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16/01/2012

La France a perdu son Triple A : analyse

noteaaa.jpgLe ministre de l'Economie François Baroin a confirmé ce vendredi soir que l'agence Standard & Poor's avait bien décidé de dégrader la note souveraine de la France et de plusieurs pays de la zone euro ce vendredi soir. "Ce n'est pas une bonne nouvelle mais ce n'est pas une catastrophe", a commenté François Baroin à propos de la nouvelle note AA+ au journal de 20 heures de France 2.

Standard & Poor's (S&P) n'a pas touché le triple A de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Finlande et du Luxembourg. La France recule d'un cran. En revanche, l'Italie, l'Espagne et le Portugal sont rétrogradés de deux crans (BBB+). Ces notes décernées par ces agences privées sont des indicateurs de confiance dans les capacités des pays, mais aussi des collectivités locales ou des entreprises, de rembourser leurs emprunts placés auprès des marchés.

Décryptage de Pierre Ivorra, spécialiste de l'économie à l'Humanité.

  • Pourquoi maintenant?

Standard and Poor's avait déjà annoncé lors du sommet européen du 8 et 9 décembre dernier qu'elle évaluerait les effets des mesures prises à ce moment-là pour revoir ou non la note de la France. La décision d'aujourd'hui ne veut pas dire que ces mesures sont insuffisantes, mais que leurs effets ne sont peut-être pas assez immédiats. A cela plusieurs raisons :
La zone euro s'enfonce un peu plus dans la récession. En Espagne, le déficit public se dégrade avec les mesures d'austérité qui contractent la dépense publique et instaure un peu plus la crise. Idem en Grèce. Même des pays comme la Finlande sont touchés. L'Allemagne n'est pas non plus dans une situation brillante. Par ailleurs, les politiques de récession prônées par le duo Sarkozy-Merkel engendrent du chômage. Les dépenses sociales vont s'accroître. Dans le même temps, la crise implique moins de rentrées fiscales, donc moins de cotisations. La dette publique augmente donc. Enfin, malgré la baisse de son taux directeur et l'injection massive de liquidités dans les banques, celles-ci ne jouent pas le jeu et ne financent ni la dette publique, ni l'économie réelle. Les conditions de crédit se resserrent, particulièrement pour les PME.

  • Les conséquences?

Il est probable que la charge de la dette va s'alourdir, que les taux d'intérêt vont s'accroître et que le différentiel entre les taux d'emprunts de l'Allemagne et ceux de la France vont augmenter. Ces répercussions techniques vont produire des effets en cascade pour l'économie réelle. En première ligne se trouvent les banques. Celles-ci ont déjà annoncé qu'elles n'avaient pas vocation à acheter de la dette publique, donc à soutenir les Etats, comme le PDG de la Société Générale ce vendredi matin. Les compagnies d'assurance sont en deuxième ligne. Celles-ci contrôlent une bonne part de la dette française via leurs contrats d'assurance vie. Mais les Français se détournent de ces produits et préfèrent des produits d'épargne comme le Livret A. La France va avoir plus de mal à financer sa dette sur les marchés. Va-t-on vers un nouveau plan de rigueur pour contracter la dépense publique? Le cercle vicieux s'accélère.

  • Y a-t-il un plan B?

Doit-on rester sous la coupe des marchés, laisser notre sécurité sociale, nos emplois, nos salaires sous la contrainte du jugement des marchés? La question se pose un peu plus chaque jour. La dégradation de la note française est un coup porté contre la politique du gouvernement. La droite porte une énorme responsabilité dans la situation actuelle car elle a placé le financement de la dette publique sous la coupe des marchés financiers et de fonds étrangers.

La solution passe par un changement de politique du crédit, avec la création d'un pôle public du crédit comme le propose la Front de gauche. Elle passe aussi par un changement d'orientation de la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci finance les banques. Pourquoi privilégier le sort des banques plutôt que celui des Etats? Il vaudrait mieux qu'elle finance directement un fonds de développement social et écologique, comme le propose encore le Front de gauche, afin de soutenir l'emploi dans le domaine public ou l'industrie.

 

13/01/2012

500 MILLIONS D'€ VOLES AUX FRANCAIS

epargne.jpgSuivant l'avis du gouverneur de la Banque de France, le gouvernement vient de décider de ne pas augmenter le taux du livret A de 2,25% à 2,75% comme le prévoit pourtant la loi. Explications.

Le gouvernement a décidé hier qu'il n'augmenterait pas le taux du livret A au 1er février. Une hausse pourtant prévue par la loi, qui lie l'évolution du taux du livret A (et du LLD, ex-Codevi) à celle du taux d'inflation, et aurait dû le faire passer de 2,25 % à 2,75 %.

En laissant le taux inchangé, ce sont plus de 500 millions d'euros d'intérêts qui ne seront donc pas reversés aux 60 millions de titulaires.

Pour se justifier, le ministre de l'Économie François Baroin a annoncé qu'il ne faisait « qu'appliquer la recommandation » de Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France. Ce dernier à, pour sa part, fait appel à des « circonstances exceptionnelles » - terme prévu dans la loi - pour justifier son avis : face aux « perspectives de baisse de l'inflation » dans les prochains mois, le maintien du taux permettrait « d'éviter une volatilité excessive ».

Éviter une baisse pas très populaire

En clair, ne pas augmenter maintenant éviterait d'avoir à baisser le rendement du livret A au 1er mai (les taux sont révisés le 1er février et le 1er août, et les 1er mai et 1er octobre en cas de fortes variations). Soit juste entre les deux tours de l'élection présidentielle. Et la baisse du taux du livret A n'étant jamais très populaire, certains analystes estiment que Christian Noyer, proche de Nicolas Sarkozy, aurait ainsi voulu protéger le Président.

Plus prosaïquement, d'autres économistes comme Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des Épargnants, estiment qu'à 2,75 %, la rémunération des taux courts aurait été presqu'au même niveau que celle des taux longs. Conséquence, les assurances-vie, déjà en perte de vitesse, auraient perdu encore plus de terrain face au livret A. Et une épargne facile et attractive n'est pas un bon signal pour la consommation, déjà en berne.

Cette décision est critiquée par les associations de consommateurs, qui gardaient déjà en travers de la gorge la décision du gouvernement en novembre dernier de repousser au 1er avril - et non 1er janvier - la revalorisation des prestations sociales, et de limiter cette hausse à 1 %, alors qu'elle aurait dû suivre l'inflation à 2,3 %.

Mais elle est aussi contestée par les économistes qui prédisent que l'inflation ne baissera pas autant que prévu en ce début 2012, notamment à cause du relèvement du taux de TVA de 5,5 % à 7 % et des hausses des tarifs régulés (gaz, trains, taxis…). Et en cas de mise en place rapide de la TVA sociale, comme le promet le gouvernement, les perspectives de recul de l'inflation pourraient même être remises en cause. Ainsi, les chefs économistes de HSBC France et de la Société Générale prévoient désormais que l'inflation ne redescendra sous le seuil des 2 % qu'en décembre 2012.

Article publié par la Dépêche du Midi

17:19 Publié dans Actualités, Cactus, Connaissances, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

11/01/2012

LA TVA SOCIALE POUR LES NULS !

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10:29 Publié dans Cactus, Economie, Le dessin du mois | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tva sociale, nuls, économie | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

29/12/2011

Joseph Stiglitz : "L'austérité mène au désastre"

Stigiltz, économie, Europe, austéritéLondres Correspondante - Joseph Stiglitz, 67 ans, Prix Nobel d'économie en 2001, ex-conseiller économique du président Bill Clinton (1995-1997) et ex-chef économiste de la Banque mondiale (1997-2000), est connu pour ses positions critiques sur les grandes institutions financières internationales, la pensée unique sur la mondialisation et le monétarisme. Il livre au Monde son analyse de la crise de l'euro.

Vous avez récemment dit que l'euro n'avait pas d'avenir sans réforme majeure. Qu'entendez-vous par là ?

L'Europe va dans la mauvaise direction. En adoptant la monnaie unique, les pays membres de la zone euro ont renoncé à deux instruments de politique économique : le taux de change et les taux d'intérêt. Il fallait donc trouver autre chose qui leur permette de s'adapter à la conjoncture si nécessaire. D'autant que Bruxelles n'a pas été assez loin en matière de régulation des marchés, jugeant que ces derniers étaient omnipotents. Mais l'Union européenne (UE) n'a rien prévu dans ce sens.

Et aujourd'hui, elle veut un plan coordonné d'austérité. Si elle continue dans cette voie-là, elle court au désastre. Nous savons, depuis la Grande Dépression des années 1930, que ce n'est pas ce qu'il faut faire.

Que devrait faire l'Europe ?

Il y a plusieurs possibilités. Elle pourrait par exemple créer un fonds de solidarité pour la stabilité, comme elle a créé un fonds de solidarité pour les nouveaux entrants. Ce fonds, qui serait alimenté dans des temps économiques plus cléments, permettrait d'aider les pays qui ont des problèmes quand ceux-ci surgissent.

L'Europe a besoin de solidarité, d'empathie. Pas d'une austérité qui va faire bondir le chômage et amener la dépression. Aux Etats-Unis, quand un Etat est en difficulté, tous les autres se sentent concernés. Nous sommes tous dans le même bateau. C'est d'abord et avant tout le manque de solidarité qui menace la viabilité du projet européen.

Vous prônez une sorte de fédéralisme ?

Oui. De cohésion. Le problème, c'est que les Etats membres de l'UE n'ont pas tous les mêmes croyances en termes de théorie économique. Nicolas Sarkozy a eu raison de faire pression sur (la chancelière allemande) Angela Merkel pour la payer pour la Grèce. Nombreux sont ceux qui, en Allemagne, s'en remettent totalement aux marchés. Dans leur logique, les pays qui vont mal sont responsables et doivent donc se débrouiller.

Ce n'est pas le cas ?

Non. Le déficit structurel grec est inférieur à 4 %. Bien sûr, le gouvernement précédent, aidé par Goldman Sachs, a sa part de responsabilité. Mais c'est d'abord et avant tout la crise mondiale, la conjoncture, qui a provoqué cette situation.

Quant à l'Espagne, elle était excédentaire avant la crise et ne peut être accusée d'avoir manqué de discipline. Bien sûr, l'Espagne aurait dû être plus prudente et empêcher la formation de la bulle immobilière. Mais, en quelque sorte, c'est l'euro qui a permis ça, en lui procurant des taux d'intérêt plus bas que ceux auxquels Madrid aurait eu accès sans la monnaie unique. Aujourd'hui, ces pays ne s'en sortiront que si la croissance européenne revient. C'est pour cela qu'il faut soutenir l'économie en investissant et non en la bridant par des plans de rigueur.

La baisse de l'euro serait donc une bonne chose ?

C'est la meilleure chose qui puisse arriver à l'Europe. C'est à la France, et plus encore à l'Allemagne qu'elle profitera le plus. Mais la Grèce et l'Espagne, pour qui le tourisme est une source de revenus importante, en seront également bénéficiaires.

Merkel, pourtant, sait que la solidarité peut être importante. Sans cela, il n'y aurait pas eu de réunification allemande.Oui. Mais, justement, il a fallu plus de dix ans à l'Allemagne pour absorber la réunification. Et d'une certaine manière, je pense que les ex-Allemands de l'Ouest estiment qu'ils ont déjà payé un prix élevé pour la solidarité européenne.

Pensez-vous que la viabilité de l'euro soit menacée ?

J'espère que non. Il est tout à fait possible d'éviter que la monnaie unique ne périclite. Mais si on continue comme ça, rien n'est exclu. Même si je pense que le scénario le plus probable est celui du défaut de paiement. Le taux de chômage des jeunes en Grèce s'approche de 30 %. En Espagne, il dépasse 44 %. Imaginez les émeutes s'il monte à 50 % ou 60 %. Il y a un moment où Athènes, Madrid ou Lisbonne se posera sérieusement la question de savoir s'il a intérêt à poursuivre le plan que lui ont imposé le Fonds monétaire international (FMI) et Bruxelles. Et s'il n'a pas intérêt à redevenir maître de sa politique monétaire.

Rappelez-vous ce qui s'est passé en Argentine. Le peso était attaché au dollar par un taux de change fixe. On pensait que Buenos Aires ne romprait pas le lien, que le coût en serait trop important. Les Argentins l'ont fait, ils ont dévalué, ça a été le chaos comme prévu. Mais, en fin de compte, ils en ont largement profité. Depuis six ans, l'Argentine croît à un rythme de 8,5 % par an. Et aujourd'hui, nombreux sont ceux qui pensent qu'elle a eu raison.

Propos recueillis par Virginie Malingre pour Le Monde

20:22 Publié dans Actualités, Economie, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stigiltz, économie, europe, austérité | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!