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22/04/2014

"La France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe"

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À Gaza, les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable

Journaliste et écrivain palestinien de renommée internationale, né à Gaza, Ramzy Baroud (*) a sillonné pendant plusieurs mois le Proche et le Moyen-Orient, pour le compte de la chaîne Al Jazeera. A l’occasion de sa première visite à Paris, il livre à l’Humanité son regard sur les bouleversements régionaux en cours, et juge avec sévérité le nouveau rôle joué par la diplomatie française.

Comment expliquez-vous la dégradation actuelle, en particulier sanitaire, que connaît la bande de Gaza ?

Ramzy Baroud. L’Etat de siège est perpétuel. Mais effectivement, même selon les « standards » de Gaza, la situation s’est considérablement dégradée. Il n’y a de courant qu’entre 2h et 6h du matin. Les générateurs des hôpitaux ne fonctionnent plus. Les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable, les ordures et les eaux usées se déversent dans les rues. Nous sommes au-delà de la logique de punition collective. Il y a selon moi une volonté politique des dirigeants israéliens d’accentuer cette punition afin d’accroître la défiance de la population envers le Hamas, et le rendre responsable de la dégradation des conditions de vie. Avec l’élimination des Frères musulmans en Egypte, le moment est idéal pour marginaliser le Hamas, sa branche palestinienne.

C’est votre premier voyage en France, un pays qui était connu pour sa politique « équilibrée » au Proche-Orient…

Ramzy Baroud. Il y a eu un changement significatif de votre politique étrangère, en particulier vis-à-vis du Proche-Orient : Les Palestiniens considèrent la position de la France comme engagée du côté israélien. Ils ont perdu leurs illusions sur l’équilibre français, sa sympathie supposée pour la cause palestinienne. Après l’intervention militaire en Libye, puis la tentative avortée de bombarder la Syrie, comme j’ai pu m’en rendre compte après un séjour de six mois dans les pays arabes pour le compte de la chaîne Al-Jazeera, la France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe. Il y a un manque de confiance pour un pays clairement identifié comme faisant partie de l’axe Londres-Washington-Tel Aviv.

Dans votre dernier livre, vous décrivez Benjamin Netanyahu comme un « homme malveillant à l’esprit tordu ». Pourquoi François Hollande lui a-t-il manifesté une telle amitié à l’occasion de son dernier voyage en Israël ?

Ramzy Baroud. Je vais essayer de rester le plus poli possible. Mais je suis obligé d’admettre que j’ai trouvé ce spectacle absolument écœurant. C’est d’autant plus incompréhensible venant du président d’un pays au passé révolutionnaire, qui a connu la brutalité de l’Occupation, qui comprend la violence d’un processus de décolonisation. Et voir François Hollande donner aux dirigeants israéliens cet amour inconditionnel à un moment où même le gouvernement américain atteint le point où il défie l’influence du lobby pro-israélien aux Etats-Unis a quelque chose de profondément choquant. Netanyahu est à l’extrême-droite de l’échiquier politique israélien et il pourrait même être taxé de fasciste selon certains standards politiques internationaux… Peut-être que cette attitude était justifiée par la volonté d’amadouer les dirigeants israéliens sur le dossier du nucléaire iranien, mais faire cela sur le dos des Palestiniens avait quelque chose de révoltant.

Vingt ans après les accords d’Oslo, le Moyen Orient connaît des bouleversements majeurs : l’Iran normalise sa relation avec les Etats-Unis, Israël coopère étroitement avec l’Arabie Saoudite... Quel impact ces évolutions peuvent-elles avoir sur la lutte du peuple palestinien ?

Ramzy Baroud. Il y a un changement de paradigme à l’œuvre dans la région. Dans les décennies à venir, on se souviendra de cette période comme celle qui a changé le visage du Proche et du Moyen-Orient. La raison fondamentale vient des Etats-Unis : ils ont compris après l’Irak qu’ils n’avaient plus les moyens de mener une guerre de grande envergure. En conséquence de cela, d’autres acteurs tentent de combler ce vide. L’autre facteur est l’émergence du peuple arabe en tant qu’entité politique. Les analystes ont à mon avis commis une erreur en considérant que le soulèvement était une victoire en soi. Ce n’était pas le cas. La signification, selon moi, c’est que le Moyen-Orient ne pourra plus être gouverné par cette alliance entre le néocolonialisme occidental et une poignée de dirigeants corrompus et despotiques. Il est néanmoins difficile de définir ce nouvel acteur : ce n’est pas vraiment une « société civile », parce qu’elle est fragmentée et divisée, comme on peut le voir en Libye ou en Egypte, mais c’est incontestablement une émergence populaire. Il n’y a pas vraiment eu de culture de la mobilisation collective dans la région depuis des décennies. Cette conscience sera probablement longue à émerger, que ce soit au Yémen ou à Bahreïn, mais elle finira par redessiner le visage du Moyen-Orient. Prenons le cas de l’Egypte : les puissances étrangères y faisaient et y défaisaient les rois. Aujourd’hui, elles sont obligées d’ajuster leur attitude en fonction de qui la population a permis ou rendu possible l’accession au pouvoir.

L’émir du Qatar a tenté de mettre la main sur le Hamas l’année dernière, avant que son pays ne semble disparaître progressivement de la scène régionale. Que s’est-il passé ?

Ramzy Baroud. Il n’y a pas de réelle dynamique au Qatar. C’est un tout petit pays qui essaie d’apparaître comme influent sur la scène internationale. Mais tout ce qu’il a à offrir, c’est de l’argent. L’argent permet de vous acheter une amitié temporaire, mais certainement pas une influence durable. Vous pouvez acheter des groupes, des militants, et après ? Le chèque signé au Hamas s’inscrivait dans la stratégie de récupération des mouvements politiques islamistes suite au Printemps arabe. Le Hamas était alors dans une position très inconfortable vis-à-vis du conflit syrien, et il fallait l’obliger à s’engager du côté de l’opposition armée soutenue par le Qatar. Les dirigeants du Hamas ont visiblement misé sur le mauvais cheval.

Comment résoudre la défiance grandissante de la population palestinienne vis-à-vis de leurs dirigeants ? La libération d’une figure comme Marwan Barghouti peut-elle changer la donne ?

Ramzy Baroud. La crise est beaucoup trop profonde pour qu’elle puisse être résolue par un seul homme. La classe politique palestinienne dépend du bon vouloir de ses partenaires politiques et financiers, et même d’Israël. Si Israël en venait à considérer que l’autorité palestinienne représente un réel danger pour ses intérêts, elle serait encore d’avantage affaiblie : les Etats-Unis cesseraient par exemple de financer la formation de policiers, lesquels sont entre autres chargés d’empêcher toute forme de lutte armée contre l’occupant israélien. Le problème du Hamas est différent : c’est un parti plus récent, qui est apparu aux yeux de la population palestinienne comme moins corrompu, n’ayant pas renoncé à la lutte armée, et c’est ce qui explique que nombre de chrétiens vivant à Gaza ont voté pour lui. Il ne s’agissait pas de soutenir le Hamas pour ce qu’il est réellement, mais pour ce qu’il représente. C’est le même phénomène qui explique la popularité du Hezbollah au Liban, qui va bien au-delà de la population chiite. Pour revenir à votre question, je pense que la question de la représentation du peuple palestinien sera « naturellement » tranchée lorsque les circonstances politiques permettront à une telle figure d’émerger. Ce n’est pas le cas actuellement.

(*) Dernier ouvrage paru : Résistant en Palestine, une histoire vraie de Gaza, publié aux éditions Demi Lune.

Publié dans l'Humanité

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Propos recueillis par Marc de Miramon

02/04/2014

La fiscalité pour partager les richesses créées

Payer l’impôt est un acte citoyen. Mais en raison de la pression des patrons et des libéraux, les erreurs du gouvernement, la faiblesse du pouvoir d’achat, les gens le considèrent comme une charge inadmissible.

Les mauvais choix des gouvernements successifs ont rendu le système, au fil du temps, de plus en plus incompréhensible, de plus en plus injuste. Loin d’être une charge inadmissible, l’impôt nous fait surtout beaucoup de bien tout au long de notre vie.

Sans lui, par exemple, l’Etat n’aurait pas les moyens d’assurer la sécurité, la santé, l’éducation, les routes et autres infrastructures, l’accès à la culture. En s’attaquant aux impôts, les patrons et les libéraux veulent en fait privatiser les services publics.

L’impôt permet le vivre ensemble et au plus grand nombre de vivre dignement en finançant les politiques publiques et les services publics qui sont eux même source de développement économique et créateurs de richesse. Loin de vouloir nous « en débarrasser » comme certains le revendiquent, faisons d’abord la clarté. Ce petit glossaire peut nous y aider.

L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu est le prélèvement le plus « visible ». Nous déclarons nos revenus, nous recevons un avis d’imposition et acquittons cet impôt. L’impôt sur le revenu est progressif (le taux d’imposition augmente d’autant plus que les revenus sont importants) c’est pourquoi il est aussi le mode d’imposition le plus juste. Il représente pourtant moins d’un quart des recettes fiscales. La moitié des contribuables ne paient pas cet impôt surtout faute de revenu suffisant.

Les plus riches contribuent de moins en moins par rapport à l’ensemble de la population. Ils ont aussi été les grands gagnants des réformes de l’impôt sur le revenu surtout mises en place sous Sarkozy. Ils ont notamment bénéficié d’une explosion des niches fiscales et d’une baisse des taux d’imposition. Le taux maximum était de 65% en 1983. Il est, en 2013, de 45%. Bien informés par leurs « conseillers fiscaux », les plus aisés accaparent la majorité de ces aides publiques. 62% des niches fiscales sont utilisées par les 10% les plus riches.

Pour qu’un impôt soit juste, il doit permettre à chacun de contribuer à hauteur de ses moyens. L’impôt sur le revenu est construit afin de répondre à ce critère. Durant les trente dernières années, le montant collecté a été largement réduit au profit de taxes comme la TVA.

Réhabilitons l’impôt sur le revenu : en limitant drastiquement les déductions fiscales à celles ayant démontré une efficacité sociale ou économique ; en augmentant le nombre de tranches et les taux d’imposition afin que chacun contribue à hauteur de ses moyens ; en taxant davantage les revenus du capital.

La TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et les impôts indirects

On dit que la moitié de la population ne paient pas d’impôt. C’est faux : tous le monde paie l’impôt à partir du moment elle ou il consomme. Seulement, il s’agit d’un impôt invisible, indirect.

La France a fait le choix historique de structurer ses prélèvements fiscaux à partir de la fiscalité indirecte : La TVA, la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers), certaines taxes à caractère environnemental ou budgétaire de consommation d’énergie fossile.

La taxe sur la valeur ajoutée ou TVA est un impôt indirect sur la consommation. Le montant de la taxe est proportionnel au prix de vente hors taxe. Ainsi les vendeurs ou prestataires de services jouent en fait auprès de leurs clients le rôle de collecteur d’impôt pour le compte de l’État, sans que cette charge ne les touche personnellement.

Payée par les « consommateurs » elle est particulièrement injuste puisqu’elle pèse beaucoup plus lourd dans le budget des ménages les plus modestes. Cependant, elle paraît indolore. Qui se soucie vraiment de l’impôt qu’il paye à chaque fois qu’il passe à la caisse du supermarché ? En effet, cette taxe se substitue durant les trente dernières années à l’impôt sur le revenu.

Réduisons le poids de la TVA : en supprimant la TVA sur les produits de première nécessité ; en baissant le taux normal de la TVA à 15 % ;

La Taxe d’Habitation et la Taxe Foncière

Pour obtenir le montant de la taxe d’habitation, on multiplie ce que l’on appelle « la valeur locative cadastrale » (valeur locative foncière), c’est-à-dire ce que rapporterait sur un an l’habitation si elle était mise en location, par les taux d’impositions votés par les communes. Ce montant peut être diminué de certains allègements notamment en raison de conditions d’âge ou d’infirmité.

Le montant de la valeur locative de notre habitation est le résultat d’un calcul complexe. Il tient compte de la superficie du logement, des éléments de confort (nombre de salles de bain par exemple), de l’état de l’immeuble, de l’attractivité de sa situation géographique. Sur le principe, la méthode est bonne. Seulement, aucune révision de ces valeurs locatives n’a été effectuée depuis 1970. Résultat, elles sont très souvent largement surévaluées dans les immeubles construits dans les années 1970 en périphérie des villes par rapport à ceux des vieux quartiers de centre-ville maintenant réhabilités et, par conséquent, sous évalués.

Se contenter d’une révision des valeurs locatives n’est pas suffisant. En effet, les valeurs locatives sont globalement très inférieures à la réalité du marché et au final leur revalorisation pourrait faire doubler ou tripler le montant de la taxe d’habitation. Cela accentuerait encore d’avantage les inégalités, réservant les logements les plus agréables aux plus riches et reléguant les autres encore plus loin de leur lieu de travail dans des logements encore plus exigus et inconfortables.

Transformons les Taxe d’habitation et Taxe Foncière : en révisant les critères de calcul de cette taxe (ceux-ci sont basés sur des éléments datant de 1970) ; en prenant en compte les revenus des occupants et la réalité de l’habitat dans le calcul de la taxe. En modulant les taux de la taxe foncière en fonction de l’usage de la propriété.

La fiscalité des entreprises

L’Impôt sur les sociétés

A entendre les patrons, les entreprises sont asphyxiées par l’impôt sur les sociétés. Pourtant, le montant de cet impôt est un quart de la TVA : 36 mds € dans le budget 2014, contre 140 mds € de TVA et 75 mds d’impôt sur le revenu.

Le taux de l’impôt sur les sociétés a régulièrement baissé. Il s’établit actuellement à 34 %. En réalité, ce taux est beaucoup plus faible. En particulier, le taux réel d’imposition des grandes entreprises est de l’ordre de 8%. En effet, la loi permet aux grandes entreprises d’afficher leurs bénéfices dans les pays où le taux d’impôt sur les sociétés est plus faible. C’est ce qu’on appelle « optimisation fiscale ».
De plus, les entreprises reçoivent beaucoup d’aides de l’Etat et des collectivités territoriales. Il faut comparer l’impôt sur les sociétés aux 200 mds€ d’aide accordées entreprises.

La fiscalité locale des entreprises

Les évolutions récentes en matière de fiscalité locale ont largement mis en danger les finances des collectivités. Elles ont principalement eu pour conséquence d’alléger la pression fiscale sur les entreprises et cela notamment à l’occasion du remplacement de la Taxe professionnelle (TP) par la Contribution économique territoriale (CET).

Ces dernières années, les collectivités se sont vu attribuer de nouvelles compétences sans pour autant recevoir les transferts financiers correspondants. En 2014 et 2015, la dotation de l’État sera même, chaque année, réduite de 1,5 milliards d’euros.

Les conséquences sont graves. Les collectivités n’ont d’autre choix que de se tourner vers les ménages ! À l’heure actuelle, les collectivités locales n’ont, en effet, quasiment plus aucun moyen de modifier le niveau de prélèvement sur les entreprises. Ce sont donc les particuliers, parfois les plus modestes, qui mettent la main à la poche pour financer les allègements consentis aux entreprises. Malgré tout, cela ne garantit pas un niveau de financement suffisant pour le maintien de services publics de qualité.

Luttons efficacement contre l’évasion et la fraude fiscale

La fraude fiscale et les paradis fiscaux sont désormais dans le collimateur de l’Union européenne et des grandes puissances économiques. En France, nous en sommes au neuvième rapport parlementaire en quinze ans sur le sujet.Les avoirs détenus dans les paradis fiscaux sont estimés entre 20000 et 30000 milliards d’euros. Le montant annuel de la fraude dans l’Union européenne était estimé en septembre dernier à 1000 milliards d’euros par le Parlement européen. Aujourd’hui, la Commission européenne l’évalue à 2000 milliards d’euros, soit l’équivalent du PIB de la France… L’énormité des sommes montre l’importance de l’enjeu. En France les estimations varient mais elles vont jusqu’à 80 milliards d’euros par an.

L’absence d’harmonisation européenne en matière de fiscalité, l’absence également de coopérations au niveau mondial, de même que la déréglementation des économies expliquent essentiellement l’évasion fiscale. Le durcissement de la législation doit s’entendre au niveau international et au minimum au niveau européen.

Faisons de la fiscalité des entreprises un moteur pour l’économie et le progrès social : en modulant le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’utilisation des bénéfices afin de favoriser l’emploi, les salaires, la recherche, la préservation de l’environnement, etc. ; en subsistant à l’actuel CET une nouvelle fiscalité locale à destination des professionnels modulable en fonction de la politique des entreprises en terme d’emploi, de salaires, d’investissements, de formation et de l’environnement... Il est également essentiel que ce nouvel impôt, remplaçant la CET, soit établi sur des règles communes à l’échelon national afin de ne pas entraîner un dumping fiscal entre les territoires qui serait catastrophique pour les populations en luttant contre les paradis fiscaux et en harmonisant les législations fiscales au niveau européen ; en taxant véritablement les transactions financières.

Les propositions CGT sont parfaitement réalistes. Elles concourent à l’efficacité économique en dégageant des recettes supplémentaires et à la justice sociale en faisant peser une fiscalité moins lourde sur la majorité de la population. Elles impliquent toutefois la volonté politique de rompre avec les choix précédents qui ont eu pour conséquences l’augmentation des inégalités et l’aggravation de la crise économique et sociale.

12:23 Publié dans Actualités, Economie, Point de vue, TV E-MOSAIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fiscalité, impôts, cgt | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

19/03/2014

«Mon communisme est de la même famille que le mot commune»

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Lilian ALEMAGNA et Olivier MONGE. MYOP (photos) pour Libération

Ils sont encore 16. De Arles à Aubagne, le Parti communiste (et ses apparentés) conserve de forts bastions dans les Bouches-du-Rhône. Sur les cinq plus grandes villes du département, trois sont dirigées par un maire PCF. Libération a sillonné l'arrière-pays marseillais et rencontré près de la moitié d'entre-eux pour comprendre pourquoi ce communisme-là continue d'être apprécié des électeurs. Paroles.

«Une municipalité, c'est un ensemble qui fait du "commun"»

Patricia Fernandez-Pédinielli, 42 ans, maire de Port-de-Bouc depuis 2005

 

Patricia Fernandez-Pédinielli, maire de Port-de-bouc

«J’ai horreur de l’étiquette, de l’amalgame, de faire partie d’un conglomérat informe et loin d’être comparable. Ce qui m’intéresse, c’est le contenu. Je suis un maire communiste.

Ce n’est pas une municipalité communiste. Une municipalité, c’est à la fois les élus, les services publics, les associations qui travaillent ensemble. Qui font du "commun". On peut avoir des démarches globalisantes.

L’art est de savoir les mettre en pratique avec des hommes et des femmes qui peuvent apporter une aide concrète à cette ville. La France ne doit pas laisser tomber son organisation sous forme de commune. Quand on est communiste, on est aussi républicain.»

 

«Des valeurs arc-en-ciel»

Daniel Fontaine, 68 ans, maire d’Aubagne depuis 2001

Daniel Fontaine, maire d'Aubagne

«Le communisme municipal ? Ça me ramène à ma jeunesse ! Quand j’allais voir mes grands-parents au Blanc-Mesnil. Je traversais Drancy, Pantin. Il y avait l’empreinte d’une gestion portée essentiellement par les communistes. Ici nous allons avoir 33 élus ; 4 seulement sont membres du PCF et ont leur carte. La notion de communisme municipal n’a plus de sens. Nous portons des valeurs arc-en-ciel.»

 

«Pas de partage du territoire avec les socialistes»

Pierre Dharréville, 38 ans, secrétaire fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône depuis 2008

Pierre Dharéville, secrétaire fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône

«On ne revendique pas cette étiquette de communisme municipal. On revendique les politiques que nous menons. Nous ne sommes pas un pôle de radicalité. On se revendique de la gauche. Nous sommes dans une terre avec une histoire industrielle et ouvrière et notre gestion locale est identifiée : luttes pour le maintien d’une activité industrielle, pour des services publics de proximité, des politiques culturelles pour tous… Avec les socialistes, il n’y a pas de partage du territoire. Ils sont plus prosaïques et pragmatiques que ça. S’ils pouvaient nous prendre une ville, ils le feraient.»

 

«Une gestion municipale ouverte»

Hervé Schiavetti, 57 ans, maire d’Arles depuis 2001

Hervé Schiavetti, maire d'Arles

«Au conseil municipal, il y a 3 communistes, 16 socialistes et le reste de la société civile. Nous sommes dans une gestion municipale ouverte. J’ai ma carte au PCF parce que je ne veux pas trahir une histoire. Nous, les maires, on ne cherche pas à peser sur le débat national du PCF. Pour le PS, on est un enjeu territorial qui peut entrer dans des stratégies personnelles et de pouvoir. Aussi d’intercommunalité. Mais ponctuellement.»

 

«Ecocologiste»

Roger Meï, 78 ans, maire de Gardanne depuis 1977

Roger Meï, maire de Gardanne

«Je suis "écocologiste". Mon communisme est de la même famille que le mot commune, communion, communauté. Georges Marchais ne fait pas partie de mes idoles. Je préfère me revendiquer de Che Guevara, Nelson Mandela et l’abbé Pierre. J’ai déjà partagé mon manteau avec Gaudin, je ne partagerai pas mes richesses. Et puis on est en train de saccager l’industrie française. Moi, trop vieux ? Il ne faut pas faire d’ostracisme. On est respecté et craint parce qu’on est capable d’amener du monde manifester. Je suis le seul à avoir accepté des familles roms sur ma commune. On oblige les enfants à aller à l’école et on vérifie. Il y a 2 500 Roms sur le département. Si toutes les communes faisaient un effort, on aurait déjà résolu le problème.»

 

«Communiste par conviction, pas par éducation»

Gaby Charroux, 71 ans, maire de Martigues depuis 2009 et député des Bouches-du-Rhône depuis 2012

Gaby Charroux, maire de Martigues

«Je ne suis pas devenu communiste par éducation mais par conviction. Je suis rentré au PCF en 1998. J’étais déjà conseiller municipal depuis 1989. Tous les communistes que je rencontrais, je les appréciais. On n’a beau dire qu’on n’aime pas la question individuelle, il n’empêche que dans une élection législative, si ce n’est pas le maire de la ville centre qui se présente, le poste de député, on ne l’aurait pas conservé. En 2017, je choisirai le poste de maire. Ici, avec le PS, on est ensemble depuis quarante ans. Et en 2008, on fait 57% au premier tour. J’ai une certitude après mon départ : je n’emmerderai plus mes successeurs. Et une ambition : que le PCF garde tous ses mandats.»

 

«Mon parti, c’est les 4 500 habitants»

Georges Rosso, 84 ans, maire du Rove depuis 1981

Georges Rosso, maire du Rove

«Il faut être le maire de tout le monde. Ce qui est le plus difficile, c’est d’être le maire communiste de tout le monde. Ici, mon parti, c’est les 4 500 habitants. Je n’ai jamais été déçu par le PCF. Et jamais le parti ne m’a donné un conseil sur la gestion de ma commune. Il y a des mecs qui votent FN aux élections nationales et puis votent pour moi aux municipales. Ils votent pour le maire. Je ne voulais pas me représenter au départ mais on me l’a demandé. Les habitants ont dit à ma femme "laissez-le nous encore un peu". Tant qu’on est révolutionnaire, on est jeune. Je ne passerai pas la main à un non-communiste. Supprimez la télévision et le PCF va remonter !»

11/02/2014

Appel de la gauche du PS: "Non à la politique de l’offre !"

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27 membres du bureau national du PS sur 72 ont signé un appel pour une autre politique. Non à la politique de l’offre ! Non à la baisse du «coût du travail» disent-ils. "Si 35 % de la direction du parti signe, cela, on peut penser que, à la base, c’est bien plus que la majorité des adhérents tellement le mécontentement est grand" écrit Gérard Filoche, également signataire.

  • Texte de l’appel :

La période est instable. De l’extrême droite qui se rassemble derrière des slogans racistes et antisémites à la droite radicalisée qui remet en cause la légitimité du Président de la République à gouverner, un front des conservatismes se constitue. Cette situation appelle une réaction forte. Une réaction essentielle pour reprendre la main, faire reculer le chômage et engager pleinement la transition écologique. Et ne pas donner l’impression que, malgré́ l’arrivée de la gauche au pouvoir, les droites et leurs « valeurs » sont en dynamique.

De toutes nos forces nous voulons que la gauche réussisse. Dix ans de politique de droite ont profondément abimé notre pays. La crise a dévasté nombre de territoires, plongé des millions de familles dans l’angoisse de la précarité ou du chômage.

A l’occasion de la campagne présidentielle, François Hollande a, à juste titre, pointé la responsabilité historique du monde de la finance dans les difficultés que traversent notre pays et notre continent. Il avait porté haut et fort l’exigence d’une réorientation de la construction européenne, en dénonçant le caractère néfaste des politiques d’austérité. Pour sortir le pays du chômage de masse, il avait proposé une feuille de route qui n’oppose pas la production à la redistribution, l’offre à la demande, l’efficacité́ économique à la justice sociale.

Cette feuille de route, c’est toujours la nôtre.

Cinq ans après la chute de Lehman Brothers, l’Union européenne subit toujours la crise et ses conséquences. Trois pays se trouvent encore sous assistance financière, le chômage atteint 12% dans la zone euro et la croissance est en berne.

C’est pourquoi nous continuons de penser qu’il est nécessaire de faire vivre la promesse de réorientation de la politique Européenne. Plus que jamais, la France doit créer les conditions d’un rapport de force favorable aux politiques de sortie de crise. La situation impose de nous dégager de la logique trop restrictive liée aux normes budgétaires et monétaires européennes.

La réduction des déficits préconisée par la Commission européenne a provoqué des coupes sombres dans des dépenses publiques et sociales essentielles. Surtout, ces «efforts» imposés aux populations n’ont pas permis de réduction de la dette publique. Elle est passée pour l’Union européenne à 27 de 62% du PIB en 2008 à 85% quatre ans plus tard. Loin de réduire la dette, l’austérité contribue à l’augmenter davantage.

Aujourd’hui, les critiques convergent pour remettre en cause des politiques socialement dangereuses et économiquement inefficaces. Les citoyens, mais aussi de grandes institutions comme le FMI, l’OCDE, le BIT, pointent l’urgence d’une relance coordonnée en Europe.

Dans ce contexte, les élections européennes revêtent une importance particulière. Refonte de la politique commerciale, instauration d’une taxe sur les transactions financières, lutte contre les paradis fiscaux, politique monétaire au service de l’économie réelle, harmonisation sociale et fiscale, relance de l’investissement par la transition énergétique notamment, meilleure répartition du travail, smic européen : les socialistes porteront ces exigences en mai prochain.

Mais nous serons d’autant plus crédibles pour le faire si nous avons administré la preuve, en France, qu’il n’y a pas qu’une seule politique possible.

Or en dépit de la salutaire rupture avec l’ère Sarkozy, l’orientation en matière de politique économique suscite des désaccords et des inquiétudes dans nos rangs.

Nous ne nous reconnaissons pas dans le discours qui tend à faire de la baisse des « charges » et du « coût du travail » la condition d’un retour de la croissance. Il n’y a pas de « charges » mais des cotisations sociales qui sont en réalité du salaire différé.

Et nous sommes inquiets quand nous découvrons que la baisse des cotisations promise aux entreprises s’accompagne d’une réduction de 50 milliards d’euros des dépenses publiques en trois ans, sans même savoir quels sont ceux qui en supporteront les conséquences. Ce qui risque de rogner sur le modèle social français dont les grands principes ont été établis à la Libération.

La focalisation exclusive sur la baisse du « coût du travail » ne constitue pas une réponse adaptée

Comme l’ensemble de l’Union européenne, la France souffre de la crise. Les libéraux, dont le patronat se fait le porte-­‐parole, associent cette crise à un problème global de compétitivité engendré par une explosion du « coût du travail ». Cette lecture nous semble contestable.

Depuis le début des années 90, des centaines de milliards d’aides, d’exonérations, de subventions ont été́ distribuées sans aucun effet sur l’emploi et la compétitivité de nos entreprises. Pire, elles ont alimenté la rente au détriment des salaires et de l’investissement. Entre 1999 et 2008, alors que les firmes allemandes ont réduit leur taux de dividendes versées de 10%, leurs homologues françaises l’ont augmenté de près de 50%. Le « coût du capital » n’a jamais été aussi élevé.

L’industrie française se délite et les politiques libérales de ces 20 dernières années n’ont fait qu’en précipiter la chute, croyant pouvoir créer une « France sans usine », renonçant à toute politique industrielle ambitieuse. Le renouveau industriel nécessite un renforcement de notre « compétitivité hors-coût » qui ne sera rendue possible que par des aides ciblées et d’une réorientation des bénéfices de la rente vers l’investissement productif.

Or, on ne peut que constater la victoire de la finance sur la production. C’est la conséquence de la concentration de la richesse entre les mains d’un nombre de plus en plus petit. Aujourd’hui, alors que 10 % de la population concentre 60 % du patrimoine, les banques imposent aux entreprises des règles qui donnent la priorité́ à l’accroissement systématique des marges. Dès lors, il ne faut pas s’étonner du mouvement de concentration du capital (les quatre premières banques françaises ont un bilan équivalent à 400 % du PIB) et de financiarisation de l’économie.

Enfin, ne nous voilons pas la face. La finitude des ressources naturelles, la hausse inéluctable du prix des énergies fossiles dont notre modèle de production et de consommation est dépendant, la stagnation de nos taux de croissance déconnectés du bien-être humain, nous obligent à imaginer un nouveau modèle de développement. De même, l’évolution des gains de productivité́ rend indispensable de réfléchir à une nouvelle répartition du travail. Mais ce nouveau modèle de développement est par définition antagoniste des logiques libérales, court-termistes, à l’œuvre de nos jours.

Pour nous, la priorité doit donc être la suivante: favoriser l’emploi et l’investissement productif aux dépens de la rente.

Les préconisations avancées jusqu’à présent sont déséquilibrées.

Les socialistes se sont toujours refusés à opposer offre et demande, production et redistribution, bonne gestion des comptes publics et relance de l’économie. Les propositions contenues dans le « pacte de responsabilité́ » semblent s’écarter de cette position d’équilibre.

  • 1) L’objectif de baisse accélérée des dépenses publiques comporte des risques majeurs.

Le Président de la République s’est engagé à ne pas toucher au modèle social français. Néanmoins, la priorité́ accordée aux 50 milliards d’euros d’économies en trois ans, nous fait craindre une réduction du périmètre d’intervention de l’Etat, nuisible aux politiques sociales existantes et au fonctionnement des services publics.

  • 2) le redressement n’est pas possible sans la justice

A trop se focaliser sur « l’offre » et la « baisse des charges », le « pacte de responsabilité́ » risque de comprimer l’activité́ économique.

Par ailleurs, elle réduit considérablement nos marges de manœuvres pour mener à bien des politiques ambitieuses dans le domaine de l’éducation, du logement ou de la culture. Comment continuer à soutenir l’effort de réinvestissement de l’Etat dans le domaine éducatif mené́ depuis le 6 mai, si les baisses de crédits y sont massives ? Comment soutenir l’exception culturelle si, pour la troisième année consécutive nous baissons le budget du ministère de la culture. Enfin, comment les collectivités territoriales pourront-elles continuer à être le premier investisseur public de notre pays, si elles doivent réaliser des coupes budgétaires massives ?

Notre pays doit partir de ses atouts : qualité de la main d’œuvre, de ses services et infrastructures publics. Agir pour notre compétitivité, c’est penser dès maintenant le monde de demain et notre modèle de développement.

C’est donc d’abord agir sur nos capacités productives (montée en gamme, sobriété énergétique de notre appareil productif, investissement dans les énergies renouvelables, utilité́ sociale) et sur nos infrastructures. Ainsi en 2011, les importations énergétiques pesaient 88% du déficit de notre balance commerciale, entamant d’autant la création d’emplois et les capacités d’investissement de nos entreprises.

L’investissement dans l’éducation, la formation, la recherche, la transition énergétique, sont autant de leviers pour une stratégie de développement durable à moyen et long terme. L’enchainement des crises ces vingt dernières années témoigne d’un système court-termiste à bout de souffle, qui ne répond plus au double impératif d’efficacité́ économique et de justice sociale. Cette option volontariste d’investissement que nous proposons est un moyen d’en sortir.

Mais cet effort serait vain si, faute de consommation, bon nombre d’entreprises n’avaient pas de carnets de commande remplis, si faute de « planification » les industriels n’avaient aucune vision de l’avenir, et si faute d’anticipation ils n’étaient pas au rendez-­‐vous d’une reprise française et internationale.

Dès lors, nous pensons que, dans la mobilisation générale pour l’emploi décrétée par l’exécutif, la consommation populaire doit prendre toute sa place. Elle passe notamment par une réforme fiscale de grande ampleur, comme l’a d’ailleurs proposé le Premier ministre. Loin de s’opposer, redressement et justice vont de pair.

Obtenir un compromis social favorable au monde du travail

La social-démocratie suppose que le parti majoritaire à gauche soutienne les syndicats de salariés pour arracher un compromis au patronat.

Si le Président a été́ très clair sur les avantages accordés aux entreprises, les contreparties demandées restent floues. Il faudra plus qu’un « observatoire » pour imposer amélioration des conditions de travail, discussion sur les salaires, partage du travail ou multiplication des embauches. D’autant que le MEDEF, par la voix de son président, refuse de rentrer dans une logique de « donnant-­‐donnant » qui serait pourtant la moindre des choses. En lien avec les déclarations présidentielles, nous insistons sur la double nécessité́ de ne pas alimenter la rente pour servir l’investissement productif et de faire bénéficier les salariés, par le biais de la rémunération notamment, d’une part de cette aide.

Il n’y aura pas de « compromis social » favorable aux salariés sans mobilisation du parti, des parlementaires, du mouvement social. Salaires, embauches, réduction et partage du temps de travail, droits des salariés, contrôle des licenciements abusifs, modalités de remboursement des aides en cas de non-respect des engagements, politique de redistribution des dividendes : dans tous ces domaines nous devons porter des exigences fortes.

Oui, nous devons les porter, et en toute liberté́. Sachons-nous désintoxiquer des institutions de la Vème République. Tout ne peut procéder d’un seul homme. Les débats politiques ne se règlent pas en brandissant la menace de mesures disciplinaires ou en mettant les parlementaires au pied du mur.

Le PS doit jouer pleinement son rôle. Pour la réussite de la gauche au pouvoir, il faut un Parti autonome, force de propositions, relais des aspirations mais aussi des mécontentements. C’est une des conditions de la réussite commune.

Cette réussite passe aussi par l’implication de la gauche dans toute sa diversité́. Il n’y a aujourd’hui de salut pour la gauche française que dans la construction de convergences entre les forces politiques et sociales qui la composent. Au moment où une partie de la droite radicalisée fait jonction avec une extrême droite plus menaçante que jamais, le rassemblement de la gauche est une ardente obligation.

Signataires
27 membres du Bureau National du Parti socialiste (sur 72) : Pouria Amirshahi, Tania Assouline, Guillaume Balas, Marie Bidaud, Sandrine Charnoz, Pascal Cherki, Laurianne Deniaud, Stéphane Delpeyrat, Antoine Détourné, Julien Dray, Henri Emmanuelli, Anne Ferreira, Gérard Filoche, Olivier Girardin, Jérôme Guedj, Liêm Hoang-­‐Ngoc, Frédéric Hocquard, Régis Juanico, Marie Noelle Lienemann, Marianne Louis, Fréderic Lutaud, Delphine Mayrargue, Emmanuel Maurel, Jonathan Munoz, Nadia Pellefigue, Paul Quiles Roberto Romero, Jean-­‐François Thomas, Isabelle Thomas