01/12/2013
LES MEDIAS FACE AU DEFI DE L'IMPARTIALITE
Salim Lamrani, Maître de conférences à l’Université de la Réunion et journaliste spécialiste de Cuba, vient de sortir un nouvel ouvrage aux Editions Estrella avec un titre éloquent : Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité. Ce livre de 230 pages se divise en neuf chapitres. Il est introduit par une préface du grand écrivain uruguayen Eduardo Galeano, auteur du célèbre livre Les veines ouvertes de l’Amérique latine. Lamrani, comme pour tout bon historien et chercheur, enrichit toujours son travail par des sources abondantes, avec pas moins de 350 notes dans cet ouvrage. Entretien avec Salim Lamrani par André Garand, France-Cuba Marseille.
André Garand : Salim Lamrani, parlez-nous de votre dernier ouvrage.
Salim Lamrani : Ce livre part du postulat suivant : le phénomène de concentration de la presse entre les mains du pouvoir économique et financier est devenu, partout en Occident, une réalité indéniable. Or, ces médias, qui sont liés aux puissances d’argent et qui défendent l’ordre établi, sont souvent confrontés au défi de l’impartialité, surtout lorsqu’il s’agit de Cuba. Il leur est difficile de présenter de manière objective une nation dont le projet de société défie l’idéologie dominante. De plus, Cuba est, par définition, un sujet médiatique qui suscite critiques et controverses et attise régulièrement les passions.
André Garand : Quels thèmes abordez-vous dans ce livre ?
Salim Lamrani : Mon livre tente d’apporter une réponse aux questions suivantes : Comment les médias présentent-ils la réalité cubaine ? De quelle manière abordent-ils des problématiques aussi complexes que les droits de l’homme, le débat critique, l’émigration, le niveau de développement humain et les relations avec les États- Unis ? Remplissent-ils réellement leur rôle de quatrième pouvoir ? Sont-ils capables de s’émanciper du pouvoir politique, des puissances d’argent et d’apporter une vision plurielle sur la société cubaine ? Car une presse libre et indépendante est essentielle dans toute démocratie et elle s’accompagne, à l’évidence, d’un devoir de vérité informationnelle vis-à-vis des citoyens.
André Garand : Pourquoi les médias sont-ils si critiques à l’égard de Cuba ?
Salim Lamrani : Cuba, depuis le triomphe de la Révolution et l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro, est un sujet de débat vif et animé. Il est une raison essentielle à cela : le processus de transformation sociale initié en 1959 a bouleversé l’ordre et les structures établis, a remis en cause le pouvoir des dominants et propose une alternative sociétale où – malgré tous ses défauts, ses imperfections et ses contradictions qu’il convient de ne pas minimiser – les puissances d’argent ne règnent plus en maître, et où les ressources sont destinées à la majorité des citoyens et non à une minorité.
André Garand : Eduardo Galeano, célèbre écrivain latino-américain, a rédigé la préface de votre livre.
Salim Lamrani : Eduardo Galeano a effectivement rédigé un texte incisif non dépourvu de l’humour sarcastique, si caractéristique de son style, sur Cuba et les médias. J’en profite pour le remercier chaleureusement d’avoir bien voulu associer son nom et son prestige à mon travail. J’en profite également pour remercier publiquement Estela, journaliste espagnole, qui m’a aidé dans cette tâche.
André Garand : La quatrième de couverture comporte une citation de Jean-Pierre Bel, notre Président du Sénat, qui vous remercie pour votre travail. Elle dit la chose suivante : « Merci pour ce regard sur Cuba, tellement utile ». C’est une belle reconnaissance, non ?
Salim Lamrani : Le Président Jean-Pierre Bel est un grand ami de Cuba. C’est un grand connaisseur de l’Amérique latine. Il est très attaché à la liberté d’expression et à la pluralité d’opinions. Il est issu d’une famille de résistants communistes et est un grand admirateur de la Révolution cubaine. Il a lu certains de mes ouvrages et m’a fait parvenir ce petit mot. Je l’en remercie grandement.
André Garand : Une citation de Robespierre, à qui vous dédiez votre ouvrage, introduit le livre. Pourquoi ce choix ?
Salim Lamrani : Robespierre parlait de passer la « vérité en contrebande » car il avait la conviction profonde qu’elle finirait par triompher. Je partage cette foi.
Maximilien Robespierre est le plus pur patriote de l’Histoire de France. C’est la figure emblématique de la Révolution, le défenseur de la souveraineté populaire. Il avait compris dès le départ que les puissances d’argent étaient le principal ennemi du peuple, de la République, de la Patrie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’idéologie dominante vilipende tant son héritage. Ses aspirations à la liberté et à la justice sociale sont toujours d’actualité.
Nous vivons une époque assez curieuse. On glorifie les ennemis du peuple et on méprise ses défenseurs. Prenez la ville de Paris : Pas une rue ne porte le nom de notre Libérateur, pas une statue à l’effigie de Robespierre, alors que le traitre Mirabeau a un pont et Adolphe Thiers, le boucher de la Commune qui a fait fusiller 20.000 patriotes en une semaine, dispose d’un square et d’une statue. Rendez-vous compte, le 22 septembre, jour de la Fondation de notre République, n’est même pas célébré en France.
Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité
Préface d’Eduardo Galeano
Paris, Editions Estrella, 2013
230 pages
18€
Disponible auprès de l’auteur : lamranisalim@yahoo.fr
Egalement en librairie : http://www.librairie-renaissance.fr/9782953128437-cuba-le...
Et chez Amazon
http://www.amazon.fr/Cuba-Medias-Face-Defi-lImpartialite/...
17:19 Publié dans Connaissances, Entretiens, International, Livre, Médias | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cuba, médias, salim lamrani, livre | |
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20/11/2013
L’exclusion sociale touche un enfant sur cinq
C’est le constat accablant, rendu public à l’occasion de la Journée des droits de l’enfant, d’une vaste étude menée en France par l’Unicef auprès des jeunes de six à dix-huit ans.
Si la jeunesse est bel et bien la priorité du chef de l’État, celui-ci doit se dire en cette Journée internationale des droits de l’enfant, qu’il lui reste beaucoup de pain sur la planche. Rendue publique hier, une nouvelle étude sur les conditions de vie des enfants dresse en effet un tableau des plus inquiétants. Selon l’Unicef, qui a commandité cette vaste enquête de six mois, menée auprès de 22 500 jeunes de six à dix-huit ans dans 70 villes, « près d’un enfant sur cinq (17 %) vit dans une situation d’intégration sociale précaire, dont 7 % sont en situation d’exclusion extrême, déjà pris dans un dispositif de disqualification sociale ».
À l’origine de ce constat, une consultation réalisée par l’institut TNS Sofres qui a posé plus de 130 questions aux enfants sur leurs droits, leur accès à l’éducation, aux loisirs ou à la santé. Parmi les résultats notables, on notera que 90 % se sentent « respectés dans leur vie quotidienne » et, à 95 %, « en sécurité chez eux ». En revanche, dans le cadre scolaire, une part importante de ces jeunes (55 %) disent « être harcelés ou ennuyés par d’autres » et seuls 68 % ont le sentiment de pouvoir parler de ces problèmes à un adulte. Sans être forcément surprenants, d’autres éléments interrogent. Ainsi, 55 % des sondés confient « voir des images sur Internet ou à la télévision qui les choquent », et presque autant (51 %) avouent « regarder des émissions réservées aux adultes ». Enfin, 5 % affirment ne pas manger trois repas par jour et seuls 62 % disent avoir accès à une infirmière scolaire.
« Tout se passe, précise aussi le rapport, comme si les instruments de la socialisation, loin de corriger les inégalités socio-économiques des enfants, ne faisaient en réalité que les renforcer. » Pour le sociologue Serge Paugam, coauteur de l’étude, si ces résultats « n’autorisent pas à conclure que les jeux sont faits dès l’enfance », ils prouvent néanmoins qu’« il existe un risque élevé de reproduction sociale ». Ce que la coauteure de l’enquête, la médecin Catherine Dolto, appelle la « spirale négative dans laquelle sont entraînés les enfants et les familles défavorisés ». « La France est l’un des pays de l’OCDE qui dépense le plus pour ses enfants (…) ; pour autant, elle ne parvient pas à enrayer le cercle vicieux de l’exclusion » qui les frappe, regrette de son côté la présidente d’Unicef France, Michèle Barzach.
Une justice à l’écoute ? La défenseure des enfants, Marie Derain, formule dix propositions pour que la parole des enfants soit mieux écoutée par la justice, notamment dans les séparations conflictuelles (22,5 % des saisines). Elle suggère ainsi de « reconnaître une présomption de discernement à tout enfant qui demande à être entendu par un juge ». Charge ensuite au magistrat d’apprécier son discernement.
- Michel Ménard « La mixité sociale au cœur des colos »
58 % des enfants ont peur de devenir pauvres
12:54 Publié dans Actualités, Connaissances, Société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pauvreté, unicef, droits de l'enfant, enfants pauvres, catherine dolto, exclusion sociale, harcèlement scolaire, serge paugam | |
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02/11/2013
OMAR : Quand Roméo fait le mur pour retrouver Juliette !
Omar vit en Cisjordanie. Habitué à déjouer les balles des soldats, il franchit quotidiennement le mur qui le sépare de Nadia, la fille de ses rêves et de ses deux amis d'enfance, Tarek et Amjad. Les trois garçons ont décidé de créer leur propre cellule de résistance et sont prêts à passer à l'action. Leur première opération tourne mal.
Capturé par l'armée israélienne, Omar est conduit en prison. Relâché contre la promesse d'une trahison, Omar parviendra-t-il malgré tout à rester fidèle à ses amis, à la femme qu'il aime, à sa cause.
LA CRITIQUE DU JOURNAL L'HUMANITE
Un film palestinien remportait tous les suffrages à Cannes dans la section Un certain regard. Les nôtres également ainsi que ceux du jury, qui lui attribuait son prix.Omar, de Hany Abu-Assad. Palestine. 1 h 37.
Certains ont pu avoir en des temps anciens des préjugés vis-à-vis du cinéma palestinien. Un pays pauvre aussi peu étendu même si densément peuplé que la Palestine, en état de guerre permanente de surcroît, ne saurait disposer d’un cinéma conséquent.
C’était oublier que ce pays avait déjà sécrété un très grand maître en la personne d’Elia Suleiman, le réalisateur de Chronique d’une disparition et Intervention divine.
C’était oublier aussi que Suleiman n’est pas unique. En témoigne Hany Abu-Assad, qui nous a déjà régalés une demi-douzaine de fois, en particulier en 2002 avec le Mariage de Rana et, en 2005, avec Paradise Now.
La récidive est au plus haut avec cet Omar, reparti de Cannes avec le prix du jury obtenu dans la section Un certain regard, et qui vient d’être retenu comme le candidat officiel de la Palestine dans la course pour l’oscar du meilleur film étranger.
L’histoire nous a fait penser à la célèbre citation de Samuel Fuller jouant dans Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard : « Un film est un champ de bataille : amour, haine, violence, action, mort, en un mot émotion. »
Nous ne sommes pas pour autant dans le romantisme anarchisant à la Nicholas Ray propre aux nantis mais dans la réalité presque documentaire de la vie quotidienne dans les territoires occupés. Pourtant, là aussi, on trouve des corps mus par des pulsions, qu’elles proviennent de l’engagement politique ou des pulsions sexuelles, du refuge dans la famille ou de l’investissement dans l’amitié.
Le réalisateur du film, qui est son propre scénariste, semble avoir relu pour l’occasion toutes les grandes tragédies shakespeariennes, à commencer par Roméo et Juliette, mais en leur adjoignant toutes les propriétés du mélodrame, faire advenir au peuple ce qui était auparavant le privilège des princes et des rois. Pourquoi au demeurant les sentiments nobles leur seraient-ils réservés ? Pourquoi le peuple n’aurait-il pas droit à la jalousie, à la haine, à la confiance, à la défiance, à l’amour passion, à la duperie, à la rouerie, à la trahison ?
C’est ce qui dote ce film d’une force émotionnelle sans pareille, l’auteur ayant pris la décision juste de s’appuyer sur une mise en scène discrète quoiqu’en écran large et sur une distribution qu’on ne peut que louer bien que la plupart des jeunes comédiens tutoient la caméra pour la première fois de leur brève existence.
Au résultat, on a rarement aussi bien vu en action la solidarité ici en jeu, ou une guerre des pierres qui ressemble à l’occasion à une guerre des boutons, ou un franchissement de mur qui s’apparente au jeu du chat et de la souris. Pour une fois, les Palestiniens ne se limitent pas à une façade militante aseptisée. Ils sont faits de chair et de sang, de désirs et de contradictions. Grâce en soit rendue au cinéaste.
Un film puissant, plein de sentiments et d'humanité, un film très dur autant parce qu'on continue à y découvrir (et ne pas comprendre) la dureté de l'homme, son coté "obscur", la trahison ... mais aussi très beau parce que l'amitié et l'amour dépassent le reste ! Un film qui devrait tous nous apprendre à grandir ... Écrit par : dhuez
10:24 Publié dans ACTUSe-Vidéos, Cinéma, Connaissances, Histoire, International | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, palestine, hany abu-assad, omar | |
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29/10/2013
Trading hautes fréquences: la guerre des millisecondes s’amplifie
Des entreprises lèvent des centaines de millions de dollars pour gagner 2 millisecondes de vitesse dans un tuyau long de 1000 kilomètres. Le but: aller toujours plus vite que le voisin sur les marchés financiers.
Une entreprise propose même très sérieusement de placer un relais de dirigeables au dessus de l’Atlantique, entre les bourses de New York et de Londres pour gagner quelques millisecondes. Les informations transiteraient par un système mêlant laser et ondes millimétriques (autrement appelées ondes radio à extrêmement haute fréquence). Une opération estimée à 300 millions de dollars, qui n’attend plus qu’une banque motivée pour se réaliser.
On arrive à un niveau de folie inédit, explique à ITproPortal David Lauer, un ancien trader HFT qui a démissionné suite au flash Krach de 2010. « Il n’y a rien de plus insensé. Des quantités massives de capitaux, des milliards de dollars, sont investis uniquement pour gagner quelques millisecondes entre deux endroits. Trouvez-moi quelqu’un capable de m’expliquer l’utilité sociale de réduire de 2 millisecondes les temps de transferts entre New York et Chicago ? Mais il y a encore de l’argent à faire… »
Comme 800 millions de dollars en 7 ms
Et il y a quelques jours, un évènement lui a parfaitement donné raison. Le 18 septembre, la FED (banque centrale américaine), a annoncé contre toute attente poursuivre ses injections massives de liquidités dans l’économie américaine. Pour le dire schématiquement, la FED continue de faire marcher la planche à billets pour favoriser la reprise économique, mais avec le risque de légèrement dévaluer le dollar. L’information ne devait être publiée qu’à 14 heures très précise. Les journalistes étaient confinés dans un bunker avant la conférence de presse pour s’assurer qu’il n’y ait aucune fuite. Sauf que 5 à 7 millisecondes avant que l’information ne fasse de Washington New-York, elle était arrivée à Chicago. Un laps de temps suffisant pour spéculer à hauteur de 800 millions de dollars sur l’or (valeur refuge par excellence en cas de dévaluation), sur le marché des dérivés de Chicago…
5 millisecondes qui suffisent pour démontrer un délit d’initié. La seule autre possibilité serait qu’un opérateur aurait réussi à dépasser la vitesse de la lumière, ce que suggère avec ironie le spécialiste Nanex(*). Comme il y a environ 1000 kilomètres entre Washington (la Fed) et Chicago, la lumière prendrait un peu plus de 3ms.
Le lobby des traders à hautes fréquences s’est défendu ce jeudi dans un communiqué, pointant plutôt la responsabilité de journalistes qui auraient brisé l’embargo.
Une histoire qui démontre encore l’incapacité totale des organismes de régulation des marchés financiers, comme la SEC aux Etats-Unis, à surveiller quoique ce soit. S’il a fallu quelques millisecondes pour échanger près de 800 millions de dollars, les régulateurs n’ont, deux semaines après, toujours pas compris ce qui s’était passé.
On parle de l’importance du temps de transfert et non des temps de calcul pour une bonne raison. Le 30 septembre, une entreprise britannique, Argon Design, a ainsi d’annoncer avoir réussi à réduire le temps de calcul de son algorithme pour décider d’une transaction à 176 nanosecondes, soit 10-9 seconde, contre 10-3 seconde pour les millisecondes qu'on emploie pour mesurer les temps de transfert.
(*)Nanex est une société américaine qui a développé un programme permettant d’analyser jusqu’à 8 milliards d’opérations boursières par jour. Leurs études permettent de se rendre compte de l’influence du HFT dans le jeu financier, de repérer les anomalies et les flash-krach.
18:08 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, International, Planète, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bourses, etats-unis, marchés financiers, trading à haute fréquence, finance internationale | |
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