Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/09/2015

Races et racisme, Axel Kahn*

racisme.png

Revenir aux fondements des idées racistes : mieux les comprendre pour mieux les combattre. Axel Kahn nous aide à poser un regard historique et scientifique sur le racisme.

*Axel Kahn est médecin, directeur de recherche à l’INSERM, membre du Comité consultatif national d’éthique.

L’homme moderne semble avoir colonisé peu à peu la planète à partir d’un petit groupe qui a commencé de quitter l’Afrique il y a moins d’une centaine de milliers d’années. Ces hommes, établis en différentes régions du globe, ont parfois été confrontés à des populations autochtones antérieures (par exemple les néandertaliens en Europe). Localement, ils se sont, au cours du temps, plus ou moins différencié les uns des autres, formant des groupes physiquement reconnaissables, des ethnies… on devait dire, un jour, « des races ».

LES FONDEMENTS DU RACISME

racisme1.pngDécembre 1492, Christophe Colomb débarque à Hispaniola (Haïti). C’est le début d’une catastrophe pour le continent américain, dont la population passera, en l’espace de 80 ans, de 80 millions d’habitants à 8 millions. (Gravure de Théodore de Bry, XVle siècle.)

Race et racisme sont deux mots de même origine. On appelle « race » l’ensemble des individus d’une même espèce qui sont réunis par des caractères communs héréditaires. Le racisme est la théorie de la hiérarchie des races humaines, théorie qui établit en général la nécessité de préserver la pureté d’une race supérieure de tout croisement, et qui conclut à son droit de dominer les autres. Si on s’en tient à ces définitions, tout semble clair et facile. Puisque le racisme est défini par les races, il suffit de démontrer que les races n’existent pas pour ôter toute substance au racisme. Cependant, les choses sont loin d’être aussi simples. En effet, le racisme s’est structuré en idéologie à partir de la fin du XVIIIe siècle, c’est-à-dire, pour paraphraser Georges Canguilhem, en une croyance lorgnant du côté d’une science pour s’en arroger le prestige. Le racisme possède un fondement qui n’est pas issu des progrès de la biologie. Tout débute par des préjugés, et lorsque le racisme aura été débarrassé de ses oripeaux scientifiques on peut craindre que ceux-ci ne persistent. Or ils sont autrement difficiles à combattre.

Les races humaines n’existent pas, au sens que l’on donne au mot « race » lorsque l’on parle de races animales. Un épagneul breton et un berger allemand appartiennent, par exemple, à deux races différentes qui obéissent peu ou prou aux mêmes caractéristiques, à l’instar des variétés végétales : distinction, homogénéité, stabilité. En l’absence de croisement entre ces races, les similitudes intraraciales l’emportent de loin sur les ressemblances entre deux individus de races différentes. Rien de tout cela ne s’applique aux populations humaines. Ainsi, on constate du nord au sud une augmentation continue de la pigmentation cutanée : les peaux très blanches en Scandinavie foncent graduellement pour en arriver à la couleur la plus sombre en zones équatoriales et subéquatoriales.

Certains ont proposé que la sélection des peaux claires dans les régions les moins ensoleillées ait permis d’améliorer la synthèse cutanée de la vitamine D, facteur antirachitique essentiel, normalement stimulée par la lumière. À l’inverse, la richesse cutanée en mélanine a été sélectionnée dans les pays soumis à l’ardeur du soleil car elle protège des brûlures et des cancers cutanés.

CE QUI EST RACISTE ET CE QUI NE L’EST PAS

Un préjugé raciste peut être défini comme la tendance à attribuer un ensemble de caractéristiques péjoratives, transmises héréditairement, à un groupe d’individus. Des affirmations telles que « tous les Juifs sont avares, tous les Irlandais sont violents, tous les Corses sont paresseux » sont des exemples typiques d’affirmations racistes. En revanche, toute indication d’une différence physique, physiologique entre populations n’a évidemment rien de raciste : dire que les Suédois sont plus grands que les Pygmées ou que les Africains noirs pourraient avoir des dons particuliers pour la course à pied sont des remarques dénuées de toute connotation négative et qui reflètent la réelle diversité humaine. Il se trouve parfois dans la presse des discours irréfléchis où est taxée de raciste une étude notant que le chiffre normal des globules rouges et la durée de la grossesse sont légèrement différents entre des populations d’origine africaine et, par exemple, européenne. Ces paramètres ne préjugeant en rien des capacités les plus spécifiquement humaines, de l’ordre de la créativité et de la dignité, leur étude ne peut d’aucune manière être diabolisée comme étant d’essence raciste.

HISTOIRE DU RACISME

Des discours racistes apparaissent dès l’Antiquité, y compris chez Aristote. Ce dernier établit des différences intrinsèques de comportement et de qualités entre les peuples ; selon lui, les Européens sont courageux mais un peu sots, les Asiatiques très intelligents mais manquent de courage, et les Hellènes, placés géographiquement au milieu, combinent les avantages des uns et des autres : ils sont intelligents et courageux. Le philosophe ajoute que les esclaves sont des « choses animées », et il introduit la notion d’esclaves par nature. Cependant, et là réside l’ambiguïté qui empêche de ranger définitivement les Grecs dans le camp des protoracistes, les esclaves peuvent être affranchis… et accèdent alors de plein droit à l’humanité.

À Rome, le discours change. Cicéron écrit : « Il n’est de race qui, guidée par la raison, ne puisse parvenir à la vertu. » Dans la foulée de l’impérialisme romain, les premiers siècles de la chrétienté sont exempts de racisme, car s’y trouvent combinés l’universalisme du messianisme chrétien s’exprimant dans la parole de saint Paul et le souvenir de l’Empire romain, creuset de peuples et d’ethnies différents.

Dans l’Occident chrétien, le racisme réapparaît et se développe plusieurs siècles avant l’apparition du concept scientifique de race, à partir de l’an 1000, autour des cristallisations religieuses, l’anti-islamisme et, surtout, l’antijudaïsme. Au XIIesiècle, en pleine querelle des Investitures, Anaclet II, l’antipape élu, a un ancêtre juif. La campagne virulente du camp romain contre cet antipape s’appuie sur ses origines « maudites » souillant tout son lignage. L’antijudaïsme virulent de Saint Louis flirte avec l’antisémitisme. Dans l’Espagne chrétienne, c’est un antisémitisme cette fois structuré qui se manifeste, puisque les juifs convertis sont interdits d’accès aux fonctions publiques, au métier des armes, etc. Il est décrété que ces individus doivent être écartés parce que l’infamie de leur père les accompagnera toujours. La notion d’hérédité d’une infériorité, d’un opprobre, qui constitue une base essentielle du racisme, est donc ici manifeste.

C’est dans ce contexte que prend place un épisode décisif, souvent présenté comme un succès de la civilisation alors qu’il s’agit d’un drame effroyable : la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. À cette occasion s’accomplit l’un des premiers génocides de l’histoire du monde. En 1492, Christophe Colomb débarque à  Hispaniola (Haïti, Saint-Domingue), une île alors peuplée de 3 millions de Taïnos. Trois ans après, il ne reste déjà plus que 1 million d’Indiens ; soixante ans après, ils ne seront plus que 200, qui disparaîtront rapidement.

Tous les ingrédients du racisme tel qu’il s’est manifesté depuis, y compris dans les univers concentrationnaires, sont ici réunis. Les Indiens sont parqués et mis au travail forcé, les enfants sont tués, les femmes enceintes sont éventrées. Dans cette misère extrême, les femmes n’ont plus d’enfants, voire, pour échapper à leur malheur, se suicident en masse.

À partir de 1519, d’âpres débats théologiques opposent Bartolomé de Las Casas, qui est entre-temps devenu dominicain, à différents autres ecclésiastiques. La confrontation la plus connue est la controverse de Valladolid, en 1550, qui aboutit à la conclusion, acquise de justesse, que les Indiens ne sont pas de nature différente des autres hommes. On continue malgré tout à les massacrer, et l’Amérique, qui comptait 80 millions d’aborigènes aux temps précolombiens, n’a plus que 8 millions d’habitants quatre vingts ans après sa « découverte » par Christophe Colomb. Par la suite, les Indiens ayant été massacrés et décimés, se pose le problème de la main d’œuvre dans les colonies américaines. Cette question devient cruciale lorsque s’y développe la culture de la canne à sucre, conduisant le Portugal, puis la France et l’Angleterre, à développer le commerce trilatéral et la traite des Noirs.

Depuis le Moyen Âge jusqu’au XVIIIe siècle, entre la naissance de l’antisémitisme chrétien, la conquête de l’Amérique et la traite des esclaves noirs, ce sont donc tous les ingrédients du racisme qui se mettent en place, tous ses crimes qui commencent d’être perpétrés.

L’IDÉOLOGIE RACISTE

Le concept scientifique de race n’apparaît qu’au XVIIIe siècle. Il est perceptible sous la plume de Carl von Linné, dont la classification systématique des êtres vivants s’étend aux hommes rangés en cinq catégories… qui deviendront des races : les «monstrueux » (c’est-à-dire les personnes atteintes de malformation, que Linné assimile à une race à part entière), les Africains, les Européens, les Américains et les Asiatiques. À chacune de ces catégories il attribue des caractéristiques et des qualités comportementales, les plus flatteuses étant naturellement réservées aux Européens.

Avant le XVIIIe siècle, le mot « race» est surtout utilisé dans le sens de lignage aristocratique : on parle d’enfants de bonne race, de bon lignage… un peu comme de chevaux de bonne race.

C’est à partir de la fin du XVIIIe siècle, et surtout au XIXe, que l’on assiste à la structuration des préjugés protoracistes en idéologie par agrégation successive des progrès scientifiques, principalement la théorie de l’évolution. C’est à cette même époque qu’apparaissent les deux grandes thèses opposées sur l’origine de l’homme : produit de l’évolution ou créature, est-il apparu une fois – les hommes actuels étant tous les descendants de cet ancêtre (monogénisme) – ou plusieurs fois de façons séparées et indépendantes – les différents groupes ethniques ayant alors des ancêtres différents (polygénisme) ? Naturellement, c’est cette dernière hypothèse que privilégient les doctrinaires du racisme. Le polygénisme sera la thèse privilégiée par les créationnistes esclavagistes américains jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Le mécanisme de la sélection naturelle comme moteur de l’évolution, proposé par Charles Darwin, et surtout la lecture qu’en fait le philosophe anglais Herbert Spencer, contemporain de Darwin, puis l’Allemand Ernst Haeckel vont modifier en profondeur la forme de l’idéologie raciste. En effet, le mécanisme de l’évolution, la lutte pour la vie pour Darwin, devient, sous l’influence de Spencer, la survivance du plus apte. Appliquée aux civilisations, cette notion peut constituer une justification a posteriori de la domination des vainqueurs, qui sont bien entendu les plus aptes, puisqu’ils l’ont emporté. Un tel raisonnement tautologique s’est révélé d’une redoutable efficacité à l’appui des thèses racistes. À vrai dire, il serait profondément injuste de faire porter à Charles Darwin, un des plus grands scientifiques qui ait jamais existé, la responsabilité personnelle des dérives idéologiques dont ses travaux ont fait l’objet et ont été victimes, car il a toujours récusé l’interprétation eugéniste et sociale des mécanismes de l’évolution qu’il avait mis au jour.

Les lois de la génétique, c’est à dire les règles gouvernant la transmission des caractères héréditaires, énoncées initialement par le moine Gregor Mendel en 1865, redécouvertes au début du XXe siècle par des botanistes européens et développées par l’États-Unien Thomas H. Morgan, auront alors une influence considérable sur la biologie et, plus généralement, sur l’évolution sociale et politique des pays. On assiste en effet à la tragique synthèse entre le racisme, théorie de l’inégalité des races ; le déterminisme génétique, qui considère que les gènes gouvernent toutes les qualités des êtres, notamment les qualités morales et les capacités mentales des hommes; et l’eugénisme, qui se fixe pour but l’amélioration des lignages humains. Sous l’influence de la génétique, le dessein eugénique devient l’amélioration génétique de l’homme, la sélection des bons gènes et l’élimination des mauvais gènes qui gouvernent l’essence des personnes et des races. L’Allemagne nazie poussera cette logique jusqu’à l’élimination des races « inférieures », censées porter et disséminer de mauvais gènes.

LES RACISTES ET LE QUOTIENT INTELLECTUEL

Les préjugés racistes sont loin d’avoir disparu après le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale. La conviction que le quotient intellectuel moyen est différent selon les ethnies était alors partagée par une grande majorité des élites scientifiques, du Français Paul Broca aux anthropologues états-uniens consultés pour l’élaboration de l’Immigration Restriction Act de 1924, qui limitait sévèrement l’entrée aux États-Unis des ressortissants issus de pays où, selon les psychométriciens consultés, sévissait la débilité. Plus près de nous, les sociologues Charles Murray et Richard J. Herrenstein en 1994, puis encore Bruce Lahn et ses collègues en 2005, enfourchent la même monture idéologique. En fait, un examen soigneux de tous ces travaux, même les plus récents, en démontre la faiblesse et les erreurs, parfois grossières, à l’évidence motivés par des présupposés idéologiques.

GÉNOMES ET RACISME

C’est en 2001 que fut publiée la première séquence presque complète du génome humain, très affinée depuis. Les humains possèdent environ 22000 gènes qui ne différent que très peu d’une personne à l’autre. L’alphabet génétique est composé de quatre lettres : A, C, G et T, disposées en un long enchaînement de 3,2 milliards de signes hérités de chacun de nos parents. Or cet enchaînement ne varie qu’une fois sur dix mille entre des hommes ou des femmes issus d’Afrique, d’Asie ou d’Europe.

La très grande ressemblance entre les génomes de personnes issues d’ethnies différentes, originaires de régions éloignées les unes des autres de plusieurs milliers de kilomètres, a semblé rassurante : c’est là la preuve, a-t-on affirmé alors, que les races n’existent pas et que le racisme n’a donc plus aucune justification possible, qu’il est appelé, espère-t-on, à disparaître bientôt. Hélas, je crains qu’on ne soit allé bien vite en besogne, par ignorance ou sous l’influence de présupposés idéologiques. En fait, il faut revenir au mode d’action des gènes, c’est-à-dire au mécanisme par lequel ils influencent les propriétés des êtres vivants, qui est combinatoire, à la manière dont c’est la combinaison des mots qui donne sens à la phrase ou au texte. Or ce n’est pas le nombre de mots utilisés qui fait la qualité littéraire d’un texte, de même que ce n’est pas le nombre de gènes qui explique l’étendue des potentialités humaines. C’est à dessein que j’utilise ici le terme de « potentialité », car la combinaison des gènes ne gouverne que la possibilité pour une personne d’être éduquée au contact d’une communauté de semblables.

Isolé, élevé par des animaux, le petit d’homme évoluera vers ces enfants sauvages dont de nombreux exemples ont été décrits dans l’histoire, incapables d’atteindre les capacités mentales caractéristiques de l’espèce humaine.

L’effet combinatoire des gènes explique que de petites différences génétiques puissent avoir de considérables conséquences sur les êtres, comme en témoignent les aspects et capacités bien distincts des hommes et des chimpanzés, dont les gènes sont pourtant à 98,4 % identiques. C’est pourquoi aussi la grande homogénéité génétique des hommes du monde entier, confirmée par l’étude du génome, n’est pas suffisante pour conjurer la menace d’un dévoiement raciste de la biologie, pour deux ordres de raisons : les maladies avec retard mental témoignent que la mutation d’une seule des plus de trois milliards de lettres de l’alphabet génétique suffit à altérer les fonctions cognitives ; de très légères différences dans le génome des personnes pourraient de la sorte avoir chez elles d’importantes conséquences. D’autre part, l’affirmation que le racisme est illégitime parce que, sur le plan biologique, et en particulier génétique, les races n’existent pas revient à admettre que si les séquences génétiques différaient statistiquement entre les ethnies le racisme serait peut-être recevable. Or, bien sûr, puisqu’on peut distinguer les gens en fonction de leurs caractéristiques physiques – couleur de la peau, aspect de la chevelure, etc. –, on le peut aussi à partir de l’ADN qui code toutes ces caractéristiques. Là ne réside, en fait, ni l’origine du racisme ni la justification de l’antiracisme.

LE RACISME PEUT SE PASSER DES RACES

Lorsque l’on aura expliqué à des gens habités par des préjugés racistes que les races humaines n’existent pas au sens où l’on parle de races animales distinctes, peut-être seront-ils impressionnés et convaincus. Pourtant,  cette démonstration risque bien d’être insuffisante, car déconnectée du vécu des gens ordinaires qui, eux, n’ont pas de difficulté à reconnaître, dans la rue, des Jaunes, des Blancs, des Noirs, des Méditerranéens bruns et des Scandinaves blonds. Par ailleurs, la réfutation scientifique de la réalité des races ne prend pas en compte les très fréquentes racines socioéconomiques d’un racisme qui est souvent le reflet du mal-être et du mal vivre, par exemple au sein des populations défavorisées de grandes villes.

Paradoxalement, il n’y a que peu de rapports entre la réalité des races et celle du racisme.

Reconnaître des différences physiques entre individus, voire entre groupes humains, et des potentialités plus ou moins développées, comme dans le sport, ne préjuge en rien de ce qui est purement humain : la créativité, le droit à la dignité.

Chacun peut en effet observer que les pires excès racistes s’accommodent fort bien de la non existence des races humaines. En ex-Yougoslavie, les plus effroyables comportements de type raciste ont opposé les Slaves du Sud, les uns convertis au catholicisme (les Croates), les autres à l’islam (les Bosniaques), et les derniers à la religion orthodoxe (les Serbes).

Dans le discours des racistes modernes, ce ne sont souvent plus les races qui sont déclarées incompatibles ou inégales, ce sont les coutumes, les croyances et les civilisations. C’est un choc des cultures. Ce qui est rejeté, ce n’est plus tellement l’homme noir, blanc ou jaune, ce sont ses préparations culinaires, ses odeurs, ses cultes, ses sonorités, ses habitudes.

Souvent, la montée en puissance de l’uniformisation culturelle et l’imposition des standards occidentaux accompagnant la mondialisation économique entraînent, en réaction, une tendance au repli communautaire. Il s’agit là d’un réflexe de protection contre une civilisation opulente et dominatrice dont on ressent la double menace, celle de l’exclusion et de la dépossession de ses racines.

Or il y a dans cette forme de communautarisme exclusif une tendance qui m’apparaît non humaine. Ce qui caractérise, en effet, les civilisations et leur évolution, ce sont les échanges culturels et les emprunts qui, à l’opposé de l’uniformisation imposée par une culture dominante, créent de la diversité et ouvrent de nouveaux espaces au développement de l’esprit humain. Les Phéniciens subissent l’influence des Hittites, des Assyriens, des Babyloniens, qui échangent avec l’Égypte, avec la Grèce. Les Étrusques, nourris des arts et techniques grecs et phéniciens, sont à l’origine de la culture romaine. Plus près de nous, la musique des esclaves noirs des États-Unis sera à l’origine du jazz et d’autres courants majeurs de la musique moderne, l’« art nègre » fécondera la peinture et les arts plastiques occidentaux, et les conduira en particulier au cubisme. Le progrès des sociétés humaines est toujours passé par le métissage culturel.

À l’inverse, les races animales n’échangent guère leurs habitudes, elles conservent leurs particularités éthologiques qui n’évoluent, pour l’essentiel, que sous l’effet de variations génétiques et écologiques. La diversité humaine n’est donc facteur d’enrichissement mutuel que si elle est associée à l’échange. L’uniformité a le même effet que le repli sur soi : dans les deux cas, le dialogue est stérilisé et la civilisation dépérit.

UN ENGAGEMENT ANTIRACISTE

Au total, la biologie et la génétique modernes ne confirment en rien les préjugés racistes, et il est certainement de la responsabilité des scientifiques de réfuter les thèses biologisantes encore trop souvent appelées à leur rescousse. Cela est relativement aisé, mais à l’évidence insuffisant, tant il apparaît que le racisme n’a pas besoin de la réalité biologique des races pour sévir.

À l’inverse, ce serait un contresens de vouloir fonder l’engagement antiraciste sur la science. Il n’existe en effet pas de définition scientifique de la dignité humaine, il s’agit là d’un concept philosophique. Aussi le combat antiraciste, en faveur de la reconnaissance de l’égale dignité de tous les hommes, au-delà de leur diversité, est-il avant tout de nature morale, reflet d’une conviction profonde qui n’est évidemment en rien l’apanage exclusif du scientifique.

Depuis le Moyen Âge jusqu’au XVIIIe siècle, entre la naissance de l’antisémitisme chrétien, la conquête de l’Amérique et la traite des esclaves noirs, ce sont donc tous les ingrédients du racisme qui se mettent en place, tous ses crimes qui commencent d’être perpétrés.

Le racisme s’est structuré en idéologie à partir de la fin du XVIIIe siècle, en une croyance lorgnant du côté d’une science pour s’en arroger le prestige. Le racisme possède un fondement qui n’est pas issu des progrès de la biologie.

Un préjugé raciste peut être défini comme la tendance à attribuer un ensemble de caractéristiques péjoratives, transmises héréditairement, à un groupe d’individus, telles que « tous les Juifs sont avares ». En revanche, toute indication d’une différence physique, physiologique entre populations n’a évidemment rien de raciste.

Au début du XXe siècle, on assiste en effet à la tragique synthèse entre le racisme, théorie de l’inégalité des races ; le déterminisme génétique, qui considère que les gènes gouvernent toutes les qualités des êtres, notamment les qualités morales et les capacités mentales des hommes ; et l’eugénisme, qui se fixe pour but  l’amélioration des lignages humains.

La réfutation scientifique de la réalité des races ne prend pas en compte les très fréquentes racines socio-économiques d’un racisme qui est souvent le reflet du mal-être et du mal vivre, par exemple au sein des populations défavorisées de grandes villes. Paradoxalement, il n’y a que peu de rapports entre la réalité des races et celle du racisme.

09:38 Publié dans Connaissances, Point de vue, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alex khan, racisme | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

24/09/2015

ALLEMAGNE, ECOLOGIE : LES ILLUSIONS PERDUES !

energieallemagne.jpg

Tricherie chez Volkswagen : et si on dévoilait aussi les émissions de CO2 par habitant et par an de l'Allemagne?
9,8 t pour cette dernière contre 5,8 t pour la France.
Et là, pas de trucage, pas de logiciel malin : c'est au vu et au su de tous.
Dit autrement un français "en retard sur l'écologie" émet deux fois moins de CO2 qu'un allemand "super en avance et citoyen modèle dans le domaine". (quant aux Danois et aux Hollandais le bilan est plus médiocre encore...)

La raison principale? : la sortie du nucléaire par les énergies renouvelables (en réalité par le charbon et le gaz), 20 ans que ça dure, des centaines de milliards d'euros dépensés, et seulement à peine plus de 10% d'électricité renouvelable, chiffre qui plafonne (en dessous de 15%), pas à cause d'un méchant lobbie ou d'un complot contre ces énergies, mais plus simplement à cause d'obstacles technologiques majeurs et de problèmes d'échelles (les allemands reconnaissent volontiers ce fait maintenant, fini de rire pour eux, et pour cause ils comprennent qu'ils se mettent en danger avec un tel délire du mythe 100% d'électricité renouvelable).

En revanche, plus de 50 % d'électricité produite par le charbon, et environ 10% pour le gaz. Mais ça, aucune émission ni débat sur l'écologie ne vous en parleront. (les chiffres ci dessous datant de 2013 sont valables pour 2015, pas de gros changements depuis 2 ans).

Amar bellal, rédacteur en chef de la revue progressistes, 
membre de la commission écologie du PCF. Ancien élève de l'Ecole normale supérieure de Cachan et de l'INSA de Lyon, professeur agrégé de génie civil, enseigne dans des lycées et centres de formation en Ile de France.

Ce débat passionnant continue sur Facebook (extrait)

  • Eric BourguignonCher Amar, ces chiffres sont intéressants, mais assez connus en Allemagne. Vous laissez toutefois soigneusement la question des déchets nucléaires hors de l'équation. Ouvrons cette discussion d'ici au congrès de juin. Au plaisir depuis Munich...
  • Amar Bellal
  • Amar BellalCher Eric, alors tu dois aussi connaitre les chiffres concernant les centaines de tonnes de métaux lourd (arsenic, cyanure, mercure et même uranium) résultant de la combustion de millions de tonnes de charbon? et déversés dans l'atmosphère en contaminant tous les milieux aquatiques et terrestres, provoquant toutes sortes de cancer et maladies neuro-cérébrales? Durée de vie de ces poisons? : infinie, des millions d'années de persistance, rien a envier aux déchets nucléaire dont on se préoccupe du devenir au moins. Et biensûr il y a tous les métaux lourds contenus dans les panneaux solaires et les éoliennes : idem, comment organiser l'extraction et le stockage de tous ces poisons de durée de vie infinie? 100 fois plus volumineux que les déchets nucléaire mais avec la même problématique : ouvrons ce débat en effet cher Eric
     
    Google-Translate-English to French Traduire français en German  Traduire français en Italian Google-Translate-English to Japanese BETA  Traduire français en Portuguese  Traduire français en Russian  Traduire français en Spanish Traduire français en Arabic  Traduire français en danish Traduire français en Greek
     
     

 

06/09/2015

« Soral a rajeuni une frange de l’extrême droite »

soral.jpgRobin D’Angelo et Mathieu Molard, journalistes pour le site d’informations Street Press, sont les auteurs du livre « Le Système Soral, enquête sur un facho business », disponible aux éditions Calmann-Lévy.
 
Pourquoi vous-êtes vous intéressés à Alain Soral ?
Robin D’Angelo
Nous avons tous les deux entre 28 et 29 ans. Dans cette génération, on a tous des potes qui à un moment donné ont dit : « purée c’est intéressant ce que dit Soral ». Quelque soit leur milieu. Donc notre idée a été de raconter le parcours politique de Soral, la diffusion de ses idées, comment il a capitalisé sur un fait conspirationniste très présent depuis le 11 septembre, et comment il a ouvert les portes de l’extrême droite à un nouveau public.
 
Mathieu Molard
L’écho de Soral s’illustre en chiffres. Son site internet, Egalité & Réconciliation, effleure les 7 millions de visiteurs uniques par mois, soit une audience équivalente à celle d’un média comme Rue 89. Ses vidéos Dailymotion mises bout à bout font des millions de vues, ce qui le monétise au passage. Sans oublier tous les sites parallèles qui font partie de la « dissidence ». Ça nous intéressait de comprendre comment tout cela fonctionne, à la fois d’un point de vue idéologique : qu’est-ce qu’il y a derrière, quel est le système de pensée de Soral ; mais aussi d’un point de vue technique : son équipe a compris quelque chose pour en arriver là. Le système Soral est une mécanique bien rodée, qui avec très peu de moyens et très peu de militants actifs arrive à obtenir un écho très important. Au final, il y a à la fois la pensée de Soral, ses transgressions façon Jean-Marie Le Pen, et une stratégie numérique qui est extrêmement efficace.
 
Que raconte votre livre ?
Mathieu Molard
C’est un sujet très peu traité en longueur et en profondeur. C’est le premier livre consacré intégralement à Alain Soral. Une grande partie du contenu est donc inédit et exclusif. Soral s’est créé une légende, que l’on a souhaité déconstruire. Il joue du flou en permanence. On a voulu apporter de la clarté. On dévoile son parcours, les ressorts simplistes de son remix idéologique, le fonctionnement de son business, son soi-disant passage au PCF, invérifiable, puis son passage bien réel au Front national, etc… Il ne s’agit pas d’une biographie mais d’un livre politique. On a choisi de ne pas s’attaquer à sa vie privée. On part de ce qu’il raconte lui, de ce qu’il met en scène, et on déconstruit cette légende : son « diplôme » de boxe, les manifestants qu’il a payé pour défiler avec lui, son travail d’éditeur, ses liens avec la « dissidence », son soit disant courage et cette « virilité » qu’il met sans cesse en avant, son rapport à l’écologie, etc… On a creusé. Et on a trouvé par exemple qu’il avait mis sur pied une cellule destinée à infiltrer l’encyclopédie en ligne Wikipédia pour en modifier le contenu.
 
Qu’est-ce qui explique selon vous son succès idéologique ?
Robin D’Angelo
C’est difficile de répondre. Il s’agit d’une addition de facteurs. Les partis traditionnels attirent de moins en moins, il y a une crise de confiance envers les hommes politiques, envers les médias… Et puis il y a la force de frappe d’internet grâce à laquelle n’importe quelle personne charismatique peut créer un mouvement autour de lui. C’est un peu un mélange de tout ça. Sur le fond, Soral se présente comme le porte parole d’un peuple opprimé contre des minorités qui bénéficieraient de toutes les aides. Ils jouent sur les oppositions et les frustrations. Après, quand on rencontre des fans d’Egalité et réconciliation, il y a peu de tout : des étudiants, des chômeurs, des Français issus ou non de l’immigration… Lors des dédicaces faîtes par Soral, on trouve beaucoup d’étudiants qui font de longues études qui savent répéter par cœur un discours soralien à la fois rodé et complètement absurde. Pour les fans, la sphère Soral est une bulle d’oxygène, c’est comme ça qu’ils le disent. Ça dépasse l’argument politique. Il y a un aspect transgressif, des gens qui ont envie de se lâcher, de se moquer, de défier les puissants, le système, l’oligarchie. Soral leur donne un exutoire. Son grand truc, c’est la théorie du complot en donnant des boucs émissaires. Et il enrobe le tout de conceptions pseudo sociologiques et historiques pour justifier ses pulsions haineuses.
 
Mathieu Molard
Sur l’idéologie, il n’y a rien de nouveau, mais Soral sait très bien le mettre en scène : il désigne des boucs émissaires. Et c’est à ce titre là qu’il est très clairement à mettre à l’extrême droite. Ses boucs émissaires, ce sont les juifs, sur lesquels il multiplie les attaques, mais aussi les homosexuels, les féministes, les bobos, les francs maçons, bref, tout ce qu’il appelle « la tyrannie des minorités ». Il joue de la confusion sur beaucoup de thématiques. Il dit toujours qu’il n’est pas raciste, qu’il n’a rien contre les « juifs du quotidien », mais il les cible constamment. Chez ses fans, il y a beaucoup de frustration, soit face à une absence d’intégration sociale, soit à travers une frustration dans l’espoir, devant la démonétisation de la politique à tous les niveaux. La porte d’entrée, c’est surtout sa critique et la remise en cause du système. Lui et ses partisans s’appellent entre eux les « dissidents ». Ils se prennent pour des résistants qui se rebellent. Sa conférence donnée à Marseille joue beaucoup sur une mise en scène de la clandestinité : d’abord le lieu n’est pas donné, puis il est envoyé par texto la veille en donnant rendez-vous sur un parking. Et depuis le parking, encadré par un service d’ordre l’Action française, la troupe va dans une salle proche. Après, c’est très dur de faire la typologie du soralien. Beaucoup ont essayé, mais je pense que c’est un piège. Ce qui ressort, par contre, c’est que ces fans sont surtout jeunes : l’immense majorité à moins de 40 ans.
Il faut aussi que la gauche se regarde en face par rapport à ça. Les propositions politiques, la présence et le maillage du PCF dans les banlieues populaires, ça n’a plus rien à voir avec ce que ça a pu être… Tout ça participe à une déshérence globale.
 
Et comment fonctionne son « système » ?
Mathieu Molard
Ça n’a rien à voir avec un parti traditionnel, qui entend gagner des élections, arriver aux responsabilités, etc… Egalité & Réconciliation base toute sa stratégie sur le buzz, sur une présence très forte sur Internet, qui, avec très peu de militants, arrive à se répercuter énormément et surfe sur la vague de la théorie du complot en la nourrissant au maximum, en permanence. Sa stratégie est très gramscienne, il cherche à faire avancer ses idées au sein de la société, dans les mentalités.
 
Dans votre livre, vous accordez un long chapitre, très détaillé, sur le passage de Soral au Front national. Vous dîtes qu’il est entré par la gauche du FN et qu’il en est sorti par la droite. A-t-il « rajeuni », au passage, cette droite de l’extrême droite ?
Robin D’Angelo
Soral a tapé dans l’œil de Jean-Marie Le Pen. Chez lui, ce qui a beaucoup plu au FN, c’est qu’ils ont vu qu’il était capable d’amener des jeunes, et des anciens de la gauche, à une époque où ce parti n’arrivait pas à s’adresser aux jeunes. Par la suite, Soral s’est fait une place à la droite de l’extrême droite. Une place qui était plutôt disponible, déjà parce que le FN commençait dans les années 2000 à 2010 sa mue pour tenter de se dédiaboliser, mais aussi parce que l’extrême droite radicale était bien ringarde. Qui lit Rivarol aujourd’hui ? Peu de gens de moins de quarante ans. Emmanuel Ratier, qui vient de décéder, n’était connu que dans des sphères marginales. Soral, lui, a su séduire des jeunes et s’imposer. Il a rajeuni une frange de l’extrême droite.
 
