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28/04/2014

Quand la Cour suprême américaine mine la démocratie

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Il y a certaines décisions qui, prises à Washington, nous concernent directement. C’est le cas de celle qu’a prise mercredi la Cour suprême dans l’affaire McCutcheon vs FEC : au nom du Premier amendement de la Constitution, qui promeut la liberté d’expression, les juges suprêmes, par cinq voix contre quatre, ont refusé que soient plafonnés les dons que peuvent faire les particuliers pour des campagnes électorales.

Le plafond, fixé à 123 200 dollars, a donc disparu depuis mercredi. En débridant le rôle des plus riches dans le processus politique, la Cour renforce concrètement leur influence, déjà immense, sur les décisions publiques.

Prise au nom de la liberté, sa décision aboutit à miner celle-ci. Car quelle est la liberté des citoyens dans un système de plus en plus ploutocratique, de moins en moins démocratique ?

Un enjeu de civilisation

On pourrait se dire que c’est certes scandaleux, OK, mais que c’est l’affaire des Américains : « Tant pis pour eux ! » Ce serait raisonner à courte vue. Que la première puissance mondiale se laisse glisser sur cette pente-là est une mauvaise nouvelle non seulement pour le peuple américain, mais aussi pour le reste de la planète.

Cette dérive ploutocratique américaine ne fait qu’accroitre, dans l’ensemble du monde, la course de l’accumulation de l’argent vers une petite élite bien décrite par l’économiste français Thomas Piketty dans « Le Capital au XXIe siècle » (un livre publié chez Seuil, et dont la traduction fait sensation aux Etats-Unis, soit dit en passant). L’enjeu n’est donc pas seulement américain : c’est un enjeu de civilisation.

La Cour suprême. Pastilles rouges : les plus conservateurs, majoritaires (Steve Petteway/Wikim&eacute ; dia Commons)

La Cour suprême a perdu une occasion de mettre un coup d’arrêt à cette dérive de l’argent en indiquant qu’on est allé bien trop loin. C’est ce que souhaitaient les quatre juges (dont les trois femmes de la Cour) qui ont voté contre la décision.

Lorsque, comme c’est le cas outre-atlantique, 85% des élus sont ceux qui ont dépensé le plus d’argent pour leur campagne, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Lorsque des milliardaires créent leur propre structure politique, comme c’est le cas des frères Koch, obsédés par l’idée de chasser Obama du pouvoir, il y a même quelque chose de pourri au cœur du système.

« La voix de l’argent à plein volume »

Dans un avis dissident joint à la décision, le juge Stephen Breyer, nommé par Clinton, résume le problème d’une formule :

« Quand la voix de l’argent s’exprime à plein volume, celle des citoyens devient inaudible. »

Selon lui, cette décision, qui fait suite à une autre de la même eau (Citizens United vs FEC) empêche tout contrôle du financement de la vie politique et de ce fait soulève « de graves problèmes de légitimité démocratique ». Des mots qui, sous la plume d’un des garants de la Constitution américaine, sont très lourds.

Sans surprise, ce sont les cinq juges conservateurs, qui ont voté pour laisser la voix de l’argent « s’exprimer à plein volume ». Selon eux, « dépenser des larges sommes d’argent en lien avec une élection, et non en vue de contrôler l’exercice du pouvoir de celui qui sera en charge, n’est pas en soi un pacte de corruption [en VO : “quid pro quo corruption”, ndlr] ». Une vision bien étroite du mot corruption...

Publié par le Nouvel Obs

06/04/2014

"Diplomatie". Le 24 août 1944... Une journée particulière

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Diplomatie, de Volker Schlöndorff. France-Allemagne. 1 h 24. Épatants sur toute la ligne, André Dussollier et Niels Arestrup donnent toute sa force au texte de la pièce de Cyril Gély.

Le titre ne serait-il pas aux mains d’Ettore Scola, on aurait pu appeler ce film Une journée particulière. Mais ici, c’est de la nuit du 24 au 25 août 1944 qu’il s’agit, celle qui avait déjà été évoquée en 1966, par notre chantre de la Résistance qu’était René Clément dans sa fresque, Paris brûle-t-il ?, près de trois heures avec le gratin du cinéma français tiré par Jean-Paul Belmondo poussant notre veine épique dans ses ultimes retranchements.

Ici, le point de vue est inverse puisque les trois unités de base théâtrales sont respectées, l’action se résumant à un face-à-face entre deux comédiens formidables jouant en français au chat et à la souris, d’un côté Niels Arestrup, qui incarne le général von Choltitz, Prussien borné aux ordres, gouverneur du Grand Paris, qui vient de faire miner tous nos ponts et monuments et s’apprête sur ordre de Hitler à transformer en champ de ruines notre capitale ; de l’autre, André Dussollier, qui personnifie le consul général suédois en poste à Paris, chargé en tant que représentant d’une puissance neutre, et peut-être pas uniquement, de ramener la culotte de peau prussienne dans la voie de la raison. Cela ressemble à de la fiction mais peut-être pas seulement. Les personnages ont existé, le livre de Raoul Nordling, Sauver Paris. Mémoires du consul de Suède, vient de retrouver le chemin des bacs, préfacé par Fabrice Virgili, sous couverture de la Petite Bibliothèque Payot (on se souvient que c’est Orson Welles qui tenait le rôle de Nordling dans le film de Clément). Comme le précise la jaquette du livre : « Raoul Nordling (1881-1962), homme d’affaires et diplomate suédois, né à Paris, ayant fait ses études au lycée Janson-de-Sailly, est nommé consul général en 1925 mais se sentait surtout “citoyen de Paris”. » Ses mémoires, écrits en 1945, ne furent retrouvés qu’en 1995 et publiés en 2002… Un square du 11e arrondissement de Paris porte son nom. La nuit de rencontre, telle que l’a décrite le film, est une invention de scénariste due en fait à l’auteur de la pièce, le dramaturge français Cyril Gély, ce qui n’empêche le général et le consul de s’être réellement rencontrés à plusieurs reprises. Quant au travail de mise en scène de l’Allemand Volker Schlöndorff, il est tout simplement magnifique.

Après la Vénus à la fourrure, voici le deuxième grand texte français de l’année, exhumé pour le bienfait du cinéma et qui tire toute sa force de ce moyen d’expression.

La bande annonce :

Lire aussi :

Diplomatie : ne pas confondre fiction et histoire

Jean Roy

19/03/2014

«Mon communisme est de la même famille que le mot commune»

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Lilian ALEMAGNA et Olivier MONGE. MYOP (photos) pour Libération

Ils sont encore 16. De Arles à Aubagne, le Parti communiste (et ses apparentés) conserve de forts bastions dans les Bouches-du-Rhône. Sur les cinq plus grandes villes du département, trois sont dirigées par un maire PCF. Libération a sillonné l'arrière-pays marseillais et rencontré près de la moitié d'entre-eux pour comprendre pourquoi ce communisme-là continue d'être apprécié des électeurs. Paroles.

«Une municipalité, c'est un ensemble qui fait du "commun"»

Patricia Fernandez-Pédinielli, 42 ans, maire de Port-de-Bouc depuis 2005

 

Patricia Fernandez-Pédinielli, maire de Port-de-bouc

«J’ai horreur de l’étiquette, de l’amalgame, de faire partie d’un conglomérat informe et loin d’être comparable. Ce qui m’intéresse, c’est le contenu. Je suis un maire communiste.

Ce n’est pas une municipalité communiste. Une municipalité, c’est à la fois les élus, les services publics, les associations qui travaillent ensemble. Qui font du "commun". On peut avoir des démarches globalisantes.

L’art est de savoir les mettre en pratique avec des hommes et des femmes qui peuvent apporter une aide concrète à cette ville. La France ne doit pas laisser tomber son organisation sous forme de commune. Quand on est communiste, on est aussi républicain.»

 

«Des valeurs arc-en-ciel»

Daniel Fontaine, 68 ans, maire d’Aubagne depuis 2001

Daniel Fontaine, maire d'Aubagne

«Le communisme municipal ? Ça me ramène à ma jeunesse ! Quand j’allais voir mes grands-parents au Blanc-Mesnil. Je traversais Drancy, Pantin. Il y avait l’empreinte d’une gestion portée essentiellement par les communistes. Ici nous allons avoir 33 élus ; 4 seulement sont membres du PCF et ont leur carte. La notion de communisme municipal n’a plus de sens. Nous portons des valeurs arc-en-ciel.»

