14/01/2014
Le portrait social d’une France des inégalités
Décryptage. L’Insee a publié hier son état des lieux social du pays en 2013. Les revenus des salariés sont en berne et les crédits pèsent lourd sur les épaules des ménages.
Les inégalités se creusent entre les Français. C’est le constat dressé par le portrait social de l’Insee pour 2013 (voir ci-dessous). Si l’institut note qu’entre 1995 et 2011 le revenu salarial moyen a augmenté de 0,7 % par an (0,8 % dans le privé contre 0,3 % dans le public), en revanche, en 2011, il stagne dans le privé et baisse même de 0,7 % dans la fonction publique. L’Insee remarque que, dans le privé, le revenu se stabilise car la durée d’emploi à temps plein baisse alors que le salaire journalier augmente légèrement. Dans la fonction publique, c’est bien le gel du point d’indice depuis 2010 qui explique cette chute. Tous secteurs confondus, cette perte salariale est très nette pour les personnes de plus de cinquante-cinq ans. En 2011, les employés français ont perçu en moyenne 20 050 euros de salaire. Mais les inégalités se renforcent. Le revenu salarial moyen des 25 % les mieux payés s’élève à 40 350 euros, soit dix fois plus que le revenu salarial moyen des 25 % de salariés les moins bien lotis. Des différences qui s’expliquent en partie par les disparités de durées d’emploi, par l’explosion du temps partiel ou du travail périodique.
Premières concernées par les temps très partiels (la moitié d’un mi-temps), les femmes sont aussi les moins bien payées. En 2011, elles ont perçu un revenu inférieur de 24 % à celui des hommes. Cet écart s’explique aussi par les différences persistantes de salaire entre les hommes et les femmes. Ainsi, l’Insee note que « cette ségrégation par secteur d’activité perdure et, en quinze ans, la parité n’a guère progressé ».
À cette baisse globale des revenus des Français s’ajoute un poids de plus en plus lourd des crédits. Entre 2005 et 2011, l’endettement des ménages pour l’immobilier a presque doublé, les encours de crédit sont passés de 442 milliards à 800. En parallèle, leur revenu disponible total a augmenté de seulement 20 % sur la période. En 2005 comme en 2011, un ménage sur deux détient un crédit immobilier et/ou à la consommation, 14 millions d’entre eux sont concernés. Les ménages endettés sont ceux qui se privent le plus. Si le crédit à la consommation leur permet d’améliorer temporairement leurs conditions de vie, ils se restreignent plus que les autres dans leurs dépenses de consommation. En 2011, 40 % d’entre eux déclarent ne pas pouvoir s’offrir une semaine de vacances au cours des douze derniers mois, contre 28 % pour les autres ménages.
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28/11/2013
Coût du capital: actionnaires gavés, salariés à la diète
Trente années de partage de la valeur ajoutée se soldent par une explosion des dividendes versés aux actionnaires, tandis que la part revenant à la rémunération du travail a reculé.
Médias, économistes, commentateurs patentés, ils nous le répètent tous, jusqu’à l’overdose : si l’économie française décroche, la faute en incombe au « coût du travail ». Voilà trente ans qu’au nom de ce dogme un arsenal sans cesse grossissant de mesures budgétaires visant à alléger ce prétendu fardeau des entreprises est mis en œuvre. Loin de les remettre en cause, le gouvernement Ayrault en rajoute aujourd’hui une grosse louche, avec les 20 milliards du crédit d’impôt compétitivité.
Pourtant, les chiffres très officiels de l’Insee permettent d’établir un tout autre diagnostic. D’après les comptes nationaux des entreprises non financières, depuis le début des années 1980, le partage de la richesse créée n’a pas évolué à l’avantage du travail, bien au contraire : la masse salariale représentait ainsi, en 2012, 66,6 % de la valeur ajoutée, contre 72,9 % en 1981. À l’inverse, la part de la valeur ajoutée revenant au capital, sous forme d’intérêts versés aux banques et de dividendes octroyés aux actionnaires, a été multipliée par plus de 7, passant de 39,1 milliards d’euros à 298,6 milliards. Les seuls dividendes, qui pesaient 5 % de la valeur ajoutée il y a trente ans, en représentent 22,4 % en 2012.
Les entreprises versent donc près de cinq fois plus de dividendes actuellement que dans les années 1980, alors que, dans le même temps, elles ont comprimé la part du gâteau réservée au travail. C’est bien le capital qui a tiré son épingle du jeu. Et on peut constater que, crise ou pas, que la santé des entreprises soit bonne ou mauvaise, les actionnaires sont désormais toujours gagnants : leur rémunération est préservée et toujours à la hausse. Ce, alors que, selon la théorie libérale classique, ces financiers prennent des risques en investissant, et seraient donc exposés à de mauvaises fortunes. En réalité, les risques ont été transférés sur les salariés : l’emploi et la rémunération sont les véritables variables d’ajustement.
Autre constat essentiel : contrairement là aussi au discours dominant, la baisse relative du « coût du travail » ne s’est pas accompagnée d’un accroissement de l’investissement, celui-ci représentant en 2012 la même part de la valeur ajoutée qu’en 1981 (19,4 %).
- Brisons le tabou ! Editorial par Jean-Emmanuel Ducoin.
N’écoutez plus ceux qui ne parlent que de «coût du travail» en oubliant le coût prohibitif du capital !
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26/09/2013
Budget 2014: les ménages paieront pour les entreprises
Le projet de loi de finances (PLF), présenté en Conseil des ministres ce mercredi, confirme le transfert de charges des entreprises vers les ménages.
La version officielle n'est bien sûr pas celle-ci. "Nous préférons faire des économies plutôt que d'augmenter les impôts", ont affirmé le ministre de l'Economie Pierre Moscovici et son collègue délégué au Budget Bernard Cazeneuve, en préambule de leur présentation du projet de budget 2014. Mais les chiffres sont clairs et la balance penche du côté des ménages.
- La compétitivité des entreprises financée par la TVA
Le grand coup de pouce vient du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), une ristourne accordée aux entreprises de 20 milliards d'euros, qui pèsera 10 milliards en 2014 avant une montée en puissance l'année suivante. "Nous avons choisi de concentrer nos efforts sur une palette large de mesures pour la compétitivité des entreprises", a justifié Pierre Moscovici devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale, en rappelant que l'investissement privé, "moteur essentiel de la croissance", était "celui qui reste le plus à la peine".
Bercy se garde de préciser que le CICE doit être essentiellement financé par la plus lourde mesure appelée à peser sur les ménages l'an prochain: le relèvement de 19,6 à 20% du taux normal de la TVA, et de 7 à 10% du taux intermédiaire. Le projet présenté mercredi prévoit d'ailleurs un nouveau taux record de prélèvements obligatoires en 2014, à 46,1% du produit intérieur brut (PIB), même s'il a été revu à la baisse fin août, à la faveur d'un rebond de croissance, par rapport à la prévision initiale (46,5%).
- Nouvelles charges pour les entreprises... compensées
Le projet de budget 2014 prévoit bien quelques nouvelles charges, mais au final les prélèvements obligatoires, sans prise en compte du CICE, sont "stabilisés" l'an prochain pour les entreprises. Le gouvernement introduit une nouvelle taxe de 1% portant sur "l'excédent brut d'exploitation" (EBE), qui "correspond à la ressource que l'entreprise tire de son exploitation après avoir rémunéré ses salariés et payé ses consommations intermédiaires". Cette taxe, dont sont exemptées les PME dégageant un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros, doit "permettre un gain de 2,48 millards d'euros en 2014", selon le texte du projet de loi de finances. Par ailleurs, les entreprises vont également être taxées lorsqu'elles versent des salaires de plus d'un million d'euros, la fameuse "taxe à 75%". Cette taxe concernera donc les très grandes entreprises. Elle visera à peine 1.000 dirigeants ou salariés, dans 470 entreprises, et pesera 260 millions d'euros l'an prochain.
- Alourdissement de la fiscalité des ménages
Plusieurs ponctions supplémentaires sont prévues:
--> l'augmentation de la TVA (recette attendue de 6,5 milliards)
--> la suppression de niches comme celle sur les enfants scolarisés dans le secondaire et le supérieur (soit une recette de 440 millions pour l'Etat), celle bénéficiant à certains salariés bénéficiaires d'une complémentaire santé (recette estimée à 960 millions d'euros), ou celle concernant les retraités ayant élevé au moins trois enfants (recette prévue de 1,2 milliard)
--> l'abaissement du quotient familial (qui doit rapporter 1,03 milliard d'euros en 2014)
--> la possibilité offerte aux départements de relever les droits de mutation, autrement dit les "frais de notaires", ce qui pourrait rapporter au maximum 930 millions d'euros en 2014
--> A cela s'ajoutera de nouveaux transferts de charge dus au coupes annoncées dans le budget de l'Etat comme dans celui de la Sécurité sociale, ainsi que dans les dotations de l'Etat aux organismes publics et aux collectivités territoriales. Il faudra bien payer, au sens propre comme au sens figuré, les 15 milliards d'économies que le gouvernement escompte de ce côté là. Sans compter la future réforme des retraites, qui alourdit encore la barque des salariés, ceux-ci devant faire "des efforts"...
Faire passer la pillule
Pour faire passer la pilule, l'Etat a prévu des mesures de rattrapage du pouvoir d'achat en réindexant le barème de l'impôt sur le revenu sur le coût de la vie et en mettant en place une décote qui profitera à 6 à 7 millions de foyers fiscaux, dont le volume est estimé à 893 millions d'euros. Il va aussi baisser le taux de TVA sur les billets de cinéma, ce qui lui coûtera 60 millions d'euros.
Tout à son slogan d'obtenir 100 milliards d'allégement de ses charges sociales, le Medef reste dans l'outrance et qualifie de "mauvais coup" pour la compétitivité des entreprises et l'emploi. L'organisation de Pierre Gattaz vise particuièrement le nouveau prélèvement de 1% sur l'excédent brut d'exploitation (EBE) appliqué aux entreprises réalisant un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros. "Par ailleurs, l'introduction d'un mécanisme de "taxe carbone" (...) apparaît particulièrement inopportune. Cette nouvelle spécificité fiscale française pénalisera le "made in France", et va se traduire rapidement par de nouvelles charges importantes pesant sur les entreprises." Le déluge n'est pas loin, à en croire la représentation patronale.
A l'opposé, le candidat à la présidentielle 2012 du Front de gauche, Jean-Luc-Mélenchon, note: "Le projet de budget 2014 ajoute 15 milliards d’euros de coupes budgétaires à la saignée de 20 milliards d’euros déjà engagée depuis le début du mandat de François Hollande. Total en deux budgets : 35 milliards de moins dans l’action publique, 50 milliards de ponctions fiscales supplémentaires : 85 milliards de moins dans le circuit de l’économie réelle. La machine à fabriquer du chômage et de la pauvreté va tourner à plein régime."
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09/07/2013
Habillement : 1 emploi sur 10, peut-être menacé à la fin de l'année
NOUVEAU : Version française suivie par la traduction anglaise. (article followed by an English version)
Entre mauvais temps et période de crise, le secteur de l'habillement souffre. Si l'arrivée des soldes estivales pourraient, si ce n'est inverser la tendance, sauver les meubles, les professionnels de l'habillement craignent des retombées catastrophiques à la fin de l'année.
"Si on loupe les soldes et que la saison hivernale n'est pas bonne, à la fin de l'année c'est un emploi sur dix qui est menacé dans le secteur " alerte Bernard Morvan, président de la Fédération nationale de l'Habillement (FNH). "Et cette menace pèse sur les 80 000 employés, je ne sais pas si vous imaginez!"
Selon l'Institut Français de la Mode (IFM), le secteur a enregistré le mois dernier un recul de 10% par rapport au mois de mai 2012, et au total pour les quatre premiers mois de l'année des pertes s'échelonnant de -14% à -7% selon les circuits de distribution.
Moins de français feront les soldes cette année
Pour autant ce chef d'entreprise veut rester confiant. En louant le beau temps au rendez-vous pour cette première journée de soldes, il affirme avoir eu des retours positifs de ses propres boutiques. "Ce matin, il y a du monde dans les magasins!" annonce joyeusement Bernard Morvan.
Mais cet optimiste se heurte aux sondages. Selon une étude Ipsos réalisée auprès de 900 personnes, 29% des Français sont prêts à renoncer aux soldes, alors qu'ils n'étaient que 23% l'année dernière. De même le budget moyen des français passerait de 223 euros à 208 euros. Dans l'ensemble, 69% des Français font plus attention à leurs dépenses qu'il y a un an, confirme un autre sondage Pouleo/CCM Benchmark, réalisé auprès d'un panel de 1.200 personnes.
La fin des soldes flottantes
En marge du marasme ambiant, la députée socialiste Annick Le Loch a déposé hier un amendement qui supprime les deux semaines de soldes flottantes accordées aux commerçants en 2009 et, en contre partie, augmente de 5 à 6 semaines les deux périodes traditionnelles de soldes. "Le consommateur ne sait plus quel est le juste prix, les soldes flottantes entraînant une confusion supplémentaire dans un paysage où se mélangent soldes, démarques, promotions, déstockages" a déclaré la députée.
Une solution largement insuffisante pour Bernard Morvan: "On fait tout un pataquès sur cet amendement pour pas grand-chose. En réalité, ces deux semaines de soldes flottantes sont déjà utilisées la plupart du temps par les commerçants en complément des périodes des soldes". Pour le président de la FNH il faut tout remettre à plat. "Est-ce que les prix de nos produits ne sont pas trop élevés? " interroge-t-il. "On anticipe les soldes en augmentant les prix, ce n'est pas la solution. On a un système hérité de pratiques anciennes, il faudrait tout changer" ajoute-t-il. La FNH attend la réunion d'une table ronde sur le sujet.
Article publié par l'Humanité
Retail Clothing Industry – One Job in Ten May Go by End of Year
Translated Friday 5 July 2013, by
As the traditional summer sales open on June 26, the retail clothing industry is worrying about the repercussions of a season that has been worse than simply morose. One job in ten could go by the end of the year if the trend continues.
Caught between bad weather and the recession, the retail clothing industry has been suffering. While the arrival of the summer sales might, if not reverse the trend, at least salvage something, the retail clothing industry fears catastrophic repercussions by the end of the year.
“If we screw up the sales and the winter season isn’t good, at the end of the year, one job in ten in the sector will be threatened,” warned Bernard Morvan, the president of the National Retail Clothing Federation (FNH). “And this threat is dangling over the heads of 80,000 workers – Can you get your head around that?!”
According to the French Fashion Institute (IFM), last month the sector chalked up a 10% fall compared to May 2012, and overall losses are running from 7% to 14% for the first four months of the year, according to the distribution networks.
Fewer French people will shop the sales this year.
For all that, Bernard Morvan, who also chairs a company, is trying to remain confident. While praising the good weather that has come in time for the first day of sales, he states that his own shops are reporting positive results. “This morning, there’re people in the shops!” he announced joyfully.
But his optimism runs counter to the polls. According to an Ipsos poll of 900 people, 29% of the French are ready to give up on the sales, whereas last year it was just 23%. Similarly, the average sales budget has fallen from 223 to 208 euros. A Pouleo/CCM Benchmark poll of 1200 people shows that, overall, 69% of the French are keeping a closer eye on their spending than a year ago.
The end of “soldes flottantes” [1]
Amid the ambient stagnation, Socialist deputy Annick Le Loch yesterday tabled an amendment eliminating the two weeks of “soldes flottantes” accorded to retailers since 2009, counterbalanced by an increase in the two traditional sales periods from five to six weeks. “The consumer no longer knows what the exact price is because the “soldes flottantes” result in additional confusion in an environment in which sales, mark-downs, promotions and clearance sales are all jumbled together,” the deputy stated.
Bernard Morvan says the solution is quite insufficient: “They’re making a big fuss about this amendment which doesn’t amount to a hill of beans. In reality, retailers are already mainly using the two weeks of “soldes flottantes” to lengthen the sales period.” The president of the FNH says it’s necessary to go back to square one. “Aren’t the prices of our goods too high?” he asked. “We anticipate the sales by upping prices, and that isn’t the solution. We’ve got a system that is handed down from by-gone practices. Everything’s got to be changed,” he added. The FNH is waiting for a round table meeting on the subject.
[1] In France, retailers are entitled to two sales periods at specific times (the first one usually starts mid-January and the next one begins at the end of June). They have, however, been entitled to plan two extra weeks of sales during a period that they are free to choose; that is to say, they are allowed to position those sales at whatever time of year they wish. Those sales are called “soldes flottantes.”
16:24 Publié dans Actualités, Article en Anglais, Article in English, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emploi, english article, salaires, pouvoir d'achat, consommation, crise, météo, marques d'habillement, soldes | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |