16/09/2009
Suicide : Lettre ouverte au PDG de France Télécom
Pour France Télécom, il n’a plus de nom. Comme ses collègues, à chaque fois qu’il doit effectuer une transaction, il est identifié par un code comportant quatre lettres et quatre chiffres. Le sien, c’est DYDO 5 403 et c’est donc ainsi qu’il a choisi de signer cette « lettre ouverte » à son PDG. Il y a six ans, déjà, en 2002, il avait tenté de mettre fin à ses jours dans le bureau d’un cadre. Le service dans lequel il officiait comme technicien qualifié à la gestion du réseau était promis à la fermeture. France Télécom lui avait proposé trois postes, tous des emplois de plate-forme téléphonique, n’ayant rien à voir avec son métier. « Je suis un technicien, pas un commercial », répétait-il alors, refusant les offres. Il fut donc « muté d’office ». C’est la procédure. J’avais vingt-six ans de carrière, et deux mois ont suffi pour tout démolir », raconte-t-il. Après dix mois d’arrêt, DYDO 5 403 a dû accepter un poste « bas de gamme », comme il dit.
Il tire des fils toute la journée mais il a choisi « de ne plus se taire ». Dans sa commune de 6 000 habitants où il se fait élire comme conseiller municipal, puis dans son syndicat, la CGT, il retrouve un nom. Et contribue à créer un groupe de travail sur la question. « Il fallait briser le tabou, combattre l’idée que les suicides tiennent à des causes personnelles. c’est le travail qui fait craquer. Depuis que la CGT se préoccupe de la souffrance au travail, certains salariés reprennent nos tracts », témoigne Marie Barot, secrétaire générale de la CGT Fapt du département de Haute-Savoie, qui soutient son initiative. DYDO 5 403 a choisi personnellement de s’adresser à Didier Lombard, PDG de France Télécom, convoqué aujourd’hui par le ministre du Travail, Xavier Darcos. Pour lui, ne plus se taire c’est aussi un moyen de tenir le coup. Son « J’accuse », que vous pouvez lire ci-après, a été transmis, hier, à son chef afin de remonter les échelons hiérarchiques : direction des ressources humaines locale, direction territoriale Centre-Est, puis, direction générale.
Paule Masson, l'Humanité
Lettre ouverte
Devant le désastre humain de ces derniers jours, je me permets de vous interpeller pour apporter ma vision d’agent France Télécom sur ce séisme que vous n’avez pas vu venir, enfermé que vous êtes dans votre tour de Babel. J’estime de mon devoir de vous faire part de mes réflexions pour comprendre comment on en est arrivé là. Je suis convaincu que vous n’avez pas le monopole de la vérité, malgré votre fonction de PDG.
Avec les PDG qui vous ont précédé, MM. Bon et Breton, vous avez planifié, programmé avec des juristes, des experts, des consultants, des organismes de formation pour cadres, une politique de management et organisationnelle pour mettre sur les rails du capitalisme pur et dur notre entreprise. À travers cette politique, vous avez laminé les syndicats, vous avez éloigné inexorablement les centres de décisions en augmentant les territoires des directions régionales, ne laissant sur le terrain au plus près de vos agents que quelques petits chefs issus de leurs rangs pour servir de liens.
La première grosse erreur de cette politique a été de spolier l’identité professionnelle de la majorité de vos agents venant des PTT avec de réelles formations de métiers. Le lien sur le terrain dévolu à ces cadres « N+1 » n’avait plus rien de social. Ce n’était, ce n’est qu’un relais pour mettre en place vos méthodes, vos processus, vos directives, vos aspirations de suppressions d’emplois, pour être crédible auprès des marchés financiers. Beaucoup ne se rendent pas compte du rôle que vous leur avez fait jouer ou qu’ils jouent encore.
Les syndicats, parlons-en… Stratégiquement, là aussi tout était planifié. Par des restructurations incessantes, vous les avez confinés année après année, changement de périmètre après changement de périmètre, dans un travail de réorganisation permanent pour répondre à votre mise en place des institutions représentatives du personnel (lRP). Vous avez voulu des syndicats affaiblis. Vos fiançailles avec les marchés financiers, les actionnaires, vous ont poussé à détruire insidieusement les contre-pouvoirs garants des équilibres sociaux. Certainement au-delà de vos espérances…
Oui, pendant des années, devant le peu de lutte collective d’envergure, vous avez cru gagner. Vous pensiez, comme notre président de la République, que « quand il y a une grève à France Télécom, on ne s’en rend plus compte ». En surfant sur la démagogie et sur l’individualisation à outrance, vous avez mis en place votre politique de restructurations incessantes de vos services.
Après la perte d’identité professionnelle, la perte d’identité géographique : mobilités forcées, imposées. Avec à la clé un travail répétitif, sans autonomie, à la place d’un vrai métier.
Quel projet proposez-vous à ces personnels en errance pour se reconstruire ? Votre projet d’entreprise ? Croyez-vous sincèrement qu’ils puissent y adhérer ? Quel manque de discernement !
Pour casser toute velléité, mise en place d’un management impitoyable, infantilisant, ou dans chaque parole des cadres on entend les mêmes réponses, les mêmes allégations, les mêmes phrases, les mêmes arguments, à la virgule près, pour nous faire accepter l’inacceptable. Sans oublier les chiffres, les indicateurs… Ces années que vous avez planifiées sont d’une violence inouïe. Je suis sûr que l’histoire le jugera un jour ou l’autre. Et voilà que cette violence vous revient en pleine figure, comme un boomerang.
Vous avez cru gagner mais vous avez perdu. Ne laissant que peu d’espace à l’expression démocratique, aux luttes collectives, aux résistances organisées, en méprisant la représentation syndicale (il suffit de lire les réponses faites aux questions des délégués syndicaux et des délégués du personnel où ne transpirent qu’arrogance, suffisance, mépris), vous n’avez pas vu ou pas voulu voir apparaître depuis quelques années une nouvelle forme de lutte insidieuse, souterraine : le suicide… La nature a horreur du vide. Sur les conseils éclairés de certains experts ès communications à la solde des décideurs économiques et politiques, vous avez fanfaronné, dénié ce sujet. Vous avez sali la mémoire des premiers collègues disparus en les méprisant, en cantonnant leur geste désespéré dans des problèmes familiaux, personnels.
Quelle erreur, quel dédain, quelle suffisance ! À force de ne côtoyer que les arcanes des pouvoirs politiques, économiques, médiatiques, on en devient aveugle… Les travailleurs, les gens de peu, les millions de personnes n’ayant pas de Rolex à cinquante-cinq ans n’existent plus…
Et pourtant, la médecine du travail, malgré son peu de moyens, vous alertait. Les comités d’entreprises (CE), les comités d’hygiène et de sécurité (CHSCT) aussi. Mais la victoire est une drogue douce, elle enivre, elle isole, elle grise. Votre rouleau compresseur écrasait tout sur son passage. Les bénéfices année après année justifiaient vos choix auprès des marchés. Vos actionnaires vous remerciaient…
Devant ce no man’s land de luttes dignes de ce nom, ces signaux puérils de détresse ne vous inquiétaient pas. La puissance de votre communication étouffera à travers les médias ces résidus de gêne d’image de la marque, pensiez-vous. La voie royale du libéralisme était dégagée. On a gagné ! on a gagné ! Et puis le grain de sable. Vos agents hommes, femmes qui veulent vivre debout, dignes, devant votre mutisme, osent symboliquement perpétrer leur suicide sur leur lieu de travail. Crime de lèse-majesté…
En réponse, toujours votre mépris. Pour calmer les médias, vous faites dire par un de vos directeurs : « À France Télécom, on ne se suicide pas plus qu’ailleurs. » Quelle gaffe ! Quel camouflet pour ces hommes et ces femmes ! Vous rendez-vous compte où vous a mené votre aveuglement ? Obliger vos agents avant leur dernier geste à bien préciser qu’ils n’avaient pas de problèmes familiaux, financiers ou autres. Leur problème, c’est bien France Télécom, c’est bien la politique managériale que vous avez mise en place. C’est une violence supplémentaire à laquelle je ne trouve pas de nom. C’est une insulte à la dignité de ces personnes et à leur famille. Ce que j’ai écrit et affiché sur mon lieu de travail avant les événements du 10 septembre 2009 (un collègue qui se poignarde) et du 11 septembre (une collègue qui se défenestre), malheureusement me donne raison : « Le pire est à venir. »
Votre réunion du 10 septembre dernier n’apporte qu’une partie des réponses aux attentes de ces centaines d’agents en stand-by. La mise en place d’un audit extérieur, quelle désillusion, quel manque de respect pour vos équipes de médecine du travail, des élus du CE et du CHSCT qui n’ont eu de cesse de vous alerter, signaler les dérives, les ravages de votre politique à travers des rapports. Peut-être étaient-ils rédigés en chinois et vous n’avez pas daigné les traduire ?
Il est encore temps de les lire…
À l’heure où nous en sommes, que vous reste-t-il pour demeurer crédible auprès de vos agents ?
Soit vous reconnaissez publiquement votre responsabilité dans la souffrance de vos agents, avec en parallèle de véritables négociations avec les syndicats pour infléchir cette politique.
Cette décision serait un geste fort, à même de calmer cette spirale infernale. Elle demande du courage et du coeur… Soit vous restez droit dans vos bottes en niant les relations de cause à effet de votre politique et là, effectivement, je redoute le pire…
Je n’accepterai pas, pour ma part, la troisième solution qui se dessine. C’est-à-dire la mise en place du repérage des agents potentiellement à risque pour un traitement individualisé pour les éradiquer, les gommer, les culpabiliser, les stigmatiser et recommencer comme si rien n’était arrivé.
Veuillez accepter cette humble contribution à votre réflexion ; humainement, pour tous mes collègues, je ne pouvais plus me taire.
Malgré la souffrance qui m’écorche, recevez mes respects.
Ceci est mon « code alliance » à France Télécom, car en tant qu’être humain, je n’existe plus depuis 2002 dans votre entreprise.
DYDO 5403
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08/09/2009
Manu Chao : « La résignation est un suicide permanent »
Porté par le succès de son album, la Radiolina, et de sa tournée internationale « Tombolatour », le chanteur globe-trotteur fait halte sur la grande scène vendredi soir. Un show qui s’annonce exceptionnel, festif, combatif et porteur d’espoir. Entretien.
On célèbre cette année les soixante-dix ans de la Retirada, qu’ont connue des milliers de réfugiés républicains espagnols fuyant la dictature de Franco. Votre famille, d’origine espagnole, a-t-elle vécu ces heures sombres de l’histoire de l’Espagne franquiste ?
Manu Chao. Mon grand-père maternel (Thomas Ortega), qui était communiste, a été condamné à mort par Franco. Il est parti par le dernier bateau de Valence. Il est arrivé en Algérie, qui était française à l’époque. Et ma mère, ma grand-mère et ma tante sont parties en France par le Pays basque. Elles ont connu les camps de réfugiés, les orphelinats et tout le merdier de la guerre.
Parliez-vous de tout cela à la maison ?
Manu Chao. J’en parlais avec ma mère, même si moi, je n’ai pas senti tout cela. Quand je suis né, mes parents étaient en France depuis longtemps. Quand j’étais petit, mon grand-père me racontait toute cette période, en long et en large. Maintenant, il est parti. C’est quelqu’un d’important dans ma vie. Un mec honnête qui a défendu ses idées jusqu’au bout, fidèle à ses idées jusqu’à sa disparition. Il est mort à Villejuif, avenue Lénine, je crois. Diriez-vous que votre grand-père a participé à votre construction politique personnelle ?
Manu Chao. Après la guerre d’Espagne, il y a toutes les théories entre les communistes, les anarchistes. Cela fait partie de l’histoire. Lui était communiste. Pour moi, le Parti communiste, ça s’est arrêté aux Jeunesses communistes. Il faut dire que la secrétaire était tellement jolie ! On était tous amoureux d’elle. On était des ados, d’excellents colleurs. On collait des affiches mieux que personne, rien que pour elle. Quand on s’est rendu compte qu’il y avait une histoire entre elle et le chef de cellule, qui était quand même le mec le plus fade qui soit, on s’est dit : « Si le communisme c’est ça, ce n’est pas pour nous ! » (rires).
Comment vous situeriez-vous politiquement ?
Manu Chao. Je n’en sais rien moi-même. Si on parle de la politique « professionnelle », là où on met le bulletin dans l’urne, ça fait trente ans que je vote, mais je n’ai jamais voté pour quelqu’un mais contre quelqu’un. Il n’y a rien qui me convienne vraiment. C’est horrible, mais je crois qu’on est nombreux comme ça. J’espère qu’un jour je pourrai voter d’une manière positive.
Est-ce pour cela que vous dédiez la chanson Pinocchio à tous les « hommes politiques qui nous mentent »…
Manu Chao. Personne n’est dupe. C’est souvent beaucoup de bla-bla. Ils parlent pour les sondages, mais pas vraiment pour changer les choses. En même temps, le problème est tellement dépassé. On vote pour des gens qui n’ont aucun pouvoir de décision ou très peu, comparé à avant. Quand je suis né, l’État était certainement plus fort que le privé, d’une certaine manière. Aujourd’hui, c’est l’économie qui commande, pas la politique.
Manu Chao. Je fais un constat. Le système est malade. Le fait que souvent on vote, non pas pour quelqu’un mais contre, est certainement un des symptômes de cette maladie. Aujourd’hui, on en est arrivé à un point grand-guignolesque, « pinocchiolesque » tel qu’on vote pour des gens qui, à mon avis, n’ont pas un immense pouvoir face au privé.
Que faudrait-il faire, selon vous, pour remédier à cette situation, pour remotiver les gens ?
Manu Chao. Les gens dans l’absolu sont motivés, même si pour aller voter, ils ne le sont pas forcément, pour croire en n’importe quel parti politique. C’est la responsabilité des politiques. Je crois qu’il y a de plus en plus de gens qui sont surmotivés pour essayer de survivre au jour le jour. Pour moi, il est évident que pour survivre d’une manière digne, cela se fait plus facilement en étant unis, au niveau du quartier, du voisinage, qu’en étant individualistes : un par un à essayer de sauver sa peau, ça ne marchera pas, il faut trouver des solutions en commun.
Dans la Radiolina, vous dites pourtant « la résignation est un suicide permanent »…
Manu Chao. Ça, c’est dans Proxima estacion esperanza. C’est une des phrases importantes dans ma vie. Elle traînait sur Internet, mais pour moi, elle est à garder en tête toujours. Prochaine station l’espoir, quoi qu’il arrive. Se résigner, c’est mettre un pied dans la tombe. Le système est une grosse farce. On parle de démocratie, mais quelle démocratie ? C’est la dictature de l’argent. On en a ou pas. Il y a quelque chose qui n’est pas démocratique dans la répartition de l’argent. C’est le capitalisme qui commande, le cannibalisme du pognon. C’est à celui qui va bouffer l’autre. Dans ses règles profondes, le capitalisme n’envisage même pas le commerce juste. C’est le profit uniquement. C’est une certaine dictature de ce point de vue.
Que faites-vous de l’espoir ?
Manu Chao. L’espoir, c’est déjà de ne pas se leurrer. C’est être conscient qu’il va falloir se serrer les coudes et attacher sa ceinture parce que ça va bouger. C’est se dire que les vingt prochaines années, ça ne va pas être du gâteau. Il faut être lucide. Il est clair que la société est en dégénérescence. Il va y avoir de la turbulence, donc il va falloir être vigilant. J’adore cette phrase de René Char, que j’avais mise dans mon disque : « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil. » Être lucide, ce n’est pas forcément facile. Mais à partir de là, il faut s’organiser pour essayer de trouver des solutions.
Dans ce contexte, comment vivez-vous les divisions de la gauche ?
