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03/12/2025

"Il n'y a pas de 'libre choix' derrière le port du voile" : réponse à Nadège Abomangoli députéé LFI

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Ayant affirmé dans une émission du journal « l'Humanité » que le port du voile relevait de la contrainte, la sénatrice PCF de la Loire, Cécile Cukierman, a créé la polémique, accusée de « fémonationaliste », notamment par la député LFI Nadège Abomangoli. Auteur de « Le linceul du féminisme. Caresser l’islamisme dans le sens du voile » (éditions Séramis), Naëm Bestandji explique en quoi l'élue communiste a raison.

La sénatrice PCF Cécile Cukierman déclare être pour l’interdiction du port du voile dans les compétitions sportives officielles, en invoquant la laïcité mais aussi la lutte contre le sexisme et le patriarcat islamiste. Elle remet également en question la notion de « libre choix » pour le port du voile. Un « choix » qu’elle compare à celui exprimé par des femmes battues de rester avec leur mari violent. Il n’en fallait pas plus pour Nadège Abomangoli, députée LFI et première vice-présidente de l’Assemblée nationale, pour apostropher la sénatrice sur X. Elle l’accuse d’être une « fémonationaliste ». C’est-à-dire une militante nationaliste, qui instrumentalise le féminisme à des fins racistes. Rien que ça. La raciste n’est pourtant pas celle que Nadège Abomangoli pointe du doigt, mais le reflet de son propre miroir.

Si nous considérons l’égalité entre les êtres humains comme universelle, des personnes, comme Nadège Abomangoli, considèrent que l’égalité des sexes est adaptable selon le lieu et les circonstances. Au nom du respect des cultures et du droit à la différence, au mépris de toutes les luttes féministes, elles défendent ou ferment les yeux sur l’indéfendable. Cet aveuglement sur le sexisme du voile est un choix motivé par le paternalisme et l'orientalisme.

Un choix, vraiment ?

La députée LFI promeut l’intersectionnalité, qui adopte une conception raciale du monde où les êtres humains sont classés selon leur couleur de peau, leur culture, leur religion et où l’islam est racialisé. À l’intersection des discriminations que peut cumuler un individu (genre, couleur de peau, classe sociale, âge, etc.), la lutte pour l’égalité des sexes cède le passage au respect de la misogynie islamiste et du patriarcat oriental. Le féminisme n’est plus qu’un outil pour justifier la nouvelle lutte des « races ». Le sexisme du voile, créé pour discriminer et inférioriser la moitié de l’humanité en raison de son sexe, se mue en étendard identitaire brandi par les islamistes pour se présenter en éternelles victimes. Il devient le symbole de la résistance face à « l’impérialisme » et au « colonialisme » occidental.

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Pour justifier le charme exotique ressenti envers cet accessoire misogyne, lui-même justifié par une « pudeur » définie et dictée par des hommes, les intersectionnelles brandissent la parole des « concernées »… enfin, celles qui militent pour le porter, pas celles qui y sont explicitement contraintes. Selon ces défenseurs du voilement, le fait qu’une partie des femmes déclare se voiler par choix, et se sentir mieux ainsi dissimulées du regard des hommes, serait un argument « féministe » pour soutenir ce sexisme.

Or, le voile est présenté, par ses porteuses elles-mêmes, comme une « OBLIGATION religieuse ». S’il y a obligation, alors il n’existe aucun choix. Quelle femme ferait le « libre choix » d’aller brûler en Enfer pour l’éternité ? Selon les prescripteurs du voile, si la musulmane veut suivre sa religion, elle doit se voiler. Elle n’a pas le choix. Si elle veut plaire à son Dieu, elle doit se voiler. Elle n’a pas le choix. Si elle veut être respectée en tant que femme, elle doit se voiler. Elle n’a pas le choix. Ainsi, le « libre choix », slogan marketing, est en réalité une décision conforme à ce qui est attendu par ceux (tous des hommes) qui prescrivent le voilement des femmes.

