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24/03/2025

« Alfred Dreyfus. Vérité et justice » : au musée d'Art et d'Histoire du judaïsme

Dreyfus.jpgLe musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, à Paris, propose de revenir sur l’affaire Dreyfus en retraçant les événements et en racontant la mobilisation en faveur du capitaine. Cela nous fait découvrir un homme qui, loin de se résigner, s’est battu contre l’injustice et pour la reconnaissance de son innocence.

 

Près de vingt ans après « Alfred Dreyfus. Le combat pour la justice », qui commémorait en 2006 le centenaire de la réhabilitation du capitaine, le musée d’Art et d’Histoire du judaïsme (Mahj) lui consacre une nouvelle exposition intitulée « Alfred Dreyfus. Vérité et justice ». « Vingt ans, c’est une génération », souligne son directeur, Paul Salmona, qui rappelle l’engagement de l’institution en faveur de la transmission de la mémoire. 

L’exposition a ainsi pour objectif de faire découvrir à travers Dreyfus l’histoire de l’émancipation des juifs de France, le combat contre l’antisémitisme et celui pour la République. Elle est une contribution à la défense des « valeurs de citoyenneté, de vérité, de justice, de laïcité… ». Paul Salmona pointe la menace que fait peser « un communautarisme de plus en plus prégnant » sur l’universalisme républicain et celle sur les droits de l’homme qu’entretiennent les « tenants du pragmatisme géopolitique » et « les défenseurs du relativisme ».

La violente répression des grèves et manifestations ouvrières

« Alfred Dreyfus. Vérité et justice » est aussi une réponse pédagogique au développement d’un antisémitisme « ordinaire » dans la société et sa banalisation, dont témoignent « la publication sans précaution » de textes de l’idéologue d’extrême droite et antisémite Charles Maurras ou le doute sur l’innocence de Dreyfus instillé par « un candidat d’extrême droite, à la fois juif et maurrassien ».

« L’affaire Dreyfus est le syndrome d’une société vacillante en proie aux populismes de toutes sortes, divisée et frileuse, qui retrouve son unité dans des cris de haine », expliquent les commissaires de l’exposition, l’historien Philippe Oriol et l’historienne de l’art Isabelle Cahn. L’exposition nous plonge ainsi au cœur d’« une belle époque (qui) ne l’est pas pour tout le monde ». Peintures et dessins à l’appui, elle décrit la violente répression des grèves et manifestations ouvrières, les lois scélérates qui visent à les étouffer, la montée du nationalisme et les tentatives de mettre à bas la République, dont celle du boulangisme.

Si depuis la Révolution, qui a accordé la pleine citoyenneté aux juifs, la France fait figure d’idéal pour ceux qui, venus d’Europe orientale, fuient les persécutions, l’exposition restitue la banalité de l’antisémitisme racialiste. En découvrant l’affiche électorale d’un candidat qui se revendique ouvertement antisémite, les journaux, les caricatures, les livres, dont la France juive, d’Édouard Drumont, qui fut un succès d’édition, le visiteur est saisi par le déferlement de violence et de haine.

Un opiniâtre combattant de l’injustice

S’appuyant sur un riche fonds documentaire en grande partie abondé par les descendants de Dreyfus et sur les travaux des historiens Vincent Duclert et Philippe Oriol, qui ont donné lieu à la publication en 2024 d’Alfred Dreyfus. Œuvres complètes (1894-1936), l’exposition rend justice au capitaine. Elle rompt avec l’image d’un homme dépassé par sa propre affaire et ballotté au gré des événements qui fut véhiculée par une partie des dreyfusards et entretenue par l’historiographie et la fiction.

Elle souligne au contraire qu’il fut un opiniâtre combattant de l’injustice dont il était victime et de la reconnaissance de son innocence. Le parcours de l’exposition débute sur une présentation de Dreyfus et de sa famille alsacienne, juive non observante et patriotique, qui choisit de conserver la citoyenneté française après la défaite de 1870. Elle raconte son enfance, sa jeunesse, la rencontre avec son épouse. S’ensuivent les différents développements de l’affaire, de l’arrestation jusqu’à la révision, en passant par sa dégradation en 1895. La machination dont Dreyfus est victime est rigoureusement démontée.

À chaque stade, les mots de Dreyfus accompagnent le visiteur. Ils témoignent de sa résistance aux terribles conditions de sa déportation à l’île du Diable, où, enfermé dans une case de 4 m2, il subit un drastique isolement et sa nourriture est sévèrement rationnée. « Il faut que tu vives pour crier ton innocence à la face du monde », écrit-il. Ses propos décrivent encore sa détermination quand, apprenant sa grâce, il déclare le 20 septembre 1899 : « Mon cœur ne sera apaisé que lorsqu’il n’y aura plus un Français qui m’imputera un crime qu’un autre a commis. »

Fort du soutien du musée d’Orsay et d’une trentaine d’autres institutions, le Mahj donne à voir de nombreuses œuvres d’art. Les peintures de Pissarro, de Vallotton, de Vuillard, de Degas, de Debat-Ponsan ou les dessins de Feuillet permettent de suivre l’affaire et ses protagonistes. Elles illustrent aussi le soutien apporté par certains artistes comme le maître verrier, céramiste et ébéniste Émile Gallé. L’exposition retrace la mobilisation des dreyfusards. En dépit de difficiles balbutiements et de l’âpreté du combat, vérité et justice ont pu triompher.

« Alfred Dreyfus. Vérité et justice », jusqu’au 31 août, au Mahj, hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple, Paris 3e. Renseignements : mahj.org/fr

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19/03/2025

Député depuis 2002, le communiste André Chassaigne va quitter l'Assemblée

Après presque 23 ans à l'Assemblée nationale, André Chassaigne, élu député du Puy-de-Dôme sans discontinuer depuis 2002, a décidé de passer la main. A 74 ans, redevenu maire adjoint de son petit village de Saint-Amant-Roche-Savine, situé en Auvergne, il quittera le Palais-Bourbon le 31 mars. Il sera remplacé par son suppléant Julien Brugerolles. Et c'est Stéphane Peu qui lui succèdera à la présidence du groupe Gauche démocrate et républicaine. 

C'est l'une des moustaches les plus connues de l'Assemblée nationale. Voilà près de 23 ans que le communiste André Chassaigne arpente les couloirs du Palais-Bourbon en tant que député de la 5e circonscription du Puy-de-Dôme. Mais, à 74 ans, l'Auvergnat a décidé de passer la main, avant même la fin de la législature : il l'a officialisé, ce mardi 18 mars, lors du point de presse hebdomadaire du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qu'il préside depuis 2012. Il posera sa dernière question au gouvernement le 25 mars et quittera la représentation nationale le 31 mars.

Je remercie le conseil municipal, j'essaierai d'être utile, à ma place, rien qu'à ma place. André Chassaigne

Pour quoi faire ? André Chassaigne va regagner ses pénates locales. Vendredi dernier, il a été élu adjoint au maire de Saint-Amant-Roche-Savine, dans le Puy-de-Dôme, un village dont il a été l'édile pendant 27 ans, de 1983 à 2010, à la quasi unanimité (11 voix pour, un blanc). "Je remercie le conseil municipal, j'essaierai d'être utile, à ma place, rien qu'à ma place" pour "faire le travail qui peut être nécessaire pour la commune en toute humilité, tranquillement, en bon père de famille en quelque sorte. Encore une fois merci", a-t-il déclaré en réaction au vote, sous l'œil d'une caméra de LCP.

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Le maire Serge Joubert et André Chassaigne, le 14 mars 2025, à Saint-Amant-Roche-Savine

Un retour aux sources pas anodin, puisqu'il lui permet d'éviter que son départ de l'Assemblée nationale n'entraîne une élection législative partielle. En effet, le code électoral interdit le cumul d'un mandat de député avec celui de membre d'un exécutif local. Entre les deux, André Chassaigne choisit donc le second. Par conséquent, son suppléant et collaborateur Julien Brugerolles, de 32 ans son cadet (il est né en 1982), siègera à sa place dans l'hémicycle, à partir du 1er avril.

Quant à la présidence du groupe GDR, elle sera assurée par le député de Seine-Saint-Denis, Stéphane Peu, en binôme – comme c'était déjà le cas depuis juillet dernier – avec l'élue de la Réunion Emeline K/Bidi.

Une vie dédiée au militantisme et à la politique

C'est une page qui se tourne. "Il est temps que je cède ma place à un député d'une autre génération", expliquait fin janvier à l'AFP celui qui a été élu six fois au Palais-Bourbon. Ce qu'il répétait début mars, avec humour, dans l'émission Légi'stream de LCP : "Vous allez dans un magasin de brocante ou une antiquité, (...) les vieux meubles ça ne se vend plus, les jeunes n’en veulent plus. Il faut faire un peu de moderne." Une décision qu'il explique aussi par le "manque" qu'il éprouvait de ne plus exercer de mandat local. Et par sa volonté de "finir [sa] vie politique en toute humilité" en revenant aux mêmes fonctions qu'il occupait à 27 ans.

Car son engagement politique a débuté il y a fort longtemps : fils d'un ouvrier de l'usine Michelin à Clermont-Ferrand, André Chassaigne est entré aux Jeunesses communistes à l'âge de 16 ans. Ensuite, "dès que je suis arrivé à l'école normale d'instituteur [il fut professeur, puis principal de collège, ndlr.], j'ai fait un cercle de Jeunesses communistes, j'ai créé une cellule du PCF, j'ai été délégué syndical. J'étais extrêmement impliqué", se remémorait-il en mai 2019 dans l'émission Emois & moi.

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Ce parcours, son militantisme, son village de Saint-Amant-Roche-Savine, André Chassaigne l'évoquait aussi, aux côtés de Marie-George Buffet, dans le documentaire "Histoires communistes" diffusé sur LCP en 2020. "Il correspond beaucoup à l'idée du parcours ouvrier, il y a quelque chose de très coco dans son ascension", témoigne Elsa Faucillon (GDR) qui, malgré des "échanges un peu costauds" sur la ligne interne au parti, voit dans "cette histoire sociale" quelque chose de "fort". Et d'ajouter, notant l'affaiblissement actuel du mouvement communiste : "J'aimerais qu'on soit en capacité de le produire davantage."

Avant d'être élu et réélu député à six reprises, "Dédé" s'y est repris à de – très – nombreuses reprises pour devenir député : candidat pendant 24 ans sur la même circonscription, il décroche enfin la victoire en 2002 face au prétendant socialiste. "Election après élection, je progressais. (...) C'est assez extraordinaire aujourd'hui où certains sont élus députés alors qu'ils n'étaient même pas inscrits sur les listes électorales un an avant !", racontait début mars celui qui a aussi été conseiller général à 29 ans et conseiller régional d'Auvergne pendant plusieurs années. Aux législatives de 2002, André Chassaigne est le seul à conquérir une nouvelle circonscription, quand le PCF perd quatorze sièges à ce scrutin. 

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"André Chassaigne, j'ai appris à le découvrir à la télévision, en regardant les séances à l'Assemblée et les Questions au gouvernement", se rappelle le député Générations Benjamin Lucas (Ecologiste et social), élu pour la première fois en 2022. "C'est une voix, une présence, un charisme particulier et des convictions", poursuit-il, évoquant une personnalité "qui prouve que la démocratie n'est pas l'absence de conflit" et "qu'on peut être en désaccord et se respecter"

Une figure respectée de l'Assemblée

La majorité de ceux qui l'ont côtoyé, même parmi ses adversaires politiques, disent leur respect pour un collègue reconnu pour son franc-parler et son engagement en faveur des territoires ruraux. "C'est une figure de l'Assemblée, pas simplement par sa longévité, mais par son art oratoire, très passionné", estime Charles de Courson (LIOT), député depuis… 1993 ! "C'est un vrai républicain, quelqu'un de pragmatique, pas quelqu'un de sectaire, quelqu'un avec qui on peut dialoguer, ça devient rare", poursuit le député de la Marne, qui parle d'André Chassaigne comme d'un "grand nounours". 

Il est l'un des personnages les plus respectés et appréciés de l'Assemblée. Ses prises de parole ont le mérite d'être marquées du sceau de la sincérité. Yannick Favennec (député Liot, membre d'Horizons)

Yannick Favennec, lui aussi député LIOT et membre d'Horizons, partage le même avis. "Il fait l'unanimité. C'est l'un des personnages les plus respectés et appréciés" du Palais-Bourbon, "d'une part par ses prises de parole, qui ont le mérite d'être toujours claires et marquées du sceau de la sincérité, et parce que c'est quelqu'un qui a énormément d'empathie". Pourtant "assez loin" de l'Auvergnat sur l'échiquier politique, l'élu membre du parti d'Edouard Philippe dit son "respect" et même son "admiration" pour l"homme, "encore plus depuis 2017, où sont arrivés des gens hors sol qui ne connaissaient pas les codes de l'Assemblée et qui ont cru pouvoir donner des leçons aux anciens".

En juillet 2024, tout juste réélue à la présidence de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République) lance dans l'hémicycle à  l'intention de ses concurrents, au rang desquels le communiste, qui avait été choisi par la gauche pour être le candidat du Nouveau Front populaire au Perchoir : "Je veux remercier et féliciter tous les députés qui se sont présentés aujourd'hui. En premier, Monsieur le président Chassaigne, qui sait à quel point je le respecte et apprécie." Ce que ne manque pas de railler un jeune élu insoumis. "Ceux qui disent tout leur respect aujourd'hui sont les mêmes qui refusaient de voter pour un stalinien à la présidence de l'Assemblée !", lâche-t-il, tout en indiquant que le départ de l'Auvergnat ne lui ni chaud ni froid : "Il fait ce qu'il veut, je m'en moque." Un commentaire qui illustre les relations tendues entre le chef de file des députés PCF et le parti de Jean-Luc Mélenchon.  

Lois Chassaigne 1 et 2 sur les retraites agricoles

Député jugé actif – il a même été auréolé du titre de meilleur élève de la législature 2012-2017 selon un classement établi par Capital –, André Chassaigne laissera son nom sur deux textes de loi : la revalorisation des pensions de retraites agricoles votée à l'unanimité en 2020, dite "Loi Chassaigne 1", son "meilleur" souvenir dans l'hémicycle et l'aboutissement d'un "combat conduit sur plusieurs années". Suivra une proposition de loi actant une hausse des pensions agricoles "les plus faibles", celles des conjoints et des aidants familiaux, adoptée en 2021. 

Pas plus tard que lundi soir, André Chassaigne s'est réjoui, dans l'hémicycle, de terminer son mandat sur une mesure qui lui tenait à coeur "Depuis 20 ans, je me bats, sur chaque proposition de loi sur l'agriculture, sur les coefficients multiplicateurs. Je n'avais pas penser qu'à deux semaines de la fin de mon mandat parlementaire, j'allais remporter une victoire aussi considérable."

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Resteront également en mémoire plusieurs coups de gueule retentissants : son "Honte à vous !" lancé en novembre 2024 au gouvernement, qui avait fait répondre son ministre de la Mer et de la Pêche, sur les morts de migrants en mer ; son "Vous êtes sur le point de commettre l'irréparable" en décembre 2023 à l'adresse d'Elisabeth Borne, alors Première ministre, sur la loi immigration. "On n’en peut plus de ce déni de démocratie, c’est une véritable mascarade !", s'était aussi indigné André Chassaigne, en 2015, quand Manuel Valls avait déclenché le 49.3 sur la loi Macron. Sur ce même texte, il avait défendu un amendement en 25 secondes. En juillet 2018, c'est l'élu Auvergnat qui avait porté la motion de censure de la gauche sur l'affaire Benalla, qualifiant les députés de La République en marche de "simples 'digéreurs', intestins silencieux de la bouche élyséenne". L'année suivante, lors d'un débat sur le Ceta, il dénonçait un accord commercial basé sur "une théorie du XIXe siècle qui bousille les individus et la planète". 

Devancé par Jean-Luc Mélenchon

Outre sa tentative d'accéder au Perchoir, André Chassaigne s'est positionné deux fois en vue de l'élection présidentielle. Sans finalement se lancer dans la course à l'Elysée. En vue du scrutin de 2012, le député se porte candidat à la candidature pour représenter le Front de gauche, affirmant ne pas vouloir que la politique "soit réservée aux spécialistes", mais s'incline lors du vote des militants communistes qui préfèrent se ranger derrière Jean-Luc Mélenchon. A l'époque, c'est la première fois, depuis 1974, que le PCF n'a pas de candidat à la présidentielle. Cinq en plus tard, en 2017, André Chassaigne se dit "disponible" si son parti voit en lui "une bonne solution". Mais les choses se dérouleront encore différemment. Contrairement aux cadres du Parti communiste, les adhérents se prononcent pour rallier Jean-Luc Mélenchon plutôt que pour une candidature autonome. 

En novembre 2016, le jour de l'ouverture du vote, l'Auvergnat estimait sur LCP qu'un tel choix serait "un coup fatal" porté au PCF. "Nous n'aurons plus le droit à la parole dans cette campagne présidentielle", or "je crois qu'on a encore besoin dans ce pays d'un Parti communiste". En vue des élections législatives à suivre, il dit regretter que "tous ceux qui s'élèvent contre le candidat autoproclamé Jean-Luc Mélenchon [soient] considérés comme étant des ennemis à abattre".

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En 2018, lors du 38e congrès du PCF, le texte d'orientation intitulé "Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle" porté par André Chassaigne et Fabien Roussel – qui deviendra dans la foulée secrétaire national du parti – met en minorité la proposition de base commune présentée par le dirigeant sortant Pierre Laurent. Ils appellent à une "réorientation stratégique" et "le développement d'une ambition communiste". "Nous voulons conjurer le risque d’effacement. (...) Notre affaiblissement n'est pas une fatalité", peut-on également lire. 

"J'ai un sentiment de travail accompli, je n'ai pas honte de ce que j'ai fait", commente aujourd'hui André Chassaigne, l'œil dans le rétroviseur, "sans en tirer de glorioles". Mais avec lucidité : "J'arrive à 75 ans et j'arrive dans un monde qui est à l'opposé de ce que j'aurai voulu construire", confiait-il récemment sur LCP. Et une certitude malgré tout réaffirmée : "Plus que jamais aujourd'hui, on peut être communiste. (...) Le communisme, c'est le bonheur pour le plus grand nombre."

 

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20/01/2025

La doctrine Monroe, de la déclaration d’indépendance à l’interventionnisme

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Formulée en 1823 par le président américain James Monroe, la doctrine dite « Monroe » a initialement affirmé l’indépendance des Amériques face aux ingérences européennes. Mais cette doctrine a évolué au fil des siècles, devenant un outil d’expansion et d’interventionnisme.

Les principes fondateurs

Le message est clair, les États-Unis considèrent les Amériques (Nord et Sud) comme une sphère d’influence exclusive, fermée à toute nouvelle colonisation européenne. Ce principe, connu comme celui de la non-colonisation, est complété par une règle de non-ingérence mutuelle : en échange de cette reconnaissance, les États-Unis s’engagent à ne pas intervenir dans les affaires des puissances européennes.

Cette position repose sur un double fondement : d’une part, le souci de protéger les nouvelles républiques d’Amérique latine contre une recolonisation européenne  ; d’autre part, l’idéal isolationniste exprimé par George Washington, qui appelait à éviter les « enchevêtrements étrangers  ».

Ce principe vise ainsi à garantir la paix et la sécurité des États-Unis tout en affirmant la volonté de rester à l’écart des conflits européens. Mais cette doctrine s’est rapidement transformée en un instrument d’hégémonie américaine.

Un outil d’expansion et d’intervention

Au XIXe siècle, la doctrine Monroe a été mobilisée pour justifier l’expansion territoriale des États-Unis. Sous l’influence de la notion de « destinée manifeste », les Américains considéraient qu’ils avaient une mission civilisatrice et le devoir d’étendre leur modèle politique et économique. Cette vision a conduit à l’annexion de territoires comme la Floride, le Texas, la Californie et d’autres régions issues de la guerre contre le Mexique.

Avec le corollaire Roosevelt, introduit par le président Theodore Roosevelt au début du XXe siècle, la doctrine Monroe a servi à justifier les interventions américaines en Amérique latine. Roosevelt ajoutait que les États-Unis avaient le droit d’intervenir pour prévenir toute instabilité susceptible de menacer leurs intérêts. Cette posture a entraîné de nombreuses interventions militaires et politiques dans des pays comme Cuba, le Nicaragua ou la République dominicaine.

Pendant la guerre froide, la doctrine Monroe a été utilisée pour justifier la lutte contre les communistes en Amérique latine. Les États-Unis ont soutenu des régimes sanglants pour contrer l’influence soviétique, comme au Chili ou au Nicaragua.

Une doctrine toujours d’actualité ?

Au XXIe siècle, la doctrine Monroe continue d’influencer la politique étrangère des États-Unis, mais son interprétation varie selon les administrations. En 2013, sous la présidence d’Obama, le secrétaire d’État John Kerry a déclaré que « l’ère de la doctrine Monroe est révolue  », ce qui était un changement de ton vers un partenariat égalitaire avec l’Amérique latine. Peu de répercussions concrètes ont suivi cette annonce. Quelques années plus tard, la doctrine servait à D. Trump pour justifier des sanctions et des menaces d’intervention militaire, notamment contre le Venezuela.

En dépit des évolutions, la doctrine Monroe reste un symbole de la politique étrangère américaine, entre isolationnisme, expansionnisme et interventionnisme.

Le corollaire Roosevelt


Ajouté en 1904, le corollaire Roosevelt affirme que les États-Unis ont le devoir d’intervenir en Amérique latine pour maintenir l’ordre et protéger leurs intérêts. Cette réinterprétation de la doctrine Monroe a justifié des dizaines d’interventions armées.

Les critiques de la doctrine Monroe

Beaucoup d’États d’Amérique latine considèrent la doctrine Monroe comme une justification d’un « impérialisme américain ». Cette critique est alimentée par les nombreuses interventions armées et le soutien à des dictatures dans la région, au nom de la sécurité nationale américaine. Sous l’administration Trump, cette posture interventionniste a parfois été étendue à des thèmes connexes, comme les tensions avec le Canada ou l’intérêt renouvelé pour des infrastructures stratégiques telles que le canal de Panama, perçues comme essentielles à la sécurité nationale et à l’influence économique des États-Unis.

Source Liberté Hebdo

 

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12/01/2025

"Figures du fou, du Moyen Âge aux romantiques" au musée du Louvre

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Cette exposition, très attendue, présente toutes les figures de celui que l'on appelle, de façon générique, le fou. Du Moyen Âge au XIXe siècle, il a beaucoup inspiré les artistes. 

Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture

C'est une exposition ambitieuse que propose de la mi-octobre au 3 février 2025 le musée du Louvre, à Paris(Nouvelle fenêtre). Plus de 300 œuvres sont réunies dans le hall Napoléon, un espace d'expositions temporaires qui rouvre ses portes après un an et demi de travaux. Le parcours, chronologique, présente toutes sortes d'objets : des manuscrits enluminés, des sculptures, des coffrets en ivoire, des médailles, des gravures, des peintures sur panneau, des meubles...

Certains sont minuscules [prévoir une loupe ou des lunettes adaptées] et d'autres de taille monumentale comme les tapisseries ou les sculptures venues des tours de Notre-Dame de Paris. Ce mélange des genres et des tailles vise à souligner les multiples facettes de la figure du fou. L'une des deux commissaires de l'exposition, Elisabeth Antoine-König, explique que "le but est de donner une vision kaléidoscopique de ce personnage qui est tantôt symbolique, tantôt réel".

Elle ajoute que "les fous sont absolument partout. Ils permettent d'avoir une vision intime et rapprochée de la pensée, de la culture et de l'art du Moyen Âge et de la Renaissance, ce moment de passage vers les temps modernes. Le fou est une figure clé, témoignant de l'évolution de notre histoire". À l'entrée de l'exposition, comme un prologue, une salle introduit le visiteur au monde des marges. Le fou est un marginal au sens propre comme au figuré.

Des manuscrits enluminés montrent la naissance et le développement de figures bizarres, hybrides, grotesques, parfois comiques et parfois inquiétantes, dans les marges de ces ouvrages sérieux (des traités de philosophie, des livres de droit…). Ces figures sont littéralement en marge et viennent en contrepoint du texte, introduisant un monde renversé. À côté de l'ordre qui figure dans le texte, elles incarnent le désordre qui est dans la marge. Elles ont aussi une dimension humoristique, très présente dans la pensée médiévale.

L'amour ouf

exposition,fou,louvreTrès vite, les marges vont sortir des livres et se répandre dans l'espace public, par exemple sur le sol des églises, sur des vitraux et sur des sièges. Au Moyen Âge, la définition du fou est donnée par les Écritures, en particulier le premier vers du psaume 52 : "L'insensé a dit en son cœur : il n'y a pas de Dieu !" Ce n'est alors pas une question de santé mentale, mais de spiritualité. Celui qui refuse d'écouter la parole de Dieu se place en dehors du monde. La première image du fou au Moyen Âge apparaît dans les livres de psaume, les psautiers. L'amour ou le non-amour de Dieu est ce qui fait l'insensé.

À l'inverse, il existe aussi des "fous de Dieu", tel saint François. Ce jeune homme de la riche bourgeoisie d'Assise renonce à tous ses biens pour embrasser la pauvreté et le message du Christ. Il dira lui-même : "Je suis un nouveau fou de Dieu." La commissaire de l'exposition du Louvre explique que l'on assiste ici à un renversement : "L'insensé est dans le psaume 52, mais le christianisme est aussi une folie. C'est une notion qui est toujours ambivalente et que l'on peut renverser."

Particulièrement savoureuse, la deuxième section de l'exposition se concentre sur l'amour, les fous étant très présents dans la littérature courtoise, notamment dans les grands romans de chevalerie. "L'idée est que l'amour est une folie, une dépossession de soi qui entraîne l'homme vers des extrémités qui lui font perdre parfois son identité", surligne Elisabeth Antoine-König. Une statuette magnifique représente le philosophe Aristote à quatre pattes, rendu fou par son amour pour la belle Phyllis.

exposition,fou,louvreLe personnage du fou est celui qui dénonce les valeurs courtoises et met l'accent sur le caractère lubrique, voire obscène, de l'amour humain. "Le fou a un sourire ironique, sardonique, sarcastique et fait souvent des gestes obscènes. Il apparaît comme un personnage lubrique. Il devient alors un personnage allégorique qui symbolise la luxure", raconte la commissaire. Sa présence à l'arrière-plan d'un tableau montre que l'on assiste à une scène de débauche. Là encore, la figure du fou peut être renversée, comme une carte à jouer. Il est tour à tour transgressif ou moralisateur.

Au XIVe siècle, le fou se "politise". Il entre à la cour du roi et se fait bouffon. Ce personnage bien réel devient l'antithèse de la sagesse royale, celui dont la parole ironique ou critique est acceptée, voire sollicitée. Le plus connu était Triboulet, le bouffon du roi René d'Anjou.

Le fou est désormais représenté avec ses attributs : un costume bariolé (produisant un désordre visuel), un capuchon avec des oreilles d'âne (évoquant sa sottise), des grelots (parce qu'il a la tête vide) et une marotte (bâton surmonté d'une tête avec laquelle il dialogue, une parodie de sceptre).

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Quand les fous sont à la fête

La Renaissance sera l'âge d'or des insensés. Dans la rotonde rénovée du hall Napoléon, les fous mènent la danse avec toutes sortes de portraits et de sculptures. Ils jouaient un rôle essentiel dans les fêtes, ces moments de soupape où le désordre était temporairement autorisé.

Sur tous les objets, des plus quotidiens aux plus précieux, les artistes se sont mis à représenter des fous. On les trouve sur l'orfèvrerie, la terre cuite, la tapisserie... Et bien sûr dans l'œuvre du fameux peintre Jérôme Bosch dont l'univers est marqué par l'étrange et le mystère. Sur ses tableaux réapparaissent ces créatures des marges évoquées au début de l'exposition.

L'exposition présente également le travail de Pieter Bruegel l'Ancien chez qui le fou devient le témoin de la folie des êtres humains. La commissaire évoque enfin l'énorme succès de La Nef des fous, un ouvrage allemand paru à la fin du XVe siècle, illustré de gravures.

D'après elle, "c'était l'ouvrage le plus vendu après la Bible. Il a eu un fort impact sur la culture et notamment sur les arts visuels par le biais de ses gravures qui ont fixé l'image du fou avec son capuchon, ses grelots, sa marotte. Ils apparaissent à chaque chapitre qui dénonce un vice, un travers… Donc il y a des fous partout !"

La figure du fou va ensuite pratiquement disparaître des arts. Dans les cours d'Europe, il est remplacé par le bouffon et le nain. Dans les arts, d'autres personnages prennent le relais, entre autres ceux de la Commedia dell'arte. Le XVIIIe siècle verra un regain d'intérêt pour le bizarre, les créatures hybrides et le monde marginal. On pense particulièrement au peintre espagnol Goya. Au même moment, la psychiatrie va se développer.

Dans l'exposition, une immense toile, très marquante, signée Tony Robert-Fleury, montre l'épisode fondateur du Dr Pinel qui libère les aliénées de l'hôpital de la Salpêtrière en enlevant leurs chaînes. On entre alors dans une autre histoire de la folie où l'on ne va pas seulement enfermer les malades, mais tenter de les soigner. Les artistes vont alors développer un intérêt pour ces autres figures de fous, les malades en souffrance.

À la fin de l'exposition se trouvent aussi d'impressionnantes chimères venues des tours de Notre-Dame de Paris. Un hommage au roman de Victor Hugo qui s'ouvre sur la fête des fous. Quasimodo, le bossu, est élu "Pape des fous". Peut-être le plus touchant de tous.

"Figures du fou, du Moyen Âge aux romantiques" au musée du Louvre(Nouvelle fenêtre), du 16 octobre 2024 au 3 février 2025

Tarif : 22 euros (musée + exposition). Durée de visite d'environ 2 heures.

19:58 Publié dans Actualités, Connaissances, Exposition | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : exposition, fou, louvre | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!