pas un objectif pour lequel le nouveau gouvernement sacrifiera l'air, l'eau et tout le reste.
La deuxième place, ce n'est pas mal non plus. Quant au modèle de développement actuel - merci d'avoir lancé la locomotive de l'économie - il est temps de le changer. D'ailleurs on en parlait déjà - mais pas avec autant de conviction.
Quel est le rôle de la Chine en tant qu'"atelier du monde" ? Exporter des marchandises fabriquées dans des usines polluantes pour d'autres pays. Mais en 2012, la part des exportations dans le PIB de la Chine s'est tout de même réduite à 24,5% (au lieu de 34% en 2006). Et le processus se poursuit. Au moins parce que le taux de chômage élevé aux Etats-Unis et en Europe fait baisser la demande. L'air sera plus propre…
On a constaté que lorsque le PIB par habitant atteignait 12 000 dollars par an (la Chine atteindra ce stade en 2018 ou plus tard), beaucoup de pays ralentissaient leur production industrielle. Arrive alors une phase de "produit par soi-même – consommé par soi-même", une époque de services qui entraîne d'autres besoins en termes du niveau de vie. On assiste actuellement à sa naissance dans les débats et les discussions : de quel pays a-t-on besoin ?
Par exemple, parmi les slogans pour l'avenir proche, apparaît l’idée d’une "Chine belle". Non pas "forte" ou "première", mais "belle".
En soi la session de l'Assemblée équivaut à deux semaines de discours, qui s'achèveront par la nomination des hauts dirigeants du pays le 17 mars. L'activité législative dure toute l'année mais c’est à cette occasion que l’on détermine les axes principaux de la politique du pays.
Les discours prononcés pendant la session permettent de comprendre beaucoup de choses sur la future politique du gouvernement – hormis l'environnement, on trouve notamment le concept de "nouvelle urbanisation", qui mérite une discussion à part, le développement des innovations et la création d'un Etat social avec un service de soin national et un système de retraites - aucun des deux n'existe pour l'instant.
Il est également intéressant d'observer comment la direction générale et le sens du mouvement sont déterminés dans ce pays. C'est intéressant car la Chine et la Russie – contrairement à l'Europe et la Russie – sont toujours comparables au moins en principe. Elles ont commencé les réformes du modèle socialiste avec un écart de dix ans et elles ont suivi des chemins plus ou moins similaires.
Mais les deux courbes de leur développement se trouvent dans un même système de coordonnées et convergent parfois avec une proximité étonnante. Parfois, malheureusement, elles divergent.
12:49 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, économie, développement | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
17/02/2013
Gaz de schiste : le grand boum international
Emmenée par les états-Unis, la course aux hydrocarbures paraît officiellement lancée à l’échelle internationale. Disposant de réserves estimées non négligeables, la France n’est pas sans porter un certain intérêt à l’affaire.
C’est peut-être l’une des plus importantes offensives opérées dans le secteur privé énergétique depuis la révolution pétrolière : les gaz de schiste et plus globalement les hydrocarbures non conventionnels reviennent de manière détonante sur le devant de la scène. Emmenée par les États-Unis, dont la production de gaz de schiste – shale gas, dit-on là-bas – est passée de 1 %, au début des années 2000, à près de 35 % en 2011, la course paraît officiellement lancée entre des nations qui voient dans cet hydrocarbure new age l’opportunité d’une redistribution des cartes géopolitiques. Avec toujours une même menace en toile de fond : explosif économiquement, le grand rush des gaz de schiste pourrait l’être également écologiquement.
Pour être apparus récemment sur la scène médiatique, les gaz de schiste ne sont pas à proprement parler une donnée nouvelle, ni pour les géologues ni pour les pétroliers. On fait remonter la toute première production, réalisée à Fredonia, dans l’État de New York, à 1821. « Certaines, même, verront le jour en France vers 1930, aux alentour d’Autun », rappelle Jean Laherrère, géologue et président d’ASPO France .
Très coûteuses, à l’époque, toutes ses exploitations seront vite abandonnées dès lors que le gaz conventionnel émergera sur le marché. La crise pétrolière des années 1970 relancera l’intérêt des producteurs, lesquels impulseront la recherche dans ce domaine. Mais c’est au début des années 2000 que les gaz de schiste commenceront à devenir réellement rentables. L’amélioration de la technologie dite de fracturation hydraulique, née en 1949, y contribuera largement. La perspective d’un pick oil pétrolier et gazier, c’est-à-dire d’un plafonnement puis d’une diminution des ressources facilement exploitables, leur conférera leur valeur actuelle.
Les États-Unis ont été les premiers à se lancer massivement dans la production, non sans un certain succès économique. On y compterait plus de 100 000 puits en fonctionnement. De 20 milliards de mètres cubes en 2005, la production des gaz de schiste y serait passée à 220 milliards en 2011. Cerise sur le derrick : de pays importateur de gaz, la puissance est devenue, en quelques années, exportatrice et ne serait plus très loin de se hisser au rang de premier producteur mondial. Alors que l’AIE, agence américaine de l’énergie, estime les réserves exploitables à 25 000 milliards de mètres cubes, la machine paraît ne pas être prête à s’arrêter de sitôt. Le pays toutefois n’est plus seul en lice.
La Chine, qui dispose de la plus vaste réserve estimée – le qualificatif « estimé » est important – commence, elle aussi, à distribuer des permis d’explorer. Pékin envisagerait d’extraire 6,5 milliards de mètres cubes dès 2015, et 100 milliards en 2020.
L’Inde suit de près, qui vient de signer un contrat avec Shell. Autre grand champ de possible estimé, l’Amérique latine n’est pas en reste. Le Mexique qui disposerait de près de 20 milliards de mètres cubes récupérables, envisage de relancer sa production d’hydrocarbure, de même que l’Argentine.
Les industriels privés mènent le bal.
Point commun à ces situations ? Ce sont, dans tous les cas de figure, les industriels privés qui mènent le bal. Exxon en Amérique du Nord, Shell en Asie, Chevron en Lituanie ou en Argentine : les industriels sont à l’offensive, visant chaque marché, draguant chaque pays prêt à lui vendre ses ressources. Forums et autres sommets régionaux, réunissant acteurs publics et privés, se sont multipliés en 2012. On parle de 1 000 milliards de dollars investis dans les hydrocarbures non conventionnels cette même année. Et la France dans tout cela ? Elle n’est pas sans manifester d’intérêt au potentiel dont l’a affublée l’EAI. Selon les pronostics de l’Agence américaine, l’Hexagone disposerait de 5 300 milliards de mètres cubes de gaz de schiste techniquement récupérables, un volume qui la placerait au premier rang des pays producteurs européens, devant le Royaume-Uni, la Pologne et la Norvège.
La perspective n’est pas sans faire mouche du côté des politiques. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangère, et même Michel Rocard, ancien premier ministre et actuel « ambassadeur des pôles », ne masquent pas leur enthousiasme vis-à-vis d’une perspective, qui, affirment-ils, pourrait permettre à la France de se désempêtrer de sa dépendance chronique aux importations de gaz naturel, notamment de Russie.
Encore faut-il que les projections de l’IEA se réalisent. En Pologne, alors qu’elle estimait à 5 290 milliards de mètres cubes les ressources techniquement récupérables, le Polish Geological Institute les a évaluées, après prospection, entre 350 et 700 milliards de mètres cubes.
Encore faut-il, aussi, que l’exemple américain soit transposable. « Nous n’avons ni le même sous-sol géologique, ni les mêmes surfaces, ni le même Code minier… ni les mêmes gens », relève ainsi Bruno Goffé, directeur de recherche et délégué scientifique géo-ressource à l’Institut national des sciences de l’univers. Alors qu’en France le sous-sol et ses ressources appartiennent à l’État, aux États-Unis, ils appartiennent au propriétaire du terrain. « Si les gens ont accepté une telle expansion des exploitations de gaz de schiste là-bas, c’est parce qu’ils tiraient un très bon prix de la vente de leurs terres », souligne ainsi Jean Laherrère.
La confusion entre ressources et réserves
Encore faut-il, enfin, que l’exemple américain ne soit pas qu’un feu de paille. « Tout le monde se lance dans le rush des gaz de schiste comme dans une chasse à l’or, mais, pour le moment, ce sont surtout les vendeurs de pelles qui font fortune », reprend le président de l’Aspo. Car le boum a aussi ses travers, et pour accroître la production de gaz, il en a également fait baisser le cours. De 12 dollars l’équivalent baril en 2008, le prix a chuté à moins de 4 dollars en 2012. Le gaz de schiste n’y paraît plus aussi avantageux qu’affirmé. La société Cheasapeack, premier producteur et premier propriétaire de réserve estimée en 2009, a revendu et se retrouve, trois ans après, endettée d’une dizaine de milliards de dollars. Dans le Dakota du Nord, où les puits se sont multipliés comme des petits pains tous les cinquante mètres, les compagnies se réorientent vers la production d’huile de schiste et en viennent à torcher 40 % du gaz produit.
La faute à la confusion entretenue entre ressources et réserves exploitables. La faute, surtout, à des compagnies que la production de gaz n’intéresse que lorsqu’elle génère un profit optimal. Une démonstration de mauvais augure pour qui cherche à sécuriser sa production énergétique.
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Entretien avec Marie-Claire Cailletaud de la CGT Mines énergie
Les connaissances manquent de sciences en matière de recherches
15:29 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : énergie, gaz de schiste, géologie, pollution industrielle, fracturation hydraulique, hydrocarbures | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |