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21/10/2022

VOITURE ELECTRIQUE : MIRAGE OU REALITE ?

Voiture electrique.jpg

"Deux millions de véhicules électriques produits en France en 2030." Emmanuel Macron a rappelé cet objectif, lundi 17 octobre, en se rendant au Mondial de l'automobile de Paris. Bonus, bouclier tarifaire… Le président de la République avait également annoncé une batterie de mesures en faveur des voitures électriques la veille. Le but, selon le chef de l'Etat, est de "tenir l'objectif pour le climat, pour la réindustrialisation du pays, et pour notre souveraineté". Pourtant, d'un point de vue environnemental, la voiture électrique n'est pas si vertueuse. Franceinfo détaille pourquoi la seule "transition vers l'électrique" de la voiture thermique n'offre pas une solution durable pour dépolluer nos déplacements.

Parce que la voiture électrique n'est pas totalement "propre"

Comme l'a déjà expliqué franceinfo, une voiture électrique pollue. En sortie d'usine, avant même d'avoir roulé, elle présente une empreinte environnementale supérieure à celle d'un véhicule thermique de taille équivalente, résume Bertrand-Olivier Ducreux, ingénieur transport et mobilité à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

"Cette empreinte environnementale est beaucoup plus élevée pour la voiture électrique, principalement en raison de sa batterie."

Bertrand-OIivier Ducreux, ingénieur transport et mobilité à l'Ademe

à franceinfo

Cobalt, nickel, manganèse, lithium... Les batteries des voitures électriques nécessitent des métaux dont l'extraction est particulièrement polluante. La voiture électrique démarre donc avec un net retard environnemental sur son homologue thermique. Ce décalage n'est comblé qu'après 40 000 à 50 000 km de route, selon les estimations de l'Ademe. Ce rattrapage survient "à condition d'avoir un mix électrique à la française", c'est-à-dire avec une part importante d'électricité peu émettrice en gaz à effet de serre, comme le nucléaire, précise Bertrand-Olivier Ducreux.

Toutefois, sur l'ensemble de sa durée de vie, une voiture électrique roulant en France a un impact carbone deux à trois fois inférieur à celui d'un modèle similaire thermique. Mais un nouveau bémol reste à souligner : cette estimation ne vaut que pour les batteries de moins de 60 kWh, soit l'équivalent d'une Peugeot e208 ou une Renault Mégane au maximum, avec des autonomies d'environ 400 km.

Parce qu'elle est trop gourmande en matières premières rares

Prenons l'exemple d'une batterie de Renault Zoé. Pour la produire, il faut 7 kilos de lithium, 11 kilos de manganèse, 11 kilos de cobalt et 34 kilos de nickel. Le total représente environ 63 kilos de métaux, illustrait "Complément d'enquête", sur France 2, en 2020.

Ces matières premières se trouvent en quantité limitée sur notre planète. Julien Pillot, économiste, anticipe des "conflits d'usage" car les mêmes ressources sont nécessaires pour les éoliennes et le photovoltaïque. En outre, le risque est de remplacer une dépendance aux pays exportateurs de pétrole par une dépendance aux pays extracteurs de métaux rares, comme la Chine.

Pour ses câbles et rotors, un véhicule électrique nécessite aussi une quantité de cuivre bien plus importante qu'un véhicule thermique. Pour Marco Daturi, professeur et chercheur au laboratoire catalyse et spectrochimie de l'université de Caen, c'est une impasse.

"Au rythme actuel d'extraction, dans vingt ans, nous aurons consommé presque tout le stock de cuivre disponible sur Terre."

Marco Daturi, chercheur au laboratoire catalyse et spectrochimie de l'université de Caen à franceinfo

Cela signifie selon lui qu'"il est impossible de remplacer le parc automobile thermique exclusivement par des voitures électriques" et que nous ne pourrons le faire que sur un "pourcentage relativement faible".

Parce que l'intérêt écologique de l'électrique ne vaut que pour les voitures légères

"L'impact carbone d'un véhicule électrique augmente quasiment proportionnellement à son poids, lui-même fortement impacté par la capacité de stockage de sa batterie", écrit l'Ademe dans un avis publié le 10 octobre. L'Agence encourage les automobilistes à "choisir une voiture avec une batterie juste adaptée à l'usage majoritaire" et à opter pour "un modèle de véhicule le plus petit et léger possible".

Des critiques ont donc logiquement émergé lorsque Renault a dévoilé, lundi, un SUV trapu en guise de nouveau modèle électrique de la mythique 4L. "C'est un non-sens de faire un SUV électrique", juge Marco Daturi.

"En France, environ 40% des véhicules sont des SUV. Il faut absolument rééquilibrer ça, aller vers des véhicules nettement plus légers."

Pierre Leflaive, responsable transports au sein du Réseau action climat à franceinfo

Malgré cette nouveauté de la marque au losange à rebrousse-poil des recommandations de l'Ademe, Bertrand-Olivier Ducreux décèle des signaux positifs. "Jusqu'à l'année dernière, la voiture électrique la plus vendue en France était la Tesla Model 3, une voiture très haut de gamme, qui coûte très cher". Selon lui, "beaucoup de personnes avaient un a priori élitiste sur la voiture électrique". Ce regard tend à changer. Sur les huit premiers mois de l'année 2022, les cinq voitures électriques les plus vendues en France sont la Peugeot e208, la Fiat 500e, la Dacia Spring, la Renault Zoé et la Renault Twingo E-TECH. Il relève qu'il s'agit globalement de voitures qui ne sont pas des SUV, qui coûtent moins de 30 000 euros avant les aides publiques, et pèsent entre 1 200 et 1 250 kilos à vide. "Ces voitures ont trouvé leur marché et montrent une réalité industrielle", commente l'ingénieur.

Parce que la voiture électrique n'est vertueuse que sur de courtes distances

A les écouter, des responsables politiques ou des dirigeants de constructeur automobile considèrent la "transition vers l'électrique" comme le remplacement de la voiture thermique par la voiture électrique. "Nous aurons bientôt des voitures qui vont dépasser les 600 km d'autonomie", a déclaré mardi sur franceinfo Carlos Tavares, PDG de Stellantis. Et d'ajouter : "Tant que les consommateurs veulent acheter de l'autonomie, ma mission, c'est [d'y] répondre."

"Si on remplace un véhicule thermique par un véhicule électrique, on ne parvient pas à nos objectifs climatiques", remarque Pierre Leflaive, du Réseau action climat.

"La simple substitution du thermique par l'électrique n'est pas satisfaisante."Bertrand-Olivier Ducreux à franceinfo

L'Ademe, insiste l'ingénieur, met en avant la petite voiture électrique, "un outil efficace et pertinent", pour les déplacements quotidiens dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres. "Jusqu'à un passé récent, le véhicule thermique était le couteau-suisse de la mobilité, il pouvait tout faire. Nous ne pouvons pas rester dans ce modèle", estime Bertrand-Olivier Ducreux. Il appelle à une "rupture de comportement" par rapport à une période où "nous choisissions en partie notre véhicule pour les quelques déplacements de l'année les plus contraignants" : partir en vacances à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile, avec de nombreux bagages, un ou plusieurs enfants, et parfois des vélos sur le toit.

Pour ces longs trajets, il conçoit la voiture électrique comme un maillon de la chaîne. Au lieu d'effectuer tout le trajet en voiture, il s'agirait par exemple de prendre un bus ou un car pour rejoindre une gare. De là, éventuellement, des transports en commun permettraient de prendre un train de grande ligne. Une fois sur place, la location d'une voiture électrique permettrait de se rendre sur son lieu de vacances et de circuler dans un rayon de 40-50 km.

Parce que c'est la place de la voiture (électrique ou non) qui doit être revue

La voiture électrique n'est qu'une "brique parmi une offre de services de mobilité plus large et diversifiée", écrit l'Ademe. Cette projection se heurte à l'aménagement du territoire, qui a privilégié les routes et l'automobile, laissant le réseau ferroviaire s'éroder. Résultat : la voiture personnelle constitue l'un des modes de transport principaux au quotidien pour 72% des Français, alors que la moitié des trajets font moins de 5 km, rapporte l'Ademe.

