21/09/2014
Ceci n’est pas un tableau d’Edward Hopper
Shirley. Visions of Reality, de Gustav Deutsch. Autriche. 1 h 32
Voyage dans la peinture d’Edward Hopper, le film du cinéaste et architecte Gustav Deutsch nous absorbe vraiment à l’intérieur des toiles. Un étonnement enchanteur.
Les tableaux d’Edward Hopper requièrent au plus haut point la personne du spectateur, exigeant sa déambulation.
Ce n’est pas la manière de peindre mais l’essence même de sa démarche picturale qui vous place en voyeur. Force est ensuite d’en enjamber le seuil sous l’impératif de la projection. Puis, l’on reprend sa place initiale, poches emplies d’impalpable, à la façon d’un voleur qui n’aurait rien soutiré, ni dérangé. Qui n’a rêvé la voix des personnages de ses toiles habitées, la mise en mouvement de leur immobilité, quelques fragments de leurs motifs.
Ce fantasme dont la puissance peut nous fixer longtemps au sol, Gustav Deutsch nous offre le loisir, non de le réaliser, ce qui en confinerait l’espace, mais de lui offrir comme un nouveau limon d’imaginaire et de réflexion. Il a choisi treize tableaux dont il a reconstitué décors, lumières, costumes et accessoires.
Neuf ans de travail. Surtout, il a inventé un personnage féminin, Shirley (Stéphanie Cumming), s’emparant de toutes les possibilités ouvertes par Hopper, de tout ce que le peintre ne montre pas.
Dans la première pièce où se tient Shirley, les premiers mots de sa voix intérieure insultaient « l’affreuse lumière » de la chambre d’hôtel parisienne qu’elle a hâte de quitter. Les premiers plans montraient un compartiment de train, des sièges étrangement disposés et la jeune femme se détachant de l’un d’eux en amorce de l’histoire, la sienne, qu’elle va de toile en toile raconter.
Cette femme étant engagée, en art comme en politique, la trame en sera inextricablement tissée à celle du monde. À l’instar d’un roman de Dos Passos, les nouvelles nous en parviennent par bribes radiophoniques, le 28 août de chaque année de 1932 à 1963.
Shirley, souvent seule dans le tableau, est une actrice qui a rejoint le Group Theatre. Elle pense que le quotidien doit alimenter le théâtre et non l’inverse. En miroir de cette mise en scène, Steve (Christoph Bach), son compagnon, photojournaliste qui doit se colleter le réel.
Gustav Deutsch nous invite à une équipée au long cours, trente ans de la vie d’une femme dans l’espace même des œuvres. Grande dépression, chômage, Seconde Guerre mondiale, maccarthysme et trahisons, architectures des plans, géométries des couleurs, le cinéaste n’est pas iconoclaste. Il affirme son propos en se gardant de l’effraction.
Son récit poétique s’ancre dans des contextes d’époques et l’inventivité, d’être déployée d’une main sûre qui use d’audace technologique, ne brise pas pour autant les cadres. Le plan fixe de la toile s’anime des mouvements de caméra.
Le montage permet une articulation inédite à laquelle aucune salle de musée ne pourrait se prêter. La musique de chaque temps adresse ses signes propres. Blues de la grande dépression, Fréhel, Big Mama Thornton ou Joan Baez chantant les droits civiques. Vision de la réalité ou ombres projetées ainsi qu’aux parois de la caverne de Platon, nul besoin de trancher.
Ne restera au fond que l’unique vérité, celle du grand soleil de Van Gogh ou d’Apollinaire. Et trois petites notes de musique
Dominique Widemann, l'Humanité : http://www.humanite.fr/ceci-nest-pas-un-tableau-dedward-h...
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27/08/2014
FETE DE L'HUMA : LES OGRES DE BARBACK
Sept ans après leur première venue, les Ogres de Barback seront sur la grande scène le samedi 13 juillet, en compagnie de la fanfare béninoise Eyo’nlé.La chanson française ne peut plus faire comme si les quatre frères et sœurs des Ogres de Barback, Fred, Sam, Alice et Mathilde, n’existaient pas.
Élevés dans une famille où la musique est un élément central, en faire leur vie est vite apparu comme une évidence pour les quatre musiciens. En 1994, ils décident d’unir leurs instruments pour donner naissance aux Ogres de Barback, le groupe que l’on connaît aujourd’hui. La fratrie a su imposer son univers bohème et rêveur entre poésie et réalisme, en étant très ouverte musicalement.
Les Ogres ont l’art de mettre en musique les réalités du quotidien qui les touchent, en mêlant poésie et humour. Pétri d’influences diverses, le groupe aime mettre en valeur ses différentes inspirations musicales. Elles vont de la chanson française (Brassens, Renaud…) à la musique du monde, notamment des pays de l’Est, en passant par la scène alternative, qui a bercé leur jeunesse avec des noms comme Mano Negra ou Noir Désir.
Les Ogres savent aussi s’entourer de collaborateurs et d’invités prestigieux, aux côtés desquels ils se produisent souvent sur scène, comme Pierre Perret ou encore les Hurlements d’Léo. Avec ces derniers, ils ont monté un projet de chapiteau itinérant, Latcho Drom, qui a sillonné les routes, proposant des concerts, mais surtout des débats sur l’engagement citoyen. Pour célébrer leurs vingt ans, les Ogres partageront la scène avec la fanfare Eyo’nlé, rencontrée il y a quelques années, qui apporte avec elle des sonorités nouvelles et un rythme tout droit venu du Bénin. La fanfare, souhaitant promouvoir la musique béninoise hors de ses frontières où se croisent musiques modernes et rythmes traditionnels, suivra le groupe tout au long de sa tournée anniversaire.
Au lieu de faire un best of anniversaire, les Ogres de Barback ont choisi de publier un nouvel album, Vous m’emmerdez !, dont le titre fait écho aux manifestations contre le mariage pour tous. Un opus à la hauteur des vingt ans de carrière du collectif.
« Or si l’on considère. Que la France est aux Français. Moi le Français m’exaspère. Mais la France me plaît. » « Condkoï »
Fidèles à eux-mêmes, les Ogres offrent des chansons poétiques, enjouées et contestataires. Une contestation qui se retrouve dans leur engagement citoyen et communautaire. S’engageant à travers leurs chansons, les musiciens mettent leur univers au service de leurs convictions, abordant des sujets de société comme l’homosexualité dans Jérôme, citée à l’Assemblée nationale dans le cadre des débats pour l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.
Il y a aussi le thème de la guerre dans la très belle chanson Murabeho Imana, qui parle des conflits africains. Leur engagement est également associatif. Ils soutiennent, par exemple, des valeurs citoyennes et humanistes en collaborant avec Aux urnes, etc. Récemment, ils ont utilisé leurs concerts pour manifester leur soutien aux intermittents. Groupe engagé mais avant tout festif, les Ogres promettent un beau concert pour fêter, comme ils savent si bien le faire, leurs 20 ans sur scène, lieu de prédilection depuis leurs débuts. Pour la dernière date de leur tournée « 20 ans de festivals », les Ogres de Barback font escale à la Fête de l’Humanité et vont enchanter le public.
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20/08/2014
En Andalousie, la protestation a des airs de flamenco !
L’Andalousie, dans le sud de l’Espagne, est la patrie du flamenco, un genre artistique sur base de folklore, caractérisé par sa musique riche d’émotion, son chant puissant et sa danse sensuelle. Les paroles évoquent souvent l’amour et la séparation, mais aussi la douleur, la pauvreté et le chagrin — des sujets qui ne sont que trop familiers ces dernières années pour les Andalous.
L’Espagne a taillé sans pitié dans les dépenses depuis que le pays est aux prises, ces dernières années, avec une crise économique destructrice. Le nombre de pauvres et de chômeurs a explosé dans toute l’Espagne, mais l’Andalousie souffre particulièrement.
Si les manifestations n’ont rien de rare, un collectif donne aux siennes un cachet purement andalou. Fin juin, trois membres de FLO6x8, un collectif d’activistes artistes, ont interrompu successivement une séance du parlement d’Andalousie en chantant des chansons dans le style flamenco, qui dénonçaient le chômage, la corruption et la crise.
A chaque fois, les protestataires ont été évacués de la galerie du public à peine avaient-ils commencé à chanter. A l’époque, les médias n’en ont que peu parlé, mais une vidéo de l’action avec un nouveau montage publiée sur Facebook est devenue virale depuis.
16:49 Publié dans ACTUSe-Vidéos, International, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : andalousie, chômage, espagne, flamenco | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
15/08/2014
Lauren Bacall. Une vraie star de l’âge d’or d’Hollywood
Révélée au grand public dans le Port de l’angoisse, Lauren Bacall, a fondé avec Humphrey Bogart un des couples mythiques du 7e art. Elle a envoûté le cinéma hollywoodien par sa voix grave et son regard bleu glacé pendant plus de soixante ans de carrière.
Lauren Bacall, de son vrai nom Betty Joan Perske, née à New York dans une famille d’immigrants juifs, vient de mourir à quatre-vingt-neuf ans. Haute, svelte, d’une distinction feutrée, elle devient mannequin et se fait très tôt remarquer par Hollywood, jamais en reste pour prospecter les talents. Actrice de quelques grands films devenus classiques, et d’autres dont peu se souviennent, elle fut la femme d’Humphrey Bogart de 1945 à sa mort, en 1957, puis celle de Jason Robards pendant huit ans. Trois enfants en tout, et un visage qui ne s’était pas totalement retiré des écrans, car Bacall n’a pas eu peur d’afficher une vieillesse où brillaient encore l’intelligence et la malice. Dans les dernières décennies, on la vit à la télévision bien sûr, mais aussi chez Robert Altman et Lars Von Trier, ces auteurs qui savent la valeur d’une présence de star du passé, comme un talisman, dans des films bien éloignés des charmes de l’usine à rêves.
Son image restera gravée dans la mémoire de tout cinéphile
Mais là n’est pas l’essentiel. Lauren Bacall vient de mourir. Certains s’étonnent. N’était-elle pas morte depuis longtemps ? Plus de soixante ans après le déclin du premier Hollywood, et compte tenu du taux élevé de stars tôt disparues, on a peine à croire que certaines légendes hollywoodiennes aient vécu, encore récemment, sur la même planète que nous. Nous aurions dû nous rendre compte de notre chance, mais il est trop tard. Nous n’avons plus désormais pour évoquer Bacall que le prisme d’images qui flottent dans la mémoire de tout cinéphile.
Qui la connaît encore parmi les jeunes spectateurs d’aujourd’hui ? Les plus informés savent qu’elle est un mythe, mais pas beaucoup plus. Cela se comprend, d’abord parce que le couple qu’elle forma avec Bogart occulta en partie sa propre image. Mais il ne pouvait être que magique, ce couple. Parce qu’ils étaient si dissemblables, lui, court, tendu, débit saccadé, elle, longue, indolente, voix grave et satinée. Parce qu’il fut réuni par les génies de l’époque, Howard Hawks, John Huston, Delmer Daves. Parce que cette poignée de films portaient en eux tout ce qui faisait l’inimitable grâce d’Hollywood.
Films patriotiques : le Port de l’angoisse faisait écho à Casablanca, et Lauren, gracieuse et canaille dans son tailleur à damiers, à la fois si proche et différente d’Ingrid Bergman, aurait pu, comme elle, susurrer Play It Again, Sam. Films noirs exemplaires, obscurs comme ce Grand Sommeil adapté de Chandler, et dont le couple lumineux domine les méandres narratifs.
Mais ce qu’il faut voir ou revoir surtout, pour ceux qui ne connaissent pas Lauren Bacall et cherchent une rencontre unique, ce sont les premières quarante minutes des Passagers de la nuit, en caméra (presque) subjective. Bogart, prisonnier en fuite, est invisible. Lauren, bonne fée, le recueille et le soigne. Mais c’est à nous qu’elle parle, c’est nous qu’elle regarde dans les yeux, pas avec la pose publicitaire qui lui valut le fameux surnom de « The Look » (visage incliné et regard vers le haut, maquillage subtil qui noie d’ombre ses yeux clairs). Non, ce regard-là est franc, amical, solide. Bacall, ici comme ailleurs, est aux commandes.
Une mine d’or pour les studios hollywoodiens
Elle vouait un culte à Bette Davis et faisait partie comme elle de l’espèce des actrices cérébrales d’Hollywood, irréductibles au seul glamour de leurs rôles de cinéma, et qui d’ailleurs surent se partager entre l’écran et Broadway. Ces femmes brillantes dominaient des hommes faibles, et le phénomène s’accentua dans les années 1950, rehaussé par le spectaculaire d’un cinéma qui voulait distancer la télévision.
Bacall occupe tous ces nouveaux créneaux : femme de tête chez Sirk, dans Écrit sur du vent, reine de la mode chez Minnelli, dans la Femme modèle. Ces messieurs se laissent faire. Gregory Peck, subjugué, sacrifie pour elle ses manières rustaudes d’amateur de sport. Quant aux soupirants pâlots du kitchissime et délicieux Comment épouser un millionnaire, ils mangent dans la main d’un trio de vamps fauchées, conduites par Lauren dans le rôle de Schatze. Face à Marilyn en étourneau myope, à Betty Grable en Américaine tout-terrain, Schatze est bien décidée à n’épouser que l’argent, mais cède évidemment à l’amour.
Certes, Lauren Bacall, si belle, subtile et mystérieuse, aurait dû avoir des rôles toujours à sa mesure. Mais c’était une vraie star de l’âge d’or, c’est-à-dire une professionnelle, mine d’or pour les studios, et trop peu snob pour mépriser ses personnages, qu’elle a gratifiés sans réserve de son élégance généreuse. Une des dernières femmes aux chimères d’Hollywood, dont il faut revoir et admirer les films sans modération.
Jean Roy pour l'Humanité : http://www.humanite.fr/lauren-bacall-une-vraie-star-de-la...
CITOYENNE ENGAGEE
Lauren Bacall et Humphrey Boggart en tête de la manifestation du Comité du Premier amendement allant protester contre la Commission des activités non-américaine...s (House Un-American Activities Committee, HUAC) en 1947.
Aucun de nos médias ne rappelle cet épisode marquant de la vie de Lauren Bacall : son engagement à gauche qui l'a poussée, aux côtés d'autres personnalités d'Hollywood, à se mobiliser contre la première “liste noire” du maccarthysme, celle qui a conduit en 1947 à la condamnation des “Dix d'Hollywood” pour leur refus de répondre à la commission sur leur appartenance ou non au Parti communiste américain. Ce sera le point de départ de la vague de répression initiée par le sénateur Mac Carthy et mise en place par le président Truman. De 1947 à 1953, 26 000 employés de l'administration fédérale feront l'objet d'une enquête du FBI ; 16 000 seront déclarés innocents ; 7 000 démissionneront et 739 seront révoqués pour appartenance à une organisations classée subversive, immoralité sexuelle ou homosexualité, ou encore usage de drogue.
Une conséquence méconnue du maccarthysme sera la fin de l'âge d'or du film noir, aux dimensions critiques, pessimistes et subversives, et son remplacement par le western, le peplum et les dessins animés de Walt Disney...
12:26 Publié dans Actualités, ACTUSe-Vidéos, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : laurent bacal, cinéma | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |