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16/08/2016

Stefan Zweig, «une âme fatiguée» face au désir d’impossible

adieu europe.jpg« J’aime celui qui désire l’impossible » Goethe, in Faust

MICHÈLE LEVIEUX, l'Humanite.fr

Le très beau film réalisé par l’actrice et scénariste allemande Maria Schrader, Vor der Morgenröte, Stefan Zweig in Amerika (curieusement titré en français, Stefan Zweig, adieu à l’Europe) qui vient d’être projeté au 69ème Festival del Film de Locarno.

Cette œuvre en six tableaux merveilleusement découpée, qui comme son titre original l’indique, se situant juste « avant l’aurore », soit avant une forme de commencement métaphysique, est une réflexion sur les derniers moments, sur le continent américain, de l’écrivain autrichien d’origine juive, Stefan Zweig, interprété de manière remarquable par Josef Hader. Comme si se concentrait en une courte période, d’août 1936 à février 1942, la quintessence d’une vie remplie d’études, de travail acharné, de voyages permanents et de rencontres considérables à l’échelle de la planète.  
De fait, la question posée est que faire lorsque l’Histoire nous dépasse ? « T’appartient-elle vraiment, appartient-elle au plus essentiel de ton être, cette existence privilégiée, tout assurée en soi » écrit Stefan Zweig (1)

Le premier plan du film empli l’écran de fleurs fraîches et colorées, puis une main vient soigneusement enlever l’une d’elle, quelque peu abimée, pour la remplacer. Il nous semble être face à un assemblage floral mortuaire mais la caméra recule : il s’agit d’un centre de table dont la décoration et l’ordre des couverts sont réglés par un personnel stylé quasi militairement. Pour recevoir l’écrivain sur la voie de l’exil tel un chef d’Etat… au cœur de celle qu’il nommait lui-même « la ville toujours recommencée », Rio de Janeiro. Lui aussi veut tout « recommencer » et s’enthousiasme pour cette « terre d’avenir » (2) que représentera pour lui le Brésil. Dans le tableau suivant, nous assistons au congrès du Pen Club qui s’est tenu à Buenos-Aires peu de temps après la visite carioque.

Comme lors du filmage du dîner de Rio, la caméra tenue à l’épaule par le chef opérateur, Wolfgang Thaler, glisse dans l’assemblée en de longs plans-séquence nous entrainant à être sensibles aux moindres détails. En cela la conférence de presse donnée par Stefan Zweig dans un salon à part pour quelques journalistes internationaux, triés sur le volet, est criante de vérité : l’odeur de la tasse de café et du cigare de l’écrivain, l’attitude des différents interviewers selon leurs nationalités, celle des traducteurs et de l’attaché de presse, la façon dont Zweig leur répond et nous donne en même temps à penser.

Sur la position complexe d’un auteur humaniste dont la patrie est d’abord la langue dans laquelle il écrit avant la terre qui l’a vu naître. Il se trouve, l’allemand étant « la langue selon son cœur », devant l’horrible impossibilité de s’opposer frontalement à cette « patrie »-là avec tout ce que cela comporte d’ambiguïté. Le congrès et Buenos-Aires l’ennuient… nous le voyons bien et posent la question du « Wohin ? » « Où vivre et à quoi bon vivre ! écrit-il dans son journal, la vie n’est plus digne d’être vécue, il faut s’avouer vaincu dans toutes les acceptations du terme. »
Nous le retrouvons, dans le troisième tableau, revenu au Brésil, en 1941 avec Lotte Altmann, la seconde Madame Zweig (Aenne Schwarz) au milieu d’un champ de canne à sucre, à Cachoeira près de Bahia, prenant à la fois des notes pour son livre (2) et écrivant le texte d’un télégramme sauveur de vie… Nous sommes avec eux, à l’écoute de la conversation de Lotte avec un coupeur de canne qui s’étonne qu’elle n’ait pas d’enfant, lors de cette réception grotesque offerte par le maire d’un village avec une fanfare qui joue viennois à la façon bahianaise, face à un écrivain déplacé et à son épouse essentiellement préoccupée par le fait qu’ils se rendent directement dans un New-York enneigé et qu’ils n’auront pas le temps de changer leurs vêtements tropicaux…

La visite qui s’ensuit, dans l’appartement baroque de Greenwich Village, à Friderike, la première Madame Zweig (exceptionnelle Barbara Sukowa !) enfin débarquée sur le continent avec filles, gendres et chien, est le morceau de bravoure d’une caméra virevoltante à la poursuite de chacun. Dans la cuisine où s’est installé un dialogue douloureux entre l’écrivain et « sa » femme à propos des relations et amis européens qu’il faut aider à obtenir des papiers, au salon où tous se retrouvent autour de pâtisseries « viennoises ».

« J’ai beau m’éloigner de l’Europe, son destin m’accompagnait » écrit-il (1). Son livre d’un enthousiasme fasciné à propos d’un Brésil (2) qu’il assimile à son paradis perdu, ce que lui reproche l’opposition au président Getúlio Vargas, au régime autoritaire, qui admire alors les puissances de l’Axe, fait qu’il se retire dans la montagne.

L’avant-dernier tableau le montre à Petrópolis, ancienne résidence d’été du dernier empereur du Brésil, Pedro II, aux origines habsbourgeoises, devenue une terre d’accueil pour une population d’origine allemande. Zweig y « vit » alors dans l’illusion d’un « Salzbourg sous les tropiques »... Il y passe les ultimes mois de sa vie. Nous le voyons y fêter son dernier anniversaire, recevoir avec joie un fox-terrier en cadeau, converser avec Ernst Feder, l’ancien rédacteur en chef d’un grand quotidien berlinois. Le tout dernier tableau nous fait « vivre » la découverte des corps inanimés de l’écrivain et de son épouse, entr’aperçus dans la glace d’une porte d’armoire entr’ouverte, en un long plan d’allers et venues des habitués de la maison, sidérés et silencieux, dus à ce genre de situation. Zweig détestait se regarder dans une glace. Il est maintenant passé de l’autre côté du miroir…

Maria Schrader et son coscénariste, Jan Schomburg ont fait œuvre remarquable dans la mesure où ils ont trouvé la correspondance entre le style d’un des écrivains les plus lus, encore aujourd’hui, qui se voulait être un « homo por se », un homme pour soi, un homme de la Mitteleuropa, à l’écriture sobre, élégante et fluide et leur écriture cinématographique. A la fois concise et efficace, ce que Zweig nommait « l’essence filtrée », tout en étant d’un lyrisme contenu y compris dans le trivial des drames de la vie, cette écriture commune visant avant tout l’humain, nous parle toujours très fort par « son art de la commisération » (3). 

(1) in « Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen » de Stefan Zweig, Belfond, 1982,  
(2) « Le Brésil, Terre d’avenir » de Stefan Zweig, Le Livre de poche, 2002,
(3) in « Stefan Zweig, L’ami blessé » de Dominique Bona, éditions Perrin, Tempus, 2011.   

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03/04/2016

Konstantina Kouneva, Femme courage au Parlement européen

konstantina_kouneva.jpg

Bulgare immigrée en Grèce pour soigner son fils, cette élue de Syriza, ethnographe de formation, aura connu les petits boulots mal payés, le syndicalisme de combat et une agression à l’acide, avant, aujourd’hui, de siéger à Strasbourg. Portrait de l’eurodéputée Konstantina Kouneva.

Son sourire a résisté au jet d’acide qui lui brûla le visage, une nuit de décembre 2008. Et qui lui ravit à jamais la vue. Konstantina Kouneva était alors déléguée syndicale des femmes de ménage employées par une entreprise sous-traitante dans le métro d’Athènes. «À minuit passé, quand je rentrais du travail, j’ai vu un homme assis sur le pas de la porte, à l’entrée de mon immeuble. Il avait la tête baissée et le bras autour dans une position de souffrance. Je me suis naturellement baissée pour lui venir en aide. C’est sans doute ce qu’il attendait. L’individu s’est soudainement déployé et m’a aspergé le visage… la sensation de brûlure a été instantanée jusqu’au fond de la gorge et ma vue s’est brouillée. J’ai eu à peine le temps de reconnaître la silhouette qui me filait à moto de temps à autre quelques jours auparavant, puis tout est allé très vite…»
Konstantina Kouneva a été hospitalisée durant une année. Elle a subi une trentaine d’interventions chirurgicales sur le visage en sept ans. L’enquête autour de son agression criminelle n’a toujours pas abouti. C’est parce qu’elle avait gardé le souvenir du soutien permanent des militants de Syriza dans son combat syndical qu’elle a accepté d’en être la candidate aux élections européennes de 2014. Élue députée, elle est aujourd’hui en charge de nombreux dossiers dans le domaine social. Elle se livre sur un ton apaisant qui tranche avec son récit de vie accidentée.

Le combat d’une mère

Au commencement, il y a la peine d’une mère confrontée à la maladie de son enfant en bas âge, une affection cardiaque. Puis, très vite, l’envie et la force de se dresser contre la fatalité, de porter un défi aux épreuves, de changer le cours des choses, dans sa vie personnelle et jusque dans son travail. «Je suis née en Bulgarie, au bord du Danube, à la frontière avec la Roumanie, mes parents étaient des villageois, je viens d’un milieu de salariés, de petits employés», précise-t-elle dans une parenthèse. L’étudiante en histoire se passionne pour l’ethnographie et en fait son métier. Quelques années plus tard, la maman du petit garçon né en 1997 est contrainte de quitter son pays pour le soigner. «C’était une question de vie ou de mort. En 2001, il n’y avait pas, dans mon pays, la possibilité de traiter son cas dans de bonnes conditions», explique-t-elle. Konstantina trouve fort heureusement une piste. «Un Bulgare employé dans un hôpital d’Athènes était disposé à m’aider pour l’admission de mon fils.» Elle franchit le pas avec une maigre bourse.
Première épreuve : un tunnel d’attente dans l’angoisse. L’intervention chirurgicale est reportée par prudence, il faut patienter deux longues années. Vivre et surtout travailler à Athènes devient alors incontournable. Konstantina y déniche un job dans un supermarché. «Je travaillais de nuit pour pouvoir rester avec mon fils dans la journée, puis ma mère m’a rejointe en Grèce. À deux, on pouvait ainsi se relayer auprès de lui et rassembler l’argent pour son opération.» Une course contre la montre. Mère et fille triment dur. Le destin leur sourit pour un temps, mais pour un temps seulement.

Apprendre à lire le grec, s’informer, consulter..

L’enfant est sauvé. Reste cependant la contrainte de la convalescence sur les lieux au moment même où Konstantina est licenciée après deux années de travail au supermarché. «Par chance, ma mère était employée dans une entreprise de nettoyage du métro d’Athènes. Comme elle donnait satisfaction, elle a pu m’obtenir un entretien d’embauche pour un poste de femme de ménage.»
C’est alors le début d’une nouvelle bataille. Non plus contre les choses de la vie, le triste sort et la maladie, mais contre le harcèlement des chefaillons, la confiscation des droits et l’exploitation sans limites du travail. Konstantina, qui ose et ne recule pas, gagne la confiance de ses collègues. Elle est élue secrétaire générale du syndicat de personnel d’entretien et d’aides domestiques, et attaque sur tous les fronts. Elle s’inscrit à des cours de grec, se met à le parler couramment et surtout à le lire, pour prendre connaissance de la réglementation. Ordre des avocats, inspection du travail… l’élue s’informe, consulte, multiplie les contacts, ne laisse rien au hasard et, forcément, lève le voile sur des infractions, des atteintes à des droits élémentaires, des injustices. Un sombre tableau. «Pas de primes de pénibilité, le travail de nuit sous-payé, des pauses non respectées, tout juste destinées à réduire les heures payées et les cotisations quand elles étaient réglées. Les employées étaient assurées pour six heures seulement alors qu’elles en effectuaient douze, affectées à plusieurs missions et appointées pour une seule. Le travail au noir était chose courante et les retards de salaires très fréquents.» La direction de l’entreprise constate tout à coup l’émergence d’une syndicaliste qui prend sans cesse de l’envergure, sensibilise ses collègues, impulse des revendications, encourage la fronde… de femmes de ménage !

« Gare à toi si tu n’arrête pas »

Une machine se met aussitôt en branle, sournoisement actionnée. Les obstacles se dressent sur le chemin risqué de Konstantina. On tente avant tout de la couper de ses collègues. Certains d’entre eux détournent la tête pour ne pas la saluer devant les caméras sur le lieu de travail. Puis la pression monte d’un cran. Sa mère est licenciée sans motif. La conspiration ne fait plus de doute, qui se transforme très vite en menaces au bout du fil, puis de vive voix : «Gare à toi si tu n’arrêtes pas !» Dans la nuit du 22 au 23 décembre, un individu lui brûle le visage d’un jet d’acide, à l’entrée de son immeuble.
«Aujourd’hui, tout comme hier, j’ai tout simplement, et malgré tout, le sentiment d’être utile. C’est ma plus grande satisfaction», confie-t-elle en souriant.

Nadjib touaibia
Vendredi, 1 Avril, 2016
Humanité Dimanche
 
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23/03/2016

UNE JEUNESSE PARISIENNE EN RESISTANCE

jeunesse parisienne.jpgCe documentaire réalisé par Mourad Laffitte et Laurence Karrsznia propose de revenir sur l'histoire de la MOI parisienne et son engagement dans la Résistance ; parmi eux, Henri Krasucki, Paulette Sarcey, Roger Trugnan, Marcel Rayman, Julien Lauprêtre... Beaucoup sont arrêtés et connaissent alors le sort tragique de la torture, des exécutions ou de la déportation, marquant à jamais celles et ceux qui ont survécus.

Figure emblématique, Henri Krasucki aura été un militant du début à la fin de sa vie. Si l'on connaît bien son parcours syndical et politique, on ignore encore trop souvent le cheminement qui l'amena à jouer un rôle essentiel dans la Résistance parisienne ; un engagement qui le mena en déportation dont il confiera plus tard : « On peut subir des conditions pénibles à supporter et avoir une force intérieure augmentée de la capacité d'une force collective qui permet de se surpasser. »

A travers de nombreux témoignages et archives dont certaines inédites, ce film témoigne de ces parcours exceptionnels et met en lumière la culture, le courage, l'intégrité et la force de ces jeunes gens. Il aborde l'espoir et la volonté de toute cette jeunesse parisienne, souvent étrangère et issue du monde ouvrier, avide de faire vivre les valeurs humaines par-delà la xénophobie, l'antisémitisme et les risques encourus. Portés par la volonté d'un monde meilleur, ils dirent non à la barbarie nazie et la collaboration du gouvernement de Vichy en s'engageant, parfois jusqu'à en mourir.

Cette détermination leur a permis de se dépasser, de surmonter cette épreuve indicible et de jouer un rôle majeur dans la résistance parisienne.

Ce documentaire s'inscrit dans une volonté de compréhension, de transmission. Il participe du travail de mémoire tout en réinterrogeant notre présent, faisant écho aux questions d’actualité telles que l'éducation, la culture, les luttes sociales, la montée de l'extrême-droite... « Ni blasé, ni cynique, ni bloqué dans le passé ; tourné vers la vie. Je sais ce que coûte la guerre, le prix de la liberté, celui de la dignité et de la justice », Henri Krasucki. Un message d'une rare actualité.

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06/03/2016

L’incroyable histoire du grand-père de Ian Brossat

ian brossat,fran père

Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris, raconte ses relations avec son grand-père, “masque de fer” de l’Etat d’Israël, qui a passé 20 ans au secret pour avoir transmis des secrets militaires à l’Union soviétique. Un roman d’espionnage vrai, et passionnant.

Ian Brossat, habitué des plateaux télé, est un élu parisien proche d’Anne Hidalgo, adjoint au maire chargé du logement social et de l’hébergement d’urgence. Fils du professeur de philosophie très à gauche Alain Brossat, cet élégant jeune homme, malgré ses apparences de bobo branché, est depuis 1997 un militant du PC, ce parti considéré comme destiné aux poubelles de l’histoire.

Cet atypique tropisme communiste se comprend mieux à la lecture du récit qu’il vient de publier chez Flammarion, qui raconte l’histoire incroyable de son encore plus incroyable famille. Un court ouvrage dont les péripéties que l’on croirait imaginées par un John Le Carré ou un showrunner hollywoodien sont cependant véridiques, et mériteraient de passer à l’écran – ce qui ne saurait tarder.

Ce récit familial est aussi une tranche d’Histoire (avec sa grande hache) où se retrouvent toutes les tragédies nées de la dernière guerre, la Shoah, la naissance d’Israël, la Guerre Froide et la chute du Mur.

Qu’est-ce qu’elle a ma gueule?
Un physique inoubliable et un caractère entier : le Nissan JUKE a plus d’un point commun avec Tin-Tin, le tatoueur incontournable. Ils étaient faits pour se rencontrer.
en partenariat avec Nissan

Un drôle d’hôpital

ian brossat,fran pèreL’Espion et l’Enfant commence par les souvenirs d’enfance d’un petit écolier français qui rend visite durant les vacances à son grand-père maternel, installé dans un étrange hôpital en Israël. Un hôpital avec des chiens et des gardiens, et des haut-parleurs braillards.

Le petit garçon, au fil des années et des confidences de sa mère et de sa grand-mère, comprendra peu à peu que son grand-père est en réalité détenu au secret par l’état hébreu, sous un faux nom et soumis à l’interdiction formelle de révéler son identité et sa situation à quiconque.

Marcus Klingberg fut, ainsi que le racontait Edwy Plenel dans Le Monde en 1994, “le héros d’une des histoires d’espionnage les plus énigmatiques de l’après-guerre”. Nous apprendrons par le regard du petit Ian qui grandit et découvre perplexe et parfois horrifié la situation et les activités de son aïeul que “Saba”, ce grand-père adoré, a eu une vie bien mystérieuse.

Né dans une famille juive polonaise, il a fui l’invasion nazie qui a assassiné toute sa famille. Réfugié en URSS, il participe à la Grande Guerre patriotique en mettant ses connaissances de médecin et d’épidémiologiste au service de la puissance soviétique, dont il estime qu’elle a sauvé sa vie et celle des  nombreux Juifs qui ont pu s’y réfugier. Il vouera à ce pays une reconnaissance éperdue, ce qui lui jouera de bien vilains tours.

Armes chimiques et trahison

Après la guerre, il s’installe en Israël, et fasciné par la réussite et les honneurs, poursuit une éminente carrière scientifique dans son pays d’adoption. Mais derrière son statut de spécialiste d’épidémiologie internationalement reconnu, qui voyage et publie dans le monde entier, il travaille pour la défense israélienne à l’Institut de recherche biologique Nes Ziona.

C’est dans ce centre de recherches ultra-secret que l’Etat hébreu expérimente des armes chimiques et bactériologiques, des armes notoirement interdites par toutes les conventions internationales.

En janvier 1983, Marcus Klingberg disparaît de la circulation. On le dit fou, malade ou disparu en URSS. En réalité, trahi par un transfuge, il  a été arrêté et mis au secret. Car, pendant des années, il a livré des secrets à l’Union soviétique. Ce membre de l’intelligentsia israélienne fut sans doute le plus important agent soviétique en Israël. Condamné à vingt ans de prison, il reste emprisonné durant quinze ans, puis assigné à résidence jusqu’en 2003.

Le livre de Ian Brossat ne se veut pas un livre d’histoire, il raconte de façon simple l’amour que portait son auteur à son grand-père et les épuisantes démarches que lui et sa mère ont poursuivies des années durant pour le faire libérer et venir en France. Marcus Klingberg est mort à Paris en 2015 à 97 ans.

L’énigme d’une vie

Reste pour le lecteur, et pour Ian Brossat, l’énigme du personnage, curieux agent double, traître à la patrie qu’il s’était choisie. Marcus Klingberg a raconté son existence dans un livre paru en Israël, où il ne divulgue pas les secrets livrés à L’URSS. Il y affirme ne pas avoir trahi pour de l’argent, mais par fidélité au pays qui lui avait sauvé la vie.

Son petit-fils, il ne s’en cache pas, ne connaîtra jamais le mot de la fin. Contrairement à ce qu’il s’était promis de faire après sa libération, il n’a jamais réussi à aborder ouvertement avec son grand-père le sujet tabou de sa carrière d’espion. Sans doute le jeune militant idéaliste, pro-palestinien et pacifiste, n’était-il pas particulièrement à l’aise avec l’idée que son Saba adoré ait participé à la mise au point d’armes interdites, qui se retrouvent peut-être maintenant par son intermédiaire entre les mains du régime de Poutine.

“Pourquoi s’était-il laissé embarquer et embourber dans ce marécage ? Comment justifier une participation active à la création de ces armes abominables, si dangereuses pour l’humanité ? “

Mais Ian Brossat le reconnaît : “Peut-être qu’au fond de moi, je n’ai pas envie de savoir“, et il demeure fidèle à celui qui incarne à ses yeux l’image de la résistance et qui par son courage et son énergie a influencé ses choix politiques. A quand le film ?

Olivier Mialet pour les Inrocks

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10:15 Publié dans Histoire, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ian brossat, fran père | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!