09/02/2007
Marie George Buffet à l'écoute de l'Afrique
À l’issue d’une intense visite de vingt-quatre heures à Bamako, à l’invitation d’Aminata Traoré, Marie-George Buffet nous a accordé un entretien.
La journée a été très dense. À chaud, quelles sont vos premières impressions sur cette visite au Mali ?
Marie-George Buffet. Je n’ai pas rencontré une Afrique qui se plaint, mais une Afrique qui agit, qui construit et qui réclame une tout autre politique de coopération de la part de la France et de l’Union européenne. Les forces sociales africaines attendent une politique qui soit fondée sur la réponse à leurs projets, aux besoins exprimés par les Africains eux-mêmes, et non une politique qui leur imposent. La seconde leçon que je tire de ces rencontres, c’est qu’il ne peut y avoir de refonte conséquente de la politique de coopération sans détermination à refuser la fuite en avant libérale. Le Mali ne répondra pas à ses besoins alimentaires, ne diversifiera pas ses productions agricoles, ne sortira pas du tout-coton imposé par les puissances néocoloniales, sans que soient combattus les objectifs actuels de l’Organisation mondiale du commerce. Au-delà, on peut augmenter les fonds dédiés à la coopération et il faut le faire, on peut imposer leur transparence et c’est indispensable, mais la politique de coopération ne sera efficace pour les peuples concernés qu’à la condition de combattre les offensives libérales de la Banque mondiale, de l’OMC, de l’Union européenne, des gouvernements engagés dans ces choix.
S’est aussi exprimée une très grande colère à l’égard des propos de Nicolas Sarkozy...
Marie-George Buffet. Oui, je l’ai déjà rencontré dans d’autres pays, en Algérie notamment. La politique répressive contre l’immigration menée par le gouvernement soulève beaucoup d’émoi. On mesure à quel point elle est inhumaine quand on entend cette femme parler de son neveu qui est parti depuis des mois pour essayer d’aller dans un pays plus accueillant, et qui n’a plus aucune nouvelle, quand on entend ces femmes parler des milliers de jeunes Maliens morts en quelques années, noyés dans les mers, quand on écoute ces femmes qui ont essayé de faire ce voyage raconter les souffrances et les violences terribles subies. Et que disent tous ces témoignages ? Tant que la situation du pays ne s’améliorera pas, existera ce désir de partir pour vivre mieux. Oui, il y a de la colère contre la politique menée par la France en matière d’immigration et contre les politiques de coopération menées depuis des décennies.
Car tous l’ont dit : la priorité, c’est le développement...
Marie-George Buffet. Absolument. Les jeunes que nous avons rencontrés sont clairs : « Si on pouvait vivre ici, on vivrait ici, si on pouvait participer au développement de ce pays, on participerait au développement de ce pays. » Au lieu de parler de l’immigration comme un problème, parlons du développement de l’Afrique, et nous verrons que le débat sur les migrations retrouvera sa place, comme l’expression d’un besoin croissant d’échanges et de mobilités des populations. J’ai été frappée par cette dame qui disait : « Vous vous rendez compte, si on disait subitement à tous les Occidentaux : ’’Vous quittez l’Afrique.’’ Ce serait inimaginable, complètement inconséquent, et c’est pourtant exactement ce qu’on nous dit : ’’Partez de tous les pays où vous êtes venus’’. »
Au cours de cette journée, on avait parfois l’impression d’être en pleine campagne présidentielle ?
Marie-George Buffet. C’est impressionnant de voir à quel point ce qui va se passer en France compte ici. Tout le monde nous interroge, notamment sur la gauche. Pourquoi n’a-t-elle pas porté une autre politique de coopération avec l’Afrique ? Les Maliens savent qu’ils jouent aussi en partie leur avenir dans les choix politiques du gouvernement français. Il était donc impossible ici d’oublier les enjeux politiques débattus en France. Vous savez, quand j’entends les femmes maliennes me raconter l’échec de l’implantation d’une filature de coton pour cause de concurrence effrénée, me parler des tissus réimportés alors que 98 % du coton malien est exporté, j’ai l’impression d’entendre parler les ouvrières du textile dans notre pays. Nous sommes tous confrontés à la même mondialisation capitaliste, aux mêmes logiques libérales. Et j’entends partout la même question : peut-on encore mener une autre politique en France, au Mali, en Europe, en Afrique ? Je crois que les énergies existent pour cela, on le voit ici, au Mali, on le voit aussi chez nous en France. Mais il y a aussi des doutes, c’est évident. Je crois que ce qui manque le plus, c’est de mettre en débat un projet fort, et de construire la dynamique de rassemblement qui va le porter. Sans cela, les énergies sont coincées entre une droite de plus en plus arrogante et une gauche qui renonce et qui déçoit.
Vous pensez que l’élection présidentielle va se jouer là-dessus : la capacité ou non de la gauche de porter dans le débat un projet fort de changement ?
Marie-George Buffet. Oui, parce qu’après cinq ans d’une droite telle que nous l’avons eue, avec le terrible bilan qui est le sien, comment expliquer que les sondages donnent encore une gauche aussi largement minoritaire ? Je veux bien qu’on m’explique qu’il y a trop de candidats à gauche, mais quand on les ajoute tous les uns après les autres, cela donne 40 %. Alors qu’est-ce qui manque ? Je crois que c’est la dynamique autour d’un projet fort, qui engage la gauche sur un programme courageux et audacieux en termes de moyens pour le changement. Ce projet, j’ai le sentiment qu’il existe à travers tout ce que notre peuple a porté dans la bataille du « non », à travers toutes les batailles pour une autre mondialisation, à travers tout le travail réalisé par une force politique comme la mienne, le Parti communiste, à travers toute l’élaboration dans les collectifs antilibéraux avec l’apport d’autres sensibilités. Je le porte partout dans les rencontres, les débats. Cela va au-devant de très grandes attentes sur les propositions, sur les moyens pour les mettre en oeuvre. Oui, il existe dans ce pays une gauche de combat et de responsabilités.
Mais comment la rassembler en quelques semaines ?
Marie-George Buffet. En étant le porte-voix de toutes celles et de tous ceux qui ont l’impression d’être aujourd’hui ignorés par la politique française. Et en mettant en débat ce projet avec eux. Les gens se moquent des fichiers des RG ou du scooter du fils de tel ou tel candidat. Nous avons publié notre programme dans une petite brochure. Je vois que les gens la feuillettent, la lisent, la corrigent si nécessaire... Je veux que ce programme devienne le bien commun de tout le monde, la base d’une dynamique et d’un rassemblement victorieux.
Est-il encore possible de faire bouger le paysage électoral dans les deux mois qui restent ?
Marie-George Buffet. Oui, parce que cela répond vraiment à un besoin. Si ce rassemblement ne prend pas de la force, le penchant vers le moindre mal prendra le dessus. D’où l’enjeu de se rassembler maintenant, de se mobiliser sans attendre. Je vais plus loin : cette candidature, ce projet que je porte, c’est peut-être aujourd’hui la chance de gagner pour la gauche. Car on voit bien que la question ce n’est pas seulement est-ce que la gauche va réussir, mais est-ce qu’elle va gagner ?
Les journalistes me demandent parfois comment faire avec plusieurs candidatures antilibérales. Mais ce n’est plus cela le problème. Je refuse de m’enfermer dans le scénario d’une concurrence entre « petits candidats », pendant que l’on se résignerait à voir la gauche avec une candidature en quelque sorte « officielle » aller tout droit dans le mur. Je ne suis pas en train de me comparer, de me jauger par rapport à tel ou tel candidat, je m’adresse à l’ensemble des femmes et des hommes de gauche. Je leur dis, pour faire gagner la gauche, pour qu’elle change votre vie, c’est avec vous que je veux avoir ce dialogue, que je veux construire ce rassemblement. Ne nous laissons pas imposer un scénario qui mène à l’échec. Toute la gauche est concernée.
Entretien réalisé par Pierre Laurent, pour l'Humanité
10:25 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : MG BUFFET, PRESIDENTIELLE, AFRIQUE | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
06/02/2007
LES PARTIS POLITIQUES SONT-ILS DISQUALIFIES ?
Raymond Huard est historien, auteur de l’Élection du président au suffrage universel dans le monde (1) et de la Naissance du parti politique en France (2). Entretien.
Rappel des faits
En présentant jeudi dernier sa candidature, José Bové déclarait : « Je ne suis pas le candidat d’un parti. Je ne suis pas un professionnel de la politique. » « C’est pourquoi je ne suis pas hors-sol », précisait-il dans un entretien le lendemain. José Bové tire de sa non-appartenance à un parti la légitimité de sa candidature et un atout pour rassembler. La plupart des candidats sont issus de partis et ont été désignés par eux et tous les candidats à l’élection présidentielle, loin de là, ne cherchent pas à s’en démarquer. Nicolas Sarkozy prétend cependant : « Je ne suis pas le candidat d’un système. » Une posture de campagne que son porte-parole Xavier Bertrand confirme : « Nicolas Sarkozy est un candidat hors système. »
Plusieurs candidats à l’élection présidentielle se présentent comme « hors parti » ou « hors système » et en font un argument électoral. Est-ce que cela signifie que les partis politiques seraient disqualifiés pour gouverner le pays ?
