11/09/2024
Fête de l’Humanité 2024 : les dix auteurs en lice pour le premier prix du polar l'Humanité
Le premier prix du polar l’Humanité sera décerné à l’issue d’un procès. Un jury populaire composé de lectrices et lecteurs de notre journal départagera les dix auteurs en lice.
Accusés, levez-vous ! Le premier prix du polar l’Humanité sera décerné, samedi 14 septembre, à partir de 17 h 30, à l’espace débats du Village du livre. Créé en partenariat avec le Syndicat des avocats de France (SAF) et le Syndicat de la magistrature (SM), le prix sera remis à l’occasion d’un faux procès d’assise. Les dix auteurs, cinq hommes et cinq femmes, en lice s’assoiront sur le banc des accusés.
Le romancier Gilles Del Pappas, qui présidera le tribunal, explique : « On leur reproche d’avoir commis des polars au sens que donnait Jean-Patrick Manchette. » Pour l’écrivain et spécialiste du genre, aujourd’hui disparu, « polar signifie roman noir et violent » et « tandis que le roman policier à énigme de l’école anglaise voit le mal dans la nature humaine – mauvaise –, le polar voit le mal dans l’organisation sociale transitoire ». Tous les styles de polar sont représentés : politique, historique, régional, social ou encore d’anticipation. Tous les romans sélectionnés ne sont pas de cette rentrée littéraire mais pour cette première édition « nous avons aussi souhaité distinguer certains auteurs pour l’ensemble de leur œuvre », poursuit le président du tribunal.
Les magistrats du SM prononceront les réquisitoires, les avocats du SAF assureront la défense des accusés. Après un dernier mot de leurs clients, le jury composé de lectrices et lecteurs du journal et qui a mis à profit l’été pour se plonger dans les romans, rendra son verdict. Il désignera également la meilleure plaidoirie.
Laurence Biberfeld : « Grain d’Hiver » (éditions In8)
Longtemps institutrice, Laurence Biberfeld manie la plume depuis l’enfance. Poèmes, contes, romans… elle finit par quitter l’éducation nationale en 1999 pour se consacrer à l’écriture. Elle publie son premier polar, la B.A. de Cardamone, en 2002.
En 2009, l’autrice qui se revendique de l’anarchie, est impliquée dans l’aventure du Poulpe avec On ne badine pas avec les morts.
Avec Grain d’hiver, elle nous raconte l’histoire d’Edoyo, accusée d’avoir assassiné son conjoint, et de sa grand-mère Gafna. La violence, les exils, la nature outragée, les liens du sang, l’amour sans condition sont au cœur de ce nouveau roman.
Antoine Blocier : « Sidéral » (les éditions du Horsain)
Antoine Blocier a fait ses classes dans l’action socioculturelle, bénévole et salariée, avant de bifurquer dans la fonction publique territoriale.
L’homme se dit « auteur du dimanche » mais compte à son actif quelques polars dont une aventure mémorable au Poulpe, Templiers.com, ou encore des nouvelles.
Militant politique, il est l’auteur de plusieurs pamphlets. Avec Sidéral, où il fait le récit d’une enquête sur la mort suspecte de deux spationautes, il signe un roman inclassable, à la fois polar, anticipation, réflexion philosophique et plaidoyer pour un autre monde.
Florence Bremier : « Les héros sont fatiguant » (éditions Grrr… art)
Dans une vie précédente, Florence Bremier était comptable après avoir poursuivi des études littéraires. Autant dire qu’elle sait brouiller les pistes. Après un grave accident de ski, en 1998, elle délaisse définitivement les chiffres pour les lettres et la danse.
Elle publie son premier roman en juillet 2007, De mémoire d’assassin. Les Héros sont fatigants ! est son deuxième roman, publié en janvier 2009 aux éditions Grrr… art. Ce polar antique et humoristique (sélectionné pour le prix marseillais du polar 2009) lève le voile sur la vie cachée des personnages de l’Odyssée.
Jeanne Desaubry : « Poubelle’s Girls » (éditions Lajouanie)
De son propre aveu, l’envie d’écrire la taraudait depuis l’âge de 7 ans, mais avant de se consacrer à l’écriture, Jeanne Desaubry a connu plusieurs vies : étudiante, cadre hospitalier, puis institutrice. Désormais, elle ne vit plus que pour le roman noir, comme éditrice et autrice. Dans Poubelle’s Girls, elle nous conte la folle histoire d’Élisabeth et de Paloma.
La première élève seule son enfant et exerce des petits boulots, la seconde squatte les bancs publics. Pour en finir avec les fins de mois difficiles, les deux pétroleuses se lancent dans le braquage. Un roman noir revendicatif…
Maurice Gouiran : « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » (M + Éditions)
Docteur en mathématique, spécialiste mondial en informatique de la gestion des incendies de forêt, Maurice Gouiran a visiblement besoin d’échapper aux chiffres et aux modèles.
En 2000, il publie la Nuit des bras cassés, le premier d’une série de polars originaux et engagés où l’intrigue se mêle aux tragédies du XXe siècle. On n’est pas sérieux quand on a 17 ans s’inscrit dans cette veine. À l’été 1961, Bro, un jeune Polonais, s’est installé à Lovère, un village près de Marseille. Il y a trouvé un travail et une amoureuse, mais nourrit une drôle d’obsession. Chaque soir, il se rend au bar pour suivre les retransmissions du procès Eichmann.
Nicolas Jaillet : « La Maison » (éditions Milady)
Nicolas Jaillet a l’habitude de brûler les planches. Comédien et auteur de théâtre, il a participé à plusieurs compagnies. Ami d’Alexis HK, avec qui il écrit des chansons, boit et fume comme il le confesse lui-même sur son blog, il s’est aussi essayé au cinéma expérimental et a même repris des études.
Ce touche-à-tout s’est donc lancé dans le roman. Avec la Maison, polar psychologique, il raconte l’histoire d’une femme qui épouse un homme qu’elle n’aime pas. Pendant des années, elle élève leur enfant et souffre en silence de la violence de son conjoint, mais prépare son évasion…
Louise Oligny : « Colère chronique » (le Livre de poche)
La Québécoise Louise Oligny, installée en France depuis 1989, travaille comme photographe-reporter pour de nombreux titres de la presse parisienne. Elle mène également de nombreux projets artistiques mêlant photographie, vidéo et musique.
Avec Colère chronique, elle livre un premier polar social féroce et déjanté : quand le directeur de l’hebdo qui l’a licenciée abusivement, quelques mois auparavant, est tué dans un attentat, les émotions de Diane oscillent entre joie et angoisse. Ne serait-elle pas pour quelque chose dans cette disparition ?
Michèle Pedinielli : « Sans collier » (éditions de l’Aube)
Journaliste de formation reconvertie dans la conception éditoriale Web et le communication digitale, Michèle Pedinielli est l’autrice de nouvelles et de plusieurs polars. Avec Sans collier, elle conte une nouvelle enquête menée Ghjulia Boccanera, dite Diou.
Cette fois-ci, la quinquagénaire part à la recherche d’un jeune ouvrier moldave mystérieusement disparu sur un chantier de construction à Nice alors qu’au même moment son patron est victime d’une crise cardiaque. La coïncidence n’en est pas une. Les disparitions s’accumulent, l’histoire se mêle à celle des années de plomb de la proche Italie…
Gérard Streiff : « Le Sosie » (la Déviation)
Les lecteurs de l’Humanité sont nombreux à connaître Gérard Streiff, qui fut correspondant du journal à Moscou et qui intervient régulièrement dans nos colonnes.
Auteur prolifique, il s’est lancé dans la littérature à la fin des années 1990 et a publié une trentaine d’ouvrages dont la récente biographie, Missak et Mélinée Manouchian : un couple dans la résistance (éditions de l’Archipel). Avec le Sosie, la nouvelle enquête de Chloé Bourgeade nous plonge dans les années 1970, la guerre froide, les dessous du Parti communiste français et les secrets de l’un de ses dirigeants, Jean Kanapa.
Pascal Thiriet : « Vos entrailles à nos chiens » (Jigal éditions)
Ancien autostoppeur aux États-Unis et au Guatemala, où il effectua un bref séjour en prison, Pascal Thiriet fonde à son retour en France une communauté situationniste. Tour à tour fabriquant de santons, convoyeur de bateaux, garagiste, typographe et professeur de math, il publie son premier roman J’ai fait comme elle a dit, en 2013.
Dans Vos entrailles à nos chiens, il est question du retour de Lydia dans son village, dans des circonstances quelque peu sanglantes puisque quelqu’un n’a rien trouvé de mieux que de suspendre des corps de touristes éviscérés dans les arbres de la forêt toute proche…
11:41 Publié dans Actualités, Connaissances, Livre, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : polar, prix humanité | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
09/07/2024
« Ça me fout les boules » : la tournée d’un facteur communiste en terres RN
Facteur depuis 23 ans, Dimitri Estimbre est aussi militant CGT et conseiller municipal communiste dans l’Hérault. Dans sa circonscription, le Rassemblement national a obtenu 49% de voix dès le premier tour des législatives et l’a emporté à 55% le 7 juillet. Reportage.
Au centre courrier de Bédarieux, commune d’un peu moins de 6000 habitants près de Béziers, les agents postiers s’activent, gueule de bois électorale ou pas. Dès 7h30, plusieurs discutent un peu, avant d’enchaîner avec le tri des colis et de leurs tournées. Dimitri salue ses collègues. Son nom ? Estimbre, « comme un timbre, j’étais prédestiné ! »
Le 30 juin, ce facteur et conseiller municipal PCF « de l’opposition » dans une mairie PS tenait un bureau de vote pour le premier tour des législatives anticipées. À plus de 21h, il était encore devant la mairie, commentant les résultats avec ses camarades. Décevants, selon lui : dans sa circonscription, la députée sortante du Rassemblement national (RN), Stéphanie Galzy, y est arrivée en tête du premier tour des législatives, avec près de 49% des voix ; devant le candidat du Nouveau Front populaire (NFP) Aurélien Manenc, à 32%. Au deuxième tour, le 7 juillet, le RN l’a emporté à 55%.
« Il y a désormais des gens qui ne prennent qu’un bulletin Reconquête et un RN de façon à ce que ça se voit, là où avant, les gens qui votaient FN se cachaient », décrit le facteur. « Sur notre commune, si on n’a pas les services publics ou ce qu’il en reste, c’est la déshérence la plus totale, parce que le taux de chômage officiel est à 20% », poursuit-il. Un sentiment d’abandon qu’il observe à la fois en tant que conseiller municipal et dans son travail.
La dégradation des services publics et la précarité, Dimitri Estimbre connaît. Avant d’être embauché en CDI, il dit avoir enchaîné 38 CDD « et autant d’avenants de contrats en un an et demi » à La Poste, dont il a observé la transformation d’entreprise publique en société anonyme. Ce matin-là, au centre courrier, il y a selon lui 25 à 30% de contrats précaires, parmi lesquels CDD, intérimaires, apprentis, ou encore alternants. « Par rapport à quand on a été embauché es, ça n’a plus rien à voir », commente Christelle, factrice depuis 28 ans, face aux vignes qui prennent les premiers rayons de soleil de la journée.
Comme ses collègues, elle avait pris l’habitude de commencer sa tournée à 6h et de l’avoir finie pour midi, tandis qu’elle débute aujourd’hui à 8h et termine vers 15h, après une pause de 45 minutes obligatoire. « C’est un travail physique », met en avant cette syndiquée à la CGT, qui a commencé à La Poste à 18 ans. Elle décrit des colis de plus en plus lourds, « parfois des valises aussi ».
À ses côtés, Dimitri pointe du doigt la pile de colis Amazon : « Notre métier change. C’est plus de manutention, plus de colis hors norme. Depuis le Covid, ça peut être n’importe quoi : de la nourriture, des croquettes pour chien… C’est le facteur qui ravitaille !, rapporte-t-il. Un jour, un colis s’est ouvert après une chute : c’était des raviolis en boîte. »
Certes, le courrier se fait plus rare, « mais en zone rurale, on amène tout », décrit-il : recommandés, colis, publicités… « On peut faire jusqu’à 120 kilomètres par jour », fait-il remarquer. Si l’on s’en tient à la description de sa position de travail sur son application professionnelle, Dimitri doit distribuer 29 objets ce jour. « Là je n’ai pas tout flashé et j’en suis déjà à 44 », remarque-t-il, tandis que sa responsable vient s’enquérir de notre identité, suivie par le chargé des relations presse de La Poste, qui nous appelle quelques minutes plus tard.
Plus de contrôle
Militant CGT déjà passé en conseil de discipline, Dimitri Estimbre est un des rares facteurs à accepter de décrire son quotidien. Car l’anonymat est souvent requis par peur de la hiérarchie. « On est fliqué es », a lancé une factrice, qui avait accepté de nous rencontrer avant de se désister. « Officiellement on n’est pas contrôlés, on n’a pas de traceur GPS, mais on doit scanner les objets distribués et l’heure s’affiche », ironise Dimitri.
Sur sa tournée, partagée entre ville et campagne, le facteur ouvre une boîte aux lettres dans la rue commerçante d’Herepian, où figurent encore des tracts du NFP, qui n’ont visiblement pas intéressé. « Ça me fout les boules », souffle-t-il. Dans cette commune, le RN a fait 54% au premier tour des législatives. Plus du double que son concurrent de l’alliance des gauches.
Le chiffre désole également Thierry Deloulay, gérant du restaurant L’Ocre Rouge, installé dans la région depuis 24 ans, qui déplore la disparition des services publics. Il connaît Dimitri depuis quelques années. « On se voyait aux manifestations contre la réforme des retraites », raconte-t-il.
Moins de temps pour le contact humain
Le postier, que tous les passants saluent, prend des nouvelles de François, le fleuriste, seul derrière son comptoir. « Il prend le temps, on discute deux-trois minutes, ça fait du bien », confie ce dernier. Ce n’est pas toujours le cas. « Avec l’intensité du travail, tu galopes, tu aimerais parler et tu peux pas, c’est ça le plus grand malheur », regrette le postier, qui alterne entre plusieurs tournées différentes. Avant d’ajouter : « La Poste joue sur la notoriété du facteur pour essayer de faire du business, et en même temps elle nous enlève le temps nécessaire à ce contact humain, donc c’est toute une contradiction. »
Parmi cette diversification des missions à l’œuvre depuis plusieurs années, il est ainsi parfois demandé aux agents de faire de la vente de timbres, du portage de repas, de la livraison de fleurs, ou de proposer le service de téléassistance « Veiller sur mes parents », payant pour les usagers. Le tout sans contrepartie, ou presque. « Avant on était payés pour distribuer les bottins, les catalogues, les plis électoraux… aujourd’hui tout est intégré dans la charge de travail, déplore Clémence, factrice depuis 26 ans et fière fonctionnaire. J’ai eu un des derniers concours pour entrer dans le métier, maintenant il n’y en a plus ! »
1600 euros nets
Postier depuis 23 ans, Dimitri touche 1600 euros net par mois. Soit un peu plus du double que ce que gagne Armand, qui distribue du courrier pour Milee, concurrent historique de Médiaposte, filiale du groupe La Poste. Avec 700 euros par mois, il complète ainsi sa petite retraite de 1160 euros. Dimitri s’arrête pour serrer la main à cet ancien maître d’hôtel de 80 ans, qui tire un petit chariot bleu à roulettes. « Je pense arrêter en septembre », confie Armand après 17 années de distribution dans cette entreprise qui emploie 9000 personnes, dont beaucoup de retraités, et qui a récemment demandé son placement en redressement judiciaire.
« Il faudrait que tous soient intégrés à Médiaposte », défend le facteur, solidaire. Mais partout, la tendance est plutôt à la réduction des effectifs. Nombreux sont ses collègues qui déplorent des départs à la retraite non remplacés, ou alors par des intérimaires.
Dans le contexte politique actuel, les facteurs de la commune Bédarieux ont obtenu d’être payés en heures supplémentaires à 200% pour la distribution des plis électoraux. « Mais la semaine prochaine on va se retrouver à distribuer le courrier et les colis en souffrance », pressent déjà Dimitri. Le tout sans compter les heures supplémentaires qu’il effectue bénévolement en dehors de son temps de travail.
Pour des plis bien choisis, cette fois : les tracts du NFP, qu’il a distribués sans relâche jusqu’au 5 juillet. Chaque jour, il faisait ainsi une heure et demie de tractage de 6h à 7h30, avant de se rendre au centre de tri. Inépuisable, il recommençait l’après-midi, après sa tournée, pour tenter de convaincre quelques « fâchés pas fachos ».
À cette tâche, il reconnaît être plutôt efficace : « J’avance vite, c’est mon métier ! », s’amuse-t-il. Et alors que la candidate RN l’a emporté au second tour dans cette cinquième circonscription de l’Hérault, les efforts de Dimitri semblent avoir porté leurs fruits à Bédarieux, où Aurélien Manenc, du NFP est arrivé en tête de justesse, à 51,5 contre 48,5%. « Ça veut dire que notre travail de proximité a payé », réagit le facteur depuis sa tournée.
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31/05/2024
Cancer du sein : l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, une proposition de loi prévoyant une meilleure prise en charge des soins
Les députés ont adopté en première lecture une proposition de loi portée par le député communiste Fabien Roussel (Gauche démocrate et républicaine), "visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l'Assurance maladie", à l'exclusion des dépassements d'honoraires. Le texte doit maintenant être examiné par le Sénat.
Améliorer la prise en charge du "cancer le plus violent et qui frappe le plus de monde dans notre pays". Ce sont les mots du député communiste Fabien Roussel, expliquant l'objectif de sa proposition de loi adoptée à l'unanimité, en première lecture par l'Assemblée nationale. Le texte, "visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l'Assurance maladie", était présenté dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Gauche démocrate et républicaine, du jeudi 30 mai.
Si le cancer du sein est reconnu comme affection longue durée (ALD), permettant la prise en charge complète des traitements (chirurgie, chimiothérapie...), les patientes ont dans les faits un reste à charge, plus ou moins important en fonction de leur complémentaire. En cause, explique Fabien Roussel, les participations forfaitaires et franchises, les dépassements d’honoraires engagés pour des soins comme la chirurgie de reconstruction après l’ablation du sein, l’achat des dispositifs médicaux ou produits de santé prescrits dans le cadre des traitements (sous-vêtements chirurgicaux, renouvellement de la prothèse mammaire, vitamines, crèmes et vernis, etc.) ou encore les frais engagés pour l’accès aux "soins de support", tels que l’activité physique adaptée, les consultations de diététique, le suivi psychologique...
La proposition de loi du secrétaire national du Parti communiste prévoit donc une prise en charge de ces soins "consécutifs" à la maladie, afin de remédier à cette "injustice". Contrairement au texte initial, selon le rapporteur du texte - sans que ne soient cependant pris en charge les dépassements d'honoraires, ce qui était prévu par le texte initial, mais pas dans la version votée en commission, puis dans l'hémicycle. Au cours des débats, Jean-François Rousset (Renaissance) a pointé un risque "inflationniste" si les dépassements d'honoraires étaient inclus dans le dispositif, un point de vue partagé par par Nathalie Serre (Les Républicains).
"Le cancer féminin le plus meurtrier"
"Le cancer du sein meurtrit profondément les femmes", a défendu Fabien Roussel. Plus de 60 000 personnes ont été atteintes par ce cancer l'année dernière, dont 99% sont des femmes. Ce cancer est également "le cancer plus meurtrier" chez les femmes, avec 12 000 décès en 2023. Détecté rapidement, la rémission est possible dans neuf cas sur dix en cas de diagnostic précoce, selon les chiffres de l'Assurance maladie.
Le député communiste, témoignages à l'appui, a souhaité convaincre des conséquences profondes du cancer du sein sur l'existence des femmes, et de la nécessité de combler les "trous dans la raquette", face à "des craintes d'assumer des dépenses qui ne sont pas prises en charge". Le texte permet notamment, par l'article 1, l'exemption de forfait journalier hospitalier et la prise en charge intégrale des prothèses mammaires et capillaires, ainsi que des soins de support, afin de diminuer le reste à charge "dont le niveau [...] se chiffre en plusieurs centaines d'euros, voire davantage".
Un risque de "rupture d'égalité"
En séance, le ministre délégué en charge de la Santé et de la Prévention, Frédéric Valletoux, a dit craindre une "réponse partielle". En créant un régime dérogatoire pour le cancer du sein, par rapport aux autres affections longue durée, il a estimé que la proposition de loi portait un risque de "rupture d'égalité et de traitement" en matière d'accès aux soins, au point de créer potentiellement une "inégalité flagrante".
Saluant l'intention du texte de Fabien Roussel, la présidente de la commission des affaires sociales, Charlotte Parmentier-Lecocq, a tenu à rappeler "l'importance du dépistage" du cancer du sein. Considérant que la proposition de loi, telle qu'elle a été retravaillée, apporte de "vraies réponses", elle a cependant évoqué, elle aussi, l'introduction d'une "différence de prise en charge, spécifiquement pour le cancer du sein", qui impliquera une réflexion dans le cadre de la navette parlementaire. Charlotte Parmentier-Lecocq a, en outre, indiqué que la commission des affaires sociales avait décidé de créer une mission sur la question des dépassements d'honoraires, qui se pose pour le cancer du sein, mais aussi pour de nombreuses pathologies, afin d'étudier "la manière d'améliorer leur prise en charge".
Après son adoption à l'unanimité en première lecture - Fabien Roussel se félicitant à ce stade d'une "loi de compromis" - le texte doit maintenant être examiné par le Sénat pour continuer son parcours législatif.
12:11 Publié dans Actualités, Connaissances, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fabien roussel, cancer | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
29/05/2024
Manon Ovion, des Vertbaudet : « Je me suis trompée, la politique impacte nos vies »
Visage de la lutte des Vertbaudet, elle a mené la longue grève de 84 jours qui a permis d'arracher des hausses de salaires. La Roubaisienne Manon Ovion revient sur ce mouvement historique de 2023 et sur sa participation à la liste PCF aux élections européennes.
Au printemps 2023, une centaine d’ouvriers de Vertbaudet, un spécialiste du prêt-à-porter pour enfants, se lançaient dans un long combat. Leur objectif ? Obtenir de meilleurs salaires, tandis que la vente en ligne explose et les cadences de travail avec.
Ce mouvement, ancré sur le piquet de grève de Marquette-lez-Lille (Nord) et essentiellement porté par les travailleuses, a marqué le paysage social, alors que l’exécutif forçait les actifs à travailler deux ans de plus, avec sa réforme des retraites. La déléguée syndicale CGT, Manon Ovion, est apparue comme le visage de ce mouvement : une femme, jeune, mère de famille, qui a tenu tête à une direction fermée à toutes médiations. Jusqu’à la victoire de ces ouvrières.
Pensiez-vous tenir durant 84 jours ?
Non. Nous avons fini ce combat avec 75 collègues grévistes. L’inflation nous prenait aux tripes. Il était primordial que l’employeur nous augmente, améliore nos conditions de travail et embauche les intérimaires. En novembre 2022, la CGT venait d’être représentative aux élections professionnelles. L’accord NAO, que nous n’avions pas signé, ne comprenait aucune augmentation. Ce n’était pas entendable.
Les femmes sont majoritaires à Vertbaudet. Beaucoup sont des mères isolées. Nous rencontrons un fort taux de maladies professionnelles. L’usure de notre santé est quotidienne. Tout cela avec des salaires qui ne nous permettant pas de vivre dignement. Or, avec la vente par correspondance, Vertbaudet a vu son chiffre d’affaires exploser, dépassant les 350 millions d’euros lors du Covid.
Votre piquet a été violemment évacué à plusieurs reprises. Un élu syndical a été agressé devant chez lui. Qu’est-ce que cela traduit ?
Forcément, en nous mettant en grève, on ignorait l’ampleur qu’allait prendre notre combat. Mais nous ne pouvons oublier la répression policière. Une de nos collègues, en rémission d’un cancer, s’est fait traîner par le cou sur plusieurs mètres. Ne pouvant s’en remettre, elle a signé une rupture conventionnelle. Le piquet de grève a été tenu nuit et jour. La direction a politisé cette grève.
« Jusque-là, dans mon entrepôt, des salariées partaient en retraite sans avoir dépassé le Smic malgré trente ans d’ancienneté. »
Manon Ovion
Le siège social de Vertbaudet est à Tourcoing, le fief de Gérald Darmanin. Nous avons vu débarquer les CRS tous les deux jours, juste pour nous intimider. L’entreprise appartient à un fonds de pension, Equistone Partners Europe, dont le directeur parisien est Édouard Fillon, fils de l’ancien premier ministre. Tout ce petit monde s’organisait pour ne rien nous lâcher.
Mais, de notre côté, il était inconcevable de reprendre le travail sans que la direction ne cède sur nos augmentations de salaires. Et nous avons arraché entre 4 et 7 % d’augmentation. Jusque-là, dans mon entrepôt, des salariées partaient en retraite sans avoir dépassé le Smic malgré trente ans d’ancienneté. Et avec la réforme des retraites, on nous a demandé de nous user deux ans de plus au travail, pour ne rien gagner en plus…
Auparavant, le recours à la grève était-il courant chez Vertbaudet ?
Sur le piquet de grève, nous avons fêté les 60 ans de Vertbaudet ! Avant, les conflits sociaux pouvaient se résumer à une heure de grève symbolique, afin de mettre un coup de pression sur l’employeur. Je suis arrivée en 2012. Je n’avais jamais fait une journée de grève.
Nous avons d’abord été surpris par l’ampleur de ce mouvement. Mais faut-il vraiment s’étonner que la colère explose, alors que des collègues n’arrivent pas à vivre de leur travail ? Chez nous, des salariées vont au Secours populaire. Pour certaines, après avoir payé les factures, dégager de l’argent pour manger est une première victoire. Nous n’avions plus rien à perdre, pas même notre emploi. Un Smic se trouve chez d’autres employeurs.
Marquette-lez-Lille est devenue la capitale des conflits sociaux sur les salaires après la réforme des retraites. De nombreux leaders de gauche sont venus. Étiez-vous prête à une telle médiatisation ?
Clairement non. Au-delà de la médiatisation, un élan de solidarité s’est engagé autour de nous. Sur notre piquet de grève, des automobilistes s’arrêtaient pour nous soutenir. Nous pouvions ainsi récupérer jusqu’à 800 euros certains jours avec la caisse de grève.
« Le sexisme est démultiplié lors d’une grève. »
Manon Ovion
Des gens sont venus nous apporter à manger. Une Belge est venue avec une pile de crêpes immenses. Tous ces gestes de soutien nous ont donné la force de tenir. Par ailleurs, l’appel au boycott, par Sophie Binet, de la marque Vertbaudet, a fait beaucoup de mal à la direction.
Cependant, le conflit a parfois été compliqué dans les familles. J’ai eu la chance de pouvoir compter sur mon époux. Des collègues ont quitté la bataille, non pas par manque de conviction, mais par désaccord à la maison. Le sexisme est démultiplié lors d’une grève.
Après ce conflit, la direction a-t-elle changé d’attitude ?
On ne gagne pas des avancées avec du dialogue social, mais avec un rapport de force. Désormais, il est plus en notre faveur à Vertbaudet. Alors que les patrons voulaient nous diviser, pour mieux régner, nous avons gagné de la solidarité entre les salariés. C’est un atout majeur. Au total, sur 250 salariés, nous sommes passés de 15 syndiqués CGT à une grosse centaine.
Vous travaillez à Vertbaudet depuis vos 20 ans. Quelles sont les sources de votre engagement syndical ?
Je ne viens pas d’une famille militante. Mais je suis issue d’une famille ouvrière. Je porte cet héritage. Il n’y a pas de sous-métiers, juste des métiers sous-payés. En 2019, j’étais dans le collimateur de mon agent de maîtrise. Je subissais des pressions quotidiennes, allant jusqu’à du harcèlement. À l’époque, j’enregistrais les retours de produits, à l’aide d’un bipeur. Mais l’outil de travail captait mal. Je multipliais donc les allers-retours entre le bureau du chef, où il y avait des recharges, et l’endroit où j’étais postée. Des toilettes se trouvent sur ce trajet.
Un jour, j’ai eu le malheur d’aller faire une halte pipi, cinq minutes avant la pause. Mon chef m’a attendu à la sortie des toilettes pour me passer un savon. J’ai explosé devant mes collègues. À la suite de cette histoire, j’ai décidé de me syndiquer.
J’ai poussé la porte de l’union locale CGT de Tourcoing, car je ne me voyais pas m’engager dans un autre syndicat. Problème : nous n’étions que quatre cégétistes dans l’entrepôt. J’ai donc été désignée représentante de la section syndicale, mandatée par l’union locale.
En quoi consiste votre profession ?
J’ai arrêté l’école à 18 ans. Quand on n’a pas de diplôme, l’usine est une porte d’entrée facile pour trouver un emploi. À La Redoute, dans l’agroalimentaire… j’ai très vite connu le monde ouvrier. Désormais, je suis préparatrice de commandes. Si vous passez commande sur Internet, ce sont des petites mains comme les miennes qui préparent vos colis.
Nous travaillons sur des paquets pouvant contenir jusqu’à 300 pièces. Malgré mes engagements syndicaux, je travaille toujours 35 heures par semaine sur mon poste de travail. C’est usant. Nous faisons entre 15 et 25 kilomètres de marche quotidiennement.
Les objectifs de production fixés par la direction sont de 175 articles par heure. Il faut beaucoup d’énergie pour tenir la cadence, sinon, nous subissons des coups de pression.
Vous figurez sur la liste menée par Léon Deffontaines (PCF) pour les élections européennes. Pourquoi ce choix ?
Sans les relais politiques, les Vertbaudet n’auraient pas pu tenir aussi longtemps. Avec les communistes, j’ai lié des attaches particulières sur le piquet de grève. Étant donné mon histoire familiale, je ne me voyais pas me rapprocher d’un autre parti.
Mais à vrai dire, je n’ai pas voté depuis longtemps. Je n’ai pas honte de le dire, je me suis trompée : la politique impacte énormément nos vies. Les enjeux de conditions de travail et de salaires doivent sortir des murs des entreprises, pour unir l’ensemble des travailleurs.
La liste de Léon Deffontaines ressemble largement au monde du travail. C’est important. Les gens ne se retrouvent plus dans les discours politiques. Les travailleurs sont les mieux à même de décider ce qui est bon pour leurs vies et leurs entreprises.
C’est pourtant l’extrême droite qui semble avoir le vent en poupe chez les ouvriers et employés… Comment combattre cette résignation ?
Le fait que les partis de gauche se tirent autant dans les pattes n’est pas pour aider. Les gens ne se retrouvent plus dans la gauche. Ils ont le sentiment d’avoir été oubliés, délaissés, y compris par la gauche.
Pour les ouvriers, les employés, la perte de confiance est évidente. Or, l’extrême droite est tout sauf porteuse d’un projet social pour les travailleurs. C’est bien par l’organisation, la mobilisation collective que l’on peut faire changer les choses.
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