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14/10/2025

Face aux attaques des colons contre les Palestiniens, l’interposition non-violente des volontaires internationaux

Palestine agriculteurs.jpg

Pendant que Trump vante son plan de paix pour Gaza, en Cisjordanie, les attaques de colons contre des Palestiniens se poursuivent. Face aux violences, des volontaires internationaux et israéliens tentent de soutenir villageois et cultivateurs.

par Anne Paq pour Basta

Rashid Khidiry est au téléphone avec une militante internationale du groupe ISM, pour "International Solidarity Movement". Ensemble, ils planifient la répartition des équipes de bénévoles, venus du monde entier, pour aider concrètement les Palestiniens, au sein des différents villages de la vallée du Jourdain, l’une des zones les plus vulnérables aux attaques de colons israéliens.

« Les besoins sont énormes, et nous ne sommes pas assez nombreux face à la recrudescence des attaques de colons », explique Rashid Khidiry. L’organisation crée en 2001 vise à « soutenir et à renforcer la résistance populaire palestinienne en étant immédiatement aux côtés des Palestiniens », notamment dans les endroits « où les Palestiniens sont constamment harcelés ou attaqués par les soldats et les colons ». ISM est guidée par les principes de non-violence. Des centaines de volontaires s’y engagent chaque année en Cisjordanie, pour quelques jours, quelques semaines, voire plusieurs mois.

Un dispositif dissuasif contre la brutalité

Les mobilisations citoyennes ainsi que les pressions diplomatiques se concentrant sur la situation à Gaza, bombardée, affamée et sous blocus intégral. La Cisjordanie est reléguée au second plan sur la scène internationale. Le territoire palestinien est également le grand oublié du « plan de paix » proposé par Donald Trump, qui a pour le moment permis un cessez-le-feu à Gaza, la libération des vingt otages israéliens encore en vie et de près de 2000 prisonniers palestiniens.

Pourtant, la colonisation israélienne s’y est accélérée depuis le 7 octobre 2023, notamment dans la vallée du Jourdain, qui marque la frontière avec la Jordanie, où de nombreuses communautés bédouines ont été expropriées et déplacées de force.

Depuis le début de l’année, les attaques de colons y atteignent un niveau sans précédent : plus d’un millier d’attaques ont été recensées par le bureau des Nations Unies pour les affaires humanitaires. Face à cette violence coloniale, et l’incapacité de la communauté internationale de la freiner, des groupes de solidarité concrètes, comme ISM, se sont organisés. Ils offrent une sorte de protection civile en envoyant des volontaires israéliens ou internationaux vivre plusieurs semaines auprès des communautés palestiniennes menacées.

Leur présence est censé agir comme un dispositif dissuasif, combinant observation, documentation et accompagnement des communautés ciblées par les colons. Ces militants peuvent s’interposer physiquement entre les colons et les Palestiniens, mais aussi participer aux travaux agricoles ou accompagner éleveurs ou bergers.

« J’en avais marre de juste faire des manifestations »

Rashid Khidiry poursuit ses coups de fils. Il est très inquiet pour Ibziq, l’une des communautés rurales installées dans les collines qui surplombent la vallée du Jourdain. Il y organise une présence constante de militants depuis deux mois, car à la suite de l’établissement d’un avant-poste israélien, les attaques se sont multipliées. Sur les 14 familles qui composaient le village, 13 sont déjà parties.

Tina*, une militante franco-espagnole d’ISM, était présente lorsque plusieurs soldats ont débarqué dans le village, forçant tous les membres de la famille à s’agenouiller. « Alors que nous étions dans la cuisine, deux Palestiniens ont reçu des coups. Quand nous sommes sortis, nous avons été mis à distance. Les Palestiniens n’ont pas voulu que nous filmions par crainte de représailles. L’armée a intimé à la famille de partir sous peine de tout détruire raconte-t-elle. Après qu’Aziz Najawaj’a, le chef de famille, a protesté et réclamé un papier officiel, l’armée leur leur donné dix jours pour partir. Un des soldats a dit : “Tout ça, c’est à moi !“ »

Tina* a été particulièrement choquée par cette scène, mais elle ne regrette pas d’avoir rejoint ISM. « J’en avais marre de juste faire des manifestations. Je voulais quelque chose de concret, alors quand j’ai vu que c’était possible, je suis venue. Je reste trois semaines. » Il faut savoir faire face à des situations « hostiles », et toujours faire preuve d’humilité, dit la jeune femme. « La culture ici est différente. Au début en tant que féministe, c’était assez dur de voir les espaces séparés entre hommes et femmes. Être là, c’est écouter, aider, sans être paternaliste et avec humilité. » L’une de ses activités principales auprès de la communauté est de se rendre à l’école, située près d’un avant-poste israélien, et d’alerter en cas d’attaques ou de manœuvre de harcèlement de la part de colons.

« Nous nous sentons mieux quand ils sont là »

Celles-ci sont fréquentes. « Chaque nuit, nous montons la garde. Ils continuent de nous harceler tous les jours. J’ai dû évacuer mon père trop vieux, et je ne peux plus aller faire paître mes animaux comme avant », témoigne Aziz Najawaj’a. Pour lui, la présence d’internationaux fait malgré tout une différence : « Nous nous sentons mieux quand ils sont là. Les colons ont peur des caméras. L’armée n’aime pas non plus cela. »

Un repas est partagé sous la tente entre la famille et les bénévoles. Parmi les Palestiniens présents, Moath est un jeune volontaire du Palestinian Medical Relief Society (Association palestinienne du secours médical). « Je suis secouriste. C’est mon devoir de venir aider, dit-il. Nous devons rester ici, c’est le dernier espoir pour cette communauté. Il est encore possible d’empêcher leur départ forcé si davantage de personnes soutiennent cette famille. »

Malheureusement, la famille de Aziz n’a pas tenu. Le harcèlement des colons s’est intensifié. L’éleveur a même été battu deux fois par des militaires. Face à l’ultimatum lancé par l’armée israélienne, la famille s’est vue forcée de partir. Le hameau d’Ibziq s’ajoute à la liste des villages et communautés vidées de ses habitants par la violence coloniale.

Plusieurs volontaires internationaux tués

Chaque militant international doit suivre une formation pour se préparer aux situations difficiles comme celle à laquelle Tina a dû faire face, ainsi qu’aux risques, qui sont bien réels. Depuis la création de ISM, plusieurs bénévoles ont été tués par l’armée israélienne : l’États-unienne Rachel Corrie en 2003, le Britannique Tom Hurdall en 2004, et plus récemment la Turco-états-unienne Aysenur Egzi Eygi, tuée d’une balle dans la tête en 2024 lors d’une manifestation à Beita, près de Naplouse. Plus d’une dizaine d’internationaux ont aussi été arrêtés puis expulsés depuis 2023, selon ISM.

Les formations permettent aussi d’éviter les postures de « sauveurs blancs » de la part de militants occidentaux, et de s’assurer que les personnes ne commettront pas d’actions pouvant déclencher des représailles contre les communautés palestiniennes. « Nous sommes ici pour protéger et documenter. Nous n’avons pas besoin de héros explique Rashid Khidiry, le coordinateur d’ISM pour la Vallée du Jourdain. Nous devons agir intelligemment, car les soldats et les colons n’attendent qu’un prétexte pour punir les communautés. »

S’engager « avec nos corps »

À quelques kilomètres au nord de Ramallah, un viticulteur palestinien, Adam Kassis, accueille un groupe venu l’aider à ramasser du raisin sur son vignoble situé près d’un avant-poste israélien. « Si les colons débarquent, on ne leur parle pas. Laissez-nous faire et continuez le travail », précise-t-il aux bénévoles. Le groupe est aussi composé de militants israéliens venus pour la journée. Malgré la proximité des colons armés, l’ambiance est détendue. La trentaine de personnes – travailleurs palestiniens, militants israéliens et internationaux – ramassent le plus vite possible les raisins, tout en gardant l’œil sur les routes alentours.

Mina*, Canadienne et militante d’ISM, nous raconte pourquoi elle s’est engagée : « En tant que petite-fille de survivants de l’Holocauste, on m’a enseigné que la leçon "plus jamais ça" devait être universelle pour avoir un sens. Je me suis engagée dans la solidarité avec la Palestine depuis l’université. Quand la guerre génocidaire s’est intensifiée, j’ai senti que je n’en faisais pas assez et qu’il était nécessaire que ceux d’entre nous qui possèdent des passeports de pays privilégiés et, dans mon cas, le privilège, par rapport à Israël, d’être juive, s’engagent plus directement, avec nos corps. »

La journée se termine tranquillement par un repas partagé sous un olivier. De retour chez elle après trois semaines sur le terrain, Mina peut tirer le bilan. Elle évoque les difficultés, notamment le sentiment d’impuissance qu’elle a éprouvé lorsqu’elle a assisté au départ forcé d’une famille palestinienne à la suite d’attaques répétées de colons.

Mina revient aussi sur ce que ce séjour lui a apporté : « En 24 heures sur le terrain, j’ai appris davantage qu’à travers tous les livres et podcasts réunis que j’ai lus ou écoutés. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point la Palestine était belle. Découvrir l’hospitalité palestinienne et des modes de vie qui prennent soin de la terre, voir la manière dont les gens se battent pour maintenir la communauté, constater la brutalité et la déshumanisation dont font preuve les colons… Tout cela met en évidence les enjeux de notre lutte, qui ne concerne pas seulement la Palestine, mais notre avenir à tous. »

Activistes israéliens

À Masafer Yatta, dans le sud de Cisjordanie – une région où les colons sont parmi les plus extrémistes et violents –, de nombreux groupes assurent une protection civile. La région est en « zone C », sous contrôle total israélien (soit 60 % du territoire, les autres zones A et B demeurent sous administration civile palestinienne). Elle est parsemée de villages et hameaux palestiniens, qui vivent traditionnellement de l’agriculture et de l’élevage.

Les démolitions des maisons et infrastructures palestiniennes conduites par l’armée israélienne y sont devenus la routine. Les avants-postes se multiplient ainsi que les attaques de colons. Le 28 juillet, Awdah Hathaleen, un professeur d’anglais et militant pour son village de Umm Al Kheir, était tué par un colon, sans que ce dernier ne soit inquiété.

palestin oliviers.jpg

 

Dans ce contexte très difficile, la présence de militants internationaux et israéliens est essentielle. Outre ISM, cette fragile protection est, notamment, assurée par une organisation italienne, Operation Dove et [des groupes de militants israéliens qui viennent à Masafer Yatta depuis plusieurs années, dont Tayyush.

Omri Eran Vardi, 29 ans, est photographe. Il fait partie d’un collectif « d’activistes israéliens non sionistes », explique-t-il, dont les activités consistent à « documenter les atrocités commises par le régime d’apartheid israélien et à faire preuve de solidarité avec les résidents palestiniens ». « C’est plus qu’une motivation, c’est une obligation morale. Je ne peux pas vivre ici sans agir, ajoute-t-il. Ce n’est pas nous qui prenons les décisions, ce sont les Palestiniens, et nous essayons de les soutenir autant que possible. »

Omri et deux autres activistes israéliens passent la nuit aux côtés de la famille d’Haj Ali Sabah et de son épouse Samiha. À la demande de Samiha, visiblement inquiète, ils dorment à la belle étoile devant la maison. La nuit tombée, alors que les chiens aboient un peu trop, Samiha scrute les environ avec sa puissante torche électrique, craignant l’arrivée de colons. Fausse alerte.q

Le lendemain matin, tous partagent le petit déjeuner typique, constitué d’un pain traditionnel fait maison, d’huile d’olive et de Zaatar, un mélange d’épices, avant d’accompagner Haj Sabbah auprès de son troupeau. Sol*, un jeune militant israélien, tient sa caméra prête au cas où.

Lui est un « refuznik » – il a refusé de servir au sein de l’armée israélienne. Haj Sabbah a déjà perdu la moitié de son troupeau, volé l’année dernière par les colons. Il ne fait désormais pâturer ses moutons que très peu de temps le matin et le soir, et doit leur acheter des compléments alimentaires. De retour à la maison, la tranquillité ne dure pas.

Harcèlement quotidien de la part des colons

Un buggy tout terrain s’arrête à une centaine de mètres de la demeure, suivi d’un drone, signes de l’arrivée imminente de colons. Il s’agit d’un jeune, qui mène son troupeau et le fait abreuver sans vergogne dans le puits de la famille palestinienne. Omri filme. Le colon également, avec son portable. Il fait ensuit entrer les animaux dans une petite grange de la famille où Samiha a entreposé patiemment des semis d’aubergines.

Omri intervient pour faire sortir le bêtes avant qu’elles ne détruisent des semaines de travail. Puis le troupeau s’en prend aux branches d’oliviers et aux feuilles de vignes de la propriété. Dans une région aride, où les ressources sont limitées, les familles dépendent non seulement de leur troupeau mais aussi des oliviers et de ce qu’elles peuvent planter pour leur subsistance. La police israélienne est appelée. Lorsqu’elle arrive, le colon est déjà parti. C’est toujours la même histoire, selon Omri : « La police vient trop tard et, de toute façon, ne fait jamais grand chose. »

Combien de temps la famille d’Haj Ali Sabah et de Samiha tiendra-t-elle face à ce harcèlement quotidien ? « Je pense que notre présence fait une grande différence pour les individus, à petite échelle. Mais, au final, cela n’arrête pas le processus de nettoyage ethnique. Cela peut seulement le ralentir dit Omri, amer. La liste des villages et des familles qui réclament que des personnes restent dormir avec eux s’allonge sans cesse. »

Trop peu de bénévoles sont disponibles. Quelques heures plus tard, une attaque brutale de colons se déroule à Qawawis, à quelques kilomètres de là. Des Palestiniens sont roués de coups, ainsi que deux militantes israéliennes, frappées à la tête. L’une d’elles aura le bras et l’épaule fracturés.

Récolte des olives sous tension

La présence protectrice est encore plus cruciale pendant la récolte des olives qui débute. L’olive et son huile constituent un pilier de la fragile économie palestinienne de Cisjordanie et de son identité. Avec l’augmentation de la violence des colons et la multiplication des entraves à la liberté de la circulation depuis le 7 octobre 2023, la récolte risque d’être très difficile. Plusieurs groupes comme ISM en appellent à la solidarité internationale et ont créé une campagne commune, « Olive harveArik Ascherman derrière une barricade précaire, sur une colline

Boîte noire

Pour ce reportage, je suis restée un mois en Cisjordanie, de fin août à fin septembre. Une des difficultés majeures a été les déplacements dû à la multiplication des checkpoints israéliens, et le fait de ne pas pouvoir faire de portraits de nombreux militants par soucis d’anonymat (les prénoms marqués d’un * dans l’article sont des pseudonymes). Le risque d’attaque de colons était omniprésent.

17:40 Publié dans Actualités, Connaissances, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : palestine, colonie; israel | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

10/10/2025

Le « modèle » allemand se fissure un peu plus

par Esteban Evrard Liberté Actus

Il fut un temps où l’Allemagne était présentée comme « la force tranquille de l’Europe », avec des excédents commerciaux record et une industrie championne de l’export. Mais en août, la production industrielle a chuté de 4,3 %, son plus fort recul depuis la pandémie. L’automobile — colonne vertébrale du pays — s’est écroulée de 18,5 % en un mois. Les commandes manufacturières sont en berne, les exportations reculent, les ventes au détail se contractent. Bien plus qu’une alerte, c’est la confirmation d’une crise structurelle.

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L’Allemagne a longtemps bâti sa puissance sur trois piliers : énergie bon marché, demande mondiale, domination technologique. Ces trois fondations se dérobent. Le gaz russe n’est plus là et le chancelier Merz semble plus va-t-en-guerre que jamais ; les États-Unis taxent les produits européens à 15 % et font tout pour attirer les fleurons allemands sur leur sol ; la Chine dépasse désormais les constructeurs allemands sur le terrain qu’ils croyaient imprenable : l’automobile.

La fin d’une époque ?

Sur le front intérieur, la consommation s’étouffe. En août, les ménages ont encore réduit leurs achats. L’inflation énergétique, les incertitudes sur l’emploi et la peur de la récession poussent les familles à épargner. L’Allemagne découvre ce que vivent d’autres peuples depuis longtemps : le doute, l’angoisse du lendemain, la disparition du mythe de l’invincibilité industrielle.

Le danger dépasse ses frontières. Si l’Allemagne cale, c’est toute l’Europe qui tremble. La première économie du continent risque une récession technique, après un PIB déjà en recul de 0,3 % au printemps. Et Bruxelles, fidèle à sa doctrine, continue de compter sur Berlin pour relancer la machine… sans voir que la machine ne répond plus.

La crise allemande n’est pas conjoncturelle. Elle marque la fin d’une époque où sa puissance était fondée sur l’export et l’austérité. Elle semble incapable aujourd’hui de penser la reconversion productive. Il ne s’agit pas de se réjouir de la chute d’un voisin, mais d’en tirer une leçon : sans politique industrielle, sans protection des savoir-faire, sans maîtrise énergétique, aucun modèle ne tient. Pas même le plus sacralisé.

Beaucoup de bruit sur l’automobile

Les dirigeants allemands s’agitent. L’AfD monte un peu plus à chaque élection et le modèle politique hérité de la RFA se fissure inexorablement. Dernier épisode en date, Friedrich Merz convoque un énième « sommet automobile » à Berlin, ce jeudi 9 octobre, rassemblant constructeurs, patrons et syndicats. On y parle de 2035, de moteurs thermiques, de prolonger les hybrides… mais le pouvoir semble incapable de répondre aux attentes du pays. Plus de 50 000 emplois ont déjà disparu en un an dans l’automobile, sans alternative solide.

Politiquement, la coalition éclate. Les conservateurs veulent abandonner l’interdiction des moteurs thermiques, les Verts défendent mordicus la mesure de Bruxelles, les sociaux-démocrates promettent des aides fiscales. Chacun parle d’« avenir », mais personne ne trace de cap. Résultat : une paralysie qui ressemble à celle que Berlin imposait autrefois à l’Europe, au nom de la rigueur.

12:02 Publié dans Actualités, Economie, International | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

05/10/2025

Budget 2026, réforme des retraites, Sécurité sociale : « Il faut laisser aux députés la possibilité de se saisir de tous les sujets », estime Fabien Roussel

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Budget 2026, réforme des retraites, Sécurité sociale : « Il faut laisser aux députés la possibilité de se saisir de tous les sujets », estime Fabien Roussel

Pour le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, l’exécutif est « totalement discrédité ». C’est pourquoi il appelle le premier ministre, Sébastien Lecornu, a laissé l’Assemblée trouver des majorités sur une série de textes, dont l’abrogation de la réforme des retraites.

 

À la veille de la déclaration de politique générale du premier ministre, Sébastien Lecornu, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, l’avertit : s’il ne permet pas au Parlement de retrouver ses pouvoirs, notamment pour abroger la réforme des retraites, les députés communistes voteront en faveur de la censure.

Qu’attendez-vous de cette semaine décisive pour la minorité présidentielle, entre formation du gouvernement et discours de politique générale du premier ministre ?

Ce sont surtout les Français qui attendent le changement. C’est pourquoi nous demandons au premier ministre de corriger sa copie ce mardi 7 septembre lors de son discours de politique générale, dans la mesure où la rencontre que nous avons eue avec lui vendredi a été plutôt décevante. Je m’interroge : sa promesse de renoncer au 49.3 ouvrira-t-elle réellement les débats ?

Nous, nous voulons améliorer la copie du prochain budget vers davantage de justice fiscale et de pouvoir d’achat, empêcher les mauvais coups comme le doublement des franchises médicales. Et il est inacceptable qu’il ne soit pas possible de mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale l’abrogation de la réforme des retraites. Cela reste un sujet important pour le monde du travail.

J’ai été très clair sur ce point avec Sébastien Lecornu : nous attendons qu’il permette au Parlement le dépôt d’un texte de loi d’ici à la fin d’année permettant d’abroger cette réforme et de répondre à toutes celles et tous ceux qui espéraient partir à la retraite et sont obligés de travailler encore plusieurs semestres de plus.

Nous voulons aussi une augmentation du pouvoir d’achat d’au moins 100 euros par mois pour les salariés et les retraités, par le biais, par exemple, de la baisse, voire la suppression, de la CSG sur les salaires et les retraites.

Sébastien Lecornu est, pour l’heure, fermé à toute possibilité de revenir sur la réforme des retraites. Peut-on vraiment croire qu’il accède à votre demande ?

S’il annonce des ruptures et dit vouloir permettre au Parlement de reprendre la main, il faut le faire sincèrement et arrêter de s’en remettre au président de la République, qui est aujourd’hui totalement discrédité dans le pays. Il faut donc laisser aux députés la possibilité de se saisir de tous les sujets.

Il y en a au moins cinq sur lesquels il y a une majorité à l’Assemblée. L’abrogation de la réforme des retraites, le rejet du Ceta, mais aussi du Mercosur, la mise en place de la taxe Zucman et la lutte contre les déserts médicaux.

Sur ces sujets, qui sont autant d’attentes des Français, il y a une possibilité de construire des majorités. S’il s’engage à ne pas utiliser le 49.3 sur le budget de la Sécurité sociale comme sur celui de la nation, qu’il permette véritablement au Parlement de travailler sur ces sujets.

Cette promesse de renoncer à cet outil constitutionnel prisé de la Macronie pour passer en force suffira-t-elle à voir les députés retrouver du pouvoir dans les politiques menées ?

D’abord, il faut dire que voir Sébastien Lecornu renoncer au 49.3, c’est une première victoire de la gauche, qui dénonce cet outil antidémocratique accordant au gouvernement la possibilité d’imposer ses choix aux élus du peuple.

Mais nous savons qu’il existe d’autres articles dans la Constitution qui permettent de brider les débats. Par exemple, l’article 40 empêchant tout parlementaire de déposer des amendements qui provoquent une dépense.

C’est la raison pour laquelle nous demandons au gouvernement de permettre des débats sincères. Il ne s’agit pas de contourner la Constitution, mais sur la réforme des retraites par exemple il suffit que le gouvernement permette à la gauche de déposer un texte d’abrogation pour qu’il soit débattu et voté.

Le premier ministre a cependant émis bien des lignes rouges. Il a dit non à la taxe Zucman en communiquant préférer s’attaquer aux holdings tout en restant flou sur ses intentions. C’est autant de freins à la liberté d’action des parlementaires…

Nous mettrons donc à l’ordre du jour la taxe Zucman ainsi que d’autres mesures ayant pour objectif plus de justice fiscale. Je pense notamment aussi aux 211 milliards d’euros d’aides publiques accordées aux entreprises dans la plus grande opacité et sans efficacité pour l’emploi et le climat.

Nous proposerons des critères d’efficacité sociale et environnementale. Chaque Français jugera du vote de son député sur ces sujets majoritaires dans le pays. Et c’est pour cela que j’appelle les Français à suivre de près les débats qui pourraient se tenir demain au Parlement.

Mais si le discours de politique générale ne permet pas un débat sincère sur tous les sujets, y compris l’abrogation de la réforme des retraites, nous censurerons ce gouvernement immédiatement. C’est bien simple : s’il n’annonce pas cette possibilité, s’il maintient des mauvais coups contre le pouvoir d’achat, nous appellerons à le faire tomber.

19:50 Publié dans Actualités, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

24/09/2025

Les richesses de la Gaza antique exposées à l’Institut du monde arabe

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La cité de Gaza, fondée il y a environ 3 500 ans, fut, dans l’Antiquité, l’un des principaux carrefours commerciaux entre Orient et Occident. C’est cette position stratégique exceptionnelle et l’extraordinaire richesse qui en découlait que révèle l’exposition « Trésors sauvés de Gaza : 5 000 ans d’histoire », présentée à l’Institut du monde arabe, à Paris, jusqu’au 2 novembre 2025.


L’exposition « Trésors sauvés de Gaza : 5 000 ans d’histoire » met en lumière les divers et nombreux sites historiques de Gaza qui ont récemment été détruits par des bombardements.

On y découvre un choix de 130 objets, datant du VIIIᵉ siècle avant notre ère au XIIIᵉ siècle de notre ère, qui témoignent de la foisonnante imbrication des cultures dans l’antique cité de Palestine, forte de ses échanges avec l’Égypte, l’Arabie, la Grèce et Rome.

Mais cette prospérité suscita la convoitise des États voisins et d’envahisseurs étrangers. Gaza s’est ainsi trouvée, dans l’Antiquité, au cœur de guerres d’une violence inouïe dont témoignent les auteurs anciens.

Le débouché maritime de la route des aromates

À Gaza arrivaient les aromates, encens et myrrhe, transportés à dos de chameaux, dans des amphores, depuis le sud de la péninsule Arabique. L’encens est une résine blanche extraite d’un arbre, dit boswellia sacra, qu’on trouve en Arabie du sud. On pratiquait une incision dans le tronc de l’arbre dont s’écoulait la sève qu’on laissait ensuite durcir lentement.

La myrrhe provenait également du sud de l’Arabie. C’est une résine orange tirée d’un arbuste, nommé commiphora myrrha.

La cité de Gaza, fondée il y a environ 3 500 ans, fut, dans l’Antiquité, l’un des principaux carrefours commerciaux entre Orient et Occident. C’est cette position stratégique exceptionnelle et l’extraordinaire richesse qui en découlait que révèle l’exposition « Trésors sauvés de Gaza : 5 000 ans d’histoire », présentée à l’Institut du monde arabe, à Paris, jusqu’au 2 novembre 2025.


L’exposition « Trésors sauvés de Gaza : 5 000 ans d’histoire » met en lumière les divers et nombreux sites historiques de Gaza qui ont récemment été détruits par des bombardements.

On y découvre un choix de 130 objets, datant du VIIIᵉ siècle avant notre ère au XIIIᵉ siècle de notre ère, qui témoignent de la foisonnante imbrication des cultures dans l’antique cité de Palestine, forte de ses échanges avec l’Égypte, l’Arabie, la Grèce et Rome.

 

Mais cette prospérité suscita la convoitise des États voisins et d’envahisseurs étrangers. Gaza s’est ainsi trouvée, dans l’Antiquité, au cœur de guerres d’une violence inouïe dont témoignent les auteurs anciens.

Le débouché maritime de la route des aromates

À Gaza arrivaient les aromates, encens et myrrhe, transportés à dos de chameaux, dans des amphores, depuis le sud de la péninsule Arabique. L’encens est une résine blanche extraite d’un arbre, dit boswellia sacra, qu’on trouve en Arabie du sud. On pratiquait une incision dans le tronc de l’arbre dont s’écoulait la sève qu’on laissait ensuite durcir lentement.

La myrrhe provenait également du sud de l’Arabie. C’est une résine orange tirée d’un arbuste, nommé commiphora myrrha.

Commencez votre journée avec des articles basés sur des faits.

Le siège de Gaza par Alexandre le Grand, peinture de Tom Lovell (1909-1997).

Les Nabatéens, peuple arabe antique, qui contrôlaient le sud de la Jordanie actuelle, le nord-ouest de l’Arabie et le Sinaï, convoyaient ces produits vers Gaza, en partenariat avec d’autres peuples arabes, notamment les Minéens, dont le royaume se trouvait dans l’actuel Yémen. Au IIIᵉ siècle avant notre ère, les papyrus des archives de Zénon de Caunos, un fonctionnaire grec, évoquent l’« encens minéen » vendu à Gaza.

Il y avait également des épices qui arrivaient à Gaza depuis le sud de l’Inde après avoir transité par la mer Rouge. Zénon mentionne le cinnamome et la casse qui sont deux types de cannelle. Le nard, dit parfois « gangétique », c’est-à-dire originaire de la vallée du Gange, provenait lui aussi du sous-continent indien.

Le nard entrait dans la composition d’huiles parfumées de grande valeur, comme en témoigne un passage de l’évangile selon Jean. Alors que Jésus est en train de dîner, à Béthanie, dans la maison de Lazare, intervient Marie, plus connue sous le nom de Marie-Madeleine.

« Marie prit alors une livre d’un parfum de nard pur de grand prix ; elle oignit les pieds de Jésus, les essuya avec ses cheveux et la maison fut remplie de ce parfum. » (Jean, 12, 3)

Flacon en forme de dromadaire accroupi, chargé de quatre amphores, découvert à Gaza, VIᵉ siècle de notre ère. Wikipédia, Fourni par l'auteur

Parfums d’Orient

Depuis Gaza, les aromates étaient ensuite acheminés par bateau vers les marchés du monde grec et de Rome. L’Occident ne pouvait alors se passer de l’encens et de la myrrhe utilisés dans un cadre religieux. On en faisait deux types d’usage sacré : sous la forme d’onctions ou de fumigations. On produisait des huiles dans lesquelles on faisait macérer les aromates ; on enduisait ensuite de la substance obtenue les statues ou objets de culte. On faisait aussi brûler les aromates dans les sanctuaires pour rendre hommage aux dieux.

Résine d’encens. Wikimédia, Fourni par l'auteur

Ces pratiques étaient devenues aussi courantes que banales à partir du IVᵉ siècle avant notre ère. Il était impensable de rendre un culte sans y associer des parfums venus d’Orient. Les fragrances qu’exhalaient les aromates étaient perçues comme le symbole olfactif du sacré. Outre cet usage cultuel, les aromates pouvaient aussi entrer dans la composition de cosmétiques et de produits pharmaceutiques.

La convoitise d’Alexandre le Grand

Mais la richesse de Gaza suscita bien des convoitises. Dans la seconde moitié du IVᵉ siècle avant notre ère, le Proche-Orient connaît un bouleversement majeur en raison des conquêtes d’Alexandre le Grand, monté sur le trône de Macédoine, royaume du nord de la Grèce, en 336 avant notre ère. Deux ans plus tard, Alexandre se lance à la conquête de l’Orient.

Après une série de succès fulgurant, en 332 avant notre ère, le Macédonien arrive sous les murailles de Gaza qu’il encercle. Bétis, l’officier qui commande la ville, mène une résistance acharnée, mais il ne dispose que de « peu de soldats », écrit l’historien romain Quinte-Curce (Histoire d’Alexandre le Grand, IV, 6, 26).

Alexandre fait alors creuser des tunnels sous le rempart. « Le sol, naturellement mou et léger, se prêtait sans peine à des travaux souterrains, car la mer voisine y jette une grande quantité de sable, et il n’y avait ni pierres ni cailloux qui empêchent de creuser les galeries », précise Quinte-Curce. Les nombreux tunnels aménagés sous la ville, jusqu’à nos jours, témoignent encore de cette caractéristique du sol de Gaza et sa région.

Après un siège de deux mois, une partie de la muraille s’effondre dans la mine creusée par l’ennemi. Alexandre s’engouffre dans la brèche et s’empare de la ville.

« Bétis, après avoir combattu en héros et reçu un grand nombre de blessures, avait été abandonné par les siens : il n’en continuait pas moins à se défendre avec courage, ayant ses armes teintes tout à la fois de son sang et de celui de ses ennemis. »

Affaibli, le commandant de Gaza est finalement capturé et amené à Alexandre. Avec une extrême cruauté, le vainqueur lui fait percer les talons. Puis il y fait passer une corde qu’il relie à son char, avant d’achever Bétis en traînant son corps autour de la ville, jusqu’à ce qu’il l’ait réduit en lambeaux. Quant aux habitants de Gaza qui ont survécu au siège, ils sont vendus comme esclaves.

Lors du pillage qui s’ensuit, Alexandre s’empare d’une grande quantité de myrrhe et d’encens. L’auteur antique Plutarque raconte que le vainqueur, très fier de son butin, en envoya une partie à sa mère, la reine Olympias, restée en Macédoine, et à Léonidas qui avait été son instructeur militaire dans sa jeunesse (Plutarque, Vie d’Alexandre, 35).

Monnaie (tétradrachme) d’argent de Ptolémée III, frappée à Gaza, 225 avant notre ère. Fourni par l'auteur

La renaissance de Gaza

Après la mort d’Alexandre, la ville est reconstruite et placée sous la domination des Ptolémées, successeurs d’Alexandre en Égypte et au Proche-Orient. Les souverains ptolémaïques collaborent alors avec l’élite des marchands de Gaza et les transporteurs nabatéens. Cette politique est largement bénéfique : elle enrichit à la fois les Gazéens, les Nabatéens et les Ptolémées qui prélèvent des taxes sur les produits acheminés dans la ville.

Au cours du IIᵉ siècle avant notre ère, Gaza devient la capitale d’un petit État indépendant, allié du royaume nabatéen. Suivant le modèle des cités grecques, les Gazéens élisent à leur tête un commandant militaire qui porte le titre de « stratège ».

Nouveau siège, nouvelle destruction

C’est alors que le roi juif Alexandre Jannée, qui appartient à la dynastie des Hasmonéens régnant sur la Judée voisine, décide d’annexer Gaza. En 97 avant notre ère, il attaque la ville qu’il assiège. Un certain Apollodotos exerce la fonction de « stratège des Gazéens », écrit Flavius Josèphe (Antiquités Juives, XIII, 359). Face à la menace, il appelle à l’aide Arétas II, le puissant souverain nabatéen, qui règne depuis Pétra, au sud de la Jordanie actuelle, sur une large confédération de peuples arabes. C’est pour cette raison qu’il porte le titre de « roi des Arabes », et non pas des seuls Nabatéens, selon Flavius Josèphe.

Dans l’espoir d’une arrivée prochaine d’Arétas II, les habitants de Gaza repoussent avec acharnement les assauts de l’armée d’Alexandre Jannée.

« Ils résistèrent, écrit Flavius Josèphe, sans se laisser abattre par les privations ni par le nombre de leurs morts, prêts à tout supporter plutôt que de subir la domination ennemie. » (« Antiquités juives », XIII, 360)

« Les soldats massacrèrent les gens de Gaza »

Mais Arétas II arrive trop tard. Il doit rebrousser chemin, après avoir appris la prise de la ville par Alexandre Jannée. Apollodotos a été trahi et assassiné par son propre frère qui a pactisé avec l’ennemi. Grâce à cette trahison, Alexandre Jannée, vainqueur, peut pénétrer dans la ville où il provoque un immense carnage.

« Les soldats, se répandant de tous côtés, massacrèrent les gens de Gaza. Les habitants, qui n’étaient point lâches, se défendirent contre les Juifs avec ce qui leur tombait sous la main et en tuèrent autant qu’ils avaient perdu de combattants. Quelques-uns, à bout de ressources, incendièrent leurs maisons pour que l’ennemi ne puisse faire sur eux aucun butin. D’autres mirent à mort, de leur propre main, leurs enfants et leurs femmes, réduits à cette extrémité pour les soustraire à l’esclavage. » (Flavius Josèphe, « Antiquités juives », XIII, 362-363)

Monnaie de bronze de Cléopâtre VII frappée à Gaza, 51 avant notre ère. Fourni par l'auteur

Trente ans plus tard, la ville renaîtra à nouveau de ses cendres, lorsque les Romains, vainqueurs de la Judée hasmonéenne, rendent Gaza à ses anciens habitants. Puis la ville est placée, pendant quelques années, sous la protection de la reine Cléopâtre, alliée des Romains, qui y frappe des monnaies. La cité retrouve alors son rôle commercial de premier plan et redevient pour plusieurs siècles l’un des grands creusets culturels du Proche-Orient.


Christian-Georges Schwentzel vient de publier les Nabatéens. IVᵉ siècle avant J.-C.-IIᵉ siècle. De Pétra à Al-Ula, les bâtisseurs du désert, aux éditions Tallandier.

 
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Cheffe de rubrique Éducation + Jeunesse

19:49 Publié dans Actualités, Exposition, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaza, exposition | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!