21/10/2013
Le rapport qui révèle la face noire de la prostitution
Selon un rapport sénatorial rendu jeudi, 80 % des personnes prostituées en France sont étrangères et victimes d’un véritable système de traite des êtres humains. Un travail qui tord le nez au mythe de la call-girl souriante et libre.
Oubliez le mythe de la call-girl souriante, avenante et libre. Le rapport de la commission des Affaires sociales du Sénat dévoile la face cachée de la prostitution. Rendu public jeudi matin, il dresse le portrait d’une population accablée socialement et ravagée psychologiquement. Une population nombreuse qui s’établirait entre 20 000 et 40 000 (selon la police, beaucoup plus selon les associations), une population transformée en deux décennies.
Alors qu’en 1990, 20 % des prostituées provenaient de pays étrangers, aujourd’hui le pourcentage se situe entre 80 % et 90 %. « Cette évolution s’est accompagnée d’une forte diminution de la prostitution dite ’’traditionnelle’’, tandis que les réseaux de prostitution et de traite des êtres humains exercent une influence croissante, qu’il s’agisse de la prostitution de rue ou de celle sur Internet », notent les sénateurs Chantal Jouanno (UDI) et Jean-Pierre Godefroy (PS), mandatés par la commission des Affaires sociale, présidée par la communiste Annie David, pour fournir un travail approfondi sur la situation sociale et sanitaire, en dehors des considérations que l’on peut avoir sur la pénalisation ou pas du client. D’ailleurs, les deux rapporteurs ont des positions différentes sur la question : Chantal Jouanno est pour, Jean-Pierre Godefroy contre.
La prostitution est avant tout subie
Le document pointe la « grande vulnérabilité » dans le domaine de la santé. Les personnes prostituées sont davantage exposées au VIH, aux infections sexuellement transmissibles, sont sujettes à diverses pathologies reflétant leurs conditions de vie, tels les problèmes respiratoires, dermatologiques, digestifs, dentaires. Et aussi, bien sûr, psychiques. Des cas de tuberculose sont constatés. « Le cumul de difficultés économiques et sociales agit comme un frein à l’accès aux soins », écrit-on.
Contrairement à l’idée reçue, la prostitution est avant tout subie. « J’ai découvert un monde d’une incroyable inhumanité. Les femmes sont contraintes, avec des violences inimaginables. Sous nos yeux », confie Chantal Jouanno. Originaires essentiellement de Roumanie, de Bulgarie, du Nigeria, du Brésil et de Chine, elles sont confrontées à la précarité financière, à la barrière de la langue, à la complexité des dispositifs et des démarches administratives. Autant de facteurs qui s’ajoutent à la maltraitance physique et psychologique.
Il faut, insiste Jean-Pierre Godefroy, « mettre en place un accompagnement social global des personnes qui veulent quitter la prostitution, ainsi que des victimes du proxénétisme et de la traite ». Une prise en charge devant agir « simultanément dans plusieurs domaines, parmi lesquels la fiscalité, les minima sociaux, l’hébergement et le logement, l’accès aux titres de séjour, la santé ».
Il s’agit, pour la commission des Affaires sociales du Sénat, d’« inverser le regard » sur cette frange de la population, rejetée, désignée coupable, inspirant « la méfiance », déplore Chantal Jouanno. Laquelle indique que les préconisations (voir encadré) émises dans le document « peuvent être, toutes, mises en œuvre dès maintenant, et sans être en contradiction » avec les futures législations sur le système prostitutionnel, qui devraient être discutées par l’Assemblée nationale à la fin novembre.
Neuf mois de travail, une quarantaine d’auditions, des visites sur le terrain, des déplacements en Italie et en Belgique… Une prise de distance indispensable pour, enfin, constater la détresse. Et accorder le statut de « victime », selon le terme de Chantal Jouanno, à cette immense majorité de personnes, souvent sans papiers et soumises à la violence des réseaux proxénètes et de traite des êtres humains.
Pour un permis de séjour à titre humanitaire. Parmi les préconisations, il est demandé d’accorder des remises fiscales gracieuses pour les prostituées, uniquement sous réserve d’avoir arrêté la pratique et d’être engagée dans un parcours d’insertion professionnelle. La proposition phare, qui risque d’ouvrir les hostilités, consiste à revoir les modalités de délivrance des titres de séjour pour les victimes du proxénétisme et de la traite, lorsqu’elles ont déposé plainte ou témoigné, mais aussi lorsqu’elles sont engagées dans un parcours de sortie de prostitution. En fait, leur accorder un permis de séjour à titre humanitaire. La commission des Affaires sociales du Sénat demande également de protéger la victime en l’hébergeant immédiatement dans une structure adaptée, à l’image des femmes qui subissent des violences conjugales. Par ailleurs, elle préconise de saisir l’argent des réseaux de traite au profit des victimes, soit directement sous forme d’un dédommagement, soit indirectement via le financement de programmes d’insertion sociale et professionnelle.
Lire aussi :
Documents à télécharger : Le rapport de la commission des Affaires sociales du Sénatsur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées
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17/10/2013
IMMIGRATION : LES VRAIS CHIFFRES !
Objet de manipulations politiques, de fantasmes et d'interdits, le débat sur l'immigration souffre, aussi, d'une insuffisance "scientifique". Faute de connaissances précises, les chiffres les plus fous circulent et façonnent la pensée commune. Travail, natalité, protection sociale...
La société française croit connaître la réalité de l'immigration mais n'en perçoit, la plupart du temps, qu'une image caricaturale. Immigrés et descendants d'immigrés en France (Collection Insee Références), un ouvrage de l'Insee permet, heureusement, de recadrer le débat grâce à un rigoureux travail d'enquête dont les conclusions bousculent bon nombre d'idées reçues mais confirment, aussi, certains ratés de notre modèle d'intégration. En voici quelques exemples.
11% d'immigrés en France, un chiffre dans la moyenne européenne. La France occupe une position médiane comparable à l'Allemagne ou au Royaume-Uni ou, encore, aux Etats-Unis. Dans l'Union européenne, environ 12% des personnes sont nées à l'étranger. Mais en France, le développement de l'immigration familiale a favorisé la constitution d'une population de descendants d'immigrés, rapporte le chercheur Gérard Bouvier. La présence de ces descendants d'immigrés en grand nombre est "une position originale en Europe". Cette deuxième génération est estimée à 6,7 millions de personnes, dont 2,2 issus de couples "mixtes" (un seul parent immigré).
Les immigrés accèdent difficilement aux emplois les plus qualifiés. Les immigrés sont surreprésentés chez les ouvriers et les employés. Et les descendants d'immigrés sont présents moins souvent chez les cadres ou les professions intermédiaires que les autres Français. Mais ils le sont plus que les immigrés, ce qui démontrerait les effets d'une mobilité sociale.
Les enfants d'immigrés venus de Turquie, d'Algérie d'Espagne et d'Italie sont surreprésentés parmi les non-diplômés du second cycle secondaire.
Un niveau de vie median inférieur de 30% au niveau de vie médian en France. Mais l'écart de niveau de vie médian n'est plus que de douze points pour les descendants d'immigrés. Le taux de pauvreté qui s'établit en 2009 à 13,5% pour l'ensemble de la population reste de 37% pour les ménages immigrés mais diminue à 20% pour les descendants.
Les filles de l'immigration marocaine et tunisienne décrochent plus souvent le bac que les jeunes françaises. Les chercheurs notent que le parcours scolaire des enfants d'immigrés sont différenciés selon le pays de naissance des parents. Les enfants d'immigrés venus de Turquie, d'Algérie d'Espagne et d'Italie sont surreprésentés parmi les non-diplômés du second cycle secondaire. Pour le baccalauréat, les fils et les filles turques sont en situation de sous-réussite au contraire des descendants des migrants du sud-est asiatique.
Les descendants d'immigrés africains, moins diplômés, occupent plus souvent des emplois précaires. Globalement les descendants d'immigrés d'Afrique sont pénalisés sur le marché de l'emploi. Mais l'écart avec les autres populations se réduit largement quand le niveau scolaire s'élève. Pour les descendants d'immigrés du sud de l'Europe il est même inversé. Ces enfants d'immigrés ont plus souvent un emploi, cinq ans après leurs études, que les français de souche.
Des différences de taux d'activité entre les populations immigrées. Si le taux d'activité des immigrés varie selon le pays d'origine, les hommes et les femmes venus du Portugal et d'Afrique Subsaharienne sont les plus actifs sur le marché du travail (80%). Leur participation dépasse même celle des non-immigrés (78%). A l'opposé, les immigrés issus du Maghreb (66%), de L'Espagne (66%), de l'Italie (61%) ou de Turquie (58%) sont les immigrés les moins actifs.
Article publié par l'Express
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/societe/immigration-ce-q...
09:00 Publié dans Actualités, Connaissances, International, Société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : immigration, insee | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
12/10/2013
Thierry Lepaon. « Le FN est porteur du désespoir »
Successeur de Bernard Thibault à la tête de la CGT, Thierry Lepaon se bat aujourd'hui sur plusieurs fronts (retraites, travail le dimanche). Il lui appartient aussi de dresser des barricades contre un FN qui recrute, élection après élection, dans un électorat traditionnellement ancré à gauche.
Vous combattez le projet de loi sur les retraites. Sur ce sujet, y a-t-il une différence entre la droite et la gauche ?
On constate que très peu de propositions que nous avons faites, dans le cadre de la concertation qui a précédé le dépôt de ce projet de loi, ont été retenues. Nous sommes en opposition sur la question de la durée des cotisations, telle qu'elle est aujourd'hui définie à 43 ans pour les générations futures.
Cela ne nous conduit pas à dire que ce gouvernement mène la même politique que celle du gouvernement précédent. La preuve, c'est que, dans le projet de loi, même s'il n'est pas satisfaisant, il y a de vraies avancées. Il y a ainsi la question de la pénibilité. Il y a aussi la question de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, qui s'appliquera pour la première fois. Il y a aussi la question de la prise en compte des années d'études pour les jeunes.
Beaucoup de consommateurs, beaucoup de salariés réclament l'ouverture des magasins le dimanche et en soirée. Sur ce dossier, la CGT ne livre-t-elle pas un combat d'arrière-garde ?
Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, les consommateurs ne réclament pas l'ouverture des magasins le dimanche. Ils y vont quand le magasin est ouvert. Mais je n'ai pas vu de manifestations qui réclament cette ouverture le dimanche. Le consommateur sait bien qu'à un moment donné il est aussi salarié. Nous pensons que le travail atypique (travail de nuit et travail du dimanche) peut être nécessaire quand la situation l'exige. C'est vrai pour la sécurité, pour la santé, pour les transports. Pour tout ce qui concerne les missions de service public. Mais pour acheter un parfum, il n'est pas nécessaire de le faire après 21 h ou le dimanche. Il y a un temps pour le travail, un temps pour le loisir, un temps pour la culture. Il faut réapprendre à vivre ensemble.
Croyez-vous, comme l'affirme François Hollande, qu'il est possible d'inverser la courbe du chômage d'ici à la fin de l'année ?
C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre. J'ai entendu la volonté du gouvernement de sortir une série de chiffres qui tenteraient à démontrer que le chômage recule. On ne peut que s'en féliciter. Tout ce qui va dans le sens du maintien de l'emploi et du recul du chômage constitue forcément une bonne nouvelle. Reste la question de la nature de l'emploi ainsi recréé. J'ai peur que, malheureusement, les contrats d'avenir, les contrats de génération soient des emplois artificiels.
Tous les sondages témoignent du fait qu'une partie importante des employés et des ouvriers apportent désormais leurs suffrages au Front National. N'est-ce pas le signe d'un échec grave ?
C'est une catastrophe. Le FN n'apporte aucune solution aux salariés, notamment sur la question de la rémunération du travail. C'est un parti qui s'oppose au monde du travail, contre les salariés. On se souvient des dérives auxquelles cette famille politique pouvait se prêter dans les années les plus sombres de notre histoire. Il nous faut désormais faire un travail militant pour que le désespoir n'entraîne pas un vote pour des candidats FN et pour des thèses contraires à la solidarité, telle que nous la prônons. Mais il faut aussi que le politique prenne ses responsabilités. Il faut mener une politiquequi prenne en compte les préoccupations des Français, sur les salaires, l'emploi, la protection sociale, une nouvelle dynamique industrielle capable de permettre la création d'emplois. Sinon, notre société va sombrer dans le désespoir. Et le FN est aujourd'hui porteur de ce désespoir.
08:47 Publié dans Actualités, Dossier retraites, Economie, Entretiens, Point de vue, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lepaon, cgt, syndicat, retraites, fn, travail le dimnache | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
06/10/2013
"Blue Jasmine", de Woody Allen. N’être personne de s’être trop pris pour quelqu’un
Blue Jasmine est une réussite de Woody Allen qui, enfin, remet tout son savoir-faire sur le métier pour un portrait de femme, interprété par Cate Blanchett, tout en profondeur.
Blue Jasmine, de Woody Allen. États-Unis. 1 h 38.
Lorsque nous rencontrons Jasmine (Cate Blanchett), c’est une femme désarticulée. D’emblée, ses vêtements élégants semblent autant de vestiges auxquels s’accrocherait la passagère d’un paquebot embarqué sur un radeau en perdition pour s’empêcher de couler.
Cela tient à une façon de les rassembler, de les habiter d’une grâce dont la posture serait soudain devenue incertaine. Jasmine, de son véritable prénom Janette, s’effraie devant la porte de sa sœur Ginger (formidable Sally Hawkins) demeurée dans la modestie populaire de leurs origines. Pareille à une pouliche à pedigree contrainte aux stalles communes, Jasmine, arrivée tout droit de la côte est, déchoit à San Francisco.
Fauchée, égarée, terriblement seule et non moins exigeante comme si sa riche essence l’imposait, Jasmine, rebaptisée d’après un parfum de luxe, dépare dans le décor. Ginger pourtant l’accueille de toute son affection, rayonne de l’admiration toujours portée au joyau de la famille et partage son foyer avec le naturel de qui sait ramer dans les écueils.
À Jasmine, tout a été donné, de la beauté à l’amour qui la récompense, aux inépuisables cascades d’argent dont le prince charmant l’a inondée. Charmant dans ses limites et prince des escrocs, le mari de Jasmine, Hal (Alec Baldwin), a fini par se faire pincer. Bâtisseur d’un empire de cavalerie financière à la manière d’un Madoff, ou de tant d’autres dont on peut trouver les noms ailleurs qu’outre-Atlantique, il s’est pris les pieds dans le tapis persan.
Woody Allen procède à des flash-back fluides comme une robe de haute couture afin de reconstituer cette vie antérieure qu’ont menée Jasmine et son époux. Il ne cesse d’en enrichir les parcours conjoints des deux sœurs au fil de leurs retrouvailles. Il use de son habituelle maîtrise des décalages amusants sans le poids du procédé. Surtout, de ce qui va émerger de chacune, de leurs fantasmes et aspirations, nous permettra de ne pas nous tenir en surface, au contraire de ses derniers opus.
Outre les deux magnifiques actrices et leurs interprétations sensibles, il faudrait citer toute la distribution. Chili (Bobby Cannavale), prolo tatoué à qui Ginger s’est fiancée, capable de fondre en larmes d’amour, Augie (Andrew Dice Clay), son ex-mari tellement balourd que le couple de Jasmine et Hal a bien cru défaillir de honte sociale lorsqu’ils les ont reçus dans leur mille mètres carrés de Manhattan. Jadis. Augie au moins a survécu, outils en main. Jasmine n’en possède aucun.
Cette femme que l’on pourrait si facilement détester pour son snobisme et son arrogance de milliardaire nous apparaît, en un tour de force continu, aussi dépossédée d’elle-même qu’il est possible. Rien n’est univoque dans le traitement du film, ni dans l’interprétation. Woody Allen et Cate Blanchett parviennent à provoquer une oscillation constante qui interdit le rejet comme l’empathie à bas prix. Un film d’or fin.
11:08 Publié dans Actualités, ACTUSe-Vidéos, Arts, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, woody allen, cate blanchett | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |