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11/07/2014

ISRAEL : L'ONU dénonce un "nettoyage ethnique"

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L'expert indépendant du Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies pour les territoires palestiniens occupés, l'Américain Richard Falk, a une nouvelle fois dénoncé aujourd'hui la politique d'Israël dans ces territoires, affirmant qu'elle présente les caractéristiques de "l'apartheid" et du "nettoyage Ethnique".

"La réalité sur le terrain s'aggrave aussi bien du point de vue du droit international que du point de vue du peuple palestinien", a-t-il dit aux journalistes à Genève. Il a notamment accusé Israël "d'efforts systématiques et continus pour changer la composition ethnique de Jérusalem Est", de "recours excessif àla force", de "punition collective" à Gaza, de destructions d'habitations et de construire de plus en plus de colonies.

"Il y a une discrimination systématique sur la base de l'identité ethnique, avec l'objectif de changer la démographie de Jérusalem", a-t-il affirmé, appelant cela une forme "de nettoyage ethnique".

Depuis 1996 plus de 11.000 Palestiniens ont perdu leur droit de vivre à Jérusalem, a souligné Falk. "Ce que nous appelons occupation est maintenant de plus en plus compris comme une forme d'annexion, une base pour un apartheid dans le sens où il y a un double système légal discriminatoire", a ajouté Falk.

Le mandat de Richard Falk expire dans quelques jours, après une mission de six ans qui lui a valu de polémiquer vivement et régulièrement avec Israël et ses soutiens, notamment les Etats-Unis et le Canada.

Ce professeur emeritus de l'Université de Princeton, âgé de 82 ans, est lui même juif, ce qui lui permet de balayer toutes les accusations d'antisémitisme dont il a fait souvent l'objet. Il considère que ces attaques visent "à dévier la conversation du message vers le messager".

Il a affirmé que la Cour Internationale de Justice devrait examiner le statut légal de cette occupation prolongée par Israël «l des territoires palestiniens et il a rappelé que cette cour avait en 2004 déclarée illégale la construction de la barrière par Israël isolant ces territoires occupés en 1967, ce qui n'a pas empêché l'Etat hébreu de poursuivre ses travaux.

Photo Ziad, article publié par le Figaro

08/07/2014

LA REPUBLIQUE DOIT CONSIDERER TOUS SES ENFANTS DE LA MEME FACON

Ssema3.jpgpécialiste de géopolitique, président de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Pascal Boniface lance un véritable débat arguant que « La République doit considérer tous ses enfants de la même façon »

En publiant 
"la France malade du conflit israélo-palestinien", Pascal Boniface affirme ses craintes de voir s’ériger des barrières séparant différentes communautés dans notre pays rejoignent sa compréhension de l’Europe et du monde.

Dans la France malade du conflit israélo-palestinien (1), vous vous interrogez sur le fait de revenir sur cette question. Pourquoi?

Pascal Boniface. Malheureusement, les faits m’ont donné raison. Quand on aborde de façon critique la politique du gouvernement israélien ou encore les prises de position des intellectuels et institutions communautaires en France sur la question du conflit israélo-palestinien, on se met forcément un peu en danger. Il y a deux risques. Le premier est d’être accusé d’antisémitisme plus ou moins assumé. Cela a été le cas.

J’ai été attaqué de façon scandaleuse par un journaliste, Frédéric Haziza, et par Julien Dray, dont on peut par ailleurs s’étonner qu’il soit encore élu au conseil régional d’Île-de-France au vu de l’ensemble de son œuvre et par rapport au désir de moralité qui semble gouverner dans les hautes sphères. Ceci étant, après cette polémique odieuse m’accusant de nier la dimension antisémite du meurtre d’Ilan Halimi, une pétition a été lancée et a recueilli plusieurs milliers de signatures sur le thème « Stop à la chasse aux sorcières » (2). Lorsque je regarde la liste des signataires et leur réputation morale, je suis réconforté. Le second risque, c’est le black-out.

Les médias dans leur grande majorité n’ont pas voulu parler du livre et de ses thèses. La tentation chez beaucoup de mes collègues chercheurs et de nombreux journalistes consiste à considérer que ça divise l’opinion ou qu’il n’y a que des coups à prendre et qu’il est donc plus prudent de ne pas aborder ce sujet. Mais, en attendant, le débat continue, et parfois, de façon plus malsaine. D’ailleurs, je suis pris entre deux écueils, les ultras pro-israéliens m’accusent d’antisémitisme. Et lorsque, dans des débats un peu chauds, je m’élève contre l’utilisation du terme « entité sioniste » pour parler de l’État d’Israël, que je refuse la vision d’une presse contrôlée par les juifs ou que je dénonce Dieudonné, d’autres m’accusent d’être payé par les juifs. Il y a donc là un enjeu essentiel pour notre débat démocratique.

Combattre l’antisémitisme mais refuser le chantage consistant à faire un amalgame entre critique politique du gouvernement israélien et antisémitisme.

Est-ce au point de tirer la sonnette d'alarme sur l?état de la société française ?

Pascal Boniface. Oui. Il y a un décalage extrêmement fort entre les élites politiques et médiatiques très prudentes et l’opinion de la rue vindicative sur la question. La prudence et 
la pusillanimité des uns, pour ne pas dire l’absence de courage, conduisent d’une certaine manière à l’extrémisme des autres. La société française perd des deux côtés. Il faut vraiment aborder cette question, en parler très ouvertement et franchement. Plus on en discutera de manière sereine et de façon ouverte et plus on évitera les dérives.

Vous mettez en garde contre le communautarisme. À quoi faites-vous allusion ?

Pascal Boniface. Le discours des institutions juives ou des intellectuels communautaires, pour ne pas dire communautaristes, répète en boucle que l’antisémitisme est très fort en France, qu’il y a une « montée » de ce phénomène, et que la menace antisémite est plus importante et virulente que les autres formes de racisme. Il faudrait alors plus se mobiliser contre cette forme de racisme. Et, en annexe, ne pas critiquer le gouvernement israélien car cela alimenterait l’antisémitisme. Pour une grande partie de la population qui vit de nombreuses discriminations au quotidien, les Noirs et les Arabes, ce discours est vécu de façon assez douloureuse. Ils ont l’impression qu’on sous-estime les discriminations dont ils sont victimes et que certains doivent être plus protégés que d’autres. Il y a alors danger. Les études et les faits montrent que l’antisémitisme, même s’il n’a pas disparu, est nettement moins fort qu’il y a une ou deux générations en France. En même temps, chaque année au dîner du Crif, le président parle d’une montée de l’antisémitisme. En fait, le grand revirement est que l’antisémitisme est moins fort mais le soutien à Israël dans la population française l’est également.

Vous regrettez une instrumentalisation de la lutte contre l'antisémitisme à des fins géopolitiques. Comment cela se traduit-il ?

Pascal Boniface. La défense inconditionnelle de l’État d’Israël des institutions juives, quelle que soit son action ou sa politique, très rapidement reliée à la lutte contre l’antisémitisme contribue à faire peur aux juifs français. Cela vient poser une barrière entre juifs et non-juifs autour de cet enjeu du soutien à Israël. Cela est très dangereux. On voit, par exemple, sur quelles bases le Crif a décidé de ne plus inviter le Parti communiste à son dîner annuel. Que l’on me montre la moindre déclaration d’un dirigeant communiste qui verse dans l’antisémitisme. Par contre, on reproche aux communistes leur solidarité avec la cause palestinienne. Le Crif privilégie ainsi son soutien à Israël au détriment du combat contre l’antisémitisme.

Tout en se disant en faveur d’un règlement pacifique, les institutions et les intellectuels communautaires pilonnent systématiquement ceux qui sont tout autant pour la paix mais qui estiment que le blocage de la situation provient plus de l’occupant que de l’occupé. Les institutions juives mettent en avant la lutte contre l’antisémitisme pour tétaniser toute expression politique contraire ou critique à l’égard du gouvernement israélien. Elle est directement taxée soit d’antisémitisme, soit de le nourrir en important le conflit du Proche-Orient.

Cet argument est pour le moins paradoxal puisque ce sont les mêmes qui, sans cesse, appellent les juifs de France à démontrer une solidarité infaillible au gouvernement israélien. Ils sont donc très largement responsables de ce faux lien.

Pourtant n'assiste-t-on pas à une recrudescence des actes antisémites les plus violents ?

Pascal Boniface. Il y a eu Mohamed Merah qui a tué des enfants parce qu’ils étaient juifs. Nous ne sommes pas à l’abri d’un tel acte terroriste qui, par définition, est incontrôlable et on ne peut pas nier l’existence d’un tel risque. Il y a eu aussi l’affaire Ilan Halimi, même si plus complexe, qui a une dimension antisémite mais qui ne peut pas se résumer uniquement à un acte antisémite.

Mais, il n’y a pas de recrudescence d’agressions ou d’injures. Les actes antisémites, bien sûr toujours trop nombreux, représentent un nombre faible face à l’ensemble des actes violents répertoriés, dans la rue, à l’école, en milieu hospitalier, etc. Je donne à ce sujet des chiffres très précis. Nous vivons dans une société violente. Et puis, surtout, il y a beaucoup d’agressions racistes qui touchent d’autres catégories de populations. Les actes antimusulmans ou anti-Noirs sont très nombreux alors qu’ils ne semblent pas faire autant l’objet d’une vigoureuse dénonciation des médias ou des pouvoirs publics. Cela est largement ressenti. Les médias et les élus de la République font très souvent du « deux poids, deux mesures », aggravent un mal qu’ils disent vouloir combattre.

Faut-il y voir un péril pour la République ?

Pascal Boniface. Je cite plusieurs exemples d’agressions d’autres communautés, pas seulement arabes, de faits graves pas ou peu médiatisés. Cela au final se retourne contre les juifs français car cela crée un sentiment d’être traité différemment. Il ne faut pas ignorer l’existence d’une nouvelle forme d’antisémitisme en banlieue aujourd’hui. Cela est dû plus à une forme de jalousie sociétale qu’à une haine raciale. Il y a le sentiment que l’on en fait plus pour les uns que pour les autres. Par ailleurs, le Crif joue à la fois un rôle de repoussoir et de modèle.

Beaucoup de musulmans y voient la bonne méthode pour se faire entendre des pouvoirs publics et veulent faire pareil. Le risque est de se retrouver communauté contre communauté. Faire ce constat, ce n’est pas vouloir dresser les uns contre les autres. Je réclame au contraire l’égalité de traitement. La République doit considérer tous ses enfants de la même façon. Quels que soient l’histoire et les drames vécus précédemment, il n’y a pas de raison que certains soient plus protégés que les autres. Je remarque toutefois que l’on parle beaucoup plus des dégradations de mosquée, des agressions et des injures islamophobes. Une prise de conscience est en train de s’opérer dans les médias certainement liée à la pression populaire et aux réseaux sociaux.

 

Vous présidez l'Iris et êtes de ce fait attentif à l'actualité du monde. À quelques jours des élections européennes et au regard de l'actualité ukrainienne, quel est l'enjeu stratégique pour l'UE ?

Pascal Boniface. Les élections vont être probablement marquées par un fort taux d’abstention 
et par des débats qui portent plus sur la politique intérieure de chaque pays que sur l’Europe. Il y a cet effet de ciseau entre un Parlement européen qui est de plus en plus important en termes de pouvoir et de détermination de politiques européennes et des citoyens français qui croient de moins en moins en l’Europe et dans sa capacité 
à impulser une direction. L’exemple de l’Ukraine montre qu’il y a encore un appétit d’Europe en dehors des frontières de l’Union européenne et une fatigue à l’intérieur. Pourquoi ?

Parce que les choses sont mal présentées. Est-ce l’UE qui impose des règles d’austérité injustes ? Le système de santé est malmené en Grèce afin de faire des économies demandées par l’UE. Mais c’est bien le gouvernement grec qui décide de ne pas imposer l’Église orthodoxe ou les armateurs et de faire peser l’effort sur les citoyens. La décision est nationale.

Sur la crise ukrainienne, l’Europe a réussi une médiation extrêmement positive entre le gouvernement 
et l’opposition ukrainienne en parvenant à l’accord du 21 février. Cet accord n’a pas ensuite été respecté et l’Europe n’en a pas tenu compte. S’il avait été mis 
en œuvre, il aurait pourtant évité la crise survenue. L’Europe n’a pas suffisamment confiance dans ses capacités d’acteur global et n’a pas conscience du poids qu’elle représente.

Jusqu'à se retrouver maintenant à la remorque de la position américaine ?

Pascal Boniface. Oui, clairement. Elle n’a pas suivi les États-Unis sur la nature des sanctions mais l’impulsion première a été donnée par les Américains et s’est appuyée sur leurs plus fidèles alliés en Europe. En réalité, le tournant a été manqué 
il y a deux décennies lorsque la fin du monde bipolaire n’a pas été gérée de façon satisfaisante. Gorbatchev a fait des efforts extraordinaires pour construire un monde nouveau en permettant aux Nations unies de jouer pleinement leur rôle. 


De leur côté, les Américains ont parlé eux d’un nouvel ordre mondial en se félicitant d’avoir gagné la guerre froide. Ils ont privilégié la tentative 
de la construction d’un monde unipolaire sur la possibilité de construire un monde basé sur la sécurité collective bâtie sur l’effort de tous. Du coup, on n’a toujours pas reconstruit un nouvel ordre mondial.

Votre grille de lecture de la société et du monde semble suivre une même logique ?

Pascal Boniface. Vous avez parfaitement raison. Il y a une matrice commune : respecter les autres, prendre le point de vue de l’autre en considération et surtout éviter d’humilier les autres car c’est une source première de violence et de rejet. Il s’agit de respecter les individus à l’échelle de la société ou les peuples au niveau mondial. L’information circule tellement aujourd’hui que l’on ne peut pas baser une relation sur le mépris et la négation de l’autre. C’est non seulement moralement indéfendable, mais c’est politiquement dangereux.

Des questions stratégiques à la géopolitique du sport. 
Pascal Boniface a écrit une cinquantaine d’ouvrages, alternant essais et livres pédagogiques sur les questions stratégiques, traitant de la politique extérieure de la France, des questions nucléaires, de la sécurité européenne, 
du conflit du Proche-Orient et de ses répercussions sur la société française et sur les rapports de forces internationaux, ainsi que du rôle du sport dans les questions internationales. Son dernier ouvrage, Géopolitique du sport, vient 
de paraître aux éditions Armand Colin.

1) Éditios Salvador. 222 pages. 19,5 euros

(2)http://www.change.org/fr/pétitions/l-opinion-publique-sto...

Entretien réalisé par 
Pierre Chaillan pour l'Humanité

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31/05/2014

La science est-elle une voie vers la vérité ?

Variations sur la mécanique quantique

ines2.jpgLa mécanique quantique (MQ) a la spécificité d’ébranler notre intuition directe et de nous faire renoncer à un objectif attendu de la science, celui de décrire, auquel elle substitue celui de prédire. Et de prédire non pas un évènement certain, mais la probabilité des résultats d’une mesure, une fois spécifiée la situation spatio-temporelle dans lequel elle a été réalisée.

Cela peut se traduire par une non-localité à la fois temporelle et spatiale, donc une contextualité, puisque les observations dépendent du contexte expérimental. Diverses interprétations n’ont cessé d’être proposées depuis la naissance de la MQ, et continuent de foisonner, toutes s’accordant avec les observations expérimentales et ne pouvant être réfutées sur des critères empiriques. Ainsi, l’idée d’une correspondance possible entre une théorie et une réalité empirique, voire l’existence d’une telle réalité sont loin de faire l’unanimité.

C’est de cela que se nourrissent les débats épistémologiques chez les philosophes occidentaux, dans la droite ligne des questions auparavant posées par les philosophies grecque et islamique.

Accueillir la perplexité offre une ouverture à l’altérité.

Inès Safi.

sciences, vérité, Ines SafiL’empirisme est fragilisé par la sous-détermination des théories par l’expérience. Et le réalisme semble ébranlé, et avec lui le déterminisme. Or certaines interprétations en termes d’entités ontologiques, ont tenté de sauver le réalisme, mais ont dû renoncer à deux intuitions : la localisation de ces entités, et l’accès (du moins en principe) à tout ce qui « existe ».

Nous assistons à d’autres visions qui vont à l’encontre du réalisme, et qui tendent à remplacer la notion de propriété intrinsèque par une relation. On tentera ici de dégager cette approche systémique, à la fois sur le plan de l’épistémologie et sur celui de la métaphysique islamique. Non seulement la vérité prend sens dans la relation que le sujet a avec l’objet, mais encore le sens émerge de cette co-naissance.

Cela est illustré à travers des représentations diverses de la MQ par des physiciens, intimement liées à leurs croyance. Il faut désormais se familiariser avec la multiplicité et l’indécidabilité de certaines assertions. C’est simultanément une invitation à relativiser le statut des théories scientifiques, élaborées dans un certain contexte humain complexe, de même que celui de certaines « vérités » religieuses.

Accueillir la perplexité offre une ouverture à l’altérité.

Par Inès Safi.

Ines-Safi-768x1024.jpgNée en Tunisie, Inès Safi est diplômée de l’Ecole Polytechnique de Palaiseau et chercheuse CNRS en théorie de la matière condensée, au Laboratoire de physique des solides à Orsay, où elle étudie des système de taille nanométrique.

Reconnue sur le plan international notamment pour son expertise dans les systèmes unidimensionnels, elle s’intéresse aussi, depuis quelques années, aux significations de la mécanique quantique, ainsi qu’aux questions éthiques et environnementales posées par la science. Elle est invitée à divers colloques et débats sur le thème « science et religion ».

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ARTICLE PUBLIE DANS ISLAM ET SCIENCES


Physique quantique et spiritualité... par oumma

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22/04/2014

"La France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe"

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À Gaza, les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable

Journaliste et écrivain palestinien de renommée internationale, né à Gaza, Ramzy Baroud (*) a sillonné pendant plusieurs mois le Proche et le Moyen-Orient, pour le compte de la chaîne Al Jazeera. A l’occasion de sa première visite à Paris, il livre à l’Humanité son regard sur les bouleversements régionaux en cours, et juge avec sévérité le nouveau rôle joué par la diplomatie française.

Comment expliquez-vous la dégradation actuelle, en particulier sanitaire, que connaît la bande de Gaza ?

Ramzy Baroud. L’Etat de siège est perpétuel. Mais effectivement, même selon les « standards » de Gaza, la situation s’est considérablement dégradée. Il n’y a de courant qu’entre 2h et 6h du matin. Les générateurs des hôpitaux ne fonctionnent plus. Les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable, les ordures et les eaux usées se déversent dans les rues. Nous sommes au-delà de la logique de punition collective. Il y a selon moi une volonté politique des dirigeants israéliens d’accentuer cette punition afin d’accroître la défiance de la population envers le Hamas, et le rendre responsable de la dégradation des conditions de vie. Avec l’élimination des Frères musulmans en Egypte, le moment est idéal pour marginaliser le Hamas, sa branche palestinienne.

C’est votre premier voyage en France, un pays qui était connu pour sa politique « équilibrée » au Proche-Orient…

Ramzy Baroud. Il y a eu un changement significatif de votre politique étrangère, en particulier vis-à-vis du Proche-Orient : Les Palestiniens considèrent la position de la France comme engagée du côté israélien. Ils ont perdu leurs illusions sur l’équilibre français, sa sympathie supposée pour la cause palestinienne. Après l’intervention militaire en Libye, puis la tentative avortée de bombarder la Syrie, comme j’ai pu m’en rendre compte après un séjour de six mois dans les pays arabes pour le compte de la chaîne Al-Jazeera, la France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe. Il y a un manque de confiance pour un pays clairement identifié comme faisant partie de l’axe Londres-Washington-Tel Aviv.

Dans votre dernier livre, vous décrivez Benjamin Netanyahu comme un « homme malveillant à l’esprit tordu ». Pourquoi François Hollande lui a-t-il manifesté une telle amitié à l’occasion de son dernier voyage en Israël ?

Ramzy Baroud. Je vais essayer de rester le plus poli possible. Mais je suis obligé d’admettre que j’ai trouvé ce spectacle absolument écœurant. C’est d’autant plus incompréhensible venant du président d’un pays au passé révolutionnaire, qui a connu la brutalité de l’Occupation, qui comprend la violence d’un processus de décolonisation. Et voir François Hollande donner aux dirigeants israéliens cet amour inconditionnel à un moment où même le gouvernement américain atteint le point où il défie l’influence du lobby pro-israélien aux Etats-Unis a quelque chose de profondément choquant. Netanyahu est à l’extrême-droite de l’échiquier politique israélien et il pourrait même être taxé de fasciste selon certains standards politiques internationaux… Peut-être que cette attitude était justifiée par la volonté d’amadouer les dirigeants israéliens sur le dossier du nucléaire iranien, mais faire cela sur le dos des Palestiniens avait quelque chose de révoltant.

Vingt ans après les accords d’Oslo, le Moyen Orient connaît des bouleversements majeurs : l’Iran normalise sa relation avec les Etats-Unis, Israël coopère étroitement avec l’Arabie Saoudite... Quel impact ces évolutions peuvent-elles avoir sur la lutte du peuple palestinien ?

Ramzy Baroud. Il y a un changement de paradigme à l’œuvre dans la région. Dans les décennies à venir, on se souviendra de cette période comme celle qui a changé le visage du Proche et du Moyen-Orient. La raison fondamentale vient des Etats-Unis : ils ont compris après l’Irak qu’ils n’avaient plus les moyens de mener une guerre de grande envergure. En conséquence de cela, d’autres acteurs tentent de combler ce vide. L’autre facteur est l’émergence du peuple arabe en tant qu’entité politique. Les analystes ont à mon avis commis une erreur en considérant que le soulèvement était une victoire en soi. Ce n’était pas le cas. La signification, selon moi, c’est que le Moyen-Orient ne pourra plus être gouverné par cette alliance entre le néocolonialisme occidental et une poignée de dirigeants corrompus et despotiques. Il est néanmoins difficile de définir ce nouvel acteur : ce n’est pas vraiment une « société civile », parce qu’elle est fragmentée et divisée, comme on peut le voir en Libye ou en Egypte, mais c’est incontestablement une émergence populaire. Il n’y a pas vraiment eu de culture de la mobilisation collective dans la région depuis des décennies. Cette conscience sera probablement longue à émerger, que ce soit au Yémen ou à Bahreïn, mais elle finira par redessiner le visage du Moyen-Orient. Prenons le cas de l’Egypte : les puissances étrangères y faisaient et y défaisaient les rois. Aujourd’hui, elles sont obligées d’ajuster leur attitude en fonction de qui la population a permis ou rendu possible l’accession au pouvoir.

L’émir du Qatar a tenté de mettre la main sur le Hamas l’année dernière, avant que son pays ne semble disparaître progressivement de la scène régionale. Que s’est-il passé ?

Ramzy Baroud. Il n’y a pas de réelle dynamique au Qatar. C’est un tout petit pays qui essaie d’apparaître comme influent sur la scène internationale. Mais tout ce qu’il a à offrir, c’est de l’argent. L’argent permet de vous acheter une amitié temporaire, mais certainement pas une influence durable. Vous pouvez acheter des groupes, des militants, et après ? Le chèque signé au Hamas s’inscrivait dans la stratégie de récupération des mouvements politiques islamistes suite au Printemps arabe. Le Hamas était alors dans une position très inconfortable vis-à-vis du conflit syrien, et il fallait l’obliger à s’engager du côté de l’opposition armée soutenue par le Qatar. Les dirigeants du Hamas ont visiblement misé sur le mauvais cheval.

Comment résoudre la défiance grandissante de la population palestinienne vis-à-vis de leurs dirigeants ? La libération d’une figure comme Marwan Barghouti peut-elle changer la donne ?

Ramzy Baroud. La crise est beaucoup trop profonde pour qu’elle puisse être résolue par un seul homme. La classe politique palestinienne dépend du bon vouloir de ses partenaires politiques et financiers, et même d’Israël. Si Israël en venait à considérer que l’autorité palestinienne représente un réel danger pour ses intérêts, elle serait encore d’avantage affaiblie : les Etats-Unis cesseraient par exemple de financer la formation de policiers, lesquels sont entre autres chargés d’empêcher toute forme de lutte armée contre l’occupant israélien. Le problème du Hamas est différent : c’est un parti plus récent, qui est apparu aux yeux de la population palestinienne comme moins corrompu, n’ayant pas renoncé à la lutte armée, et c’est ce qui explique que nombre de chrétiens vivant à Gaza ont voté pour lui. Il ne s’agissait pas de soutenir le Hamas pour ce qu’il est réellement, mais pour ce qu’il représente. C’est le même phénomène qui explique la popularité du Hezbollah au Liban, qui va bien au-delà de la population chiite. Pour revenir à votre question, je pense que la question de la représentation du peuple palestinien sera « naturellement » tranchée lorsque les circonstances politiques permettront à une telle figure d’émerger. Ce n’est pas le cas actuellement.

(*) Dernier ouvrage paru : Résistant en Palestine, une histoire vraie de Gaza, publié aux éditions Demi Lune.

Publié dans l'Humanité

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Propos recueillis par Marc de Miramon