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30/09/2019

89% des Français soutiennent la grève des urgences

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Près de neuf Français sur dix soutiennent la grève des urgences, selon un sondage Odoxa pour franceinfo et Le Figaro. "C'est le but recherché par notre mouvement", réagit Christophe Prudhomme, le porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France, dimanche 29 septembre. Selon ce même sondage Odoxa, les Français, comme les personnels hospitaliers n’ont pas été convaincus par le plan Buzyn. "Nous ne voulons pas du plan de Mme Buzyn, nous ne voulons pas des 750 millions d'euros, parce qu'ils sont pris ailleurs, à nos collègues, dans d'autres services", résume-t-il.

franceinfo : Près neuf Français sur dix estiment que les personnels des urgences font bien leur travail. C'est une première consolation, pour vous, après plusieurs mois de grève ?

Christophe Prudhomme : C'est le but recherché par notre mouvement. De plans d'économies en plans d'économies, nous sommes en permanence sur la corde raide. Quand des personnes attendent des lits sur des brancards et que la seule réponse de la ministre c'est de nous fournir des gestionnaires de lits, ça ne fonctionne pas. Un gestionnaire de lits ça ne trouve pas les lits qui n'existent pas. Ce qu'on demande, ce n'est pas le plan d'Agnès Buzyn, ce qu'on demande c'est qu'on desserre les cordons de la bourse et après on discutera des moyens à mettre en œuvre hôpital par hôpital.

Malgré ce soutien des Français, la situation de saturation conduit-elle à des rapports compliqués parfois avec les patients ?

Oui, les rapports sont tendus. On a une augmentation des actes de violence aux urgences pour différentes raisons. Une bonne partie les agressions sont liées à des patients psychiatriques qui aujourd'hui ne sont pas bien pris en charge. Pour être un peu caricatural, une bonne partie des patients - du fait de la dégradation du système de prise en charge en psychiatrie - sont dans la rue ou en prison. Quand ils sont dans la rue, ils viennent aux urgences et on n'a pas de moyens suffisants pour les prendre en charge. Souvent, on les renvoie dehors parce qu'il n'y a pas de lits d'hospitalisation. À un moment donné, il faudra bien que la ministre écoute les professionnels de terrain et pas quelques experts qu'elle réunit en ce moment dans des groupes de travail où il n'y a aucun représentant des personnels. Ce n'est pas sérieux.

Qu'est-ce que vous réclamez ?

Nous, ce qu'on demande c'est un vrai dialogue social et qu'on prenne en compte la réalité du terrain des aides-soignants, des infirmiers et des médecins. On ne veut plus de plan d'économies, on ne veut plus de fermetures de lits, on veut des augmentations de salaire parce qu'aujourd'hui les infirmières sont parmi les plus mal payées de toute l'Europe. On demande une augmentation du budget des hôpitaux de 5% cette année pour nous permette de souffler. Ce n'est pas anodin, vous avez un mouvement qui perdure depuis plusieurs mois et qui s'étend. Aujourd'hui ce sont des services de psychiatrie, des blocs opératoires, qui se mettent en grève. Ce sont des médecins qui ont publié une tribune dans Le Journal du Dimanche. Ce sont des syndicats de directeurs qui tirent la sonnette d'alarme. Il n'y a pas que les gauchistes de syndicalistes qui hurlent, c'est l'ensemble du monde hospitalier qui dit "Ça suffit !"

Quand vous parlez d'une augmentation de la dotation globale, c'est à la fois pour rénover les services d'urgence, pour moderniser les hôpitaux, et à la fois pour mieux rémunérer les personnels ?

Les moyens qui ont été donnés aux urgences, les quelques postes qui ont été créés, ce sont des moyens qui sont retirés à la gériatrie dans mon hôpital. Aujourd'hui, mon hôpital ferme des lits de gériatrie alors que ce sont les lits dont nous avons besoin pour hospitaliser nos patients. Donc c'est le serpent qui se mord la queue. Nous ne voulons pas du plan de Mme Buzyn, nous ne voulons pas des 750 millions d'euros, parce qu'ils sont pris, ailleurs, à nos collègues dans d'autres services. On est dans le cadre d'un budget qui n'augmente pas. C'est ça le problème. À chaque crise, on va donner un petit peu par-ci un petit peu par-là et on retire ailleurs. Il va bien falloir, à un moment donné, qu'on mette tout à plat. Si on veut rénover les choses, tout sociologue des organisations vous dira qu'on ne peut pas le faire sous la contrainte financière.

Ne faut-il pas aussi sensibiliser le public pour régler cette crise, puisque trop de gens viennent aux urgences alors qu'ils n'en ont pas réellement besoin ?

Non. Les gens viennent aux urgences parce qu'ailleurs il n'y a rien. Parce qu'il n'y a pas de médecin en ville. Le nombre de médecins généralistes a diminué de 10 000 ces quinze dernières années et on va encore perdre 6 000 médecins généralistes d'ici 2025. Donc il faut arrêter de dire que les gens viennent pour rien aux urgences. Heureusement qu'il y a encore un service public qui est ouvert 24 heures sur 24 où il fait chaud, où il y a de la lumière, qui s'appelle les urgences. Personne ne vient par plaisir aux urgences. Bien sûr, des abus, il y en a toujours. Mais c'est voir les choses par le petit bout de la lorgnette. C'est très minoritaire.

Sources France Info

16:18 Publié dans Actualités, Entretiens, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sondage, grève, urgentistes | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

22/09/2019

Nucléaire et climat pour les nuls

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D’après une enquête IPSOS 75% des personnes se déclarant le plus hostiles à l’électricité nucléaire croient que les centrales nucléaires contribuent « beaucoup » à l’effet de serre alors que scientifiquement c'est archi faux et que c'est exactement le contraire.

Produire son électricité avec des centrales nucléaires présente un bilan très contrasté d’avantages et d’inconvénients. D’un côté la nécessité de maîtriser le risque d’une perte de contrôle des réacteurs, la difficile gestion des déchets radioactifs, et pour ceux qui ne fabriquent pas eux-mêmes réacteurs et combustibles une dépendance absolue vis à vis des fournisseurs. De l’autre une électricité abondante et pilotable, aux coûts qui peuvent être très compétitifs… ou non en fonction des situations. Une grande économie de matières premières et d’espace. Des centrales pratiquement dénuées d’émissions de particules ou de gaz nocives pour la santé et l’environnement. Une balance à jauger en fonction des besoins et caractéristiques des pays et systèmes électriques, ce qui peut aboutir à dire oui ou non à cette technologie.

outefois, un aspect de l’énergie nucléaire semble sans contestation possible : le fait qu’il permette l’accès à une électricité à très faible impact sur le climat – comparable, voire meilleure au MWh produit, à l’éolien, au solaire ou à l’hydraulique. Un avantage massif, au regard du charbon et du gaz, source de près de 70% de l’électricité mondiale et dont la combustion émet du CO2, le gaz à effet de serre n°1 des émissions anthropiques provoquant le changement climatique en cours. Dans les scénarios énergétiques, ceux examinés par le GIEC ou d’autres experts, le nucléaire fait donc partie des mix électriques envisagés pour atténuer la menace climatique.

L’ignorance des hostiles

Mais cet aspect est-il un fait connu, partagé, permettant un débat public informé sur le sujet ? Une étude sociologique réalisée par IPSOS pour le compte d’EDF depuis 2012 chaque année semble montrer que non. Dans une mesure pour le moins alarmante pour qui souhaite une décision citoyenne sur le sujet énergétique. A partir d’une enquête réalisée par internet (1), confirmant les ordres de grandeurs d’autres études, il est permis d’affirmer que l’ignorance règne plus que la connaissance de ce fait. Que nos concitoyens sont victimes d’une grande tromperie qui pèse sur leur réflexion.

L’ignorance est massive, puisque si l’on additionne les « beaucoup » (44%) et les « un peu » (34%), on frôle les 80% des sondés attribuant aux centrales nucléaires une responsabilité dans l’élévation de la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre, et donc dans le changement climatique. Même une vision optimiste – pour l’état des connaissances de nos concitoyens – parvient quand même à constater que près de la moitié de la population se met le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

Je crois donc je sais

l’un des résultats les plus frappant de l’enquête est la dépendance à l’opinion de la diffusion d’une connaissance pourtant robuste, celle qui explique pourquoi le système électrique français est « décarboné » à près de 90%. Un peu comme la situation américaine où le vote Démocrate ou Républicain permet de prédire votre opinion sur la cause ou la réalité du changement climatique. L’enquête relie la position la plus hostile à l’usage de l’électricité d’origine nucléaire avec l’ignorance la plus massive : 75% des sondés se déclarant « tout à fait contre » l’utilisation du nucléaire croient que les centrales nucléaires contribuent « beaucoup » à l’effet de serre. La seule option de politique énergétique qui rassemble des personnes majoritairement informées de la véritable liaison entre nucléaire et climat est celle qui se déclare « tout à fait pour » cette source d’électricité. Les opinions moins tranchées se distribuent entre ces deux extrêmes.

Un psycho-sociologue y verrait une magnifique illustration du « biais de confirmation » qui encourage les individus à écarter toute information susceptible de mettre en cause leur croyance. Si l’on croit que l’énergie nucléaire, c’est mauvais, alors il faut qu’elle soit mauvaise aussi pour le climat… que l’on veut préserver.

Le souci climatique est très fort

Ce n’est pas par négligence du dossier climatique que les sondés en arrivent à partager massivement cette ignorance d’une des caractéristiques principales de l’électricité d’origine nucléaire. Ils sont en effet plus de 90% à considérer le changement climatique comme « très préoccupant » ou « assez préoccupant ». Plus encore : ils sont près de 90% à considérer que pour choisir les énergies à utiliser « lutter contre le changement climatique » est soit « très important » (49%) soit « plutôt important ». On pourrait donc s’attendre à ce que nos concitoyens fassent l’effort nécessaire pour comprendre l’origine première du problème – l’émission massive de gaz à effet de serre issus de la combustion du pétrole, du charbon et du gaz. Et donc se rendre compte de ce qu’une centrale nucléaire ne fait pas partie du problème mais, éventuellement, de sa solution.

Il convient toutefois de noter que cette enquête, après d’autres, confirme que la population française n’est pas dans l’unanimité à ce sujet. Une grosse majorité affirme, en accord avec les climatologues, que nous vivons un changement climatique anthropique, causé par l’homme, mais ils ne sont que 67% en 2017 (et n’étaient que seulement 55% en 2012).

Plus on est jeune et plus on ignore

L’analyse du détail par tranche de population fait percevoir une dégradation de la culture scientifique inversement proportionnelle… à l’âge. Plus on est jeune et plus on se trompe. Entre 18 et 24 ans, 63% de la population est persuadée du caractère climaticide des centrales nucléaires. Et encore 55% des 25 à 34 ans. Curieusement, les jeunes sont aussi plus massivement convaincus que les vieux (75% des moins de 25 ans contre 50% des plus de 65 ans) du caractère anthropique du changement climatique. Autrement dit, la préoccupation climatique ne conduit absolument pas à la connaissance de la physique du climat, laquelle nous dit qu’une centrale nucléaire n’est pas une cause du changement climatique.

Les femmes se distinguent mal, avec un score de 57% persuadées que les centrales nucléaires émettent « beaucoup » de gaz à effet de serre, mais c’est là un résultat qui trouve sa source dans… l’hostilité qu’elles marquent puisqu’elles sont 51% à se déclarer tout à fait  contre ou contre leur utilisation, alors que seuls 39% des hommes sont dans ce cas.

Le bilan des « pour/contre » l’utilisation du nucléaire pour l’électricité est proche du match nul, avec 46% de contre contre 42% de pour. Les raisons invoquées par les uns et les autres pour choisir les énergies à utiliser sont diverses : emplois, protection de l’environnement, santé publique, coût… et lutter contre le changement climatique. Mais peut-on considérer que cette dernière raison est envisagée à bon escient lorsque tant de citoyens se trompent aussi lourdement sur la relation entre centrales nucléaires et émissions de gaz à effet de serre ? Le graphique ci-dessus montre en effet que les citoyens les plus soucieux de lutter contre le changement climatique sont également les plus opposés au nucléaire. Une opinion qui serait tout à fait respectable si elle ne s’accompagnait pas d’une ignorance largement partagée sur la véritable relation entre nucléaire et climat.

Blog le Monde

18/09/2019

Nedjma ou la chronique des années de plomb : Papicha

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Dans l’Algérie des années 1990, quatre étudiantes se trouvent confrontées à la montée de l’islamisme. Premier film de Mounia Meddour.

En 2011, Mounia Meddour réalisait un documentaire, le Cinéma algérien, un nouveau souffle, dans lequel elle se penchait sur la jeune génération de cinéastes qui émerge dans son pays. Ce « nouveau souffle », il semble qu’elle l’incarne elle-même avec son premier long métrage, présenté dans la section Un certain regard, tant Papicha est une ode à l’espoir, au combat, à la dignité et à la femme algérienne. Les papichas, littéralement, ce sont les jolies filles. Une façon de désigner ces jeunes femmes d’Alger pétillantes, effrontées et fières.

Nous sommes à Alger dans les années 1990. À la cité universitaire, deux étudiantes sortent dans la nuit, montent dans un taxi, changent de vêtements, se maquillent et se rendent dans une boîte de nuit. La plus délurée des deux, c’est Nedjma (extraordinaire Lyna Khoudri). Un prénom que la réalisatrice n’a sans doute pas choisi au hasard.

Il signifie « étoile », mais évoque le livre éponyme de Kateb Yacine. Au retour de boîte, un barrage de police campe le décor sécuritaire dans lequel vont évoluer Nedjma et ses copines de fac, Wassila (Shirine Boutella), Samira (Amira Hilda Douaouda) et Kahina (Zahra Doumandji). Elles ont la vie plein les yeux et comptent bien réaliser leurs rêves. Sans doute avec un brin de naïveté, refusant, au départ, de voir la réalité. Celle-ci va pourtant s’imposer. Durement.

Alors que Nedjma est tout entière à la préparation d’un défilé de mode qu’elle veut absolument organiser à partir du haïk, le tissu traditionnel qui couvre les femmes, deux événements vont surgir. D’abord, ce sont des affiches placardées sur les murs de la cité universitaire, qui incitent les femmes au port du hijab « avant que ce ne soit un linceul qui vous recouvre », comme le crache un islamiste dont le mouvement ne cesse de grandir. Autre drame, plus fort encore. Linda, la sœur de Nedjma, est abattue devant la maison de sa mère, comme l’a été Tahar Djaout dont elle lit un ouvrage. Pour la jeune styliste, le temps de la résistance et de la révolte est arrivé. Un long chemin vers la liberté, comme le disait Nelson Mandela.

Les hommes n’ont pas vraiment le beau rôle

Mounia Meddour s’est appuyée sur ses souvenirs personnels pour cette histoire d’une grande profondeur. Le récit dramatique n’en prend que plus de force. Elle suit au plus près les personnages. Les gros plans sur les visages sont remarquables. Elle filme ces femmes avec une tendresse et une sensualité non dissimulées. La scène où le corps de Linda est lavé avant d’être enroulé dans le linceul est toute en retenue sensible. La caméra effleure, caresse comme un hommage. Papicha évite les écueils manichéens avec intelligence.

Nedjma n’est pas contre la religion mais l’utilisation qui en est faite. Samara est la seule voilée des quatre, c’est pourtant elle qui va insister pour que le défilé de mode se déroule. Un mot enfin sur les hommes, qui n’ont pas vraiment le beau rôle. Mais comment pourrait-il en être autrement entre l’un qui veut quitter l’Algérie mais explique à Nedjma que, après leur mariage, sa vie à elle, ce sera lui, et l’autre qui tabasse Wassila et voudrait la contraindre à l’obéissance ? Deux facettes, séculaire et religieuse, du même regard paternaliste et machiste sur les femmes. À l’heure des grandes manifestations en Algérie, de l’espoir d’une deuxième république, ce retour sur les années de plomb s’avère nécessaire pour une société algérienne en pleine mutation.

Papicha, de Mounia Meddour, France, Algérie, Belgique, Qatar, 1 h 45

19:02 Publié dans Cinéma, International, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : papicha, mounia meddour | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

08/08/2019

Dans l’Amapa, l’or fait couler le sang

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Droits humains. Au Brésil, un chef waiapi est violemment tué par des garimpeiros lors d’une rixe dans son village. L’affaire reflète le drame qui se joue dans la région.

Ce 23 juillet, dans la jungle de l’Amapa, au nord du Brésil, s’élèvent des cris de détresse. Le corps criblé de coups de couteau d’Emyra Waiapi, cacique waiapi, éminent chef autochtone, vient d’être retrouvé sur les bords de la rivière. Quelques heures plus tôt, son village a été pris d’assaut par des garimpeiros, chercheurs d’or traîne-misère armés jusqu’aux dents.

Voilà deux semaines que le drame s’est produit et l’affaire demeure à ce jour non élucidée, sans version officielle. La Funai, la Fondation nationale de l’Indien, a bien confirmé la présence des orpailleurs et le décès du cacique. Mais l’enquête lancée par la police fédérale dans la foulée du crime semble au point mort.

Une chose est pourtant sûre : la disparition du chef indien a provoqué l’émoi de la communauté waiapi et de toute l’autochtonie, bien au-delà des frontières brésiliennes. L’assassinat d’Emyra Waiapi dénote une rare violence physique et symbolique. « Tout notre peuple est en détresse. Dans notre culture, le chef a une importance capitale, explique Waiapi Ichi Kouyouli, jeune militante des droits indigènes en Guyane. Sa perte est une vraie tragédie. Il guide le village, et sans lui la communauté n’est rien. » L’acte perpétré par les miniers brésiliens « est d’autant plus brutal qu’il a visé le cœur de notre façon de faire société », poursuit-elle.

La forêt éventrée pour les besoins d’une ruée vers l’or

Le meurtre est si marquant qu’il fait des remous jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir. Le président Jair Bolsonaro, à plus de 2000 km de là, commente par le déni. Aucun « indice fort » ne permet d’incriminer directement les garimpeiros, affirme-t-il. En riposte, la haut-commissaire des droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, intime « au gouvernement brésilien d’agir avec fermeté pour stopper l’invasion des territoires indigènes et pour leur assurer l’exercice pacifique de leurs droits sur leurs terres ».

Si l’affaire contrarie les instances internationales, c’est que « par ses discours à répétition, le président brésilien encourage l’impunité des miniers illégaux, estime Geneviève Garrigos, responsable Amériques de l’ONG Amnesty International France. Reste aux indigènes de se débrouiller seuls pour protéger leurs terres ».

Le chef de l’État, d’ailleurs, n’en est pas à son coup d’essai. « Dommage que la cavalerie brésilienne ne soit pas aussi efficace que les Américains, qui ont exterminé les Indiens », regrettait-il, dans le Correio Braziliense, le 12 avril 1998, bien avant d’arriver au pouvoir. Depuis, ses déclarations ont été à l’avenant. La multiplication de garimpeiros dans l’Amapa « est une occasion pour lui de soumettre les peuples autochtones au progrès à marche forcée, tout en satisfaisant ses projets de développement de l’agrobusiness, reprend la spécialiste. Ce climat politique extrême a eu raison d’une vingtaine d’années sans heurt dans la région des Waiapi ».

Et pour cause, les convoitises industrielles sur les richesses minières de la Renca imposent une pression permanente. Voilà plusieurs dizaines d’années que le bruit des machines d’exploration minière est venu troubler la quiétude de la tribu pacifique. Et la forêt se voit peu à peu éventrée pour les besoins d’une ruée vers l’or d’un nouveau genre. Travailleurs précaires issus de la grande misère brésilienne y affluent des quatre coins du pays afin de toucher du doigt ce rêve de fortune. Mais une fois sur place, les garimpeiros eux aussi sont soumis à l’impitoyable réalité du trafic, frappés par la violence, les traitements inhumains, la pollution, les viols et les meurtres. L’Amazonie est devenue peu à peu le théâtre d’une tragédie humaine qui oppose des peuples prêts à tous pour survivre.

Les orpailleurs s’emparent des terres par les armes

Dans le quotidien waiapi, les intrusions ponctuelles sur les terres ancestrales ont fait place, au fil des ans, aux menaces de mort à l’encontre des chefs indigènes. S’ajoute à cela le harcèlement juridique du lobby minier. « Le terrain du droit est une lutte à part entière, étaye Geneviève Garrigos. Il faut du temps, de l’argent, et un nombre de déplacements important. Cela suppose de laisser des terres menacées sans protection durant le temps d’un procès. » Depuis peu, s’ajoutent ces orpailleurs galvanisés qui prennent peu à peu les lieux par la force armée, dans l’indifférence politique.

Écologique, le drame l’est également. Les Waiapi sont « les gardiens d’un patrimoine naturel global, celui de nos forêts primaires et de leur biodiversité », rappelle encore la militante des droits humains. L’Amazonie reste peu ou prou un poumon vert du monde, et abrite 20 % des eaux douces de la planète. « Si rien ne se dresse face aux ambitions des monstres industriels, on ne peut que redouter le pire. » Les associations évoquent une déforestation dont le taux a déjà doublé depuis 2018, ainsi qu’une pollution au mercure des eaux et des sols sans précédent.

« L’escalade de la violence est imminente, comme nous en avons déjà alerté les autorités locales », avertit Geneviève Garrigos. Les Waiapi résisteront jusqu’au bout pour préserver leurs terres ancestrales, même au péril de leur vie, assure-t-elle, l’attachement à la terre va au-delà de la propriété. Elle est le socle de leur culture, leur spiritualité, leur façon globale de voir et comprendre le monde. Pour eux, il n’y a pas de vie ailleurs. « De toute manière, pour aller où ? » interroge la militante des droits de l’homme.

20:05 Publié dans International, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : brésil, amazonie | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!