24/04/2020
Non, Monsieur le gouverneur de la Banque de France, la dette du Covid-19 ne sera jamais remboursé
André Chassaigne, député PCF, Président du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine
L’endettement public engendré par le plan d’urgence contre l’épidémie oblige à sortir des dogmes monétaires. Pourquoi pas financer directement par la BCE les Etats et dans la foulée annuler d’une partie de la dette existante ?
Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ancien directeur général adjoint de BNP Paribas, annonçait qu’il faudrait, dans la durée, rembourser la dette publique contractée pour faire face à la crise du coronavirus.
A l’en croire, l’orthodoxie budgétaire doit demeurer la règle, quoi qu’il en coûte à nos concitoyens.
En faisant le choix d’un endettement massif pour faire face à la crise, le gouvernement a pourtant délibérément rompu avec le dogme budgétaire qui faisait dire au chef de l’Etat, il y a encore quelques mois, qu’il ne disposait pasd’« argent magique » pour sauver l’hôpital et financer notre système de santé.
Du haut des fonctions qu’il occupe, le gouverneur de la Banque de France n’ignore évidemment pas que la dette publique, et a fortiori celle accumulée durant la crise actuelle, ne sera jamais remboursée
Le gouvernement s’est donc en dernier ressort rangé, de manière pragmatique, derrière un principe simple : Il est rationnel de s’endetter quand il y a urgence économique, sociale ou environnementale, d’autant plus quand les taux d’intérêt sont faibles
Cette crise fera sans doute passer le niveau de notre dette publique à 115%, 120% du PIB, voire davantage. Du haut des fonctions qu’il occupe, le gouverneur de la Banque de France n’ignore évidemment pas que la dette publique, et a fortiori celle accumulée durant la crise actuelle, ne sera jamais remboursée. L’histoire économique a montré que jamais un pays n’a remboursé sa dette et que l’intérêt général commande de ne pas compromettre l’avenir dans des politiques de restrictions budgétaires.
"Monde d'après"
Les déclarations du Gouverneur n’ont au fond pour but que de nous faire entendre la petite musique habituelle, cet air de pipeau que joue studieusement le secteur bancaire depuis des années, afin de faire accroire aux peuples qu’ils doivent en bon « père de famille » assumer de se serrer toujours plus la ceinture.
A l’heure où fleurissent les attentes et les promesses d’un monde d’après plus juste et solidaire, les serviteurs zélés du système économique préparent l’appel à verser “de la sueur, du sang et des larmes”.
Pourtant, nous savons qu’à l’issue de la crise actuelle les besoins de financement public seront plus importants que jamais, que l’Etat aura un rôle central à jouer dans la relance économique, le redressement de notre système de santé, la réussite de la transition écologique.
Pour éviter l’écueil d’une nouvelle cure d’austérité, injuste et mortifère, deux solutions majeures sont sur la table : la première, la monétisation de la dépense publique, et la seconde, le financement direct des Etats couplé à l’annulation d’une partie de la dette existante. Ces alternatives, nécessitent de faire preuve de réalisme et de volonté politique. Mais elles sont parfaitement viables et doivent être inscrites à l’ordre du jour des discussions avec nos partenaires européens.
monétiser les dépenses d’investissement des Etats
La première est certainement la plus novatrice et la plus radicale : elle consiste à monétiser les dépenses d’investissement des Etats, afin que celles-ci ne pèsent plus sur la dette publique. Les Etats pourraient alors mener des politiques d’investissement ambitieuses, financées directement par la BCE, sans avoir à rembourser ces sommes dans le futur. Un tel changement marquerait une évolution de doctrine majeure mais nécessaire.
La seconde option pourrait constituer une première étape ambitieuse. Aujourd’hui, la BCE rachète aux banques des titres de dette publique, qu’elles avaient elles-mêmes achetés aux Etats. Dès lors, pourquoi ne pas l’autoriser à consentir des prêts de long terme directement aux Etats pour leur permettre d’investir massivement dans la transition écologique, la santé ou la recherche ? Certes, ce financement direct accroîtra le niveau de dette, ce qui pourrait poser un problème de soutenabilité. Il faudra alors que la BCE annule une partie de la dette des Etats qu’elle détient. Une telle solution n’a rien d’extravagant : l’Allemagne en 1953, l’Irak en 2005 ou encore l’Argentine en 2006 sont autant de pays qui ont vu une partie de leur dette publique annulée par leurs créanciers. Il suffira pour cela que la BCE compense ses pertes par de la création monétaire dont elle détient le monopole.
Bâtir le monde d’après, dans une perspective écologique, sociale et solidaire, impose de ne pas reproduire les erreurs de 2008 et de nous détourner des potions amères que préconise le gouverneur de la Banque de France. Il est temps d’abandonner le dogme de l’austérité à « la critique rongeuse des souris » et d’ouvrir la voie à une transformation radicale de notre système monétaire et économique.
19:21 Publié dans Cactus, Economie, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré chassaigne, dette, coronavirus | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
27/01/2020
Ils n’ont pas honte !. Soit la réforme, soit une épidémie ?
Tout est décidément permis chez les macronistes pour promouvoir la réforme des retraites. Y compris le recours aux pires arguments. Il serait ainsi strictement impossible de financer la retraite à 60 ans à taux plein et de rejeter le projet gouvernemental, à moins d ’« espérer un coronavirus qui viendrait atteindre les plus de 70 ans », a osé déclarer le député LaREM Dominique Da Silva, sur BFM TV.
En avançant cette idée vaseuse, celui qui fait partie des « ambassadeurs » de la réforme cherche à frapper l’imagination des Français pour les empêcher de réfléchir. Il leur assène qu’il n’y a aucune alternative au projet d’Emmanuel Macron : si le pays n’adopte pas cette réforme, seule une épidémie décimant nos aînés nous sauvera. Seule issue à ses yeux : repousser toujours plus l’âge de départ à la retraite de génération en génération, ce qui revient à… épuiser et envoyer plus vite dans la tombe les personnes âgées qui continueront à travailler plus longtemps.
C’est en réalité la réforme du gouvernement elle-même qui menace l’espérance de vie des Français. Tout comme ce sont ses choix politiques qui empêchent la retraite à 60 ans à taux plein. Après tout, le système actuel n’est pas menacé de déséquilibre, et peut-être largement amélioré. Comment ? Près de 130 milliards d’euros composent actuellement le Fonds de réserve pour les retraites. La Caisse d’amortissement de la dette sociale doit prochainement rapporter 24 milliards par an. Moduler les cotisations sociales comme le propose le PCF permettrait de rassembler 70 à 90 milliards en cinq ans.
Enfin, créer des emplois, lutter contre le chômage, augmenter les salaires dont celui des femmes, plutôt que de dilapider plus de 100 milliards d’euros comme cela a été fait avec le Cice, permettrait d’alimenter les caisses de retraite. Un peu mieux qu’une épidémie comme solution non ?
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09/12/2019
OPA sur Latécoère : un nouveau cas d’école d’absence d’Etat stratège
Sources : *Francis VELAIN est Ingénieur et contributeur de la revue Progressistes.
Latécoère, un nom, une entreprise qui sent bon la grande aventure aéronautique et humaine de notre pays : ses hydravions, son aéropostale, ses Mermoz. Depuis, l’entreprise n’a cessé d’évoluer. Moins visible du grand public qu’hier, elle reste une grande entreprise d’aéronautique, sous-traitante de premier rang d’Airbus.
Elle suit aujourd’hui le chemin dicté par ce maitre d’œuvre. Devenir une référence en se développant par elle-même. « Nous devons être compétitifs sur nos marchés pour gagner de l’argent en répondant aux réductions des coûts de nos donneurs d’ordre. » déclare sa PDG Yannick Assouad.
Elle le fait en ouvrant près de Toulouse une usine 4.0 opérationnelle dès 2020. « On n’oublie pas notre histoire toulousaine » a déclaré Yannick Assouad, l’actuelle PDG. ». Cette usine connectée relèverait d’une « volonté combinée et d’un engagement partagé avec Toulouse Métropole et la Région Occitanie ». Jean-Luc Moudenc, maire de Toulous se dit « fier que le 1er avionneur historique de la ville rose reste ainsi fidèle à Toulouse ». Latécoère « confirme notre stratégie d’attractivité et conforte le statut de Toulouse en tant que capitale mondiale de l’aéronautique ». La Banque Européenne d’Investissement (BEI) a investi de son coté 37 millions d’euros dans ce projet.
L’observateur attentif remarquera quelques zones d’ombres sur ce tableau. Ainsi, la suppression de 200 emplois en France dans le cadre du plan « Transformation 2020 ». En 2016 les activités Latécoère Services (Toulouse– 800 emplois- , Espagne, Royaume-Uni, Canada, Allemagne) furent vendues au Groupe ADF.
Mais une faim de croissance externe et internationale est l’autre face de la stratégie de l’entreprise. Car Latécoère tient son rang aussi de cette manière, en rachetant d’autres entreprises du secteur, en ouvrant des usines au Brésil, en Inde, au Mexique au Tunisie, en Bulgarie, en République Tchèque… sans doute toutes très modernes ! Entre recherche d’un moindre prix de la force de travail et contreparties au titre de quelques contrats de ses donneurs d’ordres (vente des rafales à l’inde etc… ) et autres considérations géopolitiques entre états.
Contreparties et considérations géopolitiques peuvent être la meilleure des choses pour construire un internationalisme économique de Paix, de partage des Progrès économiques et sociaux. Mais restons lucides. Le processus actuel se déploie avant tout au titre des affaires. « Nous ne pourrons jamais être complètement à l’abri de la guerre commerciale car nous ne pouvons pas nous déployer partout, mais nous devons essayer au moins d’être implantés sur chaque continent » confirme Mme Yannick Assouad, patronne de Latécoere. Elle disait en 2017 : « Nous sommes nous-même trop petits ».
Du côté de l’actionnariat bien de ces choses essentielles se décident donc depuis quelques temps avec une direction générale qui n’est pas sans liens avec ce monde actionnarial. La patronne de Latécoère, est désormais vice-présidente du GIFAS. En fait, la structure même de l’actionnariat interroge de plus en plus. C’est un actionnariat essentiellement flottant.
En avril 2019, un fond d’investissement américain, Searchlight Capital Partners racheta les part détenues par 3 autres fonds . Il devint le 1er actionnaire de Latécoère à hauteur de 26% du capital. Il annonça rapidement vouloir monter à 76% du capital via une OPA amicale. Latécoère accueilli favorablement le projet d’opération dès Septembre « L’initiateur de l’offre a en effet affiché son soutien à la stratégie proposée par le management et approuvée par le conseil d’administration ».( La Tribune – 17/10/2019). Or ses commandes dépendent d’Airbus à 68%., à 19% de Boeing, à 5% de Dassault…
Il semblerait que Bercy se contenterait néanmoins de voir le fond d’investissement français Tikehau Capital passer de quelques 5 à 10% du capital (La Tribune – 12/11 2019) avec un siège d’administrateur. Dix-sept députés de la commission de défense nationale ont demandé au gouvernement d’avoir une « approche souveraine » sur la vente de Latécoère (ainsi qu’une autre entreprise Photonis).
Pendant ce temps, la direction de Latécoère continue ses emplettes et propose de racheter l’activité de câblage et d’interconnexion de Bombardier Aviation avec notamment une usine de production au Mexique.
Latécoère est un fantastique exemple du besoin de maitriser les filières industrielles dans leur ensemble par un actionnariat stable, sensible aux enjeux de souveraineté nationale, des maitres d’œuvre à leurs partenaires sous-traitants. Il faut que les salariés de notre pays aient les actionnaires qu’ils méritent.
Le MEDEF est étrangement absent de ce débat, lui qui prétend que ses mandants créent l’emploi. Ce silence suffit à légitimer une appropriation publique des entreprises. Si l’industrie française n’est pas à brader, ce n’est pas seulement pour ses emplois d’aujourd’hui ! Les qualifications des personnels et de ceux des futures doivent et devront nourrir la création locale des richesses de la Nation et tout autant garantir à notre pays sa capacité de choisir son destin.
12:46 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : latécoére, aviation, économie, fond vautour | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
09/10/2019
Sanctions contre Airbus par les USA : aux origines d'un dossier politico-industriel
Selon son énoncé de mission, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est l'organisation internationale qui a pour objectif d'assurer l'ouverture du commerce « dans l'intérêt de tous » (sic). Elle se donne notamment pour but de promouvoir la compétitivité, comme expliqué sur son site : « En décourageant les pratiques « déloyales » telles que les subventions à l’exportation et la vente de produits à des prix de dumping, c’est-à-dire à des prix inférieurs aux coûts de production pour gagner des parts de marché ; les questions sont complexes, et les règles tentent d’établir ce qui est loyal et déloyal et d’indiquer comment les gouvernements peuvent réagir, notamment en imposant des droits d’importation additionnels calculés de manière à compenser le dommage causé par le commerce déloyal.»
La décision rendue le 2 octobre, après 14 ans de procédure, rentre dans ce cadre. L’OMC donne raison aux Etats-Unis qui dénonçaient des subventions publiques indues accordées par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne sur les programmes A380 puis A350 d’Airbus, subventions qui auraient fait perdre des campagnes de ventes à Boeing. Elle autorise les Etats-Unis à appliquer des droits de douanes alourdis de 7,5 milliards d’Euros annuels sur les biens européens importés, ce qui constitue la plus grande sanction jamais imposée.
Suite à cette décision, la situation est désormais ubuesque sur tous les aspects :
- Tout d’abord, l’Union Européenne a riposté en 2005 en ouvrant une procédure similaire contre les subventions américaines versées à Boeing, et une résolution équivalente mais inversée est attendue pour l’an prochain. La fin de l’histoire a donc 2 issues possibles : soit une montée des sanctions douanières de part et d’autre qui irait à l’encontre du dogme du libre-échange – peu probable, avec en arrière-plan la crainte de voir la Chine s’immiscer dans le duopole Airbus/Boeing, soit un statu quo. « Tout ça pour ça ».
- Sur le fond, l’OMC s’attaque aux subventions publiques, épouvantail des libéraux. Pourtant, le marché aéronautique est, historiquement, largement biaisé par bien d’autres aspects de politique internationale. Et au jeu des décisions politiques visant à favoriser son industrie nationale, Washington possède une certaine expérience : interdiction de Concorde sur le sol américain dans les années 70, annulation de l’appel d’offre sur l’avion militaire KC45 remporté par Airbus puis rédaction de nouvelles règles sur-mesure pour Boeing (2008), ou plus récemment embargo sur les équipements américains entraînant le gel des ventes d’Airbus à l’Iran. Sans réaction de l’OMC.
- Sur les sanctions envisagées par les Etats-Unis : outre les Airbus qui seraient surtaxés de 10%, Washington envisage de taxer des produits qui n’ont pas grand-chose à voir avec cette affaire, comme le vin français ou les fromages italiens. Un prétexte pour Trump pour flatter son électorat agricole ?
Il est aussi intéressant de noter l’évolution des sanctions promises contre les Airbus : annoncées de 100%, les taxes supplémentaires retenues sont finalement 10 fois plus faibles. Les compagnies aériennes américaines ont en effet usé de tout leur poids pour raisonner leur gouvernement : avec des centaines d’Airbus en commande et l’impossibilité de les transformer en Boeing (notamment du fait des problèmes du 787 max), elles sont les premières victimes de ces nouvelles taxes : soit elles payent, soient elles renoncent à leurs avions, annulent des vols et suppriment des emplois.
Avec des paramètres difficilement prédictibles, au premier rang desquels les décisions du Président américain, l’issue de ce conflit n’est pas encore évidente. Cependant certaines conclusions peuvent déjà être tirées. Tout d’abord, l’absurdité du rôle de l’OMC et son incapacité à assurer une paix commerciale se révèlent aux yeux mêmes des plus fervents libéraux. Gageons que ce coup d’éclat médiatique était un baroud d’honneur pour cette organisation moribonde depuis la fin des années 2000.
Ensuite, il serait probablement temps de regarder les Etats-Unis pour ce qu’ils sont, un pays qui défend avant tout ses propres intérêts économiques. La candeur de la déclaration de la Représentation Permanente de la France aux Nations Unies semble presque anachronique:
« L’escalade des tensions commerciales avec notre allié et partenaire américain n’est pas souhaitable et aura des impacts négatifs sur nos deux économies, sur le commerce international et sur l’industrie aéronautique.»
Enfin, notons que les grands discours des gouvernements français, allemands et de la direction d’Airbus (EADS à l’époque) au moment du changement de pacte d’actionnaires en 2012/2013 ont fait long feu. Alors que tous se félicitaient de faire d’Airbus une « entreprise normale » qui ne serait plus sous le joug des Etats grâce à un capital flottant passant à 72%, cet épisode de l’OMC montre qu’il n’en est rien. Les dirigeants européens ont été plus prompts encore à réagir que la direction d’Airbus, bien conscients que l’on touche là à une industrie structurante en terme d’emplois, de sécurité et défense nationales, d’aménagement du territoire, de souveraineté. Aux dernières nouvelles, aucun actionnaire d’Airbus ne s’est pourtant plaint de «l’interventionnisme » de l’Etat sur ce sujet.
Par Rut Mat de la web-redaction de Progressistes
12:39 Publié dans Economie, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : air bus, omc | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |