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13/06/2013

C’est parti : le JT de France 2 prépare une nouvelle réforme des retraites

puj1.jpgpar Blaise Magnin, Frédéric Panne, pour Acrimed le 7 juin 2013

Le JT de 20 heures de France 2 du 4 juin 2013 (que l’on peut voir ici consacre deux minutes (de 14’15 à 16’23) au rapport de la commission chargée d’examiner plusieurs hypothèses sur la nouvelle réforme des retraites. Deux minutes d’informations tronquées et faussées.

« L’actualité en France, c’est d’abord, je vous le disais, les premières pistes de la réforme des retraites. La commission chargée d’établir un rapport vient de rendre ses conclusions. Elle évoque de nombreuses possibilités : revenir sur les avantages fiscaux des retraités, augmenter, soit l’âge de départ, soit la durée de cotisation, augmenter aussi les charges patronales, bref, il y en a pour tout le monde. Mais ce qui retient le plus l’attention c’est ce qui concerne l’harmonisation des régimes. La commission suggère de modifier les règles de calcul pour les fonctionnaires. »

« Ce qui retient l’attention ». Mais de qui au juste et pourquoi ? Peu importe : l’attention est focalisée sur la sempiternelle « question » des régimes de retraite des fonctionnaires. Et en quoi est-elle de nature à justifier que le JT s’y intéresse tout particulièrement – plutôt qu’à celle des cotisations patronales, par exemple ? David Pujadas s’abstiendra d’en dire plus, mais le reportage qui suit, réalisé par « Margaux Manière, Didier Dahan, avec notre bureau à Poitiers », permettra peut-être d’y voir plus clair…

Sur fond d’images de fonctionnaires au travail, la journaliste commente, ou plutôt pronostique : « Instituteurs, infirmiers ou encore employés de mairie, leur pension de retraite pourrait baisser. Aujourd’hui le mode de calcul des retraites du public est plus favorable que celui des salariés du privé ; la commission Moreau qui rendra son rapport au gouvernement la semaine prochaine propose de rapprocher les deux systèmes. Une piste qui fait bondir les fonctionnaires... »

Manifestement, la journaliste considère qu’il est inutile de préciser que par « rapprocher les deux systèmes », il ne faut pas entendre aligner les retraites du privé sur celles, dont le mode de calcul serait plus avantageux, du public… Cela va de soi !

La suite du reportage, sans doute censée illustrer à quel point l’idée fait « bondir les fonctionnaires  », propose l’interview d’une femme…

Au téléspectateur de deviner non seulement qui elle est – ni le commentaire, ni aucune incrustation ne l’indiquent – mais aussi quelle question lui est posée – laquelle a été coupée au montage. Et si cette femme, qui est probablement fonctionnaire, retraitée ou non, ne semble pas « bondir », elle est effectivement opposée – quelle surprise – à une baisse éventuelle de sa (future ?) pension : « C’est perdre nos acquis, quelque part, parce que si nous, c’était calculé sur les 6 derniers mois… Il y a beaucoup de prise d’échelon en fin de carrière. C’est quand même plus intéressant.  »

Avec l’infographie qui suit, que redouble le commentaire, la journaliste choisit de présenter les conséquences d’une telle réforme pour « un fonctionnaire » virtuel qui s’avère quelque peu atypique…

« Aujourd’hui, les pensions sont calculées sur les derniers mois de la vie professionnelle. Ainsi un fonctionnaire qui gagne en fin de carrière 4000 euros par mois, touche aujourd’hui 3000 euros de retraite. Mais si la piste évoquée par le rapport était suivie, une période plus longue serait prise en compte, par exemple les 10 dernières années. Et sur cette période, le fonctionnaire n’a pas gagné 4000 euros en moyenne mais seulement 3500. Résultat sa retraite ne s’élèverait plus qu’à 2625 euros, 11 % de moins qu’aujourd’hui. »

On reste perplexe devant cette simulation : en 2009, selon l’INSEE, le revenu moyen des fonctionnaires était d’un peu moins de 2400 euros… Alors qui sont ces fonctionnaires qui finissent leurs carrières à 4000 euros par mois ? Existent-ils ? Combien sont-ils ? De quoi parle-t-on ? Salaire net ou salaire brut ? Celui ou celle qui aurait voulu suggérer que les fonctionnaires sont des nantis ne s’y serait pas pris autrement…

Le reportage enchaîne avec quelques mots d’Éric Aubin, présenté comme le responsable chargé des retraites à la CGT. Là encore, on ne sait quelle question lui a été posée…

« C’est une mesure pour rien. Qui avait fait l’objet d’un débat en 2010 avec Éric Woerth qui avait, à l’époque, abandonné cette mesure parce qu’elle ne sert à rien et elle va crisper, effectivement, les salariés notamment du public. » Des propos si brefs et allusifs, qu’on ne pourra en retenir que son opposition à la mesure. Il aurait par exemple pu être intéressant de savoir pourquoi ce bon connaisseur du dossier affirme à deux reprises que ce serait « une mesure pour rien »... Mais ce n’est pas dans le JT France 2 que le téléspectateur l’apprendra.

En revanche, ledit téléspectateur se voit apporter une nouvelle preuve des privilèges inouïs dont bénéficient les fonctionnaires, avec une nouvelle statistique dont on ne saura pas d’où elle sort, ni ce qui pourrait l’expliquer.

« Aujourd’hui dans le privé la retraite est calculée sur les 25 dernières années. Et elle est moins élevée en moyenne : 1216 € contre 1724 pour le public. » On appréciera le souci de cohérence de la journaliste qui choisit de réfléchir sur une pension de 3000 euros quelques secondes avant d’annoncer qu’elles s’élèvent en moyenne à un peu plus de 1700 euros dans la fonction publique… Quant à savoir si, par exemple, des différences de qualification, et donc de rémunération, entre salariés des secteurs public et privé, ne pourraient pas contribuer à expliquer de tels écarts, ce serait trop demander…

Et la journaliste de préciser que « ce soir, Matignon évoque de simples pistes. Les discussions sur les retraites commenceront réellement le 20 juin. » En plateau, David Pujadas conclut même avec un quasi scoop : « Précision importante il y a quelques minutes. L’entourage de François Hollande a confirmé que le calcul des retraites des fonctionnaires fera bien partie du débat. »

Si la qualité de l’information, dans ce « sujet », fut d’une nullité affligeante, l’équipe de David Pujadas pourra au moins se féliciter d’avoir accompli son travail de « pédagogie »… en esquissant les conclusions de discussions qui n’ont pas commencé.

Frédéric Panne et Blaise Magnin

10/06/2013

TURQUIE : LA FEMME EN ROUGE, ICONE DE LA REVOLTE !

turquierouge1.jpgAlors que les manifestations s'intensifient en Turquie, le mouvement né place Taksin a trouvé son icône. La photo, prise le 28 mai lors de la deuxième plus grosse manifestation depuis le début du mouvement, a fait le tour du monde. Elle ne cesse depuis d'être partagée sur les réseaux sociaux, lieu d'expression de la contestation.

La scène se passe à Istanbul, dans le parc Gezi, à deux pas de la place Taksim et à l'endroit même où est né le mouvement. Cette jeune femme, dans sa robe de coton légère, sac blanc posé sur l'épaule, symbolise en une image la Turquie d'aujourd'hui. Une jeunesse libre et moderne. Pacifique aussi, face à la violence des forces de l'ordre.

Car en face, le policier incarne la répression du pouvoir. Autoritaire et sans compromis, n'hésitant pas à asperger de gaz la jeune femme, qui de toute évidence, ne présente aucune menace.

turquierougei.jpgCette dernière se retrouve désormais placardée sur les murs d'Istanbul, en sticker ou en poster, égérie de la contestation. Elle y est systématiquement représentée plus grande que le policier. Sur certains stickers, on peut lire: "Plus vous gazez, plus nous devenons fort" ("The more you spray, the bigger we get").

Cette image rappelle un cliché assez similaire, datant de juin 2011 et du mouvement Occupy Wall Street. On y voit un policier, nommé John Pike, asperger de gaz au poivre des étudiants assis sur un trottoir, afin de les déloger. La photo, devenue un symbole de la brutalité policière, a fait le tour du web et été détournée de nombreuses fois.

La femme en rouge devient donc symbole de la contestation et leitmotiv pour la jeunesse féminine. Les femmes savent en effet que Recep Tayyip Erdogan peut représenter une menace pour leurs droits, notamment l'avortement. Le premier ministre qui promeut le port du voile s'est récemment permis d'expliquer aux femmes qu'il était préférable qu'elles aient au minimum trois enfants.

Article publié par Hufingtonpost

 

31/05/2013

Noam Chomsky «La classe des affaires mène une âpre guerre sociale»

entretien, occupy wall street, noam chomsky, lutte des classesÀ la suite de la publication d’un recueil de textes reprenant l’essentiel de ses prises de parole au cours du mouvement Occupy Wall Street, Noam Chomsky revient sur le sens de ses interventions et leurs perspectives.

Vous écrivez dans votre livre que le mouvement Occupy Wall Street n’a trouvé que peu d’écho parmi 
les médias aux États-Unis. La même constatation a pu être faite de ce côté-ci de l’Atlantique. Pourtant vous soulignez qu’il s’agit, aux États-Unis, du mouvement de remise en question le plus important du consensus néolibéral qui a prévalu depuis trente ans. Pourquoi 
les grands médias ont-ils été si discrets à son propos ?

Noam Chomsky. Que sont les médias de masse ? De manière écrasante, d’énormes entreprises, elles-mêmes souvent parties de plus larges méga-entreprises. Qui les finance ? De manière écrasante, le monde des affaires. Que sont les cercles des classes managériales et éditoriales ? La réponse est dans la question. Pourquoi être surpris qu’ils n’aient aucune sympathie à l’égard de mouvements populaires qui font face à l’oppression de classe ? Qu’ils n’en aient aucune compréhension ? C’est vrai, ce n’est pas 100 % d’entre eux. Il y a d’autres facteurs. Certains aboutissent aux mêmes résultats. Mais c’est assez massif et la documentation sur les effets de cette situation est écrasante.

Le mouvement Occupy a popularisé l’idée que la concentration des richesses dans les mains du 1 % était intolérable dans une société écrasée par le chômage de masse et la précarité. En lisant votre livre, on s’aperçoit que les États-Unis se trouvent dans une situation sociale et économique critique. 
Depuis la France, l’Oncle Sam ne semble pas si mal en point. Comment expliquer la timidité des faiseurs d’opinion européens à l’égard de 
ce qu’ils continuent à présenter comme un modèle ?

Noam Chomsky. À propos du modèle américain de capitalisme monopoliste d’État financiarisé ? Il me semble qu’ils essayent de l’imiter.

entretien, occupy wall street, noam chomsky, lutte des classesLes manifestations d’étudiants au Chili et au Québec, les Indignados d’Espagne et du Portugal, les grèves et les mouvements sociaux en Grèce, le mouvement Occupy aux États-Unis, d’un côté, depuis plus de trois ans maintenant et l’annonce de la fin de la crise financière internationale, les mobilisations se sont multipliées dans les pays capitalistes dits « avancés ». D’un autre côté, 
les indices boursiers de Wall Street et de Francfort retrouvent leurs sommets d’avant l’automne 2008. N’est-ce pas cela qui compte ? Si une nouvelle crise financière se déclenche, pourquoi ne pas utiliser les mêmes remèdes qui ont été utilisés et laisser les États, 
les peuples et les travailleurs régler la note ?

Noam Chomsky. Du point de vue des maîtres, c’est tout à fait la bonne idée.

Vous évoquez à de nombreuses reprises l’idée de classes sociales et de luttes de classes. Ces idées qui semblaient avoir reflué jusqu’à maintenant refont surface dans 
la conscience sociale. Comment 
en faire des facteurs de progrès ?

Noam Chomsky. La lutte de classes n’est jamais cachée. Aux États-Unis, la classe des affaires est une classe hautement consciente de ses intérêts et mène toujours une âpre guerre sociale. Il y a quelques réactions, comme celles que vous évoquez, et si elles grandissent, cette guerre de classe ne sera plus aussi unilatérale et des avancées pourront être obtenues.

La contestation de l’ordre économique est associée, dans toutes les mobilisations actuelles, 
à une contestation de l’ordre politique. Dans le même temps que l’ordre néolibéral du capitalisme, c’est la démocratie représentative qui se trouve mise en question. Comment faire avancer la pratique 
de la démocratie dans les limites d’un régime qui concentre le pouvoir dans les mains des plus riches ?

Noam Chomsky. La principale question à propos de la démocratie représentative est celle-ci : jusqu’à quelle extension existe-t-elle ? Prenez les États-Unis. Il y a d’excellentes recherches en sciences politiques qui montrent que les 70 % les moins riches, aussi bien en termes de salaires que de patrimoine, n’ont aucune influence sur les décisions gouvernementales. Cette influence n’augmente que lentement jusqu’au sommet de la pyramide de la richesse, qui en obtient tout ce qu’elle veut. Est-ce là une démocratie représentative ? C’est un exemple parmi de nombreux autres.

 

entretien,occupy wall street,noam chomsky,lutte des classesFaire l’histoire « d’en bas »

Constitué d’une série de conférences données par Noam Chomsky au cours du mouvement Occupy Wall Street, son livre Occupy nous plonge dans cette mobilisation même qui, commencée au centre de la Big Apple, s’est propagée, d’est en ouest, à plusieurs dizaines de villes des États-Unis. Le livre est précédé d’un hommage de l’auteur aux manifestants.

Il évoque cette femme interpellée pour avoir lancé des pétales de fleurs sur le Capitole, siège du Congrès des États-Unis. Au lendemain du discours sur l’État de l’Union, au cours duquel a été tracée l’esquisse d’un New Deal d’inspiration rooseveltienne, cette publication a tout d’abord le mérite de rappeler l’efficace, par son écho mondial aussi, d’un mouvement qui a porté en son foyer la contestation d’un ordre mondial financiarisé.

Elle témoigne aussi de l’engagement d’un intellectuel qui n’a pas hésité à s’inscrire dans la mêlée d’un mouvement social et de s’en faire participant. L’hommage final rendu à la mémoire d’Howard Zinn, acteur de premier plan du mouvement des droits civiques et du courant pacifiste aux États-Unis, historien « d’en bas » et auteur, notamment, de Marx à Soho, est dans le droit fil de cet engagement de la communauté qu’il appelle lui-même.

Entretien réalisé par Jérôme Skalski pour l'Humanité

13/05/2013

QUE GAGNERIONS-NOUS A PERDRE NOTRE VIE ?

ferie.jpgMalheureux que nous sommes.

Avons-nous bien conscience que nos doigts de pieds en éventail en ce pont, que dire, en ce viaduc du 8 Mai et de l’Ascension coûte deux milliards à la France ?

Enfin, à la France, aux entreprises, à l’économie quoi. Deux milliards, car, comme on le disait mercredi matin, sur France Inter, « nous ne produisons pas et nous ne consommons pas ».

En fait, on ne sait pas trop d’où ce chiffre sort comme un lapin de son chapeau ni comment on le calcule, mais petites têtes de linotte que nous sommes, nous pouvons toutefois comprendre que nous avons perdu deux milliards qui n’existaient pas encore, mais que nous aurions gagnés (enfin, les entreprises), si, et le si est important, si nous avions travaillé ces deux jours fériés. 


D’où ces deux questions finalement assez logiques.

Combien perdons-nous chaque fois, à chaque instant que nous 
ne travaillons pas ? 


Et combien gagnerions-nous (enfin, les entreprises) à travailler les jours fériés, la nuit, 
le dimanche, 
sans congés payés ?

Que gagnerions-nous 
à perdre notre vie ?

Maurice Ulrich, l'Humanité