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19/09/2017

Nathalie Peyrebonne Éloge du déraillement

Nathalie Peyrebonne.jpgBIOGRAPHIE

Après une enfance passée au Costa Rica, Nathalie Peyrebonne grandit en banlieue parisienne. Elle a été élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud. Elle est actuellement maître de conférences à l'université Sorbonne Nouvelle.

Spécialiste de l'Espagne du Siècle d'or (XVIe – XVIIe siècles), ses travaux sur la littérature de l'époque sont en lien avec une étude des sociabilités classiques, et notamment des sociabilités alimentaires (le boire et le manger).

Elle est aussi journaliste littéraire pour la revue Délibéré et pour Le Canard enchaîné,

Ecoutez ici en podcast un entretien exclusif réalisé pour Chansons Rouges Mosaik Radio avec Nathalie Peyrebonne qui présente son œuvre}}}

Romans

  • Rêve général, Phébus, 2013 (Libretto, 2014) (Prix Botul 2013)

  • La silhouette, c'est peu, Phébus, 2015.

  • Votre commande a bien été expédiée, Albin Michel, 2017.

    REVE GENERAL

Jean-Claude Lebrun, L'Humanité, Jeudi, 4 Avril, 2013

nicole peyrebonne,écrivainRêve général, de Nathalie Peyrebonne. Éditions Phébus, 2013, 160 pages, 13 euros, édition Libretto, 7,70 euros

Voici un premier roman joyeux, frais, tonique. Habité par quatre personnages qui sortent de leurs trajectoires et goûtent une liberté nouvelle. Ils s’appellent Louis, Edmond, Céleste et Lucien. Ils sont premier ministre, agent de sécurité dans un bar, conductrice de métro, professeur dans un collège. Et ont en partage de soudain ne plus vouloir jouer le jeu. Comme au tout début du livre, avant qu’eux-mêmes n’entrent en scène, ce footballeur désigné pour tirer un penalty, qui choisit de tourner le dos au ballon et de regagner les vestiaires. Tous, en somme, acteurs d’une manière de révolte douce qui ressemblerait presque à une révolution.

Ce matin du 5 janvier, lendemain inhabituel des vœux du Président (il « n’allait pas écourter ses vacances au soleil pour une allocution télévisée »), Louis a décidé de ne pas sortir de sa chambre à Matignon. Edmond non plus ne se rend pas au travail, il flânera au marché pour assouvir sa passion pour la cuisine. De son côté, Céleste va quitter son poste de conduite, délaisser sa rame à quai et remonter à la surface. Enfin, Lucien plantera en plein cours ses élèves de 4e 3 et partira en balade dans Paris. Un rêve général, qui peut s’entendre aussi comme une grève générale d’un nouveau genre, a pris son essor. Sorte de déraillement délibéré hors des chemins tracés d’avance et des assignations de toutes natures. Tel un refus des règles prétendument naturelles qui régissent nos destinées d’êtres sociaux. L’on suppute en Nathalie Peyrebonne une moderne lectrice de Paul Lafargue et de son Droit à la paresse, paru en 1880. Non pas seulement conteuse des rébellions minuscules, dont les quatre récits peu à peu s’entrecroisent pour composer un véritable roman de l’émancipation, mais critique radicale d’une économie politique et de son idéologie.

Tandis que le Président reprend le vieux refrain des possédants et « s’égosille (...) au boulot, au boulot, au boulot », des êtres renouent sans le savoir avec d’anciennes luttes. Ils partent à la conquête de temps libre, s’arrachent à l’aliénation, montrent qu’il est possible de vivre mieux en travaillant moins. En somme, font revivre la belle idée d’émancipation humaine tant mise à mal par l’ultralibéralisme. « Quelques mythes, quelques rêves, quelques fraternités » retrouvent ici une inespérée vigueur. Car le mouvement rapidement s’élargit, provoquant 
« comme une grande panne dans le pays ». Un Mai 1968 à la mode contemporaine, sans concertation, sans organisation, sans revendications formulées, sans références historiques. Mais témoignant de la persistance forte 
d’une aspiration. Nathalie Peyrebonne propose le roman 
de ce temps inédit, à des années-lumière de la terminologie et des représentations habituelles. Aussi peu conventionnelle que le fut Paul Lafargue à son époque. Un air libertaire souffle ici puissamment.

Le rêve général s’est maintenant installé depuis deux semaines. Plus question de cette rentabilité 
et de cette efficacité qui tenaient lieu d’uniques caps. 
On respire, on regarde autour de soi, on se regarde 
et l’on se parle. Céleste croise ainsi Lucien au moment 
où, place Vendôme, celui-ci entartre le Président qui porte le prénom de Wolf : ce personnage régressif, porteur 
de la vieille pensée réactionnaire, ne peut évidemment 
voir en l’homme qu’un loup pour l’homme. Sous ses allures souriantes, le roman en effet porte loin. Constituant 
un salutaire précis de rébellion, contre l’idéologie restauratrice plus que jamais à l’œuvre.

 

13:19 Publié dans Connaissances, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicole peyrebonne, écrivain | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

04/09/2017

Crise humanitaire. 300 000 Yéménites souffrent du choléra

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Lina Sankari, L'Humanité

La guerre menée par Riyad plonge le pays dans le chaos. La population doit faire face à une épidémie fulgurante dans l’indifférence générale.

Aux massacres de civils lors de « bavures » de l’armée saoudienne – appuyée par les États-Unis –, à l’horreur de la famine est venu s’ajouter le ­choléra. L’épidémie au Yémen a d’ores et déjà tué 1 600 personnes et contaminé 300 000 autres ; 7 000 nouveaux cas se déclareraient quotidiennement, selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Les régions de Sanaa, ­Hodeïda, Hajja et Amran sont les plus touchées. Le conflit, qui déchire le pays depuis 2014, oppose les forces gouvernementales du président Abd Rabbo Mansour Hadi, repliées à Aden et soutenues par Riyad et sa coalition sunnite, aux rebelles chiites houthis qui ont pris le contrôle du Nord, dont la capitale, Sanaa.

Une économie privée de liquidités

L’insalubrité, l’absence d’accès à l’eau, la famine, les structures médicales débordées, le manque de médicaments et les déplacements massifs de populations ont favorisé la propagation éclair de la maladie. « L’effondrement des systèmes d’assainissement et d’approvisionnement en eau, les hôpitaux à peine fonctionnels et l’économie privée de liquidités font que 27,7 millions de Yéménites font face à une catastrophe humanitaire implacable », souligne Bismarck Swangin, responsable de la communication pour l’Unicef au Yémen. À l’hôpital Al-Sabiine (Sanaa), les patients affluent au rythme d’au moins un par minute. Faute de ­capacité d’accueil, ils sont répartis dans des tentes ou, à même le sol, dans les couloirs. En outre, ajoute Bismarck Swangin, « les centres de santé ont cessé de fonctionner soit parce qu’ils ont été endommagés, soit parce qu’ils sont à court de carburant et de fournitures, ou encore parce que le personnel a fui ».

Côté responsabilités, Washington est bien placé

À plusieurs reprises, et en totale violation du droit, la coalition a bombardé des hôpitaux dont les coordonnées GPS avaient pourtant été fournies aux belligérants par les organisations humanitaires. En mai, les éboueurs, qui ne percevaient plus leur salaire, comme les salariés du public, se sont mis en grève, accélérant la propagation du choléra. Dans l’échelle des responsabilités, Washington est bien placé. Par leur blocus naval, les États-Unis paralysent les ­infrastructures du pays. À l’approche de la saison des pluies, l’ONU alerte sur le développement de la pandémie à un rythme « sans précédent ». L’Unicef chiffre ses besoins à 83 millions de dollars afin de stopper la propagation du choléra. Le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) déplore pour sa part moins de 30 % de l’aide promise.

