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13/08/2013

MILLIARDAIRES ET KARL MARX POUR LA NOUVELLE SEINE !

millardaire.pngAdieu le Métamorphosis, joli bateau-restaurant-théâtre de magie tenu avec passion et générosité durant plus de vingt ans par le prestidigitateur Jan Madd.

Bonjour La Nouvelle Seine. Changement de propriétaire et d'enseigne, donc, pour ce lieu de spectacle amarré face à Notre Dame qui devrait s'ouvrir à l'avenir aux genres de représentation les plus divers (seul en scène, musique, théâtre...).

C'est la comédienne Audrey Vernon qui essuie les plâtres. Depuis la semaine dernière, elle donne à bord deux one woman show en alternance. "Marx et Jenny" d'une part, "Comment épouser un Milliardaire" de l'autre. Nous avons assisté au second. Un petit bijou d'humour hilarant, subtil, intelligent et corrosif à souhait, brillamment écrit, malicieusement interprété, qui croque admirablement le capitalisme et ses magnats.

Annonçant quitter le métier d'humoriste pour épouser la 33ème fortune mondiale (sans regret car elle ne savait faire que des sketches tristes...), avec une impayable ingénuité de façade et une logique bien à elle, la jeune femme confie au public ce qui l'a poussée à se trouver un mari richissime, épluchant pour mettre la main dessus le classement Forbes des milliardaires, puis décrit son quotidien surréaliste aux côtés de son futur époux.

 Ainsi apprendrons-nous que ce n'est pas en travaillant qu'on devient riche ("Arrêtez tout de suite !" dit-elle...), qu'il est totalement ringard de prendre l'avion à Roissy ou Orly (c'est au Bourget qu'il faut grimper dans son jet), qu'il est difficile de dépenser son fric quand tout vous appartient (car il finit toujours par vous revenir...), que le supplément du Financial Times s'intitule "How to Spend it", ou encore que la crise est une arnaque ("on fait disparaître du faux argent et on demande aux gens de rembourser avec du vrai")...Sacrément cynique, mais si proche de la réalité, et surtout irrésistiblement drôle, ce spectacle truffé de séquences mémorables, superbement maîtrisé par la demoiselle, est à ne pas manquer.

Article publié par Fous de Théâtre

 

Marx et Jenny, gageure d’Audrey Vernon

karl marx, audrey vernon, friedrich engelsLe « one-Marx-show » de la jeune comédienne, succès au Avignon off 2012, débarque à Paris sur une péniche, la Nouvelle Seine.

En robe rouge et escarpins noirs, Audrey Vernon investit la Nouvelle Seine jusqu’au 14 septembre pour présenter son « one-Marx-show ». Marx et Jenny recrée l’histoire du quatuor que formèrent Karl Marx, sa femme Jenny, leur ami Friedrich Engels et leur dévouée gouvernante Hélène Demuth.

Un chapeau noir pour Engels, une fleur rouge dans les cheveux pour Jenny, la comédienne prête sa voix aux différents protagonistes. Elle mêle narration et extraits épistolaires pour révéler le quotidien du philosophe et de son proche entourage, de l’amour vivace jusqu’à la mort du couple Marx, à la santé précaire de leurs enfants, de leurs difficultés économiques à la rédaction acharnée du Capital.

Audrey Vernon s’attache également à évoquer la verve politique des auteurs du Manifeste communiste. Et la comédienne ne se fait pas prier pour soulever des paradoxes censés les opposer aux prolétaires : Engels est un bourgeois de naissance et Marx se laisserait aller à l’oisiveté. Reste une plongée dans la vie intime de Karl Marx, « mieux que Secret Story ». On n’en doute pas une seconde : la richesse historique du spectacle n’est pas comparable à la bassesse de la téléréalité.

Seulement, la prestation manque un peu de punch. La comédienne a une diction et une capacité de mémorisation remarquables, mais on se noie parfois dans le flot d’informations. L’intrigue mériterait d’être resserrée, peut-être sur « l’événement tragi-comique » que constituent l’infidélité de Marx et la grossesse d’Hélène Demuth…

Les allusions au monde contemporain et la dramatisation sont timides. Bercés par le roulis de la péniche où se produit Audrey Vernon, on attendrait davantage de jeux de mots et de traits d’humour, ou un peu plus de piquant peut-être.

Hélaine Lefrançois pour l'Humanité

05/08/2013

PEDOPHILIE : MAROC / TEMOIGNAGE DE SERGE GARDE, JOURNALISTE

gardeserge.jpgCe matin, lundi 5 août 2013, j'étais invité à l'aube (à 6 h 30) en direct sur le plateau d'I télé, pour commenter la grâce royale accordée au pédocriminel espagnol Daniel Galvan. J'ai avancé les idées suivantes:

1°) C'est une victoire pour les associations de défense des enfants tous les manifestant-es (et notamment celles et ceux de Rabat) au Maroc, ailleurs et sur les réseaux sociaux. S'il n'y avait pas eu cette mobilisation, il n'y aurait pas eu d'annulation de la grâce. Les manifestant-es ont brisé un tabou et cela, c'est un acquis durable!

2°) A propos, je ne sais pas ce qu'est une annulation de grâce. Ce qui est certain, c'est que ce criminel, condamné en 2011 à 30 ans de prison pour le viol de 11 enfants (le plus jeune avait 4 ans!) est sorti de prison et qu'il a disparu dans la nature, ce qui suppose des complicités extérieures.

 3°) Actuellement, on cherche à nous faire croire qu'il s'agit d'une bévue commise par l'entourage de Mohamed VI. L'enquête ouverte vise surtout à trouver le fusible qui va sauter pour sauvegarder l'image royale.

4°) Il ne s'agit hélas pas d'une regrettable erreur, mais d'un symptôme révélateur de la situation au Maroc. Selon les ONG locales, on estime à 26000 les viols d'enfants chaque année. soit 71 viols par jour!

5°) 92% des dérogations demandées pour organiser les mariages de fillettes avec des adultes sont autorisés par les juges marocains, car la loi prévoit de telles dérogations sans avoir fixé de l'imite d'âge. Ce qui revient à une autorisation de vendre ses filles.

6°) On critique Mohamed VI, mais que dire du roi d'Espagne ? C'est tout de même lui qui a demandé à son collègue marocain cette grâce! Et je constate que le récent safari africain de Juan Carlos a provoqué plus de réactions hostiles que cette grâce!

 7°) Tout cela montre l'ambiguité qui subsiste dans nos sociétés à propos de la pédocriminalité.

 8°) Après le tsunami de 2004, dans le sud est asiatique, les circuits du tourisme sexuel se sont sensiblement modifiés et le Maroc est devenu encore plus une terre attractive pour les prédateurs sexuels de mineur-es.

J'ai à peu près pu dire tout cela en direct. Propos que je n'ai plus retrouvés lors des reprises du sujet, dans les journaux télévisés suivants. J'aurais pu ajouter que ce "danielgate" révèle aussi le décalage qui existe entre les "élites auto-proclamées" et l'opinion publique.

maroc-marche-contre-la-pedophilie_200_200.jpgS'il n'y avait pas eu cette mobilisation d'une grande partie de la population (internautes compris) jamais le roi ne serait revenu sur la grâce qu'il avait accordée. Ne serait-ce que pour éviter de créer cet "ojni" (objet juridique non identifié) qui risque de poser d'inextricables complications juridiques. J'aurais pu ajouter que dans un pays dans lequel la pédocriminalité n'est pas lourdement réprimée (Galvan est dans le palmarès des juges, une exception), et dans lequel une bonne partie des familles continuent à vivre avec un euro de revenu par jour, le commerce des enfants et l'inceste ne risquent pas de reculer.

Finalement, c'est la mobilisation des opinions publiques contre la pédocriminalité qui sera déterminante. Bravo aux manifestant-es qui ont bravé les matraques des policiers pour défendre les enfants!

Serge Garde

Journaliste d'investigation, il collabore jusqu'à sa retraite au quotidien L'Humanité où il traite des faits divers. Il a travaillé également pour la télévision (FR3 et M6).

Il a consacré divers ouvrages à la pédocriminalité et à la lutte à son encontre.

04/08/2013

LA MER / CHARLES TRENET

batealeo2.jpgLa mer
Qu´on voit danser le long des golfes clairs
A des reflets d´argent
La mer
Des reflets changeants
Sous la pluie

La mer
Au ciel d´été confond
Ses blancs moutons
Avec les anges si purs
La mer bergère d´azur
Infinie

Voyez
Près des étangs
Ces grands roseaux mouillés
Voyez
Ces oiseaux blancs
Et ces maisons rouillées

La mer
Les a bercés
Le long des golfes clairs
Et d´une chanson d´amour
La mer
A bercé mon cœur pour la vie

 

 

 

 THE SEA

bateauleo.jpgthe sea
One sees dancing along the clear gulfs
A silver reflections
the sea
Changing reflections
In the rain

the sea
The sky was confused
Its white sheep
With angels so pure
The Shepherdess azure sea
infinite

see
Near ponds
These large wet reeds
see
These white birds
And those rusty houses

the sea
Has rocked the
Along the clear gulfs
And a love song
the sea
A cradled my heart for life

 

12/07/2013

Fête de l'Humanité. Divertimento, l'orchestre symphonique du 93 qui rend la musique classique populaire

l'humanité,austérité,patric le hyaric,la courneuve,divertimento,musique classique,fête de l'humanité 2013,zahia ziouaniZahia Ziouani est une chef d’orchestre précoce et talentueuse qui, à l’âge de 35 ans, a déjà tenu la baguette d’ensembles illustres.

À la tête du Conservatoire de musique et de danse de Stains, et de Divertimento, orchestre symphonique avec lequel elle revient sur la grande scène de la Fête de l’Humanité 2013, cette jeune femme de conviction s’efforce de démocratiser la musique classique. Entretien.

Vous êtes femme et chef d’orchestre. Chose rare. En tirez-vous une fierté ? Comment êtes-vous perçu dans ce milieu réputé masculin ?
Zahia Ziouani.
La présence de femmes au sein des orchestres philharmoniques est récente. Il y a peu encore, certains orchestres en Europe interdisaient les femmes. L'orchestre philharmonique de Vienne en est le plus grand exemple. Depuis dix, douze ans, les choses évoluent. Très jeune, j'ai été passionnée par ce métier. Ne venant pas de ce milieu, peut-être était-ce par naïveté, mais jamais je n'ai pensé que ce métier m'était impossible. Avec le recul, cela reviendrait à vouloir être cosmonaute ou président de la République! J'ai commencé très jeune et ne souhaitais pas attendre 40 ou 50 ans avant d'exercer. Quand on est jeune et femme, il est vrai que c'est un peu compliqué. L'idée reçue voudrait qu'une femme n'ait pas l'autorité nécessaire pour diriger un orchestre. Pour cela, j'ai créé mon orchestre, Divertimento, afin d'apporter la preuve que j'étais capable de diriger. Aujourd'hui, mon challenge est de convaincre le monde musical que je suis en mesure de diriger de grands orchestres. Sur l'estrade face à l'orchestre, je ne me pose pas la question de savoir si je suis une femme ou un homme. Je veux être un bon chef simplement, être efficace, exigeante et innovante dans mon travail. 

Vos parents ne sont pas du sérail, vous êtes ancrée en Seine-Saint-Denis et venez d'un milieu modeste, comment avez-vous eu accès à la musique classique ?
Zahia Ziouani. Mes parents aimaient la musique classique. C'est un héritage familial. Par ailleurs, j'ai grandi à Pantin, ville à l'époque communiste, où existait une prise de conscience concernant les politiques culturelles à mener pour favoriser l'accès à la culture. J'ai pu devenir chef d'orchestre car j'ai pu grandir dans cette ville. Si j'avais grandi dans une autre ville, je ne suis pas certaine que j'aurais eu accès à la musique. J'ai également eu la chance de rencontrer des professeurs intéressants et exigeants. Dès lors, quand j'ai débuté comme musicienne professionnelle, se posait la question de savoir où et comment. M'installer en Seine-Saint-Denis apparaissait comme une évidence. Il était important d'être utile, d'associer la dimension artistique à la transmission. Il était important de transmettre à mon tour ce que j'avais reçu. C'est un engagement fort que je porte d'être présente sur ce territoire. Petite, pour aller au concert, il fallait se rendre à Paris. Je n'ai plus envie de cela maintenant. Si une famille veut se rendre au concert, il est important qu'elle puisse le faire à Sevran, Stains ou Villiers-le-Bel, qu'il y ait des temps forts de musique classique sur ces territoires. Certains décideurs politiques ne voient la banlieue que par le prisme de la culture urbaine et ne développent les actions culturelles qu'en ce sens. Il est dommage d'opposer les arts entre eux. 

Les concerts de musique classique représentent 7% des pratiques culturelles des Français. Comment amener les catégories populaires à la musique classique ?
Zahia Ziouani. La gratuité a beaucoup été développée pour encourager à la pratique. À mon sens, ce n'est qu'un aspect. L'environnement culturel est très important. Il est nécessaire d'apporter quelque chose de supplémentaire aux aspects pécuniaires, souvent et uniquement mis en place. Il existe des problématiques concrètes qu'il convient de résoudre. Une famille de Stains désireuse de se rendre à Paris pour un opéra, même gratuit, rencontre des difficultés. Après 21 heures, les bus ne circulent plus. Certains quartiers sont enclavés. Puis la France est métissée. Or la musique classique appartient au patrimoine européen. Elle n'est pas forcément leur référence, ce n'est pas un chemin naturel pour eux. Il nous faut prendre le temps d'expliquer. C'est un travail de terrain. La question est de savoir comment nous, musiciens, devons travailler en destination de ces nouveaux publics. Pour ma part, je travaille beaucoup avec les maisons de quartier et les centres socio-éducatifs. Les rencontres entre le public et les musiciens existent peu. Nous allons en amont les rencontrer pour les inciter à venir, pour garantir une diversité culturelle mais aussi sociale. Mon parcours m'amène à penser autrement. Il est d'ailleurs regrettable que l'aspect artistique soit relégué parfois au second plan. Une même symphonie de Beethoven jouée à la Cité de la musique sera reconnue quand, à Stains, ce sera vu comme du travail socioculturel.

Comment expliquez-vous ce distinguo ?

  Zahia Ziouani. Les décideurs politiques, institutionnels et musicaux ne se déplacent pas et restent dans Paris. Ils vont plus facilement aller voir ce qu'il se passe, par exemple, au Venezuela plutôt que de passer le périph et venir observer les projets développés en Seine-Saint-Denis ! Il existe une vraie méconnaissance. Jamais un ministre ne se déplace ici pour un événement culturel. Pour certains, c'est moins glamour de venir à Stains qu'aller à la salle Pleyel. Nous manquons de visibilité, donc notre travail de terrain est peu pris en compte.

Vous avez signé l'appel du 93 (En 2005, suite à la demande des collégiens et du reste de la population de Seine-Saint-Denis qui veulent faire changer les regards sur ce département, le conseil général décide de réunir 93 personnalités du monde sportif et associatif, des artistes, des militants pour mettre en avant la dynamique de solidarité et de fraternité qui existe dans le département. Il a été signé par plus de 2 500 personnalités dont Zahia Ziouani), la musique est-elle aussi une manière de changer le point de vue sur ce département ?

 Zahia Ziouani. Complètement. Cet appel a permis de fédérer. Oui, la Seine-Saint-Denis connaît des difficultés mais il existe des gens de valeur, des musiciens de grand talent. C'est une manière pour moi de valoriser ce département. Il est important de briser l'image et la fatalité.

Vous dirigez aussi un orchestre à Alger, quel rapport entretenez-vous avec l'Algérie?? Est-ce la même démarche que celle que vous menez en Seine-Saint-Denis ?

  Zahia Ziouani. Au départ, ma démarche était personnelle. L'Algérie est le pays de mes origines. Ces visites ont créé un déclic et m'ont permis de développer un univers artistique. En Algérie, nous prenions le soin que la musique classique arabe puisse être également représentée. Il n'y a aucune raison de prioriser. À partir de là, j'ai commencé à travailler sur des musiques classiques extra-européennes et à leur donner une place dans les programmations. Cette année, dans le cadre de Marseille-Provence 2013, nous travaillons autour de la Méditerranée. Nous mêlons musique classique, traditionnelle et contemporaine. Mes origines n'ont cependant aucun rapport là-dedans. Nous travaillons aussi autour du jazz. Un orchestre peut aborder des esthétiques diverses. Pour mon travail sur l'Algérie, il était intéressant de montrer que les rapports avec la France n'ont pas été que compliqués. Ils ont été très riches également. Camille Saint-Saëns, par exemple, a beaucoup puisé dans la musique traditionnelle algérienne pour ses compositions.

Vous qui êtes sensible à la démocratisation de la culture, quel sens accordez-vous à la Fête de la musique ?

 Zahia Ziouani. J'aime l'aspect festif même si j'aimerais que cette fête dure toute l'année. J'aime ce moment de partage et de vivre ensemble. Il s'agit d'un événement festif et populaire mais qui montre ses limites. Il s'agit d'un gros coup d'éclairage quand tout au long de l'année des questions ne sont pas abordées. L'aspect populaire de la musique ne se pose que le jour de cette fête. Or je suis persuadée qu'au même titre que le sport, la musique classique peut fédérer et être populaire.

Cette année sera votre deuxième participation à la Fête de l'Humanité. Que représente-t-elle ?

  Zahia Ziouani. Je trouve courageux que la grande scène accorde de la place à la musique classique à côté du rock, de la chanson ou de la pop. Ces moments sont importants, notamment quand on voit les programmes de télévision de plus en plus mauvais, avec une place toujours plus tardive de la culture dans les grilles. Cette fête populaire rejoint les valeurs que je défends. Jouer une oeuvre classique devant 60.000 personnes est très stimulant. Et pour tout dire, je vais à la Fête de l'Huma tous les ans depuis que je suis petite, alors pouvoir aujourd'hui en devenir acteur est très flatteur.

 

Zahia Ziouani et l’Orchestre Divertimento seront, le 14 septembre, sur la grande scène de la Fête de l’Humanité.