"En raison de choix de société, de choix politiques, une part de la population doit utiliser une voiture. Nous ne pouvons pas les culpabiliser."Marco Daturi à franceinfo

Comme l'Ademe, le chercheur en chimie plaide non pas pour une unique solution, mais pour "des solutions qui seront insérées dans le tissu du territoire". Le projet est aussi ambitieux que délicat. "Remettre en cause le tout voiture dans la société, investir massivement dans le ferroviaire, à longue distance, mais également à courte distance, réduire les distances entre le domicile et le travail, réduire l'étalement urbain... C'est une trajectoire plus difficile sur le plan politique que tout miser sur la voiture électrique", analyse Julien Pillot, économiste, chercheur de l'Inseec, associé au CNRS.

>> INFOGRAPHIES. Transports : l'aménagement du territoire est-il le moteur de l'utilisation de la voiture ?

Ce profond changement est pourtant nécessaire, juge Pierre Leflaive. Il rappelle que 13 millions de personnes en France sont en "situation de précarité mobilité", c'est-à-dire sans accès à un mode de transport individuel ou collectif, selon la Fondation pour la nature et l'homme. Pour le responsable Transports du Réseau action climat, réduire le parc automobile ne signifie pas réduire les déplacements. D'après lui, il s'agit d'offrir davantage de possibilités aux personnes qui en ont besoin. Dans cette vision, "le ferroviaire va être le fer de lance de la transition du secteur des transports et cela signifie investir massivement", relève-t-il.

"L'enjeu, ce n'est pas de moins bien se déplacer. Au contraire, c'est de mieux s'adapter à nos besoins, et à la fin d'avoir une meilleure mobilité pour tous."Pierre Leflaive à franceinfo

Encore faut-il, concède Pierre Leflaive, améliorer la qualité des alternatives : leur ponctualité, leur régularité, leur prix mais également leur confort. D'après le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, une enveloppe de 100 milliards d'euros sur quinze ans est nécessaire pour doubler la part du train dans les déplacements. Elle engloberait les investissements de remise à niveau du réseau vieillissant, le développement de RER et de nouvelles lignes à grande vitesse. Réponse de Clément Beaune, le ministre des Transports : "Je veux vraiment que si on dégage des moyens budgétaires – et on en dégagera –, on les mette en priorité sur ces transports du travail, du quotidien le plus souvent, et sur le réseau." L'électrification du parc automobile et la revitalisation du train pourraient faire dérailler les comptes publics. Le défi pour l'Etat sera de tenir la charge.

17:06 Publié dans Actualités, Economie, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voiture électrique | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

14/10/2022

Conjuguer sciences, travail et environnement

Amar Bellal Rédacteur en chef de Progressistes

Energie.jpgIl existe une autre conception du rassemblement que celle qui prétend le décréter par « le haut » uniquement : celle qui consiste à rassembler par les contenus, par ce que vivent les travailleurs de la science et des entreprises, par le réel, le défi du climat, du développement industriel, de la recherche.

Ainsi, lors de la Fête de l’Humanité, il y a un événement politique, le rassemblement de personnalités du monde scientifique, du monde du travail et de la défense de l’écologie, qui a lieu lors de la soirée repas de la revue Progressistes du jeudi soir.

C’est tout le défi du camp du progrès social que de réussir à articuler ces enjeux : celui du monde du travail, de l’emploi, de l’industrie, d’une part, celui du développement des avancées scientifiques et techniques, d’autre part, ainsi que celui des grandes questions environnementales et en premier lieu le défi climatique. Or, aujourd’hui, tout est fait pour les opposer.

On oppose le monde du travail, la production de richesses à l’environnement : la fameuse usine qui pollue mais sans laquelle nous devrions importer des produits du bout du monde. On oppose le progrès scientifique et technique aux emplois : la robotisation qui mettrait au chômage les salariés. On oppose la science à l’environnement en désignant des découvertes ou de possibles nouvelles technologies qui menaceraient l’environnement.

S’il est si facile d’opposer science, travail et environnement, c’est parce que tout est piloté par le capital au service des actionnaires, sans que les citoyens, les salariés aient vraiment leur mot à dire, sans qu’on mette en débat la finalité de la recherche scientifique. Alors que, au contraire, il faut articuler et conjuguer ces trois grands sujets. Cela implique que les salariés aient plus de pouvoir lors des prises de décisions stratégiques dans les entreprises, dans les instituts de recherche.

Cela demande de financer, à partir d’autres critères, notamment sociaux et environnementaux, le développement économique. Si on ne fait pas ce travail d’articulation, les discours de la gauche prioriseront la décroissance, la peur, la culpabilisation des gens et la dénonciation du progrès scientifique et technique.

Il se trouve que le PCF, parti historiquement attaché à ces enjeux, doit tenir prochainement son congrès : si ce grand moment d’intelligence collective permettait de faire émerger ne serait-ce que cette idée, ce serait déjà un énorme appui pour le monde du travail !

Reconstruire la gauche passe par le refus du populisme, quelle que soit sa forme, comme le populisme scientifique. Quand la gauche s’aventure dans le populisme, à la fin, le gagnant, c’est toujours l’extrême droite : il suffit de voir les ravages du populisme sanitaire aux Antilles, qui porte la gauche très haut au premier tour des dernières présidentielles, mais cela finit par un vote massif pour Le Pen au deuxième tour.

Évoquons aussi le populisme climatique, qui met en avant par exemple l’idée que 67 milliardaires émettraient autant de CO2 que 30 millions de Français en sous-entendant ainsi que cela solutionnerait 50 % du problème. C’est absolument faux. Le chiffre est farfelu. En réalité, leurs émissions propres correspondent à celles d’environ 100 000 Français, ce qui est déjà scandaleux. L’exagération vient du fait qu’on a tenu compte de toutes les productions industrielles qu’ils possèdent, productions que nous consommons tels l’acier et le ciment de nos logements, le pétrole brûlé dans nos voitures, etc.

C’est donc une présentation biaisée du problème. Dénoncer le train de vie des milliardaires – et il faut le faire, il faut légiférer – ne suffit donc pas pour ­résoudre la crise du climat… En effet, au-delà du symbole, on ne parle ici que de 0,1 % du problème.

La démagogie dans ce domaine provoque des ­dégâts durables : on se décrédibilise auprès des scientifiques et spécialistes qui connaissent le sujet, d’une part ; d’autre part, on prend du retard dans la bataille politique en se berçant d’illusions avec une solution toute trouvée.

Pour se relever, la gauche doit travailler à articuler science, travail et environnement, ce qui suppose de refuser toutes les formes de populisme.

Publié dans l'Humanité

27/01/2022

VACCINS : FABIEN ROUSSEL A T-IL RAISON ?

Fabien Roussel masques.jpg

Récemment, le candidat à l’élection présidentielle Fabien Roussel affirmait que les vaccins contre la Covid pouvaient être produits massivement dans les pays du Sud, que les capacités et les usines existaient bel et bien, ajoutant qu’il était urgent de lever les brevets pour lutter efficacement contre la pandémie. Vrai ou faux ? Y aurait-il vraiment un obstacle insurmontable à leur production en masse dans le Sud autre que politique comme l’affirme le candidat communiste ? Décryptage.

Par Irene Perrin Toinin pour Progressiste

La réponse à cette question est à peut-être à chercher du côté de l’organisme Human Rights Watch qui a mis en évidence dans un article paru sur son site internet en décembre 2021 que 100 entreprises, dans près d’une quinzaine de pays en Asie, Afrique et Amérique du Sud,  ont la possibilité aujourd’hui de produire leurs propres vaccins à technologie ARN messager[1].

Comme l’indique la communauté scientifique, la sortie de la pandémie passe par la vaccination massive de l’ensemble de la population mondiale. Or : Les prévisions de production mondiale de vaccins laissant entendre qu’il y aura bientôt assez de vaccins contre le Covid pour toute la population du monde sont trompeuses, dénonce Aruna Kashyap, directrice adjointe de la division entreprises et droits humains de l’ONG Human Rights Watch. Tandis que le virus mute, les États-Unis et l’Allemagne ne devraient pas laisser les laboratoires dicter où et comment des vaccins doivent être acheminés dans la majeure partie du monde. [2]

Le développement fulgurant du variant OMICRON a bien démontré toute l’utilité sanitaire de la vaccination massive des populations. Ce sont les pays pauvres d’Afrique et d’Asie qui n’ont pas accès aux vaccins. Ainsi, tandis que le taux de vaccination actuel approche des 80% dans les pays européens, il est seulement d’environ 35% au Bangladesh, 4% en Ouganda, autour de 30% en Afrique du Sud. Outre l’injustice criante que cela représente, il s’agit par ailleurs d’un enjeu sanitaire pour sortir de cette pandémie qui accable le monde depuis 2 ans. D’autant plus que les États sont capables de produire ces vaccins dont les brevets appartiennent à des firmes pharmaceutiques. Rappelons-nous de l’interpellation de l’Inde et de l’Afrique du Sud faite à l’Organisation Mondiale du Commerce dès fin 2020 pour demander une levée des brevets nationaux sur les vaccins anti-Covid-19. L’Afrique du Sud a d’ailleurs récemment pris les devants face à l’attente de la levée des brevets. Le 19 janvier 2022[3], le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le milliardaire américano-sud-africain Patrick Soon-Shiong, ont inauguré la première usine de fabrication de vaccins sur le continent au Cap. Si le grand pays africain pourra « se débrouiller seuls(…) libérés des chaînes du colonialisme » comme l’affirmait son président, il restera dans ce cadre dépendant du capital et du marché néo-libéral. La levée des brevets sur les vaccins anti-covid reste pour autant une nécessité.

À ce titre, l’initiative en France du candidat PCF aux élections présidentielles et député du Nord, Fabien Roussel peut donc être légitimement saluée : avec les membres et élus du PCF, il réclame en effet depuis un an cette levée des brevets sur les vaccins. Donc, Fabien Roussel dit vrai sur la nécessaire internationalisation de la production des vaccins.

Il affirmait aussi sous la plume du journal l’Humanité du 2 décembre lors d’une rencontre de l’association des journalistes parlementaires organisée le 1er décembre 2021 : « [Lever les brevets,] c’est permettre que la formule de ces vaccins soit connue de tous, que tous les scientifiques puissent échanger, que tous les pays qui le veulent puissent les produire. Cela permettra de créer de la transparence, de la confiance en ces vaccins qui manque aujourd’hui pour que tout le monde aille se faire vacciner », a-t-il assuré ajoutant que « plus de 100 pays demandent la levée des brevets et des transferts de technologie ».

Cette levée de la propriété intellectuelle sur les traitements avait déjà été réalisée dans le cadre de l’épidémie du VIH. En juillet 2011, le laboratoire pharmaceutique américain Gilead avait renoncé à ses brevets sur 4 molécules aux bénéfices de quelques pays. Ainsi, par exemple, les fabricants indiens de génériques ont pu produire des copies de traitements anti-VIH de Gilead, donnant accès à des populations de pays pauvres aux mêmes avancées dans le domaine de la recherche médicale contre le Sida que les populations des pays riches. Cela restait toutefois assez limité. En 2017[4], un jugement européen a déclaré illégal la prolongation du brevet de Gilead sur le Truvada, un des médicaments le plus utilisé contre le sida. La fin du monopole de la firme américaine permettait le développement des génériques du Truvada en Europe.

Ainsi, la problématique est la même pour l’épidémie de Covid-19 : celle du monopole de firmes pharmaceutiques sur les traitements et les vaccins à des fins mercantiles de profits immédiats au mépris des vies humaines.

Lors de la fête de l’Humanité qui s’est tenue en septembre 2021, Jérôme Martin, co-fondateur de l’observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, était invité au débat sur la levée des brevets à l’Agora de l’Humanité. Il affirmait alors que le médicament ne peut être une marchandise : « On ne sait pas combien les industriels ont reçu d’aides publiques pour pouvoir développer les vaccins contre le covid-19 »

L’industrie pharmaceutique en a bien reçu des milliards. Les laboratoires pharmaceutiques comme Pfizer ou Moderna font des bénéfices sur le dos de la crise sanitaire, alors qu’ils ont démarché des sous-traitants pour la production du vaccin et son flaconnage. Oxfam a calculé que Pfizer, Johnson & Johnson et AstraZeneca ont versé 26 milliards de dollars à leurs actionnaires au cours des 12 derniers mois.[5] Avec les droits exclusifs d’exploitation liés à la propriété intellectuelle, 100 pays sont aujourd’hui bloqués par les monopoles pharmaceutiques pour la production des vaccins.

Cet égoïsme monopolistique est d’autant plus dramatique qu’il alimente la méfiance d’une partie de la population à l’égard de la vaccination. Or, la communauté scientifique a prouvé qu’un faible taux de vaccination engendre un taux de malades et de mortalité importants des suites de cette maladie. La région de la Caraïbe est particulièrement exemplaire en ce sens. Alors que les populations des Antilles françaises connaissent une méfiance accrue à l’égard de la vaccination, donnant lieu une flambée épidémique aux conséquences désastreuses à partir du mois de juillet 2021[6], plus au Nord, Cuba a su développer ses propres vaccins et enrayer le développement de la crise sanitaire sur son territoire[7]. Il s’agit des résultats de politiques en faveur de la santé publique mises en œuvre depuis des décennies[8]. Ayons en mémoire que, dès 2020, des médecins cubains sont envoyés par leur pays afin de porter assistance aux systèmes de santé étrangers, allant même jusqu’à assister des pays riches (Italie notamment). À l’heure actuelle, Cuba connaît un taux de vaccination de 93% selon les données disponibles (ourworldindata.org).

Lors du rassemblement du PCF du 3 février 2021, Fabien Roussel affirmait : « nous demandons que la découverte de ces vaccins tombe dans le domaine public, afin que ces vaccins puissent être produits librement »[9]. Presqu’un an plus tard, il déclare, interviewé par la chaîne Réunion la 1ère en décembre 2021 : « Le meilleur moyen de lutter contre l’apparition des variants, l’OMS le dit, c’est que tous les pays aient accès aux vaccins. Or, il y a une injustice […]. Si je suis élu, je demanderai immédiatement la levée des brevets. »[10] .

Les membres du comité de rédaction de la revue Progressistes ne peuvent qu’approuver ces prises de position d’utilité publique et provenant du PCF et de son candidat aux élections présidentielles.

Irène Perrin Toinin, le 19/01/2022


[1]https://www.hrw.org/fr/news/2021/12/15/covid-19-des-exper...

[2]N’en déplaise à Big Pharma, les vaccins à ARN messager peuvent être produits partout dans le monde | L’Humanité (humanite.fr)

[3]https://afrique.tv5monde.com/information/afrique-du-sud-p...

[4]https://www.aides.org/communique/generique-de-fin-pour-le...

[5]Levée des brevets : démêler le vrai du faux (oxfamfrance.org)

19:29 Publié dans Connaissances, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fabien roussel, covid, masques | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

09/10/2021

Nucléaire : le festival Jadot

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Lors du débat entre Yannick Jadot et Sandrine Rousseau, les deux candidats écologistes ont réaffirmé leur détestation de l’électro-nucléaire. Soit. Mais au prix d’un festival de désinformations. Listons en quelques unes.

« Cela fait 30 ans que l’on aurait pu débattre sur le nucléaire. Il y a une communication de l’Etat et d’EDF qui a tué le débat ». Yannick Jadot.

Le propos de Yannick Jadot est pour le moins stupéfiant. Depuis le choix nucléaire de 1974, confirmé en 1981 sous Mitterrand, ce sujet s’est toujours taillé une place de premier plan dans la vie publique. Des milliers d’articles de presse, de tracts, des manifestations (contre en général), des prises de positions à chaque élection nationale… c’est le sujet énergétique qui a le plus mobilisé le débat public. Et depuis bien plus que 30 ans, si l’on se souvient des vifs débats des années 1974-1980. Mais peut-être que Yannick Jadot est-il trop jeune pour se souvenir des manifestations contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff en Bretagne à la fin des années 1970

Quant à la communication de l’Etat et d’EDF qui aurait « tué le débat », on ne peut qu’ironiser sur son inefficacité en observant ce résultat d’enquête sociologique montrant que la majorité des Français ignorent que le nucléaire est, en France tout au moins, l’électricité la moins carbonée possible : 6 grammes par kWh produit et qu’une majorité d’entre eux – écrasante dans deux cas : les jeunes et les personnes opposées à l’usage du nucléaire pour l’électricité – croient que les centrales nucléaires émettent beaucoup de gaz à effet de serre.

Cette enquête IPSOS montre que 44% des Français opinaient, en 2017, que les centrales nucléaires émettent « beaucoup » de gaz à effet de serre. Ce pourcentage monte à 63% chez les 18/24 ans et à 75% chez les personnes tout à fait « contre » l’usage du nucléaire pour l’électricité.

« Les déchets, après 50 ans de nucléaire, on ne sait toujours pas quoi en faire ». Yannick Jadot.

Yannick Jadot est certes député européen, mais cela ne devrait pas l’empêcher de se renseigner sur les lois françaises. En 2006, le Parlement a voté une loi qui retient la solution de l’enfouissement géologique profond pour les déchets nucléaires de Haute activité et à vie longue (HAVL) et ceux dit de Moyenne activité et à vie longue (MAVL) qui concentrent plus de 99% de la radioactivité issue des centrales nucléaires. En 2016, le Parlement a voté une nouvelle loi qui précise cette solution, sous la forme du projet CIGEO, prévu dans la couche géologique d’argilite, à 500 mètres de profondeur, près du laboratoire souterrain exploité par l’ANDRA depuis 2005 à la frontière de la Haute Marne et de la Meuse. Cette nouvelle loi décrit les modalités de création de cette installation et en prévoit la réversibilité jusqu’à la fin du processus d’enfouissement des déchets actuels et futurs des réacteurs existants (EPR de Flamanville compris). L’ignorance de Yannick Jadot d’un projet aussi important pour la sécurité des populations ne plaide pas en faveur de sa capacité à exercer la haute responsabilité à laquelle il prétend.

« On sait à peine démanteler une centrale nucléaire ». Yannick Jadot.

Les équipes d’EDF qui sont en train de démanteler la centrale nucléaire de Chooz-A  en toute sécurité et en respectant les coût et délais prévus apprécieront ce dénigrement de leurs compétences professionnelle. Neuf centrales nucléaires sont en cours de démantèlement en France.

Sinon, on peut suggérer à Yannick Jadot de méditer sur ces photos avant/après de la centrale nucléaire de Maine Yankee, tout à fait similaire à celles d’EDF.  En haut, la centrale nucléaire en exploitation. En bas le même site, où l’on voit qu’il ne reste absolument plus rien de la centrale, on peut y faire paître un troupeau de vaches.

La centrale nucléaire de Maine Yankee
L’emplacement de la centrale nucléaire de Maine Yankee dans son état actuel : le retour à l’herbe.

« Aujourd’hui, vous avez des énergies renouvelables qui sont deux fois moins chères que le nucléaire ». Yannick Jadot.

C’est presque vrai… sauf que cela ne l’est que pour l’électricité produite par les barrages hydrauliques et comme personne n’imagine qu’on va noyer de nouvelles vallées pour en construire en France, ce n’est pas de cela que parle Yannick Jadot. Mais c’est faux pour ce qui concerne l’électricité nucléaire produite en France comparée à l’électricité éolienne et encore plus photovoltaïque. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles sont massivement subventionnée (environ 120 milliards d’euros pour les contrats signés avant décembre 2016 selon la Cour des Comptes et on ne peut que conseiller à un candidat à la Présidence de la république de lire les rapports de la Cour des Comptes ou du moins de se le faire résumer, comme ici par votre serviteur)  L’ordre de grandeur des subventions à l’éolien et au photovoltaïque est de 6 milliards d’euros par an actuellement, pour une production électrique intermittente et très limitée. Pour une étude récente du coût de production de l’électricité nucléaire, lire ici.  Par ailleurs, les partisans des ENRI se contentent des coûts de fabrication et d’installation des éoliennes et panneaux solaires, en oubliant (volontairement) que ce qu’il faut compter c’est le coût du système électrique, or pallier l’intermittence des énergies renouvelables éoliennes et solaires présente un coût qui croît au fur et à mesure de l’augmentation de leur part dans le mix électrique.

« L’EPR en chine, ils ont été obligés de le fermer parce qu’il fonctionne mal ». Jannick Jadot

Il y a 2 réacteurs EPR en fonctionnement en Chine. L’un d’entre eux a battu dès sa première année pleine de fonctionnement le record du monde de production d’électricité par un réacteur nucléaire sur 12 mois. Il est a l’arrêt actuellement pour étudier pourquoi quelques un de ses crayons de combustibles (sur plus de 40 000) présentent une légère fuite de gaz radioactifs sans conséquence pour l’environnement. Un problème classique sur les réacteurs nucléaires. Le second fonctionne.

Soyons honnête, sa compétitrice Sandrine Rousseau en a fait des tonnes elle aussi. Mais pour ne pas être trop long, en voici deux exemples seulement.

« Il y a des études de l’Ademe, RTE, Negawatt. Toutes disent que l’on peut sortir du nucléaire, et avoir un mix énergétique complètement renouvelable»  Sandrine Rousseau . 

Les études de l’Ademe (ici une analyse critique) et de RTE ne portent pas sur le mix énergétique mais sur le mix électrique uniquement. Elles montrent surtout que l’hypothèse de commande de ces études – un choix a priori 100% renouvelable – montre que la sécurité d’approvisionnement n’est pas assurée, notamment avec la perspective de l’électrification des transports. Le rapport de RTE liste quatre conditions à réunir pour qu’un très fort pourcentage d’ENRI (le I de Intermittent) ne soit pas incompatible avec la qualité et la quantité d’électricité nécessaires :  la compensation de la variabilité des ENR, le maintien de la stabilité du réseau, la reconstitution des réserves et des marges d’approvisionnement, une évolution importante du réseau. Ces quatre conditions n’existent pour l’instant nulle part ensemble pour un pays de la taille de la France. Les technologies qui permettraient d’accéder aux conditions 1, 2 et 3 n’ont pas été démontrées à cette échelle pour le cas français. Quant à leur coûts, ils ne sont pas estimés par le rapport, mais seraient évidemment élevés. Comme le précise le Président de RTE Xavier Piechaczyk : «Pour se diriger vers un mix à très fortes parts d’ENR variables, bien qu’il n’y ait aucune barrière technique infranchissable a priori, il faut regarder les faits scientifiques, techniques et industriels : il reste beaucoup de sujets à résoudre

Sur les coûts, le rapport de RTE est presque muet. Il précise dans son introduction que «l‘évaluation économique de ces différentes conditions dépasse le cadre de ce rapport.» La seule indication donnée par le rapport sur l’évaluation de ces coûts devrait donner des boutons aux militants du solaire et de l’éolien, car elle démolit leur argument comptable favori : le LCOE. Autrement dit (c’est un acronyme en anglais) le coût moyen de l’électricité par technologie. Voyez comme le coût de fabrication des éoliennes et surtout des panneaux solaires s’écroulent !, s’enthousiasment-ils. Or, avertit le rapport, le LCOE n’est pas capable de  compter «l’ensemble des coûts associés à une part élevée d’ENR, dont ceux liés au stockage, à la flexibilité de la demande et au développement des réseaux. L’analyse montre que ce type de coûts pourrait être important après 2035». Pourquoi 2035 ? Parce que cette date correspond à un objectif de 40% d’ENR dans le mix électrique. Une manière de souligner que les vrais gros problèmes commencent là.

« Le coût estimé du grand carénage est de 100 milliards d’euros. Cela veut dire que ce cout se répercutera sur le prix de l’électricité ». Sandrine Rousseau.

Un chiffre sorti de nulle part, voire de l’imagination de la candidate à la primaire écologiste.  Le vrai coût est de 49,4 Mds d’euros courants sur la période 2014-2025, donc une bonne partie est déjà dépensée et les travaux effectués. L’impact du grand carénage sur le prix de l’électricité est de quelques euros par MWh. Mais, sur ce sujet, le pompon a été décroché par Jean-Luc Mélenchon qui a hissé ce coût imaginaire à 150 milliards.

Sylvestre Huet, le Monde

10:10 Publié dans Actualités, Cactus, Economie, Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jadot, écologie, nucléaire | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!