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10/01/2018

Une année 2017 dramatique pour les Palestiniens de Gaza

Palestine3.jpgDe Ziad Medoukh, professeur de français, habitant Gaza

Depuis plus de douze ans, et à la fin de chaque année, les habitants de la bande de Gaza espèrent un changement de leur situation marquée par la souffrance, le maintien du blocus israélien inhumain, la poursuite des attaques israéliennes contre leur prison à ciel ouvert, et son isolement comme région oubliée.

Depuis le retrait israélien de la bande de Gaza et l’évacuation des colonies israéliennes illégales en 2005, et depuis le début du blocus israélien imposé contre cette région isolée en 2006, la bande de Gaza vit une situation terrible à tous les niveaux, une situation qui rend la vie de deux millions d’habitants de pire en pire.
En onze ans, la population civile a subi trois offensives militaires israéliennes qui ont fait des milliers de morts et de milliers de blessés, sans oublier la destruction massive de toute une région.

Onze années se sont écoulées, mais c’est difficile pour nous Palestiniens de Gaza d’oublier la guerre, l’enfermement, la souffrance, les massacres et les crimes commis par cette armée d’occupation, contre nos femmes et nos enfants, contre nos maisons et nos écoles, contre nos usines et nos routes, contre notre volonté et notre résistance.

L’ année 2017, a connu la poursuite des événements tragiques pour les habitants de cette région enfermée et laissée à son sort, une région abandonnée par une communauté internationale officielle complice. Mais surtout n’a connu aucun changement sur le terrain, malgré quelques initiatives locales et régionales.
L’année 2017 pour les habitants de la bande de Gaza, a été marquée par les dix événements suivants :

1-Le maintien du blocus israélien inhumain imposé de façon illégale par les forces de l’occupation depuis plus de onze ans, et la fermeture permanente des passages qui relient la bande de Gaza à l’extérieur.
Concernant les passages commerciaux : Actuellement, par jour, 300 à 340 camions entrent à Gaza via le seul passage commercial ouvert cinq jours par semaine, ce passage se situe au sud de la bande de Gaza, mais la moitié de ces camions sont pour les organisations internationales et leurs projets de reconstruction d'écoles et de stations d’eau. Parmi ces camions, 4 ou 5 seulement contiennent des matériaux de construction notamment le ciment. Ce passage se ferme sous n’importe quel prétexte, par décision israélienne, sans prendre en considération les besoins énormes de la population civile, en augmentation permanente.

Palestine2.jpgGaza n’a droit qu’à 110 produits au lieu de 970 avant le blocus, quelques produits et médicaments n’entrent pas, ce qui a aggravé la situation. Selon les estimations des organisations internationales, la bande de Gaza a besoin de plus de 1300 camions par jour pour répondre aux besoins énormes d’une population en augmentation permanente. Sans oublier la liste de 90 produits toujours interdits d’entrer par ordre militaire israélien.
Cette fermeture a empêché la libre circulation des importations et des exportations des biens et produits de Gaza, en particulier les matières premières et les produits semi-finis.
Le gouvernement israélien refuse l’ouverture des passages d’une façon régulière et maintient son blocus sur Gaza. Les organisations internationales n’arrivent pas à faire pression sur ce gouvernement, et les Palestiniens de Gaza sont dans l’attente.

2-Les projets de reconstruction public ou privé sont au point faible, trois ans et demi après la fin de la dernière attaque sanglante contre Gaza en été 2014. le comité national de la reconstruction de Gaza a annoncé que seulement 50% de réparation pour les maisons touchées partiellement par les bombardements israéliens, qui ont été faites.
Seulement 75% de l’argent promis lors de la conférence sur la reconstruction de la bande de Gaza les 11 et 12 octobre 2014 au Caire.- 5.6 milliards dollars promis- est versé soit directement à l’autorité palestinienne qui se heurte à d’énormes difficultés pour mener des projets de reconstruction dans la bande de Gaza, qui réellement n’y exerce aucun pouvoir, à cause des mesures israéliennes d’une part et des divergences politiques entre les différents partis palestiniens d’autre part, soit aux organisations internationales qui s’intéressent surtout à distribuer des aides alimentaires aux sans-abris plutôt que de commencer la reconstruction des maisons détruites.
On est passé suite à cette situation catastrophique dans la bande de Gaza d’une économie familiale non-violente à une économie dépendante d’Israël et des organisations internationales.

Palestine 1.jpg3-La poursuite des incursions, bombardements, malgré une trêve respectée par les factions de Gaza, jamais par l’armée d’occupation israélienne. On compte plus de deux cent violations israéliennes en 2017 : 90 bombardements, 77 incursions dans différentes zones frontalière au sud, au centre, et au nord de la bande de Gaza, 120 attaques contre les pêcheurs et leurs bateaux de pêche. 73 palestiniens ont trouvé la mort à Gaza suite à ces attaques et bombardements.

4-L’échec des efforts de la réconciliation inter palestinienne, malgré la signature d’un accord qui a mis fin de la division entre les deux partis rivaux : le Fatah et le Hamas en octobre 2017, ce qu’a aggravé la souffrance des habitants de la bande de Gaza.

5-La dégradation de la situation économique, le taux de chômage dépasse les 67% de la population civile, mais le phénomène le plus dangereux est la hausse du chômage chez les jeunes de moins de 30 ans, qui atteint 75%, en 2017, plus de 50.000 personnes s’ajoutent au chômage.
- La pauvreté. 72% de la population de Gaza vit en dessous de seuil de pauvreté
-L’augmentation du nombre de personnes qui dépendent des organisations humanitaires. 80% des Palestiniens de Gaza vivent sur des aides alimentaires. Selon les sources du bureau des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens –UNRWA- dans la bande de Gaza, plus de 1000.000 personnes ont bénéficié du programme de l’aide alimentaire géré par le bureau en 2017, ce programme a élargi ses services pour cibler les citoyens et non seulement les réfugiés.
Sur le plan économique, la situation ne cesse de s’aggraver avec les conséquences dramatiques du blocus et de la dernière agression qui ont causé l’augmentation du chômage, et du niveau de pauvreté, sans oublier l’incapacité de bâtir une véritable économie dans la bande de Gaza.
L’économie de la bande de Gaza souffre d’une crise très grave due aux agressions israéliennes et au blocus. Cette situation empêche tout développement d'une économie en faillite qui ne trouve pas les ressources nécessaires pour sortir d'une crise qui touche tous les secteurs.
Pour beaucoup d’économistes, l’année 2017 est considérée comme la plus catastrophique pour l’économie palestinienne depuis 20 ans

6-La déclaration du président américains Trump sur la ville de Jérusalem en décembre 2017, avec une réaction palestinienne très intensive sur le terrain avec des manifestations populaires sur les frontières de Gaza, avec des morts et des blessés côté palestinien, ce qu’ajoute d’autres préoccupation à la population de Gaza.

8-Aucune solution est proposée pour les problèmes de la bande de Gaza, soit de deux gouvernements palestiniens, soit des organisations internationales, voir des pays voisins ou autres. Les problèmes d’eau, d’électricité, d’infrastructure, de chômage, de pauvreté, de précarité et reconstruction sont toujours présents.
La seule centrale électrique qui a été bombardée lors de la dernière agression, fonctionne avec seulement 30% de sa capacité, chaque foyer à Gaza a le droit de 4 à 6 heures de courant électrique par jour.

9-Concernant l’eau : Les dommages causés aux canalisations d’eau et d’assainissement ont été immenses En décembre 2017, plus de la moitié des Gazaouis n’avait plus aucun accès à l’eau.

10-Aucun changement, rien ne change, rien ne bouge, la vie est presque paralysée pour cette population civile. Et ça dure depuis longtemps, sans aucune réaction nationale, régionale ou internationale. Les citoyens de Gaza vivent le jour au jour, ils essayent de s’adapter, de tenir bon, mais surtout d’y exister.

Les questions qui se posent au début de cette nouvelle année :
Jusqu’à quand ce blocus israélien inhumain contre la population civile de la bande de Gaza ?
Jusqu’à quand la souffrance des Palestiniens de Gaza ?
Jusqu’à quand cet impunité d’Israël ?
Jusqu’à quand le silence international officiel ?

Et jusqu’à quand cette injustice ?
La population civile se bat quotidiennement pour survivre digne sur sa terre.
la situation stagne, rien ne bouge et les gens, sur place, attendent et attendent, ils attendent une ouverture, ils attendent la levée de ce blocus inhumain, ils attendent une vraie réaction internationale afin de mettre fin à l’impunité d’Israël et fin à leur souffrance, ils n’ont pas d'autre choix que d’attendre, ils attendent avec un courage et une volonté remarquables. Mais surtout avec un message simple et claire : ici notre terre, nous partirons pas.

Mais la vie continue, ses habitants s’adaptent et montrent une patience extraordinaire devant le silence complice d'une communauté internationale officielle impuissante.
En attendant, les Palestiniens de Gaza tiennent bon, persistent, patientent, résistent, mais surtout, ils continuent d’espérer en un lendemain meilleur, un lendemain de liberté, de paix, mais, avant tout, un lendemain de justice.

09:57 Publié dans Actualités, Connaissances, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : palestine, gaza, 2017 | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

15/11/2017

Lydie Salvayre : « Cette part de nuit, d’étrangeté, est en chacun de nous »

lydie salvayre.jpgEntretien réalisé par Sophie Joubert, L'Humanité

Prix Goncourt 2014 pour Pas pleurer, Lydie Salvayre signe une tragédie moderne sur le populisme et la haine de l’autre, ancrée dans un village du sud de la France. Entretien.

lydie salvayre tout homme est une nuit.jpgTout homme est une nuit est-il né d’un mouvement de colère ?

Lydie Salvayre Je sors d’une période où me sont tombés dessus simultanément le Goncourt et la maladie. Pendant une saison, j’ai été « les cailloux et la boue noire », comme je le dis dans le texte. Le désert, aucun goût pour rien. Je me suis dit que l’impulsion ne reviendrait peut-être pas. Et puis est arrivée la campagne présidentielle. Pas un jour ne passait sans que j’entende une bassesse, une invective, un propos xénophobe ou d’exclusion. Je me suis dit que je ne pouvais pas continuer à faire mes petits romans, comme si de rien n’était. Je ne pouvais pas et ne voulais pas me dérober, même si je tiens en suspicion la littérature qui surfe sur les événements présents pour aller à l’émotion et faire du réalisme à bon compte. Je suis souvent dans le désir du monde et dans le désir de retrait. Cette fois je me suis dit qu’il fallait y aller. À certaines périodes historiques, d’autres l’ont fait : Malraux pendant la guerre d’Espagne, Charles Péguy ou Zola pendant l’affaire Dreyfus… Me sont venues des questions vieilles comme le monde : pourquoi les hommes reportent-ils leurs inquiétudes sur l’intrus, sur l’étranger, plutôt que de s’en prendre à la racine de leur mal ?

Comment traiter aujourd’hui la question archaïque du bouc émissaire ?

Lydie Salvayre Depuis que j’ai terminé le livre, je lis beaucoup sur le populisme. La victime émissaire est légèrement différente des autres, presque conforme mais pas vraiment. Tout est dans le presque. Selon René Girard (1), elle doit présenter des caractères enviables ou odieux. Mon narrateur a les deux, il est enviable car il ne travaille pas, et son teint un peu bronzé le rend haïssable. Ces choses insignifiantes vont devenir peu à peu des preuves irréfutables, à cause d’une espèce de déraison qui s’empare des uns et des autres, un déchaînement des passions. Mais il me ferait horreur d’être dans le camp du bien. J’essaie de semer des indices pour éviter d’opposer le pauvre exclu à l’infâme populiste. Dans le livre, l’étranger n’est pas pure victime, il est enfermé dans des pratiques citadines, qui séparent le public et le privé. Cette barrière est beaucoup moins étanche à la campagne. Mon narrateur s’exprime bien, il peut apparaître comme un érudit, appartenant à l’élite. De l’autre côté, le village se meurt, déserté par l’industrie. Ses habitants ont le sentiment d’être les derniers représentants d’un monde qui s’achève. Ils essaient de faire groupe, tentent de maintenir un collectif.

La construction du roman alterne deux voix, celle du narrateur, l’étranger, sous forme de journal intime et celle des villageois, dans le café. Le personnage d’Augustin, qui arrive plus tard, incarne-t-il une autre voix possible ?

Lydie Salvayre Je ne peux pas écrire tant que je n’ai pas de forme. J’ai tenté la simultanéité, ce qui est impossible en littérature, contrairement à la musique. Augustin n’est ni dans un camp ni dans l’autre. Il représente une France qui ne serait pas dans le ressentiment ou sur la défensive. C’est peut-être une voix idéale, utopique, celle que j’appelle de mes vœux. Il fait partie de ceux que j’appelle les idiots sublimes, un personnage littéraire que j’aime entre tous : le prince Mychkine de Dostoïevski, le brave soldat Schweyk de Brecht, Plume de Michaux, ou le Quichotte. Leur bonté est tellement exceptionnelle qu’elle en paraît incongrue, déconcertante et même scandaleuse. Je ne m’étais jamais autorisé cette figure. Quand Augustin arrive, la logique du roman se poursuit mais ce personnage me permet de respirer entre ces deux camps presque symétriques, qui sont dans un parfait non-dialogue. Un réseau de survie minuscule va se créer et s’avérer efficace face aux déchaînements des passions tristes dont parle Spinoza.

Votre narrateur est, comme vous, d’origine espagnole, et transfuge de classe. Votre histoire de fille d’ouvriers, républicains espagnols arrivés en France pendant la guerre d’Espagne, a-t-elle influencé ce texte ?

Lydie Salvayre Mon narrateur, comme moi, est inscrit dans une histoire familiale qui le rend infiniment sensible à la question de l’étranger. Elle a plusieurs sens : l’étranger dans la cité, parce qu’il est fou ou mal adapté, notre inconscient comme étranger, la maladie comme corps étranger. Le titre du roman dit cette part de nuit, d’étrangeté en chacun de nous. Je suis fille d’ouvriers, d’Espagnols, et comme mon narrateur j’ai ressenti cette honte des origines. Le sentiment que je m’exprimais mal, que mes parents étaient pauvres, que je vivais dans un HLM, était si violent que je n’ai pas pu en faire œuvre jusqu’à ce livre. Il aura fallu soixante-dix ans pour que je m’autorise à en parler. Je me suis tellement battue pour essayer de bien m’exprimer, de bien écrire, de bien me tenir. Nos parents nous ont beaucoup aidées, mes sœurs et moi. Ils voulaient que nous soyons plus républicaines que les républicains, plus laïques que les laïques. Peut-être avons-nous fait tant d’efforts que c’est resté très douloureux, même aujourd’hui. Il y a toujours un angle mort. Je crèverai avec ça.

Votre narrateur dit qu’il est passé maître dans l’art de dissimuler, ses origines et la maladie…

Lydie Salvayre S’arracher aux origines est une entreprise de dissimulation. L’accent, les manières de table sont à vie en nous mais on peut les dissimuler. J’ai vécu dans la communauté des réfugiés politiques espagnols. On entendait des blagues sexuelles à n’en plus finir. J’ai toujours gardé le goût du mauvais goût, de la grossièreté. Quevedo est un exemple parfait de ce qu’est pour moi le baroque : une langue très érudite et extrêmement populaire, voire vulgaire, qui va vers le bas autant que vers le haut. Je crains que, pour quelqu’un de bien né, en ville, cette espèce de vulgarité banale dans laquelle j’ai baigné enfant, celle des cafés de village que je décris dans le roman, soit prise comme une caricature. Tant pis !

Pourquoi ce vers du Cimetière marin de Valéry, qui revient dans le livre : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre »  ?

Lydie Salvayre Pendant la maladie, on s’accroche à des petites choses. On ne lâche pas. La maladie ne recentre pas, ne fait pas grandir humainement. On est malheureux, c’est tout. Pendant quelque temps, mon narrateur est enfermé par son état. Puis il expérimente qu’il ne peut pas penser seul. On ne pense que parmi les autres, disait Deleuze. C’est la belle théorie du rhizome. L’un de mes personnages dit qu’il voudrait vivre comme Thoreau, au milieu de la nature. Mais si les mots ne se frottent pas à ceux des autres, ils sont ravalés par le cerveau et font une bouillie informe, cette idée m’est assez chère. La parole lie et sépare. Or, dans le café du livre, ils disent tous la même chose et donc ne se parlent pas. La parole est fondée sur l’altérité.

(1) Le Bouc émissaire, Grasset, 1982.

29/09/2017

La réforme du code du travail perd son “procès” au tribunal de la fête de l’Huma

A l’occasion de la deuxième journée de l’événement organisé par le journal l’Humanité, Gérard Filoche, Bernard Thibault ou encore Didier Porte participaient à un “procès” contre la refonte du code du travail par ordonnances. Vrais-faux avocats, juges et parties civiles sont passés tour à tour à la tribune pour évoquer les enjeux autour de cette réforme, avec un verdict des plus prévisibles : la condamnation sans appel d’Emmanuel Macron.

“C’est le vrai ou pas ? Il lui ressemble beaucoup quand même!” Dans la foule regroupée sous le chapiteau de l’Agora de la fête de l’Huma, certains participants sont un peu confus. Est-ce vraiment Bernard Thibault, ex-secrétaire général de la CGT qui est en train de s’exprimer – il a pourtant une coupe de cheveux des plus reconnaissables ? Ou bien un acteur, comme bon nombre des personnes présentes des deux côtés de la scène de ce “tribunal” censé statuer sur la réforme du code du travail ? Que le public se rassure : c’était bien le vrai Bernard Thibault, comme toutes les “parties civiles” venues s’exprimer à l’occasion de ce vrai-faux procès des ordonnances Macron, déjà critiquées récemment à l'occasion de la manifestation à l'appel de la CGT, le 12 septembre. 

Côté défense, en revanche, “Monsieur Profite, Jean Profite” ou encore “Madame Buse, Elsa Buse” (tsoin tsoin!) ne sont pas réels : ils incarnent les personnages de Pierre Gattaz, patron du Medef, ou d’une représentante de la Commission européenne – avec le discours qui va avec. L’idée de ce simili-procès, notamment animé par la “présidente du Tribunal” – Laurence Mauriaucourt irl, journaliste à l’Huma, qui a revêtu une tenue de juge pour l’occasion ? Faire témoigner toutes les parties prenantes de cette réforme, que ce soit ses détracteurs ou ses partisans. Une façon “moins rébarbative” que les débats classiques d’évoquer la question, dixit les dires d’un festivalier près de nous pendant la conférence, mais aussi de rappeler le contenu – et les potentielles conséquences sur les travailleurs – de ces fameuses ordonnances. Sont évoquées, pêle-mêle : la baisse des indemnités prud’homales en cas de licenciements sans cause réelle et sérieuse, la potentielle fin des accords de branche ou encore la primauté donnée au périmètre hexagonal pour appréhender les difficultés économiques des multinationales licenciant en France.

Chansons Rouges Mosaik Radio diffusera l'intégralité de ce procès le vendredi 29 septembre de 10h à 12h, le dimanche 01 octobre de 15h à 17h, le lundi 02 octobre de 20h à 22h}}}

12:02 Publié dans Cactus, Connaissances, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : loi travail, procès, l'humanité | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

19/09/2017

Nathalie Peyrebonne Éloge du déraillement

Nathalie Peyrebonne.jpgBIOGRAPHIE

Après une enfance passée au Costa Rica, Nathalie Peyrebonne grandit en banlieue parisienne. Elle a été élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud. Elle est actuellement maître de conférences à l'université Sorbonne Nouvelle.

Spécialiste de l'Espagne du Siècle d'or (XVIe – XVIIe siècles), ses travaux sur la littérature de l'époque sont en lien avec une étude des sociabilités classiques, et notamment des sociabilités alimentaires (le boire et le manger).

Elle est aussi journaliste littéraire pour la revue Délibéré et pour Le Canard enchaîné,

Ecoutez ici en podcast un entretien exclusif réalisé pour Chansons Rouges Mosaik Radio avec Nathalie Peyrebonne qui présente son œuvre}}}

Romans

  • Rêve général, Phébus, 2013 (Libretto, 2014) (Prix Botul 2013)

  • La silhouette, c'est peu, Phébus, 2015.

  • Votre commande a bien été expédiée, Albin Michel, 2017.

    REVE GENERAL

Jean-Claude Lebrun, L'Humanité, Jeudi, 4 Avril, 2013

nicole peyrebonne,écrivainRêve général, de Nathalie Peyrebonne. Éditions Phébus, 2013, 160 pages, 13 euros, édition Libretto, 7,70 euros

Voici un premier roman joyeux, frais, tonique. Habité par quatre personnages qui sortent de leurs trajectoires et goûtent une liberté nouvelle. Ils s’appellent Louis, Edmond, Céleste et Lucien. Ils sont premier ministre, agent de sécurité dans un bar, conductrice de métro, professeur dans un collège. Et ont en partage de soudain ne plus vouloir jouer le jeu. Comme au tout début du livre, avant qu’eux-mêmes n’entrent en scène, ce footballeur désigné pour tirer un penalty, qui choisit de tourner le dos au ballon et de regagner les vestiaires. Tous, en somme, acteurs d’une manière de révolte douce qui ressemblerait presque à une révolution.

Ce matin du 5 janvier, lendemain inhabituel des vœux du Président (il « n’allait pas écourter ses vacances au soleil pour une allocution télévisée »), Louis a décidé de ne pas sortir de sa chambre à Matignon. Edmond non plus ne se rend pas au travail, il flânera au marché pour assouvir sa passion pour la cuisine. De son côté, Céleste va quitter son poste de conduite, délaisser sa rame à quai et remonter à la surface. Enfin, Lucien plantera en plein cours ses élèves de 4e 3 et partira en balade dans Paris. Un rêve général, qui peut s’entendre aussi comme une grève générale d’un nouveau genre, a pris son essor. Sorte de déraillement délibéré hors des chemins tracés d’avance et des assignations de toutes natures. Tel un refus des règles prétendument naturelles qui régissent nos destinées d’êtres sociaux. L’on suppute en Nathalie Peyrebonne une moderne lectrice de Paul Lafargue et de son Droit à la paresse, paru en 1880. Non pas seulement conteuse des rébellions minuscules, dont les quatre récits peu à peu s’entrecroisent pour composer un véritable roman de l’émancipation, mais critique radicale d’une économie politique et de son idéologie.

Tandis que le Président reprend le vieux refrain des possédants et « s’égosille (...) au boulot, au boulot, au boulot », des êtres renouent sans le savoir avec d’anciennes luttes. Ils partent à la conquête de temps libre, s’arrachent à l’aliénation, montrent qu’il est possible de vivre mieux en travaillant moins. En somme, font revivre la belle idée d’émancipation humaine tant mise à mal par l’ultralibéralisme. « Quelques mythes, quelques rêves, quelques fraternités » retrouvent ici une inespérée vigueur. Car le mouvement rapidement s’élargit, provoquant 
« comme une grande panne dans le pays ». Un Mai 1968 à la mode contemporaine, sans concertation, sans organisation, sans revendications formulées, sans références historiques. Mais témoignant de la persistance forte 
d’une aspiration. Nathalie Peyrebonne propose le roman 
de ce temps inédit, à des années-lumière de la terminologie et des représentations habituelles. Aussi peu conventionnelle que le fut Paul Lafargue à son époque. Un air libertaire souffle ici puissamment.

Le rêve général s’est maintenant installé depuis deux semaines. Plus question de cette rentabilité 
et de cette efficacité qui tenaient lieu d’uniques caps. 
On respire, on regarde autour de soi, on se regarde 
et l’on se parle. Céleste croise ainsi Lucien au moment 
où, place Vendôme, celui-ci entartre le Président qui porte le prénom de Wolf : ce personnage régressif, porteur 
de la vieille pensée réactionnaire, ne peut évidemment 
voir en l’homme qu’un loup pour l’homme. Sous ses allures souriantes, le roman en effet porte loin. Constituant 
un salutaire précis de rébellion, contre l’idéologie restauratrice plus que jamais à l’œuvre.

 

13:19 Publié dans Connaissances, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicole peyrebonne, écrivain | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!