Mathieu Molard
Le FN a mis le pied à l’étrier à Soral. Même Marine Le Pen, qui s’en méfiait, lui a tressé des lauriers et l’a invité en 2006 à chanter un karaoké avec elle à la grande Fête des Bleu-Blanc-Rouge organisée par le FN, car elle le savait utile. David Rachline, aujourd’hui sénateur-maire de Fréjus qui a pris ses distances avec Soral, est à l’origine un bébé soralien. Dans notre livre, on raconte comment le FN a apporté un soutien actif à la création d'Egalité & Réconciliation. Et parmi les membres fondateurs de l'association (E&R) on trouve notamment Philippe Péninque, l'un des plus proches conseillers de Marine Le Pen.
Mais l’extrême droite de Soral se veut aujourd’hui pop par rapport au FN, qui est à ses yeux devenu un parti du système, ou qui essaie de le devenir. Le Pen père avait mené une sorte d’OPA sur les mouvements les plus extrémistes. Marine Le Pen essaie de se recentrer et laisse un espace très sulfureux se libérer. Soral n’est pas le seul à s’y engouffrer. Mais il y arrive bien, et ouvre les portes de l’extrême droite à un nouveau public : des jeunes des quartiers populaires, des gens venus de la gauche, des gens qui n’ont pas l’impression d’être d’extrême droite. Comme porte d’entrée, il surfe aussi sur le terrain de l’écologie, sur le côté décroissant, alors que Soral est un motard qui pense pis que pendre de l’écologie et qui nie même le réchauffement climatique. Il parle de retour à la terre, organise des stages survivalistes où le gros des activités n’est pas paramilitaire : c’est plutôt de la permaculture.
 
Comment avez-vous fonctionné pour cette enquête ?
Mathieu Molard
On a rencontré beaucoup de monde, plus d’une centaine d’intervenants qui ont côtoyé Soral ou fait partie de son mouvement. On a donné la parole à pas mal de gens qui sont toujours aujourd’hui dans la mouvance soralienne, pour qu’ils nous racontent le fonctionnement du personnage et de son mouvement. A part pour assister au cours de boxe de Soral, on n’a fait aucune infiltration. Je considère que l’infiltration ne se justifie que lorsqu’on y est obligé, et ça n’a pas été le cas à part pour cette séance de boxe. L’essentiel des infos recueillies dans ce livre vient donc d’interviews, durant lesquelles on s’est présenté en tant que journalistes. On a créé une relation de confiance, en posant surtout des questions sur le fonctionnement du mouvement. Des gens ont eu envie de parler, de nous donner des informations que l’on a systématiquement recoupées. Le fait d’appartenir à la rédaction de Street Press nous a aidé. Les interlocuteurs étaient bien plus prêts à nous répondre que si on avait été à TF1…
 
Du coup, pouvez-vous présenter Street Press ?
Robin D’Angelo et Mathieu Molard
C’est un site d’enquêtes et de reportages sur la région parisienne essentiellement, à destination des 20 - 40 ans. On essaie de traiter uniquement des sujets qui ne le sont pas dans d’autres médias. Environ à 99% du contenu recueilli sur le site l’est par nous même. On évite au maximum les reprises. On considère que ce qui est traité ailleurs n’a pas besoin d’être traité par nous. Notre travail est de donner une plus-value à chaque fois par de nouvelles infos que l’on recueille.
 
Dans l’ascension de Soral, la rencontre avec Dieudonné joue-t-elle un rôle important ?
Mathieu Molard
Le rôle de Dieudonné est clé. Sans cette rencontre, Soral existerait beaucoup moins médiatiquement, et aurait moins touché de personnes venues de la gauche. Dieudo avait une popularité de départ très très large, c’était une icône des quartiers populaires, des banlieues, qui attirait les caméras. Soral s’est posé à côté de lui, puis lui a fourni une architecture idéologique. Beaucoup placent le point de rupture de Dieudonné chez Fogiel, mais cela commence bien avant. Dieudonné avait déjà des idées proches de Soral, et Soral lui a donné une cohérence.
 
Vous faîtes aussi dans ce livre un point sur le business de Soral ?
Robin D’Angelo
Ce qui est intéressant c’est de voir qu’il a réussi à capitaliser sur une demande liée à ce qu’il appelle la « dissidence ». La question n’est pas de dire : « Regardez, il s’en met plein les fouilles ! », parce qu’en réalité il ne gagne pas non plus des sommes astronomiques, même s’il s’agit d’un business lucratif. Ce qui nous intéresse, c’est de montrer comment il a réussi à faire une OPA sur la droite de l’extrême droite et sur les complotistes, et comment il décline le tout au milieu d’une tambouille idéologique avec de nombreux produits qui marchent. Il vend des produits éco-responsables avec son épicerie Au Bon Sens, des vins de terroir avec Sanguisterrae, des stages de survie avec Prenons le maquis, qui sont des vitrines de la SARL Culture pour Tous, qui a eu un chiffre d’affaire déclaré de 640 400 euros en 2012.
 
Il y a aussi sa maison d’édition, Kontre Kulture ?
Robin D’Angelo
Il réédite de nombreux ouvrages tombés dans le domaine public. On trouve un peu de tout. Il y a par exemple du Jean-Jacques Rousseau. Mais ce qui est significatif, c’est qu’il réédite de nombreux classiques de la plus dure littérature antisémite qui soit, avec des couvertures au design moderne, dont La France juive de Drumont, au milieu d’une foule de titres dans cette veine : 21 au total sont consacrés aux juifs.
 
Quand on voit la stratégie d’entrisme chez Wikipédia, on peut se demander si Soral, qui dénonce le « conspirationnisme mondial » n’adopte pas les pratiques qu’il prétend dénoncer…
Robin D’Angelo
Tout à fait, d’autant plus que cette stratégie sur Wikipédia est sans doute utilisée sur plein d’autres sites internet. Les théories et les topics soraliens sont par exemple très présents sur le forum de jeuxvideo.com, très populaire chez les jeunes. On peut imaginer qu’il y a sur ce site aussi une stratégie d’entrisme, mais qui dans ce cas là ne vise pas le contenu éditorial propre du site…
 
Mathieu Molard
A Egalité & Réconciliation, tout le monde fonctionne par pseudo. Même les gens du premier cercle ne connaissent pas l’identité du créateur du site internet.
 
Alain Soral a-t-il un programme politique ?
Mathieu Molard
Absolument aucun. Son programme c’est d’être contre. Il n’a aucun projet. Il parle de sortir de l’Union européenne, de l’OTAN, de changer de système, mais il ne propose rien. Il dénonce. Sur son site il n’y a pas de rubrique programme ou projet. Il agglomère la colère et la bêtise sans rien proposer. Son objectif est de rassembler des horizons très divers dans la contestation. Il agglomère beaucoup comme ça. S’il faisait des propositions concrètes, il risquerait de diviser tous ceux qui viennent d’horizons différents... Il ne fait pas vraiment de politique.
 
Robin D’Angelo
Il reste dans son rôle de chroniqueur, d’essayiste. Il a créé un mouvement qui n’est dédié qu’à sa gloire mégalomane et à son effigie. Il influence. Tout le délire des soraliens c’est la méta-politique, c’est d’influencer plutôt que de se présenter et d’imaginer vouloir gagner des élections. Rien n’est fait pour. Un des sites phares de la « dissidence » ne s’appelle pas Meta TV pour rien. Et ça marche. Si Soral n’influence pas la sphère des hommes politiques de façon majeure, il fait progresser dans l’opinion un certain nombre d’idées.
 
Considérez-vous que l’ampleur de la diffusion des idées de Soral est mal mesurée ?
Mathieu Molard
Sur le terrain, toutes les semaines, il y a quelque part en France un rassemblement avec Alain Soral ou un de ses proches. A Mulhouse, la conférence de Marion Sigaut, pseudo historienne de seconde zone, a été capable de réunir 100 personnes pour parler de Voltaire. Je pense que si demain le plus grand spécialiste français de Voltaire vient dans la même salle à Mulhouse, il n’y aura même pas 30 personnes. Cela prouve que le label Soral, ça marche et ça attire. Toute cette ampleur, c’est quelque chose qui je pense est assez mal mesuré.
 
*Robin D’Angelo et Mathieu Molard seront présents au village du livre à la Fête de l’Humanité
 
Entretien réalisé par Aurélien Soucheyre
Vendredi, 4 Septembre, 2015
Humanite.fr
 
Google-Translate-English to French Traduire français en German  Traduire français en Italian Google-Translate-English to Japanese BETA  Traduire français en Portuguese  Traduire français en Russian  Traduire français en Spanish Traduire français en Arabic  Traduire français en danish Traduire français en Greek

29/08/2015

Barbara Romagnan : Les idées fausses du ministre sur les 35 heures

romagnan.jpgPour Barbara Romagnan, députée (PS) du Doubs, Emmanuel Macron, à l’université d’été du Medef, à prendre à son compte et répéter cette idée fausse et tellement facile, qu’on ne réussit pas mieux en travaillant moins.

Emmanuel Macron  s’est rendu à l’université d’été du Medef. Il est ministre de l’économie. Je n’y vois donc rien d’anormal. Mais il n’a pas résisté à prendre à son compte et répéter cette idée fausse et tellement facile, qu’on ne réussit pas mieux en travaillant moins.
 
Plus précisément, quand il a évoqué les 35 heures, il a livré son analyse : on s’est trompé en pensant que « la France pourrait aller mieux en travaillant moins ». Il confond – volontairement ? – la durée individuelle du travail et le nombre total d’heures travaillées. La première confusion consiste à ne prendre en compte que les salariés à temps complet en oubliant le temps partiel (82 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes).
 
La durée hebdomadaire moyenne du travail de l’ensemble des actifs occupés en France est l’une des plus élevée des pays développés d’Europe : 37,5 heures en France en 2013 contre 36,5 au Royaume-Uni, 35,3 heures en Allemagne et en Suisse, 30 heures aux Pays-Bas.
De plus, c’est le nombre d’emplois qui détermine le volume d’heures travaillées dans l’économie d’un pays. Entre 1998 et 2002, l’ampleur des créations de près de 2 millions d’emplois a conduit à une forte augmentation du nombre total d’heures travaillées (+ 8 %), malgré la réduction de la durée légale du travail.
 
Donc, la France n’a pas travaillé moins, mais plus que jamais, pendant les 35 heures. Ensuite, il remet en cause l’efficacité de la politique menée. Il y a incontestablement des limites à cette politique, mais on peut quand même rappeler que le taux de chômage - calculé par l’INSEE selon les règles du Bureau International du Travail qui permettent des comparaisons internationales - passe de 11,8 % de la population active en mars 1998 à 8,8 % en mars 2001.
 
La baisse est identique quand on regroupe les trois catégories A, B et C. Autrement dit, cette baisse ne correspond pas un à transfert des demandeurs d’emplois de catégories A dans les autres catégories de chômeurs, qui admettent ceux qui accomplissent moins de 78 heures de travail dans le mois ou qui, au-delà, n’ont cependant qu’un emploi à temps très réduit.
 
Accessoirement, les comptes sociaux étaient à l’époque équilibrés, le solde de la balance commerciale positif, précisément grâce à cette répartition de l’activité sur un plus grand nombre de Français… Au regard de la situation d’aujourd’hui, on se dit que finalement, la France n’allait peut-être pas si mal.
 
Google-Translate-English to French Traduire français en German  Traduire français en Italian Google-Translate-English to Japanese BETA  Traduire français en Portuguese  Traduire français en Russian  Traduire français en Spanish Traduire français en Arabic  Traduire français en danish Traduire français en Greek
 
 

11:10 Publié dans Economie, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : barbara romagnan, macron, 35h | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!