05/10/2006
1 milliard d'habitants dans les bidonvilles
La moitié de la population mondiale, estimée à un peu plus de 6.5 milliards d'individus actuellement, vit dans les villes. De ce total, une majorité vit dans des grandes villes, voire d'immenses métropoles de plusieurs millions d'habitants.
Bien que certaines de ces villes, comme Tokyo, New York ou Paris, soient situées dans des pays industrialisés et donc possèdent des équipements et infrastructures adéquats (ou à peu près), la plupart de ces grandes villes sont désormais dans des pays dits du Sud.
Djakarta, Kinshasa, Sao Paulo, Mexico, Bombay, Le Caire, tous ces noms sont familiers et synonymes de métropoles géantes congestionnées, polluées et dans lesquelles de nombreuses personnes vivent dans ce que nous appelons des bidonvilles.
Les grandes métropoles du Nord ont eu par le passé des zones de bidonvilles dans leurs environs, zones qui ont été depuis plusieurs décennies reconquisent par la salubrité.
Mais la croissance démographique actuelle des grandes villes du Sud est telle qu'il leur est impossible de mettre à jour les équipements, et surtout de les mettre au niveau des besoins.
Eau potable, eaux usées, déchets, routes, transports en commun, culture, écoles, universités, tous les équipements sont pour la plupart dans un état de délabrement et les investissements nécessaires sont si conséquents que les politiciens locaux sont dans l'incapacité de trouver les financements.
La corruption y est également pour beaucoup, une partie importante de l'aide au développement étant soit détournée localement, soit renvoyée aux pays donateurs pour financer la dette.
Dans ces grandes villes du tiers-monde, une majorité de la population urbaine habite dans ces fameux bidonvilles. On estime leur nombre au niveau planétaire à un tiers de la population urbaine totale, soit plus d'1 milliard d'individus !
Les défis pour ce siècle sont énormes mais pas insurmontables. Mais les expériences des pays riches, parfois malheureuses en ce qui concerne l'aménagement des villes, l'étalement urbain, les "cités" ghettos, la pollution automobile et industrielle etc... sont en train d'être purement et simplement reconduites dans les pays qui ont les moyens de les mettre en oeuvre.
La Chine par exemple, construit d'immenses zones d'habitat dans des banlieues tentaculaires, avec des autoroutes un peu partout, détruisant son environnement à une vitesse vertigineuse. Elle veut contruire dans les années à venir 85 000 km d'autoroutes !
La Malaisie, le Brésil, les pays du golfe persique, l'Inde, l'Indonésie, et de nombreux autres pays, font marche avant vers l'industrialisation et la destruction de leur environnement. Le tout avec l'idée de rattraper les pays riches du Nord.
Mais cette idée, bien que justifiée et légitime, pourrait se retourner contre eux rapidement.
La pollution engendrée, les problèmes créés, notamment sociaux, le bouleversement des paysages et des zones rurales et sauvages, tout ce modèle de développement est remis en cause en ce moment dans les pays du Nord.
Le développement durable, en vogue dans les pays riches, est loin, très loin, des soucis des gestionnaires locaux dans les pays pauvres. Leurs priorités, et on les comprend dans un sens, sont des mettre à niveau des équipements réclamés par les populations urbaines.
En refaisant donc les erreurs de gestion à court terme des pays du Nord.
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LE DESSIN DU MOIS D'OCTOBRE
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30/09/2006
L'AVENIR DE L'AUTOMOBILE
L’avenir de la première filière industrielle du pays s’assombrit : pour fabriquer à moindre coût des voitures toujours plus sûres et plus économes en carburant, Renault et PSA vont chercher leurs marges de profit loin de l’Hexagone.
C’est la faute à Henry Ford ! En appliquant le taylorisme, la parcellisation des tâches dans la production, pour fabriquer à des millions d’exemplaires sa Ford T, le boss américain a embarqué le monde dans un processus de consommation inouï, aux conséquences incalculables. C’est aussi la faute à André Citroën qui, dans les années 1920, a appliqué dans son usine du quai de Javel les méthodes de Ford.
L’automobile a tout changé : les modes de vie, les paysages, les relations entre les hommes de la planète. Le produit industriel de grande diffusion le plus sophistiqué du monde contemporain est non seulement devenu un produit de masse dans les pays occidentaux et asiatiques, mais il est, lentement mais sûrement, en train de le devenir en Chine, en Inde...
Aujourd’hui, l’industrie automobile se prépare à un bouleversement dont peu de monde peut prédire les conséquences. Les restructurations se préparent dans les salles feutrées des conseils d’administration. L’alibi de la mondialisation a déjà servi pour liquider de nombreuses industries traditionnelles en France. Celle du textile en fut une des victimes les plus emblématiques. Dans une société où les biens manufacturés et industriels doivent - c’est le marché qui le dit - être accessibles à un maximum de consommateurs, la question essentielle devient celle du coût de production et de la rentabilité immédiate dévolue aux actionnaires.
Carlos Ghosn, lors de son arrivée à la tête du groupe Renault-Nissan, a fixé à 6 % la marge indispensable à la réussite de son plan de développement d’ici 2009. Si on peut bien acheter dix tee-shirts chinois à 5 euros pièce au lieu de deux à 25 euros, le principe est difficilement applicable pour l’achat d’une voiture. Même si les premiers véhicules fabriqués en Chine vont être présents au Mondial de Paris.
Le défi pour les constructeurs est bien d’abaisser les coûts... à tout prix. Et comme plus de 70 % du véhicule monté sur leurs chaînes est fabriqué à l’extérieur, chez les grands équipementiers, la solution est d’accentuer la pression sur les prix des pièces qui leur sont fournies. Les grands équipementiers répercutent ensuite ces réductions sur les sous-traitants, lesquels..., etc. Le salaire ouvrier n’intervient que pour moins de 10 % dans le prix de vente du véhicule, mais les pressions sur les salaires et sur la flexibilité n’ont jamais été aussi fortes ces dernières années. Et le recours massif à l’intérim accentue encore le phénomène.
Mais, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, il existe encore une industrie automobile en France qui vend chaque année deux millions de véhicules. Parce que l’automobile a pris une place désormais prépondérante dans la vie quotidienne : se rendre à son travail, amener les enfants à l’école, faire les courses au supermarché, partir en vacances... Et ceux qui en sont privés - les couches populaires les plus défavorisées - non seulement le ressentent comme une exclusion, mais surtout comme un handicap de plus dans la recherche d’un emploi ou d’un logement.
La voiture est aujourd’hui plus lourde, plus spacieuse, plus sûre... et plus chère, forcément. Les constructeurs se voient donc contraints d’offrir « à un moindre coût des automobiles plus propres en termes d’émissions, moins gourmandes en termes de consommation, et toujours plus séduisantes et de meilleure qualité. Le CES souligne que, « pour préserver leurs marges et leur rentabilité, les constructeurs français ont préféré réduire leur taux de pénétration en Europe et surtout en France ». Malgré tout, « ils voient leur marge opérationnelle diminuer ». D’où les grandes manoeuvres engagées par Carlos Ghosn chez Renault et son rapprochement avec General Motors, et par le groupe Peugeot-Citroën, lequel vient d’annoncer un nouveau plan de 10 000 suppressions de postes en Europe.
L’avenir de la filière automobile française est-il encore en France ? Les responsables des grands groupes l’assurent et rassurent. La modification en profondeur du paysage industriel semble les contredire. Rentabilité à 6 % oblige...
Jacques Moran
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23/09/2006
« Le libre marché ne fonctionne pas »
Économie . Le prix Nobel nord-américain Joseph E. Stiglitz nous a accordé une interview lors de son passage à Paris. Dans son nouveau livre (1), il appelle à de nouvelles régulations du marché.
Pourquoi écrire un nouveau livre sur le thème de la mondialisation ? Y a-t-il eu des changements depuis votre dernier ouvrage ?
Joseph E. Stiglitz. Beaucoup de choses ont évolué, comme le nouveau rôle de l’Inde et de la Chine. 2,4 milliards d’habitants se sont intégrés à l’économie mondiale. L’impact est énorme. La perception de la mondialisation a aussi changé. Aujourd’hui, même le FMI reconnaît l’instabilité créée par les marchés de capitaux même si sa politique ne change pas. S’ils reconnaissent, depuis les négociations de l’OMC en 2001 à Doha, que les cycles commerciaux précédents ont nui au développement, les cycles suivants ont toutefois été des échecs. Le commerce international doit changer d’orientation car il est injuste et ne fonctionne pas.
Les fonds d’investissement deviennent très puissants. Ils entrent et sortent très vite du capital des entreprises, créant beaucoup d’instabilité. Ils semblent incontrôlables...
Joseph E. Stiglitz. Nous sommes de nombreux économistes à nous en inquiéter. Le marché financier ne considère que le court terme. On ouvre les pays à des capitaux qui entrent et qui sortent sans contrôle. Certains disent que cela impose une discipline.
Or, pour qu’une discipline soit bonne, elle doit s’inquiéter de la croissance à long terme et non de ceux qui ne pensent qu’aux vingt-quatre prochaines heures. C’est en fait une critique de la libéralisation des marchés financiers.Quid de l’ownership society (« société de la propriété ») prônée par Bush ?
Joseph E. Stiglitz. Au nom de ce modèle, finalement, la croissance aux États-Unis ne concerne que ceux qui sont en haut de l’échelle. Durant les cinq dernières années, même les classes moyennes se sont appauvries. La plupart des États-Uniens aujourd’hui vivent moins bien qu’il y a cinq ans. Le gouvernement des États-Unis a favorisé les classes élevées de la société tout en diminuant les revenus des classes les plus pauvres. Ce n’est certainement pas un modèle à suivre. Les gens se demandent parfois comment les États-Unis peuvent afficher une telle croissance. Mais la situation dans le pays a empiré !Vous savez qu’il y a un débat en France à ce sujet...
Joseph E. Stiglitz. Comme le dit un proverbe anglais, « on peut tromper quelques personnes durant quelque temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps » ! On peut effectivement, pendant quelques années, affirmer que tout va bien, que la situation va s’améliorer, qu’il faut être patient. Pourtant, aux États-Unis, cela fait trente ans que les salaires des moins favorisés ne cessent de décroître. Les bas salaires aujourd’hui sont de 30 % inférieurs à ce qu’ils étaient il y a trente ans ! On disait avant que les enfants auraient une vie meilleure que celle de leurs parents. C’est le contraire. Aux États-Unis, il y a le « rêve américain » tant décrit par Horatio Alger : n’importe qui, quels que soient ses moyens, peut réussir dans la vie et devenir riche, et même devenir président. Les statistiques montrent plutôt que ce n’est pas possible. Bush ne vient pas d’un milieu pauvre, à la différence de Truman qui est une exception. Le mythe s’étiole !
Que vous inspire la situation de l’immobilier ?
Joseph E. Stiglitz. Depuis quelques années, les États-Unis font usage de politiques monétaires très particulières : des taux d’intérêt bas permettent aux gens de refinancer la valeur de leur maison pour financer leur consommation. Ainsi, l’année dernière, les propriétaires de maisons ont épargné de façon négative.
Ils consommaient plus que leurs revenus.Cette situation ne peut pas durer...
Est-ce la même chose dans l’ensemble des États-Unis ?
Joseph E. Stiglitz. Oui en effet, les foyers sont de plus en plus endettés, leur passif augmente mais pas leur actif. Le gouvernement des États-Unis s’endette aussi de plus en plus ; il perd beaucoup d’argent en Irak et en réduisant les taxes des riches. Cette fragilité de l’économie nord-américaine est inquiétante. Nous ne savons pas si un miracle pourrait sauver l’économie.
Que pensez-vous du débat actuel en France sur la privatisation des services publics, notamment de l’énergie ?
Joseph E. Stiglitz. La réponse varie selon les pays. Aux États-Unis, il y a eu une déréglementation qui a mené au désastre dans la majorité des cas. La privatisation du service public de l’énergie a provoqué une augmentation considérable du coût pour les consommateurs, des coupures d’électricité.
Plusieurs sociétés privées productrices d’électricité ont fait faillite et le gouvernement a dû les renflouer. La privatisation du secteur de l’énergie a été une vraie catastrophe. On peut aussi se réfugier derrière l’argument selon lequel la privatisation peut marcher si elle est bien faite, et elle a été mal faite, ce qui est vrai. Mais de manière générale, si le service public de l’énergie n’a pas de problème, pourquoi le privatiser ?
Comme dit un proverbe états-unien, « si ce n’est pas cassé, pourquoi le réparer ? » En France, il existe un système efficace. Le système français de l’énergie est si bon qu’on se gratte la tête et qu’on se dit que cela devient plutôt une question idéologique.
Il y a même pire ! La France a une industrie nucléaire très fiable. Il faut tout de même s’inquiéter. Si une société privée l’achète, elle n’investira pas suffisamment dans la sécurité, car cela n’est pas rentable à court terme.
(1) Joseph E. Stiglitz, Un autre monde. Contre le fanatisme du marché, éd. Fayard, 2006.
Extrait d'un entretien réalisé par Jacques Coubard et Sébastien Ganet pour le journal l'Humanité. Traduction par Hervé Fuyet et Peggy Cantave Fuyet
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