 

«Pas de partage du territoire avec les socialistes»

Pierre Dharréville, 38 ans, secrétaire fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône depuis 2008

Pierre Dharéville, secrétaire fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône

«On ne revendique pas cette étiquette de communisme municipal. On revendique les politiques que nous menons. Nous ne sommes pas un pôle de radicalité. On se revendique de la gauche. Nous sommes dans une terre avec une histoire industrielle et ouvrière et notre gestion locale est identifiée : luttes pour le maintien d’une activité industrielle, pour des services publics de proximité, des politiques culturelles pour tous… Avec les socialistes, il n’y a pas de partage du territoire. Ils sont plus prosaïques et pragmatiques que ça. S’ils pouvaient nous prendre une ville, ils le feraient.»

 

«Une gestion municipale ouverte»

Hervé Schiavetti, 57 ans, maire d’Arles depuis 2001

Hervé Schiavetti, maire d'Arles

«Au conseil municipal, il y a 3 communistes, 16 socialistes et le reste de la société civile. Nous sommes dans une gestion municipale ouverte. J’ai ma carte au PCF parce que je ne veux pas trahir une histoire. Nous, les maires, on ne cherche pas à peser sur le débat national du PCF. Pour le PS, on est un enjeu territorial qui peut entrer dans des stratégies personnelles et de pouvoir. Aussi d’intercommunalité. Mais ponctuellement.»

 

«Ecocologiste»

Roger Meï, 78 ans, maire de Gardanne depuis 1977

Roger Meï, maire de Gardanne

«Je suis "écocologiste". Mon communisme est de la même famille que le mot commune, communion, communauté. Georges Marchais ne fait pas partie de mes idoles. Je préfère me revendiquer de Che Guevara, Nelson Mandela et l’abbé Pierre. J’ai déjà partagé mon manteau avec Gaudin, je ne partagerai pas mes richesses. Et puis on est en train de saccager l’industrie française. Moi, trop vieux ? Il ne faut pas faire d’ostracisme. On est respecté et craint parce qu’on est capable d’amener du monde manifester. Je suis le seul à avoir accepté des familles roms sur ma commune. On oblige les enfants à aller à l’école et on vérifie. Il y a 2 500 Roms sur le département. Si toutes les communes faisaient un effort, on aurait déjà résolu le problème.»

 

«Communiste par conviction, pas par éducation»

Gaby Charroux, 71 ans, maire de Martigues depuis 2009 et député des Bouches-du-Rhône depuis 2012

Gaby Charroux, maire de Martigues

«Je ne suis pas devenu communiste par éducation mais par conviction. Je suis rentré au PCF en 1998. J’étais déjà conseiller municipal depuis 1989. Tous les communistes que je rencontrais, je les appréciais. On n’a beau dire qu’on n’aime pas la question individuelle, il n’empêche que dans une élection législative, si ce n’est pas le maire de la ville centre qui se présente, le poste de député, on ne l’aurait pas conservé. En 2017, je choisirai le poste de maire. Ici, avec le PS, on est ensemble depuis quarante ans. Et en 2008, on fait 57% au premier tour. J’ai une certitude après mon départ : je n’emmerderai plus mes successeurs. Et une ambition : que le PCF garde tous ses mandats.»

 

«Mon parti, c’est les 4 500 habitants»

Georges Rosso, 84 ans, maire du Rove depuis 1981

Georges Rosso, maire du Rove

«Il faut être le maire de tout le monde. Ce qui est le plus difficile, c’est d’être le maire communiste de tout le monde. Ici, mon parti, c’est les 4 500 habitants. Je n’ai jamais été déçu par le PCF. Et jamais le parti ne m’a donné un conseil sur la gestion de ma commune. Il y a des mecs qui votent FN aux élections nationales et puis votent pour moi aux municipales. Ils votent pour le maire. Je ne voulais pas me représenter au départ mais on me l’a demandé. Les habitants ont dit à ma femme "laissez-le nous encore un peu". Tant qu’on est révolutionnaire, on est jeune. Je ne passerai pas la main à un non-communiste. Supprimez la télévision et le PCF va remonter !»

02/11/2013

OMAR : Quand Roméo fait le mur pour retrouver Juliette !

cinéma, palestine, hany abu-assad, OmarOmar vit en Cisjordanie. Habitué à déjouer les balles des soldats, il franchit quotidiennement le mur qui le sépare de Nadia, la fille de ses rêves et de ses deux amis d'enfance, Tarek et Amjad. Les trois garçons ont décidé de créer leur propre cellule de résistance et sont prêts à passer à l'action. Leur première opération tourne mal.
Capturé par l'armée israélienne, Omar est conduit en prison. Relâché contre la promesse d'une trahison, Omar parviendra-t-il malgré tout à rester fidèle à ses amis, à la femme qu'il aime, à sa cause.

ALLO CINE

LA CRITIQUE DU JOURNAL L'HUMANITE

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Un film palestinien remportait tous les suffrages à Cannes dans la section Un certain regard. Les nôtres également ainsi que ceux du jury, qui lui attribuait son prix.Omar, de Hany Abu-Assad. Palestine. 1 h 37. 

Certains ont pu avoir en des temps anciens des préjugés vis-à-vis du cinéma palestinien. Un pays pauvre aussi peu étendu même si densément peuplé que la Palestine, en état de guerre permanente de surcroît, ne saurait disposer d’un cinéma conséquent.

C’était oublier que ce pays avait déjà sécrété un très grand maître en la personne d’Elia Suleiman, le réalisateur de Chronique d’une disparition et Intervention divine.

C’était oublier aussi que Suleiman n’est pas unique. En témoigne Hany Abu-Assad, qui nous a déjà régalés une demi-douzaine de fois, en particulier en 2002 avec le Mariage de Rana et, en 2005, avec Paradise Now.

La récidive est au plus haut avec cet Omar, reparti de Cannes avec le prix du jury obtenu dans la section Un certain regard, et qui vient d’être retenu comme le candidat officiel de la Palestine dans la course pour l’oscar du meilleur film étranger.

 L’histoire nous a fait penser à la célèbre citation de Samuel 
Fuller jouant dans Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard : « Un film est un champ de bataille : amour, haine, violence, action, mort, en un mot émotion. »

cinéma, palestine, hany abu-assad, OmarNous ne sommes pas pour autant dans le romantisme anarchisant à la Nicholas Ray propre aux nantis mais dans la réalité presque documentaire de la vie quotidienne dans les territoires occupés. Pourtant, là aussi, on trouve des corps mus par des pulsions, qu’elles proviennent de l’engagement politique ou des pulsions sexuelles, du refuge dans la famille ou de l’investissement dans l’amitié.

Le réalisateur du film, qui est son propre scénariste, semble avoir relu pour l’occasion toutes les grandes tragédies shakespeariennes, à commencer par Roméo et Juliette, mais en leur adjoignant toutes les propriétés du mélodrame, faire advenir au peuple ce qui était auparavant le privilège des princes et des rois. Pourquoi au demeurant les sentiments nobles leur seraient-ils réservés ? Pourquoi le peuple n’aurait-il pas droit à la jalousie, à la haine, à la confiance, à la défiance, à l’amour passion, à la duperie, à la rouerie, à la trahison ?

C’est ce qui dote ce film d’une force émotionnelle sans pareille, l’auteur ayant pris la décision juste de s’appuyer sur une mise en scène discrète quoiqu’en écran large et sur une distribution qu’on ne peut que louer bien que la plupart des jeunes comédiens tutoient la caméra pour la première fois de leur brève existence.

Au résultat, on a rarement aussi bien vu en action la solidarité ici en jeu, ou une guerre des pierres qui ressemble à l’occasion à une guerre des boutons, ou un franchissement de mur qui s’apparente au jeu du chat et de la souris. Pour une fois, les Palestiniens ne se limitent pas à une façade militante aseptisée. Ils sont faits de chair et de sang, de désirs et de contradictions. Grâce en soit rendue au cinéaste.

Jean Roy

CRITIQUE D'UNE LECTRICE

Un film puissant, plein de sentiments et d'humanité, un film très dur autant parce qu'on continue à y découvrir (et ne pas comprendre) la dureté de l'homme, son coté "obscur", la trahison ... mais aussi très beau parce que l'amitié et l'amour dépassent le reste ! Un film qui devrait tous nous apprendre à grandir ... Écrit par : dhuez