17:54 Publié dans Actualités, Connaissances, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yemen, choléra | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

29/08/2017

Le capitalisme est incompatible avec la survie de la planète

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Humanite.fr, Jean-Jacques Régibier

Alors que les études se succèdent pour démontrer la gravité et l’étendue des atteintes à l’environnement, peut-on faire confiance au capitalisme pour réparer ce qu’il a produit ?
Non, répondent des scientifiques, militants environnementaux et eurodéputés réunis à Bruxelles par la Gauche Unitaire Européenne (1). Ils proposent d’autres alternatives.
Les mauvaises nouvelles sur le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement s’accumulent à un rythme alarmant depuis le début de l’été sous forme d’une avalanche d’études scientifiques qui aboutissent toutes au même diagnostic : si des mesures drastiques ne sont pas prises très vite à l’échelle mondiale, une partie de la planète risque de devenir invivable dans un délai assez bref. Certaines études concluent même qu’il est déjà trop tard pour redresser la barre.
 
Florilège non exhaustif de ces chroniques estivales d’une catastrophe planétaire annoncée :
 
- Dans la revue Nature, le climatologue français Jean Jouzel et un groupe de scientifiques, prévoient que si d’ici 3 ans les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas stabilisées, la planète passera dans un autre type climat aux conséquences « catastrophiques » : recrudescence des décès dus à la chaleur ( certaines régions de France connaitraient des températures supérieures à 50° ), des incendies, accroissement des réfugiés climatiques venant de régions particulièrement touchées comme la Corne de l’Afrique, le Moyen-Orient, le Pakistan ou l’Iran ( on compte déjà actuellement 65 millions de réfugiés climatiques sur la planète ), baisse des rendements agricoles, etc...
 
- Un rapport établi par plus de 500 scientifiques dans plus de 60 pays, (2) montre que 2016 aura été l’année de tous les records en matière de températures, d’émissions de gaz à effet de serre, de montée des océans et de terres soumises à la sécheresse.
 
- Selon le climatologue américain Michael Oppenheimer, avec le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, les chances de réussir à le mettre en œuvre ne dépassent pas 10% ( d’autres chercheurs parlent de 5% de chances.)
 
- Selon une étude réalisées par les chercheurs du Massachusets Institut of Technology ( MIT ) et de l’Université Loyola Marymount, la chaleur risque de rendre l’Asie du Sud-Est invivable d’ici 2100.
 
- Une évaluation scientifique effectuée en avril dernier par l’Unesco conclut que si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites très rapidement, les 24 sites coralliens classés au patrimoine mondial  auront disparu d’ici à 2100. C’est déjà le cas pour 20% d’entre eux.
 
- Début juillet, une étude menée par des chercheurs américains et mexicains (3) montre que les espèces de vertébrés reculent de manière massive sur terre, à un rythme inégalé depuis la disparition des dinosaures il y a plus de 60 millions d’années. Les chercheurs parlent de « sixième extinction de masse des animaux » et analysent les conséquences « catastrophiques » de cette « défaunation » aussi bien sur les écosystèmes que sur l’économie et la société en général.
 
- Selon article de la revue Science Advances, la fonte des glaces du Groenland, région qui se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète, va s’accélérer dans les prochaines années. Selon l’un des auteurs de cette étude, Bernd Kulessa ( Collège des sciences de l’université britannique de Swansea ), si les glaces devaient disparaître complètement, le niveau des océans monterait de 7 mètres.
Comme pour le confirmer, il y a quelques jours, un méthanier de 300 mètres battant pavillon du groupe Total, franchit le passage du Nord-Est habituellement obstrué par la banquise, sans l’aide d’un brise-glace. Ce rêve de relier l’Atlantique au Pacifique par le Détroit de Bering que caressaient depuis longtemps les pétroliers, mais aussi des états comme la Russie, est désormais une réalité.
 
- Pour couronner le tout, un institut de recherche international  travaillant sur les données fournies par l’ONU (4), nous apprend que depuis la fin du mois de juillet, la planète vit « à crédit », c’est-à-dire que l’humanité a consommé en 7 mois, toutes les ressources que la terre peut produire en une année. Circonstance aggravante : cette date fatidique arrive désormais de plus en plus tôt.
En prime, toujours au chapitre de la consommation, une autre étude nous indique que si tous les habitants du monde voulaient vivre comme un Français, il faudrait trois planètes terre pour assurer leurs besoins.
 
Le capitalisme responsable
Si toutes ces études se recoupent et se complètent sur les constats, elles s’accordent également sur leurs causes : c’est bien le développement explosif de la production et l’exploitation sans limite des ressources de la planète depuis le début de « l’ère industrielle », qui est la cause de la catastrophe en cours. Le fait que la situation se soit dégradée à très grande vitesse au cours des dernières décennies en est une preuve supplémentaire. Cette accélération est liée directement au développement du capitalisme dans les pays émergents, et plus généralement à l’extension hégémonique de ce mode de production à l’ensemble de la planète. Rappelons que la Chine, premier pays émergent, est aussi le premier pays émetteur de gaz à effet de serre, juste devant les Etats-Unis, première puissance capitaliste mondiale. « La logique de la croissance va vers l’autodestruction du système, voilà ce qui se passe quand on confie la gestion des ressources de l’humanité à des privés », juge le député européen espagnol Xabier Benito ( GUE-GVN .)
C’est également l’avis de Daniel Tanuro qui rappelle que le but du système capitaliste étant de produire de la survaleur, il n’y a pas d’autre solution que de remplacer le travail vivant par du travail mort pour lutter contre la baisse du taux de profit, donc « d’accroître de plus en plus vite la masse des marchandises, ce qui amène à consommer de plus en plus de ressources et d’énergie. » Et l’écosocialiste le répète : « la croissance capitaliste est la cause de la crise écologique, dont le chômage massif permanent est l’autre aspect.» C’est pourquoi, pour Daniel Tanuro, il est indispensable de  lier les combats sociaux et environnementaux.
Pas d’illusion non plus à se faire du côté du « capitalisme vert » promu notamment par l’Union européenne au niveau international. Pour Daniel Tanuro qui y a consacré un livre, « capitalisme vert est un oxymore. » Ce que l’on constate aujourd’hui dans les destructions qu’il opère partout sur la planète, c’est bien au contraire sa violence, dit Eleonera Forenza, qui explique par exemple comment le sud de l’Italie est ainsi devenu la décharge du Nord.
 
Quelles alternatives ?
Une fois reconnu que la voie préconisant la « modernisation » du capitalisme, son « verdissement », est une impasse ( de même que la promotion des valeurs « post-matérialistes » ou « post-classes » qui l’accompagnent ), il faut poser clairement, analyse l’historienne Stefania Barca, que « le capitalisme est le problème, » et pensez la politique a partir de cet axiome, dans des termes nouveaux par rapport à ceux du XXème siècle. « Où est-ce qu’on peut bloquer le capitalisme ? » devient une question politique centrale, explique Dorothée Haussermann, de Ende Gelände, un vaste collectif d’organisations environnementales et de groupes politiques qui concentre ses actions sur le blocage des mines de lignite et de charbon en Allemagne. « Le charbon fait partie du problème du réchauffement climatique, on doit en empêcher la production. Il faut commencer quelque part, c’est à nous de prendre les choses en mains, » explique Dorothée Haussermann.
 
En matière de changement climatique, ce n’est pas l’information qui nous manque, fait remarquer Rikard Warlenhus ( Left Party, Suède ), mais on a l’impression que changer les choses est au delà de nos possibilités. C’est, pour les raisons que l’on vient de voir, parce qu’au fond, remarque l’eurodéputé Ernest Cornelia ( GUE / Die Linke ), « imaginer la fin du capitalisme est impossible. » Pour lui, la question devient donc : « comment passer du stade actuel à l’étape suivante ? » Cette question est d’autant plus centrale que, comme l’explique Rikard Warlenhus, « les dossiers climatiques ont tendance à nous diviser. » Par exemple, explique Dorothée Häussermann, « le mouvement environnemental peut être conçu comme une menace à l’emploi.» C’est la raison pour laquelle une partie du mouvement syndical est converti au « capitalisme vert », bien qu’il soit évident que le chômage continue à augmenter, ou que de nombreux syndicats soutiennent les énergies fossiles. « Une difficulté à mettre sur le compte de 3 décennies de déclin du mouvement ouvrier », analyse l’historienne Stefana Barca, dont il faut être conscient qu’elle provoque des divisions. C’est pourquoi, ajoute-t-elle, il faut concevoir le combat pour l’environnement comme « une forme de lutte des classes au niveau planétaire entre forces du travail et capital. »
 
Constatant la vitalité des combats pour l’environnement menés partout dans le monde sous des formes et par des acteurs très différents, les intervenants insistent tous sur la nécessité de promouvoir des articulations entre tous ces mouvements et des acteurs institutionnels quand ils existent ( des villes, des régions, par exemple ), ou des syndicats, des partis, et ce, au niveau mondial. L’objectif est de se situer « à la même échelle d’action que notre adversaire », explique Rikard Warlenhus « parce que le capital dépasse la structure de l’Etat national. »
 
Le rôle crucial des femmes
De nombreux analystes soulignent également comme un point central, le rôle des femmes dans le combat écologique et social. Il ne s’agit pas de dire qu’il est bien que les femmes y participent à égalité avec les hommes ( l’égalité homme-femme est un leitmotiv  consensuel de nos sociétés, en général jamais respecté ), mais bien de repérer l’apport spécifique, déterminant et innovateur des femmes, en tant que femmes, dans les nouvelles formes de combat. La députée italienne Eleonora Forenza ( GUE-GVN ) voit dans les mobilisations qui ont suivi la catastrophe de Seveso en juillet 1976, l’événement fondateur de cet éco-féminisme. « Ce sont les femmes qui ont joué un rôle essentiel en exigeant que soient menées des études médicales, car les femmes enceintes risquaient de donner naissance à des enfants malformés. Ce sont également elles qui ont lancé les premiers appels pour l’IVG en Italie. » ( L’IVG a été légalisé en 1978, mais il est toujours très difficile de la faire appliquer, ndlr.) Cet apport des femmes au combat écologique est également majeur pour Daniel Tanuro qui explique que « la place que le patriarcat donne aux femmes, leur procure une conscience particulière. » Il rappelle que 90% de la production vivrière dans les pays du Sud est assurée par des femmes, faisant d’elles le fer de lance de tous les combats actuels liés à l’agriculture, à la propriété de la terre, aux pollutions ou au climat.
 
(1) Colloque au Parlement européen, 27 mars 2017, Bruxelles publiées dans les Proceedings of the Natural Academy of Science ( PNAS )
(3) publié en juillet par l’Agence américaine océanique et atmosphérique ( NOAA ) et L’American Meteorological Society ( AMS ),
(4) Le Global Foodprint Network, Oakland ( Californie )
(5) Daniel Tanuro, « L’impossible capitalisme vert », La Découverte.
 

04/03/2017

« Macron, c’est Tony Blair avec 20 ans de retard »

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Propos recueillis pas Lola Ruscio, Humanite.fr

Entretien avec l’économiste Frédéric Farah, co-auteur de l’ouvrage « Introduction inquiète à la Macron-économie » et professeur d’économie à l’université Paris III.
 
Quelle est votre appréciation de son programme économique dévoilé intégralement jeudi ?

Frédéric Farah : Macron est vendu comme du neuf, mais ce qu’il propose est poussiéreux. Il s’inscrit dans la continuité avec la ligne social-libérale du gouvernement tout en appuyant sur l’accélérateur.  On pourrait croire que la nouveauté se trouve dans sa réforme du marché du travail ou de l’assurance-chômage, mais elles sont directement inspirées du modèle anglais.  Alors que l'assurance-chômage est aujourd'hui financée par les cotisations salariales et patronales, il veut que ce système soit financé par l’impôt. Ce qui va engendrer un Etat social au rabais : tout le monde va bénéficier d’un minimum chômage, mais les indemnités vont être tirées vers le bas, comme c’est le cas en Grande-Bretagne. Pareil sur l’arrêt du versement des allocations chômage en cas de refus après des offres d’emploi, elles aussi inspirées par Margaret Thatcher. Autant de mesures qui ne combattent pas le chômage, mais les chômeurs.

Il s’inspire aussi de la flexisécurité danoise, initiée dans les années 1990, qui repose sur un marché du travail « flexible » et sur des facilités à licencier et embaucher, en assurant aux personnes une allocation modulable dans le temps et un accès à la formation. Dans ce sillage, Macron pense qu’accorder plus de flexibilité  sur le marché du travail revient à créer automatiquement des emplois. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui préconisait cette recette en 1994, concédait en 2004,  qu’il n’y a pas de corrélation entre la création d’emplois et la  flexibilité.  Au bout de la logique libérale, la flexibilité conduit à la modération salariale : le salaire est perçu comme un coût à comprimer pour gagner en compétitivité.
 
En ce sens, son projet s’inscrit-il dans les politiques d’austérité mises en œuvre en Europe ?
Oui. Emmanuel Macron est euro-compatible : il promet un plan de relance de 50 milliards et une réduction des dépenses publiques à hauteur de 60 milliards d’euros, en restant très flou sur la manière dont il va le faire. Comme il ne veut pas changer de cadre européen, il va davantage libéraliser, miser sur la  formation et la  mobilité en espérant que ça marche,  accroître le contrôle des chômeurs… Il reste dans cette logique qui consiste à traquer la dépense publique, comme si elle était improductive par nature. A l’instar des élites françaises, le candidat souhaite amplifier les réformes structurelles pour obtenir les faveurs de l’Allemagne. C'est-à-dire réformer le droit du travail et la protection sociale et ne trouve rien à redire sur l’euro ou les règles budgétaires. Sans sortir de ces règles européennes, une seule orientation politique est possible, qui repose sur un élargissement de la concurrence et un renforcement des mécanismes de marché.
 
L’alternative pour sortir de l’austérité est européenne ?
Oui, mais pas dans l’Europe que nous connaissons. Depuis le tournant de la rigueur sous Mitterrand, et plus que dans les décennies précédentes, la France a choisi d’associer son avenir au sein de la construction européenne. Personne n’a remis en cause cette idée, qui a été reprise par les majorités gouvernementales successives. Mais, aujourd’hui, les candidats devraient débattre sur notre rapport à l’Europe. Il appartient à la France de redonner vie au couple franco-allemand, non pas en se soumettant à son modèle, mais en lui expliquant qu’elle a intérêt à redevenir une Allemagne européenne, comme ce fût le cas pendant la guerre froide, et non plus une Europe allemande, comme c’est le cas aujourd’hui.
Concernant la zone euro, même le FMI, qui n’est pourtant pas une organisation altermondialiste, explique que la monnaie européenne est surévaluée pour l’économie française et sous-évalué pour l’économie allemande. Emmanuel Macron a choisi de ne pas s’emparer de ce débat. Pourtant la solution est européenne.