Manu Chao. Ils sont entrés dans un jeu qui n’intéresse plus personne. Chacun passe à la télé. Ce sont les petites guerres internes. Ils ne donnent pas l’exemple. Si on considère qu’un parti politique est comme une famille, moi, quand j’ai un problème dans ma famille, je ne l’expose pas à la télévision. En fait, ils peuvent se tirer dans les pattes tant qu’ils veulent, ce qu’il faut, c’est un balayage de toutes les règles pour recommencer autre chose. Il faut inventer d’autres règles, si on veut que les gens y croient de nouveau.
La Fête de l’Humanité fait partie de ces lieux de résistance où l’on cherche à imaginer un autre monde. Quel souvenir gardez-vous de votre dernier passage sur la grande scène, en 2001 ?
Manu Chao. Magnifique. C’est un concert, je crois, qui a laissé des traces. Au-delà de la politique, du Parti communiste, j’estime que la Fête de l’Huma est une des plus belles fêtes politiques qu’il y ait en France. J’aime cette fête, profondément. Merci et (re)merci pour ma jeunesse, pour mes souvenirs d’adolescents, pour la Fête avec tout ce que cela suppose. En France, il y a tellement peu d’endroits vrais. La Fête de l’Huma a cette qualité en elle. Tous les gens qui arrivent d’un peu partout, de l’Aveyron, de la Drôme, les buvettes. C’est un endroit superagréable où aller et vraiment populaire. On se sent heureux et en osmose ici.
Connaissez-vous d’autres lieux qui ont cet esprit ?
Manu Chao. Il y a une fête qui a peu le même feeling, que j’aimerais sincèrement faire parce qu’elle a les mêmes qualités, c’est la fête du Parti communiste à Madrid. C’est un peu le même esprit. Il y a plein de débats, de la musique, et c’est resté populaire. Comme quoi, le Parti communiste, quoi qu’il arrive, a toujours eu des racines populaires qu’il a su préserver. Aucun autre parti n’a jamais su faire ça, avoir une fête où chaque année les gens se rendent, même s’ils ne sont pas communistes.
Vous vous rendez régulièrement en Amérique latine. Quel regard portez-vous sur ce continent qui semble être en perpétuel bouillonnement ?
Manu Chao. On est dans une phase intéressante. Je veux dire que ce n’est pas la pire époque des coups d’États à tire-larigot. Le Honduras, pourquoi son président a-t-il sauté ? Parce qu’il n’a pas d’argent. Ils ont essayé avec Hugo Chavez, mais ils n’y arrivent pas parce qu’il a du pétrole, de l’argent.
Un coup d’État contre Chavez, il y en a eu un et il a été démontré que les Américains étaient derrière. Cela n’a pas réussi parce que ce n’est pas la même situation économique, ni le même soutien des électeurs. Je ne suis pas un chaviste, loin de là, j’ai mes critiques aussi, mais une chose est sûre, c’est que le jour où il y a eu le coup d’État, le peuple des quartiers l’a soutenu.
Les putschistes ont fait machine arrière parce qu’il y a eu un véritable soutien populaire.
S’agissant du Venezuela, il y a tout le côté Grand-Guignol de Chavez qui me dérange un peu, mais il y a eu des choses vraiment intéressantes qui se sont passées là-bas. Sinon, il n’aurait pas le soutien des gens comme ça. Il serait déjà mort ou en exil. Mais les trois quarts des infos qui arrivent ici, en Europe, à travers les médias, je ne les trouve pas journalistiquement éthiques.
Tout le monde a peur de Chavez. Pourquoi ?
À cause de son côté Gand-Guignol ?
À ce moment-là Sarko aussi est un Grand-Guignol. Je crois que c’est parce que Chavez ne joue pas le jeu de l’économie mondiale et qu’il fout le bordel. Il a changé des choses au niveau du pays. Je suis allé plusieurs fois au Venezuela pendant le processus, au niveau du quartier, j’ai vu des changements.
Tout ce qui se passe au Venezuela, c’est sous les lois de la démocratie, comme dans un autre pays. On dit que Chavez est en train d’armer les quartiers, mais ces derniers ne l’ont pas attendu pour être armés jusqu’aux dents.
C’est le trafic de cocaïne qui a armé les quartiers, pas Chavez ! Quand il est arrivé, les quartiers étaient déjà archi-enfouraillés, avec des mômes de quatorze ans terriblement armés. Il y a aussi que Chavez est un militaire qui peut gêner, y compris moi. La première fois que je suis allé au Venezuela, c’était en 1992, avec la Mano Negra, et Chavez était en prison.
On faisait un concert gratuit, et tout Caracas était dans la rue pour qu’il sorte de prison. Pour quelqu’un comme moi, élevé en France, je trouvais qu’il y avait d’autres chats à fouetter que d’être dans la rue pour qu’un militaire sorte de prison. Donc, je comprends que l’intelligentsia de la gauche européenne soit gênée quelque part.
C’est un peu le même sentiment que pour Cuba…
Manu Chao. L’info qui arrive en Europe sur Cuba, elle est écœurante. C’est vrai qu’il y a des problèmes de droits d’expression, de circulation, ou de plein de choses qui ne sont pas réglées là-bas. Je ne dis pas que Cuba est un paradis, mais quand même, ils ont eu des succès absolument extraordinaires par rapport au reste de l’Amérique latine malgré, les difficultés occasionnées par des années de blocus économique.
On ne peut pas éclipser cela quand on parle de Cuba, ne pas voir que tous les mômes vont à l’école, que la médecine est plus ou moins gratuite. C’est injuste. Il y a plein de choses qui ne fonctionnent pas, c’est certain. Mais, comme je dis toujours, malgré les problèmes de Cuba (manque de démocratie), si je croyais en la réincarnation, si je devais naître pauvre en Amérique latine, je prierais le bon Dieu pour qu’il me fasse naître à Cuba. Et surtout pas à Haïti, qui est juste à côté ! C’est incomparable.
Je ne comprends pas que les intellectuels, les journalistes disent que l’horreur en Amérique latine, c’est Cuba. Quel manque de lucidité ! Comparons avec la Colombie. Démocratie ? le problème de circulation ? On a le droit de sortir du pays, mais il faut avoir l’argent. Ce n’est pas n’importe qui de la population qui peut sortir de Colombie. Le droit d’expression ? Un syndicaliste au fin fond d’un petit village, à Cuba, peut risquer la prison ; en Colombie, il ne faut pas deux ans pour qu’il prenne une balle dans la nuque. C’est là qu’on voit que ce n’est pas noir et blanc. C’est plus nuancé.
En tant que chanteur connu pour ses positions altermondialistes… Manu Chao. Pour ses positions « personnelles » (rires). Je ne récuse pas le mot « altermondialiste », mais je n’aime pas l’étiquette.
…Disons que vous avez une approche musicale citoyenne et politique. Est-ce qu’il y a des pays où vos idées dérangent ?
Manu Chao. Au point d’être vraiment gênant, je ne pense pas qu’ils se soient posé la question comme cela. J’ai récemment vécu une petite anecdote au Mexique, où on a parlé de m’expulser.
La police me recherchait parce que j’avais enfreint la loi 33 mexicaine qui stipule qu’un étranger n’a pas le droit de faire de politique au Mexique. J’ai parlé dans une conférence de presse de terrorisme de l’État mexicain envers les gens d’Atenco, un village à 30 km de Mexico, pour lesquels on milite depuis des années. Il y a onze personnes qui sont encore en prison au Mexique pour avoir défendu leurs terres sur lesquelles on voulait construire un aéroport.
Deux du village ont été tuées par la police, beaucoup de femmes violées. Les gars ont retenu des policiers deux-trois heures sur la place du village et ils ont été condamnés à entre soixante ans et cent trente ans de prison. Nous, on milite depuis longtemps avec ce village pour changer cela. Au Mexique, j’ai parlé de terrorisme d’État parce que c’est du terrorisme d’État. On leur proposait, à ces villageois, de racheter leurs terres pour une bouchée de pain, les gars n’ont pas accepté et ils ont été expropriés, il y a eu des affrontements. On suit la situation. On a fait des concerts de soutien ici en Europe. L’année dernière, je suis allé au village, où j’ai rencontré des gens. Maintenant, c’est un peu comme une famille.
Des projets ?
Manu Chao. La tournée qui se poursuit en septembre. L’année dernière, ça a été tellement beau de retrouver le public en France ! Il reste beaucoup de villes où on n’est pas allés et où j’ai demandé à faire un tour. Pour le plaisir.
Après, je pense que je vais retourner en Argentine, pour trois ou quatre concerts dans des quartiers qu’on n’a pas eu le temps de faire l’année dernière car nous étions dans une logique de tournée. Ensuite, avec le groupe Radio Bemba, on va prendre quelques chemins de traverse en Argentine, Chili, Bolivie, mais vraiment juste avec une petite camionnette. Et puis concert de soutien pour Atenco [1] , qu’on est en train de monter.
Entretien réalisé par Victor Hache pour l’Humanité
Notes :[1] Atenco est une commune des environs de Mexico. Ses habitants se sont mobilisés pour défendre leurs terres, situées à proximité d’un lac à l’équilibre écologique fragile, et ont réussi à empêcher en 2002 la construction de ce qui devait être le nouvel aéroport de Mexico
Manu Chao - Me Llaman Calle
envoyé par manuchao
14:17 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manu chao, fête de l'humanité | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
06/09/2009
LE DESSIN DU MOIS DE SEPTEMBRE
18:56 Publié dans Le dessin du mois | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chômage, grippe | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
05/09/2009
NICOLAS SARKOZY VU D’ALLEMAGNE
Un article de presse paru dans la Bild Zeitung (1) cette semaine
> Traduction :
8 avions, 61 voitures de fonction, 1000 employés.
- Toute la France est touchée par les mesures de récession. Toute la France ? Une personne ne joue pas le jeu : le Président Nicolas Sarkozy ( 5 4 ans)
- Le budget de la Présidence a toujours été tenu secret en France. Pour la première fois il est révélé sous Nicolas Sarkozy.
- Dans les 300 mètres carrés de l'appartement de fonction des Sarkozy les fleurs doivent être fraîches en permanence : coût 280.000 euros par an
- Lorsque Nicolas Sarkozy voyage à titre privé, un avion gouvernemental vide l'accompagne en permanence, pour lui permettre de rentrer à Paris en cas d'urgence.
- Il dispose de 61 voitures de fonction, 2 Airbus et 6 avions Falcon-Jet. Le dernier avion en date (60 millions d'euros) a été baptisé "Carla" du prénom de madame Sarkozy numéro 3
- Dépenses annuelles pour les boissons (Champagne etc.) : 1 million d'euros
- Il a presque 1.000 employés à son service, deux fois plus que la Reine d'Angleterre. Parmi eux 44 chauffeurs et 87 cuisiniers.
- Les cuisiniers-chefs peuvent se servir librement dans les caves à vin du Palais de l'Elysée, le repas de midi leur est servi par des laquais.
- Carla et Nico peuvent commander de la nourriture ou des boissons 24 heures sur 24. La cuisine est en service en permanence.
- Indignation ? Protestations ? Pas du tout. En France il semble être une affaire d'honneur que le Chef de l'Etat incarne la "Gloire de la nation" . Il est le successeur du Roi Soleil. Et c'est exactement comme tel qu'il vit.
> Légende des photos :
> - Gauche : Le Roi Soleil et sa Madame Pompadour : Nicolas Sarkozy et Carla Bruni
Ø - Droite : Un des 30 "réfectoires" du Palais de l'Elysée
(1) - Bild ou Bild-Zeitung (respectivement Image et Journal Image) est un quotidien allemand parmi les plus critiqués, mais aussi celui qui a la plus forte diffusion d'Europe occidentale avec un tirage de plus d’un million d’exemplaires.
Ce « journal de boulevard » est édité depuis le 24 juin 1952 par le groupe de presse Axel Springer Verlag. De par son contenu, il s'apparente à la presse tabloïd et la presse à scandale et politique est orienté très à droite.
15:03 Publié dans Cactus | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagne, sarkozy, bild zeitung | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |