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12/11/2014

Crédit d’impôt compétitivité : le grand détournement

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Destiné à abaisser le « coût du travail », le CICE ne débouche pas sur des investissements et une baisse du chômage. Au contraire, comme 
le montre notre bilan, les entreprises empochent les fonds pour mieux rémunérer les actionnaires, au détriment de l’emploi et des salaires.

François Hollande l’avait claironné, en janvier dernier : « Le pacte de responsabilité, c’est un grand compromis social, sans doute le plus grand qu’il ait été proposé depuis des décennies à notre pays. » Au cœur de ce pacte, à côté de nouvelles baisses de cotisations sociales, le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), décidé fin 2012.

Un nouveau cadeau fiscal d’une ampleur sans précédent, destiné à abaisser le coût du travail, et qui devrait déboucher en contrepartie, promettait-on, sur des investissements et des créations d’emplois. À ce jour, pourtant, même les plus favorables au projet peinent à voir émerger les effets positifs annoncés. En revanche, une chose est sûre : jamais, dans la longue histoire des exonérations diverses, d’impôts ou de cotisations sociales, accordées au patronat le gouvernement n’avait consenti, d’un coup, à une telle dépense, contrastant singulièrement avec l’austérité imposée tous azimuts.

Le CICE, qui devrait coûter 6,5 milliards d’euros cette année, pèsera dix milliards dans le budget 2015 de l’État. La mesure devant par la suite monter encore en charge pour atteindre 20 milliards d’euros en rythme de croisière à partir de 2019. Pour quelle efficacité économique et 
sociale ? Au vu des premiers éléments de bilan, tirés de quelques exemples de branches ou d’entreprises, l’interrogation se fait de plus en plus inquiète.

Et si le « plus grand compromis social » donnait lieu à l’un des plus grands gâchis d’argent public ? Pire : à un véritable détournement, au profit de la petite minorité des détenteurs du capital ?

BANQUES : « UN PUR EFFET D’AUBAINE »

Après s’être fait longtemps prier, le patronat des banques vient d’ouvrir des négociations sur la déclinaison du pacte de responsabilité dans cette branche. Dirigeant de la fédération CFDT, premier syndicat du secteur, Luc Mathieu convient qu’on puisse s’interroger sur la réalité d’un besoin de « restauration de la compétitivité des banques ».

Un secteur dont le leader, la BNP, par exemple, « n’a eu aucun mal à débourser les 9 milliards de dollars de l’amende » que lui ont infligée les États-Unis dernièrement. Au moins, souligne Luc Mathieu, « on peut être plus exigeant vis-à-vis d’entreprises financières que d’entreprises industrielles ». D’où le vif mécontentement du syndicaliste devant les premières mesures proposées par l’organisation patronale, l’Association française des banques (AFB).

L’AFB dit vouloir recruter entre 40 000 et 42 000 personnes, tous types de contrats confondus (CDI, CDD et autres formules précaires) sur trois ans. Soit 1 300 embauches supplémentaires par an par rapport à 2013, ce qui représente une dépense annuelle d’environ 35 millions d’euros. À comparer avec le 1,3 milliard d’euros « minimum » que devrait rapporter aux banques le pacte de responsabilité, observe le syndicaliste CFDT, qui « exhorte les dirigeants à des engagements dignes des enjeux ». Même frustration chez Régis Dos Santos, leader du syndicat SNB-CGC, qui a réalisé une étude sur les projets d’utilisation du CICE annoncés par les banques.

Des informations fournies, il ressort que « l’essentiel, pour ne pas dire la totalité des utilisations annoncées du CICE, correspond à des projets, actions et dépenses déjà largement engagées » et « malheureusement pas à un surcroît d’investissement ». « Un pur effet d’aubaine. Ils encaissent tous le CICE et il n’y a strictement aucune contrepartie », résume Régis Dos Santos.

INDUSTRIES CHIMIQUES : L’EXEMPLE, SELON HOLLANDE

« Effet d’aubaine », la formule revient chez des syndicalistes de la chimie. En juillet, deux syndicats, CFDT et CFTC, paraphaient le premier, et unique à ce jour, accord de branche sur le pacte de responsabilité, aussitôt salué comme un exemple par François Hollande.

Au titre du pacte, les entreprises du secteur devraient toucher 300 millions d’euros en 2015. En contrepartie, l’Union patronale des industries chimiques (UIC) prétend vouloir recruter 47 000 personnes d’ici à 2017. Soit un peu plus de 15 000 par an. Soit… à peu près le rythme d’embauches dans le secteur ces dernières années, qui, au demeurant, ne compense pas les départs.

La fédération CGT de la branche, qui avait demandé, sans succès, un engagement sur la création de 47 000 emplois net, dénonce « une supercherie ». « L’accord n’améliore rien et ne s’engage sur rien », insiste de son côté la fédération CGC.

MÉTALLURGIE : 4 MILLIARDS POUR « SAUVER » 30 000 POSTES

Dans la métallurgie, première branche en termes d’effectifs, où viennent de s’engager des négociations, l’organisation patronale, l’UIMM, ne montre pas plus d’allant. « Elle en reste à des intentions. Chaque fois qu’on demande un engagement concret, on n’a rien », constate, après quelques réunions paritaires, Philippe Martinez, secrétaire général de la fédération CGT, la plus influente dans la branche.

D’après une étude réalisée par un cabinet d’experts, le BIPE, les entreprises du secteur bénéficieront de quelque 4 milliards d’allégements de charges sociales et fiscales grâce au pacte, ce qui, assure l’UIMM, « devrait (leur) permettre de continuer à recruter à un niveau élevé (plus de 100 000 recrutements par an d’ici à 2025) ». « Bluff ! De la com ! », réplique le syndicaliste. Les prévisions patronales concernant l’évolution des effectifs le confirment : de 1,3 million en 2013, ils tomberaient à 1 040 000 d’ici à 2025.

Avec le pacte, la chute serait légèrement limitée, à 1 070 000. Autrement dit, trente mille postes seraient donc préservés grâce à la manne des 4 milliards. « Ça fait cher l’emploi ! »

Seul point, relativement, positif, l’UIMM se propose d’augmenter le nombre de contrats d’alternance, à 46 000 d’ici à 2020 (au lieu de 38 000 actuellement)… Sans, toutefois, aller jusqu’à s’engager sur un taux d’embauches en CDI à la fin du contrat, précise Philippe Martinez. « Nous demandons que chaque somme versée soit affectée à des investissements précis. »

CHEZ AUCHAN, UN PACTE 
POUR FINANCER UN PSE ?

Bien qu’il ne soit pas vraiment confronté à la concurrence internationale, le commerce est le deuxième plus gros bénéficiaire du CICE (avec 18,5 % de la créance totale, selon un rapport parlementaire, derrière l’industrie, qui en représente 19,9 %).

Exemple : Auchan, propriété de la famille Mulliez, première fortune de France, qui a perçu 40 millions d’euros de CICE au titre de 2013 – 60 millions prévus au titre de 2014. Dans le même temps, le groupe a annoncé, début 2014, un plan social visant à supprimer 25 % de l’effectif cadres, soit 800 postes. Ainsi, s’insurge Guy Laplatine, délégué central CFDT, « c’est le contribuable qui va financer les gains de productivité.

Alors qu’Auchan n’est pas en concurrence avec l’étranger ! Auchan explose même son chiffre d’affaires à l’international, où il ouvre deux nouveaux magasins par semaine ». Auchan n’est pas un cas à part. Le cabinet d’expertise pour les comités d’entreprise Secafi a réalisé, pour la fédération CGT du commerce, une étude sur les six groupes de grandes surfaces à dominante alimentaire (Carrefour, Casino, Leclerc, Système U, Intermarché, Auchan).

Elle révèle qu’ils ont perçu, au titre de 2013, 1,6 milliard d’euros d’aides publiques, dont 1,25 million d’exonérations de cotisations sur les bas salaires, et 355 millions de CICE. Or, ces mêmes géants de la distribution ont réalisé, entre 2011 et 2013, la bagatelle de 14 milliards de profits, dont ils ont redistribué près des deux tiers (9 milliards) à leurs actionnaires en dividendes…

LES GÉANTS DU CAC 40 NE LAISSENT PAS LEUR PART

Ils réalisent des profits à milliards, mais les groupes du CAC 40 ne crachent pas sur le CICE. Total, par exemple, numéro un de l’indice, champion aussi des bénéfices (8,4 milliards d’euros en 2013), a reçu 20 millions d’euros de crédit d’impôt compétitivité. « C’est le coût de la rénovation du hall de la tour Total à la Défense », observe Éric Sellini, délégué CGT… Le laboratoire pharmaceutique Sanofi émarge, lui, au CICE à hauteur de 11,2 millions d’euros pour 2013 (auxquels il faut ajouter 125 millions de crédits d’impôt recherche), année pendant laquelle il a engrangé 3,7 milliards de profits, dont 70 % sont allés dans la poche des actionnaires.

Le directeur général, Chris Viehbacher, pour sa part, étant rémunéré à 8,6 millions d’euros en 2014, chiffre en hausse de 15 % sur 2013. À part cela, non, comme dit Manuel Valls, « le pacte, ce n’est pas un moyen d’augmenter les dividendes ou les plus hautes rémunérations »… Et la tendance ne semble pas s’inverser : d’après une étude récente, au deuxième trimestre 2014, les grands groupes ont distribué rien de moins que 40,7 milliards de dividendes, montant en hausse de 30 % par rapport à l’exercice précédent.

LA POSTE, CHAMPION DU CICE

L’hypocrisie du discours gouvernemental éclate encore avec le cas de La Poste, première entreprise pour le montant du CICE reçu : 297 millions d’euros pour 2013. Ce qui a permis à l’entreprise publique d’améliorer sensiblement son résultat d’exploitation. Et, du coup, de verser davantage de dividendes à… l’État actionnaire (171 millions d’euros). Cela n’a pourtant pas empêché La Poste de saigner ses effectifs de 4 473 emplois l’an dernier. « Pour La Poste, commente Bernard Dupin, administrateur CGT, le CICE, c’est un CISE : crédit d’impôt suppression d’emplois. » Une illustration de plus – la liste pourrait être de beaucoup longue – de la nécessité de remettre à plat toute la politique dite d’aides aux entreprises.

Voté fin 2012, entré en vigueur en janvier 2013, le CICE est calculé à partir de la masse des salaires de l’entreprise jusqu’à 2,5 Smic. Il représente une baisse du coût du travail de 4 % pour 2013 et de 6 % à partir de 2014. Il s’applique uniformément à toutes les entreprises payant l’impôt sur les sociétés, sans conditions.

En 2014, il devrait représenter un coût budgétaire pour l’État de 6,5 milliards d’euros. En 2015, 10 milliards. Le dispositif devrait atteindre son rythme de croisière en 2019, il coûtera alors 20,1 milliards d’euros. Le CICE entre dans le pacte de responsabilité, qui se compose aussi de nouveaux allégements de cotisations sociales (en particulier une baisse de 1,8 point des cotisations patronales famille sur les salaires jusqu’à 3 fois et demie le Smic, applicable au 1er janvier 2016).

Au total, d’ici à 2017, le pacte s’élèvera à 41 milliards d’aides aux entreprises. Selon un rapport de l’Assemblée nationale, la répartition de la créance du CICE par branche fait apparaître au premier rang l’industrie (19,9 %), suivie du commerce (18,5 %), des services administratifs (11,9 %), ?des finances et assurances (7,8 %), de la construction (7,6 %). Le classement par taille indique que les grandes entreprises accaparent 35,2 % du CICE, devant les PME (31 %), ?les entreprises de taille intermédiaire (22,5 %).

Yves Housson, l'Humanité : http://www.humanite.fr/credit-dimpot-competitivite-le-grand-detournement-556196

09/11/2014

Déclaration d’amour à des quartiers méprisés

PAPA+WAS+NOT+A+ROLLING+STONE+PHOTO3.JPG

Papa was not 
a Rolling Stone, de Sylvie Ohayon. France. 1 h 39.

Dans son film, Papa was not a Rolling Stone, tiré de son roman, Sylvie Ohayon 
fait revivre La Courneuve à l’époque du brassage social dans les années 1980.

Il y a plusieurs manières de résumer Papa was not a Rolling Stone. L’une consiste à y voir un film sur une famille biologique, avec un père aux abonnés absents, plus préoccupé par sa propre copine que par son épouse, qu’il songe à quitter au profit de l’autre.

Tout beau, tout nouveau, surtout quand on peut jouer à bon marché le coq de basse-cour. La mère, elle, est victime de la futilité de l’existence. Elle a consommé trop de chansons sirupeuses lui promettant un avenir radieux pour que cela ne laisse pas de séquelles.

Pourtant, c’est elle qui, vers la fin, sera capable du geste rédempteur et sacrificiel destiné à assurer le bonheur de sa progéniture.

Aure Atika est très convaincante dans ce rôle à contre-emploi. On peut aussi voir dans le film l’histoire de deux copines liées par une amitié profonde au-delà des brouilles quotidiennes. Le rôle de la première, Stéphanie, est tenu par Doria Achour.

C’est une belle plante passionnée de danse à qui tout réussit, même dotée de la mère dont on vient de brosser le portrait.

Stéphanie s’avère d’ailleurs capable d’obtenir la mention très bien au bac qui lui vaut l’accès en prépa à Louis-le-Grand, autrement dit un sésame pour l’avenir. Fatima, rôle tenu par la formidable Soumayé 
Bocoum, est le complément indispensable du duo, jouant à merveille son rôle de godiche : c’est la bonne copine, celle qui, faute d’avoir rencontré le prince Charles, cède aux garçons en quête de bonne fortune.

L’opposition de Stéphanie et Fatima, que tout sépare, est à la source de l’humour du film et de sa tendresse. Enfin, on peut voir ce premier long métrage comme un documentaire reconstitué, une réminiscence de ce que fut la cité des 4 000 à La Courneuve dans les années 1980, soit en un temps, et avec les modes musicales et vestimentaires qui vont avec, où l’on s’appréciait entre voisins, quelle que soit son origine ethnique. C’est sans doute sous cet aspect que le portrait est le moins convenu, même si l’on ne dénigre pas les valeurs comiques que procurent les autres dimensions.

La vie de la cité, comme elle n’est jamais montrée

À travers le personnage de 
Stéphanie, en effet, c’est sa propre histoire que raconte la réalisatrice, avec l’aide de la coscénariste Sylvie Verheyde et du producteur Michaël Gentile. 
Sylvie Ohayon a grandi à La Courneuve et a voulu raconter la vie de la cité « comme elle n’est jamais montrée à la télévision ».

On sent qu’elle parle en connaissance de cause et que son film relève du portait intime nourri de toute la complexité du réel. - See more at: http://www.humanite.fr/declaration-damour-des-quartiers-meprises-554011#sthash.vrVTxzpQ.dpuf

On sent qu’elle parle en connaissance de cause et que son film relève du portait intime nourri de toute la complexité du réél.

On sent qu’elle parle en connaissance de cause et que son film relève du portait intime nourri de toute la complexité du réel. - See more at: http://www.humanite.fr/declaration-damour-des-quartiers-meprises-554011#sthash.vrVTxzpQ.dpuf

Jean Roy L'Humanité : http://www.humanite.fr/declaration-damour-des-quartiers-meprises-554011

05/11/2014

Rémi Fraisse, victime d’une guerre de civilisation

morin.jpgA l’image d’Astérix défendant un petit bout périphérique de Bretagne face à un immense empire, les opposants au barrage de Sivens semblent mener une résistance dérisoire à une énorme machine bulldozerisante qui ravage la planète animée par la soif effrénée du gain. Ils luttent pour garder un territoire vivant, empêcher la machine d’installer l’agriculture industrialisée du maïs, conserver leur terroir, leur zone boisée, sauver une oasis alors que se déchaîne la désertification monoculturelle avec ses engrais tueurs de sols, tueurs de vie, où plus un ver de terre ne se tortille ou plus un oiseau ne chante.

Cette machine croit détruire un passé arriéré, elle détruit par contre une alternative humaine d’avenir. Elle a détruit la paysannerie, l’exploitation fermière à dimension humaine. Elle veut répandre partout l’agriculture et l’élevage à grande échelle. Elle veut empêcher l’agro-écologie pionnière. Elle a la bénédiction de l’Etat, du gouvernement, de la classe politique. Elle ne sait pas que l’agro-écologie crée les premiers bourgeons d’un futur social qui veut naître, elle ne sait pas que les « écolos » défendent le « vouloir vivre ensemble ».

Elle ne sait pas que les îlots de résistance sont des îlots d’espérance. Les tenants de l’économie libérale, de l’entreprise über alles, de la compétitivité, de l’hyper-rentabilité, se croient réalistes alors que le calcul qui est leur instrument de connaissance les aveugle sur les vraies et incalculables réalités des vies humaines, joie, peine, bonheur, malheur, amour et amitié.

Le caractère abstrait, anonyme et anonymisant de cette machine énorme, lourdement armée pour défendre son barrage, a déclenché le meurtre d’un jeune homme bien concret, bien pacifique, animé par le respect de la vie et l’aspiration à une autre vie.

Nouvel avenir

A part les violents se disant anarchistes, enragés et inconscients saboteurs, les protestataires, habitants locaux et écologistes venus de diverses régions de France, étaient, en résistant à l’énorme machine, les porteurs et porteuses d’un nouvel avenir.

Le problème du barrage de Sivens est apparemment mineur, local. Mais par l’entêtement à vouloir imposer ce barrage sans tenir compte des réserves et critiques, par l’entêtement de l’Etat à vouloir le défendre par ses forces armées, allant jusqu’à utiliser les grenades, par l’entêtement des opposants de la cause du barrage dans une petite vallée d’une petite région, la guerre du barrage de Sivens est devenue le symbole et le microcosme de la vraie guerre de civilisation qui se mène dans le pays et plus largement sur la planète.

L’eau, qui, comme le soleil, était un bien commun à tous les humains, est devenue objet marchand sur notre planète. Les eaux sont appropriées et captées par des puissances financières et/ou colonisatrices, dérobées aux communautés locales pour bénéficier à des multinationales agricoles ou minières. Partout, au Brésil, au Pérou, au Canada, en Chine… les indigènes et régionaux sont dépouillés de leurs eaux et de leurs terres par la machine infernale, le bulldozer nommé croissance.

Dans le Tarn, une majorité d’élus, aveuglée par la vulgate économique des possédants adoptée par le gouvernement, croient œuvrer pour la prospérité de leur territoire sans savoir qu’ils contribuent à sa désertification humaine et biologique. Et il est accablant que le gouvernement puisse aujourd’hui combattre avec une détermination impavide une juste rébellion de bonnes volontés issue de la société civile.

Pire, il a fait silence officiel embarrassé sur la mort d’un jeune homme de 21 ans, amoureux de la vie, communiste candide, solidaire des victimes de la terrible machine, venu en témoin et non en combattant. Quoi, pas une émotion, pas un désarroi ? Il faut attendre une semaine l’oraison funèbre du président de la République pour lui laisser choisir des mots bien mesurés et équilibrés alors que la force de la machine est démesurée et que la situation est déséquilibrée en défaveur des lésés et des victimes.

Ce ne sont pas les lancers de pavés et les ­vitres brisées qui exprimeront la cause non violente de la civilisation écologisée dont la mort de Rémi Fraisse est devenue le ­symbole, l’emblème et le martyre. C’est avec une grande prise de conscience, capable de relier toutes les initiatives alternatives au productivisme aveugle, qu’un véritable hommage peut être rendu à Rémi Fraisse.

  • Edgar Morin (Sociologue et philosophe), article publié par le Monde

14:00 Publié dans Actualités, Point de vue, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rém fraisse, morin edgard | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

02/11/2014

LES RACINES DE LA FRANCE DE SEMA KILICKAYA : PRIX SELIGMAN 2014 CONTRE LE RACISME

sema kiliçkaya,le royaume sans racines,immigration

sema kiliçkaya,le royaume sans racines,immigrationLes Éditions IN OCTAVO viennent d'annoncer que le Prix Seligmann 2014 contre le racisme a été décerné à l'ouvrage de Madame Sema Kiliçkaya intitulé "Le royaume sans racines". (1)

La Chancellerie des universités de Paris décerne chaque année plusieurs prix, parmi lesquels le prix SELIGMANN contre le racisme, fondé en 2003.
La réunion de délibération s’est tenue en Sorbonne, jeudi 16 octobre 2014, sous la présidence de Monsieur François WEIL, recteur de l’académie, chancelier des universités de Paris, et en présence de Madame Yvette ROUDY et de Monsieur Pierre JOXE, anciens ministres.
Le prix a été décerné à l’ouvrage de Madame Sema KILIÇKAYA intitulé « Le royaume sans racines », publié en 2013 aux éditions In octavo.

L’ouvrage est le deuxième roman d’une enseignante agrégée d’anglais et traductrice. Née en Turquie à la frontière syrienne, l’auteur s’interroge, à partir de sa propre histoire d’enfant puis d’adolescente immigrée en France, sur les rapports de la langue et de l’identité.

Les membres du jury ont particulièrement apprécié la qualité littéraire de l’ouvrage qui témoigne d’une belle maîtrise de la langue et propose une réflexion de qualité sur le langage. Ils ont apprécié un récit poétique, émouvant et exprimant une pensée positive sur l’exil, l’immigration et l’intégration.

(1) Le montant du prix est de 12 000 €

E-Mosaïque avait publié la critique suivante de ce livre 30 aout 2013. Ce prix démontre la pertinence de l'opinion que nous avions alors de ce livre. Félicitations à l'heureuse et talentueuse élue.

CRITIQUE PUBLIE LE 30 AOUT 2014

« Vivre comme un arbre, seul et libre. Vivre en frères comme les arbres d’une forêt. Ce rêve est le notre. » Nazim HIKMET

Cette histoire commence en 1943, à Alep par le périple de la belle Djémélé qui après la disparition de son époux rejoint à pied avec ses 5 enfants en Turquie, Antakya, la ville où elle est née. C’était le thème du premier roman écrit par Sema Kiliçkaya,« Le chant des tourterelles ». Sema connaît bien ce pays dont elle est originaire. Elle a grandi en France où professeur agrégé d’anglais dans un lycée de Champagne elle se passionne pour l’histoire de l’immigration turque, mais aussi pour l’histoire tout court passée et présente.

Son premier roman était déjà de très grande qualité, son deuxième est un chef d’œuvre littéraire écrit avec style et une belle écriture. 

Il constitue et constituera sans aucun doute aussi une œuvre sociologique majeure sur l’immigration en France.

sema kiliçkaya,le royaume sans racines,immigrationDans ce deuxième roman de Sema Kiliçkaya « Royaume sans racine » nous suivrons des descendants de la belle Djémélé qui comme des millions d’immigrés décident de venir travailler en France, « ce nombril de l’Europe ». D’autres préfèreront l’Allemagne « ou le mark est fort » en ce début des années 1960.

Zora, qui a 4 ans est venue en France avec sa famille sera le personnage pivot de ce roman. Autour d’elle toute les problématiques de l’immigration seront ainsi abordées précisément avec pudeur, finesse, intelligence: la misère, la famille, l’éducation, la religion, le racisme, l’intolérance, la tradition, le travail, l‘amour, la tragédie…

Zora qui va revenir régulièrement dans son pays d’origine, sera partagée entre celui-ci et son pays d’adoption dont elle ne reniera jamais les racines.

La conclusion de ce roman est pourtant sans appel pour Zora et bien d’autres : « Pour moi, le français s’est fait langue familière. Cette langue est le terreau dans lequel je m’épanouis. Elle dénoue les histoires inachevées, conte celles qui, comme la nôtre, sont éternellement recommencées, celle de l’exil. »

C’est sans aucun doute la force de ce roman. S’il concerne des immigrés d’origine Turques avec leurs propres histoires, leurs propres particularités, ce roman, cette histoire est celle aussi de millions d’autres immigrés qui ont rejoints la France au grès des aléas politiques et économiques.

Zora aurait pu s’appeler Lolita, Karol, Tening, Amélia, Latifa, Sophia, Bao ou Françoise, Jeanne, Elisabeth…C’est aussi leurs histoires, celle de la France toute entière et de ses racines plongées au profond des millénaires, de sa naissance et de son développement. C’est aussi une histoire universelle.

« Je suis cela même que vous voulez refouler au plus sombre de l’oubli, le souvenir de l’obscurité. Je reviens de l’abime du temps, embrase les jours passés »

A lire absolument : « Le royaume sans racines » Sema Kiliçkaya, éditions In Octavo, pris 20,50 €