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Le faux choix n’est donc pas celui de porter ou non le voile, mais de choisir entre la vertu ou le vice, être une femme « bien » ou une femme qui « ne se respecte pas », la pudeur ou l’impudeur, être une bonne musulmane ou pas, la bonne ou la mauvaise pratique, plaire à Dieu ou « lui déclarer la guerre », le Paradis ou les feux de l’Enfer pour l’éternité. Tout est fait pour ne laisser d’autre choix à la musulmane que de faire le faux « libre choix » du voilement. La méthode est si efficace que les concernées sont dans « l’acceptation tacite de leurs contraintes » comme disait Pierre Bourdieu, dont certaines en viennent même à défendre leur servitude plus ou moins volontaire. Le fait de consentir à se plier au sexisme ne confirme en rien une liberté. Militer pour promouvoir et défendre cette servitude patriarcale est encore moins un acte féministe. Par leur ignorance et leur refus de s’informer un minimum, les personnes comme Nadège Abomangoli ne voient que le sommet de l’iceberg à travers des éléments de langage calibrés pour les séduire, comme la notion de « libre choix ».

Faiblesse intellectuelle

C’est là qu’intervient l’analogie avec les femmes battues. Mais contrairement à ce qu’affirme la députée, la sénatrice n’a pas comparé les femmes voilées aux femmes battues. Elle interroge la notion de « libre choix » qui mène les unes à se dissimuler sous un voile par amour de Dieu (mais surtout pour se conformer aux injonctions des hommes qui parlent en leur nom) et les autres à rester au domicile conjugal par amour de leur mari. Elle souligne la faiblesse intellectuelle de brandir un « libre choix » pour le voilement qui n’a pas plus de crédibilité que celui d’une femme battue affirmant vouloir rester auprès de son mari violent. Je fais moi-même cette analogie, dans mon livre et mes interventions publiques que Cécile Cukierman a peut-être lus ou écoutés, pour démontrer qu’il n’existe pas de « libre choix » dans le port du voile, mais un consentement à la soumission patriarcale.

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En reprenant le contenu du tweet de Nadège Abomangoli, quand une femme battue déclare vouloir retourner auprès de son mari par choix, parce qu’elle l’aime, la députée invoque-t-elle le libre arbitre pour défendre la décision de cette femme ? Accuse-t-elle les recherches féministes, pour comprendre ce phénomène, de racisme, colonialisme et, par une inversion accusatoire assumée, de sexisme ? Non. On s'interroge. On ne se contente pas de dire « c'est son choix » ou bien « qui sommes-nous pour vouloir comprendre sa décision ? » On cherche à identifier le processus psychologique qui mène à cette soumission conjugale. C'est grâce à cela que nous avons découvert le phénomène d'emprise, et ainsi aider des milliers de femmes à s’émanciper de leur bourreau.

Mais quand il s’agit du voilement, Nadège Abomangoli abdique tout esprit critique pour paraître tolérante envers une idéologie qui ne l’est pas. S’arrêter au discours de la servitude volontaire (renommée « libre choix »), sans chercher à comprendre comment s’est construit ce consentement, n’est pas du féminisme. C’est de l’obscurantisme imbibé de patriarcat dans sa forme la plus pure. Si les féministes avaient appliqué aux femmes battues, désirant rester avec leur mari violent, le raisonnement de Nadège Abomangoli, nous n’aurions jamais découvert le phénomène d’emprise. Nous en serions encore au stade de « c’est leur libre choix ».

Source Marianne

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01/12/2025

Découverte, le Ghana entre évangélisme, économie de rente et non-alignement

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Accra, 18h, heure de pointe pour les habitants de la capitale. Dans les embouteillages encombrant l’avenue de l’Indépendance passant devant le mémorial de Kwame Nkrumah, un des innombrables minibus qui permettent aux ghanéens de se déplacer dans tout le pays arbore pêle-mêle un drapeau des États-Unis, une image du Capitaine Traoré dirigeant du Burkina-Faso et des messages religieux.

Pays de 35 millions d’habitants, colonie britannique jusqu’en 1957, date à laquelle l’ancienne « Golden Coast » prend son indépendance, le Ghana est aujourd’hui le pays le plus développé de l’Afrique de l’Ouest en termes d’indicateur de développement humain (IDH). Entre héritage du panafricanisme de Nkrumah, montée de l’évangélisme, exploitation des ressources minières, sous une apparente stabilité politique, le Ghana est aujourd’hui au centre des enjeux rencontrés sur le continent Africain.

Le Ghana, une terre de mission pour les églises évangélistes

ghanaAu Ghana, où 70% de la population est chrétienne et 20% musulmane, la religion est omniprésente. Les églises pentecôtistes et charismatiques y connaissent une expansion fulgurante, avec près de 30% de la population affiliée à ces mouvements, tandis que les Anglicans et autres protestants traditionnels voient leur influence stagner.

Le pays est devenu l’un des épicentres du renouveau évangélique en Afrique de l’Ouest, favorisé par l’héritage indirect de la colonisation anglaise qui a semé un terreau religieux fertile au développement des églises protestantes, mais aussi influencé par des réseaux étrangers et des missions internationales. Dans les rues d’Accra, comme dans tout le pays, les affiches annoncent les prédications de pasteurs devenus de véritables stars nationales. Certains possédant leurs propres chaînes de télévision diffusant en boucle sermons, prières et exorcismes.

Les églises y guident la foi mais régissent également des pans entiers de la vie sociale et politique, des choix économiques des fidèles aux débats publics sur la morale. Les conférences géantes attirent des milliers de participants chaque semaine, et dans les quartiers populaires comme dans les centres urbains, l’influence des télévangélistes se ressent jusque dans les écoles et les commerces. Le pentecôtisme ghanéen a pu se développer en prônant une africanité de la religion, et en reprenant habilement chants, danses et invocations locales qui faisaient partie du quotidien.

À Cape Coast, ville côtière de l’ouest du pays qui abrite l’un des plus anciens forts coloniaux construits par les portugais et point de départ de la déportation des esclaves vers le continent américain, Mikael, issu d’une famille de pécheurs et travaillant dans le secteur du tourisme nous explique. « Il est vrai que la religion est très importante pour nous, elle fait partie de notre identité. L’église et les pasteurs permettent de rendre la société moins violente. Les gens écoutent les consignes de l’église, et nous nous comportons de manière pacifique les uns envers les autres. De l’autre côté, les pasteurs jouent un rôle politique et anesthésient la société. Nous ne nous révoltons pas, acceptons tous les problèmes politiques sans protester. Au final, les politiques peuvent continuer de se servir sur le dos du peuple ».

Il continue en évoquant le bipartisme du Ghana « l’élection du Président Mahama ne changera rien pour nous, les deux partis alternent et remplacent les juges pour ne pas être dérangés. Les routes ne sont pas réparées à cause de la corruption et l’école continue de coûter cher, alors que nous avons tout pour être riches, de l’or, de la bauxite, du cacao, du pétrole et des mangues ! »

Alternance politique, rentes minières et programme FMI

Depuis la fin des années 1990, la vie politique ghanéenne est dominée par deux blocs solidement installés : le National Democratic Congress (NDC) et le New Patriotic Party (NPP), vitrine du libéralisme anglophone ouest-africain. Le retour de John Mahama (NDC) au pouvoir en 2024 s’inscrit dans ce cycle presque mécanique d’alternance entre la social-démocratie et le libéralisme, symbole pour les observateurs internationaux d’un « modèle de démocratie pour l’Afrique de l’Ouest ».

Pour d’autres, dans ce système verrouillé, les rentes minières alimentent le clientélisme, les nominations partisanes et les campagnes électorales bien plus qu’elles ne financent les routes, les écoles ou la santé. Le pluralisme existe sur le papier  ; dans la vie réelle, il se résume trop souvent à une alternance d’élites qui protègent les mêmes intérêts.

Le Ghana dispose de ressources naturelles et minières conséquentes lui permettant de se hisser à la troisième place des économies de la CEDEAO. Son économie dépend largement des exportations de matières premières : or (61% des recettes d’exportation), cacao (16%) et pétrole (10%). Le Ghana est le premier producteur d’or en Afrique et le deuxième mondial de cacao.

Les grandes compagnies étrangères comme AngloGold Ashanti (Afrique du Sud), Newmont (États-Unis) ou Gold Fields (Afrique du Sud) contrôlent les concessions les plus lucratives et exportent la majorité de la production, posant la question de la souveraineté du Ghana sur ses ressources. Dans le même temps, des milliers d’artisans creusent à mains nues ou à la pioche dans les rivières et collines, au mépris des règles  : c’est le fameux galamsey, responsable de déforestations massives, de rivières contaminées au mercure et de sols ravagés.

Les habitants subissent ces dégâts au quotidien, tandis que l’État, entre pression des multinationales et nécessité de réguler l’illégalité, peine à protéger les villages et à faire entrer dans ses caisses une part équitable des richesses. Sur le terrain, cela crée tensions et conflits  : disputes sur les droits d’accès aux sites, enfants et jeunes exposés au travail dangereux, et un sentiment croissant que l’or du Ghana profite d’abord à l’étranger et aux élites locales.

Pourtant, depuis décembre 2022, le Ghana est en défaut de paiement sur une partie de sa dette externe — un choc majeur qui a obligé Accra à solliciter un prêt de 3 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre d’une facilité élargie de crédit. Le programme impose le cocktail classique des mesures FMI : austérité budgétaire, mobilisation accrue des recettes, politique monétaire stricte, hausse des prix de l’électricité... Si ces mesures ont permis de stabiliser l’inflation et d’accroître les réserves de change, le prix social est lourd : réduction des dépenses publiques, pression sur les populations vulnérables, et dépendance aux bailleurs extérieurs.

Le rôle central des infrastructures publiques

Akosombo, à 1h au nord d’Accra, au bord du fleuve Volta. Alors que nous nous approchons de l’imposant barrage jouxtant la ville, nous sommes arrêtés par le garde de l’autorité du bassin de la Volta. Il nous souffle « Désolé, vous devez faire demi-tour. Le barrage est une infrastructure stratégique, c’est le cœur du pays […] s’il a un problème, tout le Ghana le ressent ! ».

Construit dans les années 1960 sous Nkrumah, le barrage d’Akosombo a bouleversé la Volta en créant le plus grand lac artificiel du monde et en électrifiant une large partie du pays. Un véritable symbole pour un pays qui venait d’obtenir son indépendance et une source d’électricité fondamentale pour l’exploitation des fonderies d’aluminium ghanéennes, sous propriété d’une société américaine. 80% de l’électricité produite initialement par le barrage était destinée à la production d’aluminium, nourrissant les critiques qui pointaient le néocolonialisme du projet financé en partie par la Banque Mondiale, les États-Unis et le Royaume-Uni.

Aujourd’hui, le Ghana est un des pays d’Afrique les plus électrifiés (89%), le barrage produit environ 50% de la demande et permet également d’alimenter en électricité le Togo et le Bénin. Le pays fait pourtant face à des coupures de courant régulières en raison du mauvais état du réseau lié en grande partie à la situation financière catastrophique de la Compagnie d’électricité du Ghana.

De la Chine à la Russie, de nouvelles coopérations

53 ans après la mort de Kwame Nkrumah, père de l’indépendance du Ghana, la question de son héritage demeure centrale. Le non-alignement du Ghana, son rôle dans l’émancipation des peuples africains et son ambition panafricaniste continuent de nourrir le récit national. Entre recherche d’investissements étrangers, négociations avec le FMI, partenariats sécuritaires multiples et arbitrages permanents entre puissances rivales, Accra doit naviguer aujourd’hui au gré des contraintes économiques.

Le retour au pouvoir de John Dramani Mahama en 2024 a néanmoins marqué un tournant dans la politique étrangère du Ghana. Si la politique internationale du Ghana en 2025 n’est pas une version actuelle du non-alignement et panafricanisme de Nkrumah, ce dernier agit néanmoins pour ériger à nouveau le Ghana comme médiateur continental. À ce titre, il a personnellement pesé pour renouer les liens avec l’Association des États du Sahel (AES - Mali, Burkina-Faso et Niger) en se rendant dans chacun de ces États et en nommant un médiateur dédié, visant à rapprocher les positions entre la CEDEAO et l’AES.

Le nouveau président déploie par ailleurs une politique étrangère teintée de pragmatisme. Mahama a rencontré Xi Jinping en Chine en octobre dernier. Une visite qui a permis de raffermir les relations historiques entre le Ghana et la RPC, en développant une coopération axée sur les questions économiques (mines, infrastructures, agriculture, pêche). La rencontre a également débouché sur une convergence de vues sur les grands enjeux mondiaux (multilatéralisme, nouvelles routes de la soie, initiative chinoise pour la gouvernance mondiale…). Le Ghana entretient par ailleurs des relations poussées avec la Russie avec des projets dans le domaine du nucléaire civil, bien que la coopération économique soit freinée par les sanctions occidentales.

Sur le continent africain, le Ghana a opéré un revirement majeur en direction du Maroc, avec une montée significative de la coopération avec le Royaume soldée par le soutien en juin 2025 du plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental et la fin de la reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique.

Le pragmatisme pour l’Occident

Le pragmatisme de la politique étrangère de Mahama s’illustre également dans ses relations avec l’Occident. Le premier exemple est l’accord de septembre dernier conclu avec Trump. Le Ghana accepte désormais de recevoir les ressortissants de pays d’Afrique de l’Ouest expulsés des États-Unis, un accord conclu sous la pression du président Trump (restrictions de visas et droits de douane).

L’ancien président libéral ghanéen, Nana Akufo-Addo avait entamé un rapprochement significatif avec la France, Emmanuel Macron faisant même du Ghana un symbole d’une politique africaine française se déplaçant hors de son pré-carré historique se réduisant à peau de chagrin. Symbole de ce rapprochement, le Ghana a officiellement adhéré à l’Organisation internationale de la Francophonie en 2024, avec le soutien appuyé de la France. L’arrivée au pouvoir de Mahama ne semble pas avoir renversé cette dynamique, en témoigne sa présence en tant qu’invité d’honneur au Forum de Paris pour la Paix et l’agenda bilatéral plutôt dynamique.

On peut citer la demande ghanéenne d’assistance de la France pour la lutte contre la piraterie dans le Golfe de Guinée, la demande d’implication de l’Agence Française de Développement suite au départ de l’USAID, l’Agence de développement des États-Unis…

Depuis le retour au pouvoir de Mahama, après un mandat de Akufo-Addo très pro-occidental, la politique étrangère du Ghana se rééquilibre vers un multilatéralisme assumé, ne se fermant aucune porte et en endossant un rôle de médiation sur le continent.

par Paul Moullec pour Liberté Actus

16:33 Publié dans Histoire, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ghana | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

20/11/2025

Au fait, où nos fortunes « françaises », ces donneuses de leçons fiscales, payent-elles leurs impôts ? L'enquête du journal l'Humanité

paradis fiscaux

Chaque été, le Landerneau politico-médiatique se rue sur le classement des grandes fortunes réalisé par le magazine Challenges. L’Humanité le complète, pour les 60 premiers, avec leur situation fiscale. Mais où nos milliardaires pourfendeurs de tout impôt supplémentaire sur leur fortune payent-ils donc leurs impôts ?

 

C’est un marronnier des médias depuis près de trente ans. Chaque été, le magazine Challenges dévoile son tant attendu classement des 500 plus grandes fortunes de France. De Bernard Arnault à Rodolphe Saadé, en passant par Xavier Niel et Gérard Mulliez, les commentateurs de l’actualité économique scrutent avec passion le rang, le secteur d’activité, l’évolution de la fortune et de la place dans le classement des ultra-riches tricolores.

Mais alors qu’en cette année 2025 la question de la fiscalité des hauts patrimoines est plus que jamais d’actualité, une information, pourtant cruciale, manque à l’appel : celle du domicile fiscal de ces grandes fortunes. Car, face au projet de taxe Zucman – soutenu par la gauche mais rejetée du budget 2026 par la droite et l’extrême droite –, les milliardaires nous ont bien fait comprendre qu’ils étaient farouchement opposés à toute imposition, même minime, de leurs juteuses fortunes.

L’Humanité a donc voulu vérifier si les pourfendeurs du meilleur jeune économiste de France étaient bel et bien des résidents fiscaux français. Sur les 60 premières personnalités du classement, toutes milliardaires, 18 ont établi leur résidence fiscale à l’étranger et deux autres ont ou ont eu un litige avec le fisc français à propos de leur domicile fiscal.

Luxe, grande distribution et industrie pétrolière

Deux pour cent d’imposition annuelle sur les patrimoines à partir de 100 millions d’euros, voici ce qui effraye nos grandes fortunes qui, en plus de vociférer pour affirmer que cela tuerait notre outil de production, font planer la menace d’un exil. Sauf que, dans les faits, une bonne partie du haut du panier de ces ultra-riches a déjà mis à l’abri son patrimoine. Si l’on prend les 25 premières fortunes du classement de Challenges, dix d’entre elles sont établies à l’étranger et deux autres sont en conflit avec Bercy.

Dans le domaine du luxe, les frères Wertheimer – propriétaires de Chanel, et dont la fortune de 95 milliards d’euros les place en troisième position du classement 2025 – ont installé leur résidence fiscale à l’étranger depuis au moins le début des années 2010. Tandis que Gérard Wertheimer s’est contenté de franchir les Alpes pour s’installer à Genève, en Suisse, son frère Alain a, lui, décidé de traverser l’Atlantique pour s’établir aux États-Unis, à New York.

Une pratique qui semble à la mode dans le monde de la haute couture, puisque Nicolas Puech, riche héritier d’Hermès qui détient à lui seul 5,7 % du capital de l’entreprise, est installé dans la petite station de sport d’hiver de La Fouly, en Suisse. L’homme, dont la fortune est estimée à 14 milliards d’euros, y réside depuis 1999.

Sources et méthodologie

À partir de la dernière version du classement publié par le magazine Challenges, nous avons effectué des recherches sur les 60 premières fortunes qui y figurent. Nous nous sommes basés sur des articles de la presse spécialisée ou de projets d’investigation journalistique portant sur les questions d’évasion et d’optimisation fiscale. La liste des sources nous permettant de considérer que certains domiciles fiscaux sont établis à l’étranger est disponible dans l’encadré à la fin de l’article.

Le classement « Challenges » a pour habitude de mentionner une personnalité et d’y ajouter la mention « et sa famille », nous avons fait le choix de nous concentrer sur la personnalité. Lorsque plusieurs personnes sont citées pour une même fortune, nous avons dissocié ces personnes pour faire apparaître d’éventuelles différences de situation fiscale (les propriétaires de l’entreprise Chanel par exemple). Enfin, lorsque après plusieurs recherches approfondies nous n’avons trouvé aucune preuve de résidence fiscale en France ou à l’étranger, nous partons du principe que le domicile fiscal de cette personne se trouve en France.

Autre domaine mais même idée, dans l’agroalimentaire le géant Mulliez a, lui, décidé d’aller beaucoup moins loin. Récemment épinglé par une enquête de « Cash Investigation », Gérard Mulliez – dont la fortune est estimée cette année à 25,9 milliards d’euros – réside dans la petite ville belge de Néchin, située très précisément à 732 mètres de la frontière avec la France. Même si le propriétaire d’Auchan nie tout exil fiscal, une bonne partie de sa famille est elle aussi installée à Néchin, à tel point que la rue de la Reine-Astrid y est communément appelée « boulevard des Mulliez ».

À la tête de Perenco, deuxième plus grand groupe pétrolier français, François Perrodo a installé sa fortune personnelle (9,1 milliards d’euros) au Royaume-Uni, à Londres. Toujours dans la capitale britannique, on retrouve Henri Beaufour, membre du conseil d’administration du laboratoire Ipsen et dont la fortune (partagée avec sa sœur Anne, domiciliée en Suisse à Clarins) est estimée à 4,5 milliards d’euros.

La Suisse : eldorado des riches français ?

Paradis fiscal historique où le secret bancaire est roi, le territoire helvète héberge une bonne partie des grandes fortunes françaises exilées. À ­Genève, par exemple, on peut retrouver Ariane de Rothschild, directrice générale du groupe Edmond de Rothschild depuis 2023, dont la fortune s’élève à 5,3 milliards d’euros. Mais aussi Jean-­Guillaume Despature, président du directoire du groupe de domotique Somfy. Comme en atteste le rapport ­financier du groupe en 2019, l’homme originaire du nord de la France a également installé ses 5,1 ­milliards d’euros au bord du lac Léman.

Certains y ont même des contentieux avec le fisc suisse. Exilé depuis l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée en 1981 et la création de l’impôt sur la fortune (ISF), le propriétaire de l’entreprise de grossiste en vins Castel Frères a dû régler plusieurs centaines de millions de francs suisses pour avoir omis de déclarer une partie de ses revenus et de sa fortune pendant plusieurs années. Sa fortune est actuellement estimée à 13,4 milliards d’euros.

À la tête du groupe Altice et de ses milliards d’euros de dette, Patrick Drahi a lui aussi eu à faire avec le fisc genevois. Des affaires révélées notamment par les « Drahi Leaks », où il est question de fausse domiciliation et de doutes au sujet de son statut marital. En 2025, l’homme qui pèse tout de même 7 milliards d’euros a transféré sa fortune en Israël. D’autres grandes fortunes ont également plié bagage lors de l’arrivée de la gauche au pouvoir dans les années 1980, comme Martine Primat (2,6 milliards d’euros), propriétaire du domaine Primland, qui réside à Genève depuis 1981.

Bernard Arnault et François Pinault : l’art du conflit fiscal

Lui aussi avait quitté la mère patrie pendant l’époque mitterrandienne, Bernard Arnault n’en est pas à son coup d’essai en termes d’exil fiscal. En 2012, lorsque François Hollande est élu président de la République et prévoit d’instaurer une taxe de 75 % sur les très hauts revenus, le magnat du luxe menace de quitter l’Hexagone. Il achète alors une propriété dans la très huppée Uccle, en banlieue de Bruxelles. Il y paie des impôts locaux et prévoit d’y installer sa résidence fiscale, chose à laquelle il renoncera finalement en 2013.

Mais, en 2018, un documentaire diffusé par France 3 révèle un possible redressement fiscal en France de 1 milliard d’euros pour fausse domiciliation. À ce jour, Bernard Arnault s’est acquitté d’une amende de 2,5 millions d’euros en Belgique pour mettre un terme à une enquête sur sa domiciliation, en affirmant qu’il a toujours été résident français mais en ne niant pas un possible redressement fiscal.

Lui avait plutôt choisi Londres pour poser ses valises. À la tête du groupe de luxe Kering, François Pinault a perdu son pari avec Bercy, selon des informations du média l’Informé datant de 2023. En effet, lorsque le milliardaire déménage en 2014, il décide de maintenir sa résidence fiscale en France pour payer ses impôts sur le revenu. Mais dès 2016, le fisc britannique interprète différemment la convention fiscale entre les deux pays et lui réclame à son tour des impôts.

Pour sortir de cet imbroglio, il affirme assurer sa fonction de directeur général depuis Londres et celle de président depuis Paris. Une pirouette inutile aux yeux du tribunal administratif français qui considère que les deux activités sont indissociables du siège français. Débouté en appel en avril 2024, François Pinault devrait s’acquitter d’un redressement d’une valeur de 11,5 millions d’euros.

Notre classement des exilés fiscaux en intégralité

 

2

Bernard Arnault

LVMH

116,7 milliards d'euros

3

Alain Wertheimer

Chanel

95 milliards d'euros

3

Gérard Wertheimer

Chanel

95 milliards d'euros

8

Gérard Mulliez

Groupe Mulliez

25,9 milliards d'euros

9

François Pinault

Kering

15 milliards d'euros

 

16:37 Publié dans Actualités, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paradis fiscaux | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

12/11/2025

Jean-Baptiste Greuze au Petit Palais : des toiles à la découverte l’enfance

greuze,pétit palais

Peintre majeur du XVIIIe siècle, un peu oublié depuis, Jean-Baptiste Greuze interroge de tableau en tableau les sentiments de ses jeunes modèles, jusqu’à la perte de l’innocence. Une nouveauté à l’époque, lourde de sens. Le Petit Palais à Paris lui consacre une rétrospective.

 

Vers 1765, un dessin à la plume de Jean-Baptiste Greuze représente le retour de nourrice d’un enfant. L’usage était, dans les familles aisées de l’époque, de confier le nouveau-né à une femme de la campagne pour son allaitement et ses premières années. Certaines d’entre elles en accueillaient plusieurs et des textes de l’époque évoquent des enfants emmaillotés tellement serré qu’ils ne pouvaient bouger, accrochés comme un paquet à un clou, pendant que la mère d’accueil était prise par trop de travaux.

Plus largement, la mise en nourrice devient un véritable trafic de petits humains dont commencent à s’inquiéter des moralistes et des philosophes comme Diderot, Rousseau, le baron d’Holbach1. Dans le dessin de Greuze, l’enfant, que l’on imagine âgé de 2 ou 3 ans, se blottit contre celle qui l’a élevé alors que sa mère légitime tente de l’attirer à elle…

Né à Tournus, en Saône-et-Loire, en 1725, Jean-Baptiste Greuze, à qui le Petit Palais à Paris consacre une importante exposition invitant à une relecture audacieuse de son œuvre, initiée par la directrice du musée, Annick Lemoine, fut un artiste virtuose, célèbre en son temps et dont les multiples portraits d’enfants ont à la fois fait le succès et entraîné le discrédit.

greuze,pétit palais

Grands yeux bleus, boucles blondes, joues rosées de porcelaine. Trop mignons, mignonnes. On va les retrouver sur les couvercles de bonbonnières ou de boîtes de chocolats, des assiettes que l’on voit encore sur Internet avec en motif, par exemple, une petite laitière comme on les aimait, il y a quelque temps tout de même, quoique…

Une forte tête qui tenait à son statut

Mais cette attention du peintre est nouvelle. L’époque, si l’on peut dire, découvre que le petit humain n’est pas un adulte en miniature ou une marionnette animée dont il faut attendre qu’elle prenne sa place dans le monde réel. Au XVIIe siècle déjà, le philosophe anglais John Locke dans son Essai sur l’entendement humain, où il réfute la notion d’idées innées, écrit : « Les premières idées qui occupent l’esprit des enfants sont celles qui leur viennent par l’impression de choses extérieures et qui font de plus fréquentes impressions sur leur sens. »

L’éducation, par la suite, pour Rousseau, Condorcet, quand bien même leurs choix peuvent différer, va devenir fondamentale, de même que l’environnement avec la question de la mise en nourrice mais aussi de l’allaitement. Du côté des enfants, c’est au fond cette sensibilité que va interroger Greuze. Son petit berger va souffler une fleur de pissenlit comme pour interroger son avenir. Sa propre fille Anne-Geneviève, également appelée Caroline, a un petit air buté. Un autre, fatigué, s’est endormi sur son livre…

C’est aussi dans cet esprit qu’il interroge, au travers de multiples scènes, la vie de famille comme avec « le Gâteau des rois » (1774), le rôle des pères avec des tableaux comme « le Fils puni » (1778) et « le fils ingrat » (1777) sans que l’on sache si c’est ce dernier qui part ou s’il est chassé…

En réalité, Greuze est d’une certaine manière un chroniqueur de son temps et de sa sociologie intime. C’est sur le fond ce qui lui vaut la faveur et l’amitié de Diderot, qui ne cesse de le louer de salon en salon, non sans l’opposer à Boucher ou à Fragonard, qui, s’il ne nie pas leur talent, sont pour lui les peintres de la dépravation des mœurs. Greuze est le peintre de la morale et de la famille, mais contre ce qu’il estime être la décadence d’une certaine aristocratie.

De fait, Greuze va aller plus loin, dans sa vision morale, que la simple défense des bonnes mœurs en évoquant les non-dits du « libertinage », quand bien même il aurait été un client assidu des filles dites « publiques » et goûtait ses jeunes modèles.

Mais c’est aussi l’auteur en 1756 des « Œufs cassés », où une jeune femme accablée est assise auprès de son panier à terre, avec une vieille femme prenant à partie un jeune homme au regard sombre. À l’époque, l’œuf cassé est un symbole de la virginité perdue. Avec le tableau phare de l’exposition, « la Cruche cassée » (1771-1772), où une jeune fille serre son vêtement à la hauteur de son sexe, avec un sein dénudé et le regard perdu, tenant sa cruche cassée à côté d’une sombre tête de lion crachant on ne sait quel liquide, c’est bien d’une allusion à une perte de l’innocence ou même à un viol qu’il s’agit.

Greuze en même temps était une forte tête qui tenait à son statut. Lorsqu’on lui propose de faire le portrait de la dauphine, qui n’est autre que la belle-fille du roi, il refuse en disant qu’il ne peint pas de visages plâtrés, évoquant sans fard, c’est bien le cas de le dire, la poudre dont se couvraient les femmes de l’aristocratie.

Il a épousé en 1759 Anne-Gabrielle Babury, très jolie fille dit-on d’un libraire parisien, forte tête elle aussi. C’est un couple très à l’aise, qui développe aussi un important commerce de gravures, géré par madame pendant que monsieur dessine et peint. Le couple va se défaire. Le goût du temps passe. Greuze finira pauvre et esseulé en dépit de l’affection de ses deux filles, en 1805. Il est temps d’en finir avec les bonbonnières pour retrouver un grand peintre.

« Jean-Baptiste Greuze. L’enfance en lumière », jusqu’au 25 janvier. Catalogue édité par le Petit Palais et Paris Musées, 392 pages, 49 euros.

19:33 Publié dans Connaissances, Exposition | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : greuze, pétit palais | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!