Raymond Huard. Regardons exactement quelle est la situation. La plupart des candidats à l’élection présidentielle ont commencé par recueillir les suffrages de leur parti. C’est vrai pour Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou, Dominique Voynet, Olivier Besancenot et Marie-George Buffet. Et même certains ont mené une véritable campagne pour obtenir ce soutien. Remarquons que ce phénomène s’est accentué depuis les débuts de l’élection présidentielle au suffrage universel. C’est donc une tendance forte. Et ceux qui se présentent comme fédérateurs hors parti, comme José Bové, fédèrent aussi des minorités de partis (minorité des Verts, de la LCR, du PCF...). Apparemment il ne néglige pas l’apport de ces minorités de partis.
Alors, ce fait reconnu qui est fondamental, il y a des candidats qui cherchent à élargir leur base au-delà des partis. Quand Sarkozy se dit « hors système », il flatte l’électorat de droite qui n’est en général pas très favorable aux partis. C’est dans ce cas un double langage. Mais il peut y avoir d’autres raisons : par exemple affirmer une certaine marge de liberté par rapport à son parti, ce qui peut s’admettre dans une élection au caractère très personnalisé. La démarche de Marie-George Buffet est encore différente : elle ne cache pas son appartenance au PCF, mais elle peut se réclamer aussi d’une légitimité conquise à la base dans les collectifs unitaires.
Mais cette posture recherchée par certains ne s’appuie-t-elle pas sur une crise des partis ?
Raymond Huard. L’élection présidentielle est une élection politique et il n’y a rien d’anormal à ce que les partis y jouent un rôle prépondérant. Qu’ils désignent les candidats. C’est dans ces partis qu’ils se sont fait connaître, qu’ils ont été testés et éprouvés. C’est une garantie de sérieux qui peut prémunir des emballements passagers de l’opinion sur une personnalité médiatique ou charismatique. Cette réalité n’est pas seulement française : dans la plupart des pays où existe une élection présidentielle au suffrage universel, Mexique, Chili, Brésil, Russie, dans bien des pays d’Afrique, où les partis sont très nombreux, se sont les partis qui présentent les candidats. Si on a une vision large, il n’y a jamais eu autant de partis dans le monde, et on ne voit pas tellement cette « crise des partis » dont on parle.
En France, l’élection présidentielle ne vient-elle pas modifier la vie des partis. Ne se transforment-ils pas en « partis de supporters » ?
Raymond Huard. Ça peut être vrai. Et cette sorte de captation par un candidat de son parti, n’existe que si le parti en question l’accepte et s’il y trouve son compte. Il n’empêche que le rôle des partis doit inévitablement continuer. Même si les partis n’ont pas le monopole de la représentation populaire, puisqu’il existe de nombreuses associations plus spécialisées dans des domaines divers (santé, logement, écologie...), les partis ont plusieurs spécificités qui rendent leur rôle indispensable. La première, c’est qu’ils doivent être à même d’apporter des réponses cohérentes à l’ensemble des problèmes qui se posent à un moment donné à une nation.
Deuxièmement, ces formations travaillent à tous les niveaux de responsabilité, local, communal, départemental, régional, national, européen, mondial. Et ils assurent leurs tâches de façon continue dans le temps, avec un suivi politique, et non l’espace d’une élection. La Constitution reconnaît ce rôle aux partis (article 4, « ils concourent à l’expression du suffrage... »). Pour l’élection présidentielle, l’obligation des 500 parrainages rend plus facile à un parti implanté dans tout le pays de se présenter.
Cette implantation est d’ailleurs le résultat d’efforts de longue durée, méritoires. Une campagne demande de l’argent, de la militance, que les partis sont mieux à même de fournir. Il faut enfin se rappeler que le président, pour gouverner, devra s’appuyer sur une majorité parlementaire qui lui sera fournie par des partis.
On présente souvent les « politiques » comme coupés des réalités. Les gens ne se sentent plus représentés par les partis ou dans les partis.
Raymond Huard. Il y a sûrement beaucoup de chose à changer dans les partis pour que les gens s’y reconnaissent. Mais ce qui a fait du mal, ce sont surtout les politiques qui ont été menées et qui n’ont pas répondu aux attentes. Ça demanderait un autre développement. Les partis ne sont pas parfaits, faut-il pour autant les remplacer et par quoi ? Des lobbies, des groupes de pression, des comités plus ou moins occultes ? Ou bien des mouvements aux structures plus lâches ? Mais est-ce que le fonctionnement de tels mouvements donne plus de garantie démocratique ou d’efficacité que celui des partis, avec leurs règles, leurs congrès... Personnellement, je ne pense pas qu’on puisse faire l’économie des partis. Ensuite leur forme, leur fonctionnement est l’affaire de chacune des organisations.
Est-ce que c’est toujours un terrain dangereux pour la démocratie de s’attaquer aux partis ?
Raymond Huard. S’il s’agit de critiquer les défauts des partis, de tel ou tel d’entre eux, c’est totalement légitime. Mais oui, il est dangereux de cultiver, comme on le fait si souvent, le dédain systématique vis-à-vis des partis et le dégoût de la politique. Les partis sont en France suffisamment nombreux pour que chacun puisse y trouver une sensibilité qui corresponde à la sienne. Quant aux « appareils » de ces partis, ils ont pour certains de l’importance, mais dans l’ensemble, ils ne sont pas tellement forts.
(1) 2003, aux éditions La Dispute, (2) 1996, aux Presses de Sciences-Po.
Propos recueillis par Olivier Mayer, l'Humanité
13:40 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : partis politiques, présidentielles, élections, PCF, PS, UMP | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
04/02/2007
LE RECHAUFFEMENT DES POLES
Jamais on n’a tant parlé du réchauffement et de la fonte des glaces polaires. Et pour cause. Pièce maîtresse de l’échiquier climatique actuellement menacé, l’Océan glacial Arctique voit sa surface fondre comme peau de chagrin année après année. Les faits - et chiffres - parlent d’eux-mêmes. Depuis plusieurs décennies, le bilan de glace est négatif : la banquise a perdu 8 % de sa surface par décade ces trente dernières années. Et alors que la température moyenne à la surface de la terre s’est élevée d’environ 0,6°C en un siècle, elle s’est accrue de 4°C au cours des 60 dernières années en Alaska et au nord du Groënland. Il a ainsi fait 24°C sur la côte est du Groënland en 2005, un record de température jamais enregistré. Idem, durant l’été 2005, des navires océanographiques ont atteint la latitude record de 87°N sans être arrêtés par la banquise. L’Arctique - cette mer partiellement fermée et recouverte par une carapace de glace de 2 à 3 mètres d’épaisseur - est sans conteste davantage touché par le réchauffement que les autres régions du monde. Ce phénomène s’explique notamment par la réduction de la surface de la banquise, qui libère des zones d’eau libre, lesquelles captent le rayonnement solaire et accélèrent la fonte de la banquise par proximité. Les experts sont unanimes : si aucune mesure d’envergure n’est prise contre le réchauffement climatique, la banquise disparaîtra de l’océan Arctique, en été, d’ici 2060. Elle se reformera en hiver car la nuit est glaciale ; mais cette disparition du pôle froid en été entraînera des changements climatiques dans tout l’hémisphère Nord.
Cent vingt-cinq ans après la première édition, la communauté internationale s’apprête à organiser la 4e Année polaire internationale. Cet événement, qui durera en réalité deux ans (du 1er mars 2007 au 1er mars 2009) et sera doté d’un budget de 440 millions de dollars, sera donc l’occasion d’organiser des campagnes internationales de grande envergure capables de faire franchir de nouvelles étapes à la recherche polaire, notamment dans le contexte du changement climatique. Près de 400 chercheurs seront mobilisés à travers 63 pays. Toutes les disciplines seront concernées, y compris les sciences humaines et sociales. Certes, la disparition de la glace dans l’Arctique est susceptible de provoquer la disparition de certaines espèces de poissons et de mammifères comme l’ours polaire. Mais les conséquences pourraient être aussi significatives en termes de modes de vie, de construction et de consommation pour les populations réparties entre l’Alaska, le Canada, le Groënland, la Scandinavie et la Russie. Ces dernières sont les premières victimes du réchauffement climatique dont les effets sont démultipliés au de-là du cercle polaire. Malgré l’étendue de la catastrophe envisagée, le réchauffement climatique au pôle Nord est néanmoins considéré par quelques-uns comme une aubaine. Certains envisagent l’ouverture d’un « passage nord » pour le trafic maritime entre les océans Pacifique et Atlantique. Autre inquiétude : la fonte des glaciers laisse entrevoir de nouvelles opportunités d’exploitation de ressources halieutiques et minières qui ne seront plus masquées par les glaces.
16:30 Publié dans Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réchauffement, Planète, poles | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
03/02/2007
LE DESSIN DU MOIS DE FEVRIER
20:45 Publié dans Le dessin du mois | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réchauffement, Planète | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |