21/05/2023
Chez Elsa et Louis, vivre d’amour, d’eau fraîche et d’écriture

À Saint-Arnoult-en-Yvelines, à proximité de la forêt de Rambouillet, la dernière demeure d’Elsa Triolet et Louis Aragon, un ancien moulin à eau, est devenue un lieu de mémoire mais aussi de recherches et de créations artistiques contemporaines.
La première fois que le couple vit la bâtisse, il la trouva franchement belle. Les bâtiments, remaniés aux XVIIIe et XIXe siècles, sont nichés dans un écrin de verdure où serpente une petite rivière, la Rémarde. Jusqu’au début du XXe siècle, le moulin de Villeneuve moud les grains des champs de la Beauce toute proche. Ils sont conquis, nous aussi.
« Un petit coin de terre de France »
Lorsqu’ils achètent le domaine en 1951, Louis Aragon et Elsa Triolet sont des auteurs reconnus. Elle a été la première femme à obtenir le prix Goncourt pour « Le premier accroc coûte deux cents francs », publié en 1944. Lui a fait paraître la même année « Aurélien », son chef-d’œuvre romanesque. Communistes tous deux, ils ont pris fait et cause pour la Résistance. Louis Aragon est à la tête du quotidien « Ce soir ». Ils ont la cinquantaine passée et, pour la première fois, ils deviennent propriétaires. Elsa la Russe, la déracinée, se réjouit de posséder un « petit coin de terre de France ». Architecte de formation, elle s’investit dans l’aménagement du parc de 6 hectares, baptise les bois et les allées. C’est dans l’une d’entre elles qu’elle meurt d’une crise cardiaque en 1970. Et c’est aussi là qu’elle est enterrée, à sa demande et sur dérogation présidentielle.
Découvrez notre hors série Le feu d'Elsa
Un legs à l’état
Louis préfère alors retourner vivre à Paris, la ville où il est né et où il a rencontré la romancière en 1928. « Arrachez-moi le cœur, vous y trouverez Paris », autrement dit la femme aimée, comprend-on en lisant le poème « Il ne m’est Paris que d’Elsa » (1964). À sa mort en 1982, il rejoint sa compagne dans la tombe. Pour s’y rendre, il faut emprunter un petit pont entre un magnolia et un ancien lavoir.
En ce début avril, la pelouse vert printemps est parsemée de pâquerettes, de violettes et de primevères. En haut d’une volée de marches, au pied des hêtres, une sobre dalle de pierre où sont gravés leurs noms et une citation d’Elsa. On remarque l’absence du prénom devant le nom – d’emprunt – de l’écrivain. Le chantre du mentir-vrai a souhaité effacer un des rares legs de son père, le député Louis Andrieux, qui ne l’a jamais reconnu. Leur vue pour l’éternité offre un panorama sur la maison et quelques-unes de la trentaine de sculptures qui habitent le jardin. Car Aragon donne le lieu à l’État en 1976 à condition qu’il reste ouvert à la création contemporaine. Il est ouvert au public depuis 1994.
Lire notre entretien avec Guillaume Roubaud-Quashie, qui dirige la Maison Elsa Triolet-Aragon
Extravagance et simplicité
Les deux intellectuels se retroussent les manches à l’extérieur, s’adonnant avec plaisir au jardinage. L’intérieur de la maison est « en parfait état, avec tout le mobilier nécessaire », écrit Elsa à sa sœur, l’artiste Lili Brik. La visite guidée commence par la cuisine, équipée d’un confort moderne pour l’époque. Le réfrigérateur, arrivé des États-Unis dans les années 1940, fonctionne encore.
La pièce donne le ton de ses hôtes peu ordinaires. Au mur, « le Cheval roux », une céramique de Fernand Léger offerte à Elsa au moment de la parution de son roman homonyme en 1953, qu’elle a d’ailleurs écrit au moulin. Des œuvres d’artistes amis, Picasso ou encore Neruda, font partie des meubles.
La femme de lettres s’est chargée de la décoration. Elle a choisi ici les carreaux bleus de Delft, les mêmes que ceux de la maison de Monet à Giverny. Leur couleur, sa préférée, tranche avec le rouge des briques du plafond en voûte catalane conçu pour supporter le poids du blé mis à sécher à l’étage du dessus. Elle aime aussi chiner et détourner les objets, comme cette balance à grains transformée en lampe.
« Le fantastique devenu fontaine ! »
Dans le grand salon, une extravagance tranche avec la simplicité des lieux. Sous la mezzanine, une lucarne enchâssée dans un mur permet d’admirer – comme les nombreux visiteurs et amis du couple – la chute d’eau qui alimentait la roue du moulin, retirée bien avant leur arrivée. « Le fantastique devenu fontaine ! » écrit encore Elsa à Lili. Une grande partie des murs est habillée de bibliothèques.
La maison abrite près de 30 000 ouvrages. Tout le fonds, qui contient aussi des traductions, des photographies et des journaux, a été légué au CNRS. Les livres sont exposés partout, sauf les polars, enfermés dans un placard. Elsa les cache mais les dévore pendant ses nuits d’insomnie.
À l’étage, la chambre et le bureau de l’écrivaine donnent l’impression que les habitants sont partis la veille. Une foule de souvenirs et de petits objets y sont disséminés, dont le nécessaire qui sert à Elsa à fabriquer des bijoux en matériaux récupérés, qu’à une époque Aragon allait vendre sous le nom de M. Triolet aux couturiers parisiens. Elsa la muse, figure centrale de la construction poétique d’Aragon, prend alors chair.
20:16 Publié dans Connaissances, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maison louis aragon elsa triolet, st arnoult | |
del.icio.us |
Imprimer |
|
Digg |
Facebook | |
14/10/2022
Conjuguer sciences, travail et environnement
Amar Bellal Rédacteur en chef de Progressistes
Il existe une autre conception du rassemblement que celle qui prétend le décréter par « le haut » uniquement : celle qui consiste à rassembler par les contenus, par ce que vivent les travailleurs de la science et des entreprises, par le réel, le défi du climat, du développement industriel, de la recherche.
Ainsi, lors de la Fête de l’Humanité, il y a un événement politique, le rassemblement de personnalités du monde scientifique, du monde du travail et de la défense de l’écologie, qui a lieu lors de la soirée repas de la revue Progressistes du jeudi soir.
C’est tout le défi du camp du progrès social que de réussir à articuler ces enjeux : celui du monde du travail, de l’emploi, de l’industrie, d’une part, celui du développement des avancées scientifiques et techniques, d’autre part, ainsi que celui des grandes questions environnementales et en premier lieu le défi climatique. Or, aujourd’hui, tout est fait pour les opposer.
On oppose le monde du travail, la production de richesses à l’environnement : la fameuse usine qui pollue mais sans laquelle nous devrions importer des produits du bout du monde. On oppose le progrès scientifique et technique aux emplois : la robotisation qui mettrait au chômage les salariés. On oppose la science à l’environnement en désignant des découvertes ou de possibles nouvelles technologies qui menaceraient l’environnement.
S’il est si facile d’opposer science, travail et environnement, c’est parce que tout est piloté par le capital au service des actionnaires, sans que les citoyens, les salariés aient vraiment leur mot à dire, sans qu’on mette en débat la finalité de la recherche scientifique. Alors que, au contraire, il faut articuler et conjuguer ces trois grands sujets. Cela implique que les salariés aient plus de pouvoir lors des prises de décisions stratégiques dans les entreprises, dans les instituts de recherche.
Cela demande de financer, à partir d’autres critères, notamment sociaux et environnementaux, le développement économique. Si on ne fait pas ce travail d’articulation, les discours de la gauche prioriseront la décroissance, la peur, la culpabilisation des gens et la dénonciation du progrès scientifique et technique.
Il se trouve que le PCF, parti historiquement attaché à ces enjeux, doit tenir prochainement son congrès : si ce grand moment d’intelligence collective permettait de faire émerger ne serait-ce que cette idée, ce serait déjà un énorme appui pour le monde du travail !
Reconstruire la gauche passe par le refus du populisme, quelle que soit sa forme, comme le populisme scientifique. Quand la gauche s’aventure dans le populisme, à la fin, le gagnant, c’est toujours l’extrême droite : il suffit de voir les ravages du populisme sanitaire aux Antilles, qui porte la gauche très haut au premier tour des dernières présidentielles, mais cela finit par un vote massif pour Le Pen au deuxième tour.
Évoquons aussi le populisme climatique, qui met en avant par exemple l’idée que 67 milliardaires émettraient autant de CO2 que 30 millions de Français en sous-entendant ainsi que cela solutionnerait 50 % du problème. C’est absolument faux. Le chiffre est farfelu. En réalité, leurs émissions propres correspondent à celles d’environ 100 000 Français, ce qui est déjà scandaleux. L’exagération vient du fait qu’on a tenu compte de toutes les productions industrielles qu’ils possèdent, productions que nous consommons tels l’acier et le ciment de nos logements, le pétrole brûlé dans nos voitures, etc.
C’est donc une présentation biaisée du problème. Dénoncer le train de vie des milliardaires – et il faut le faire, il faut légiférer – ne suffit donc pas pour résoudre la crise du climat… En effet, au-delà du symbole, on ne parle ici que de 0,1 % du problème.
La démagogie dans ce domaine provoque des dégâts durables : on se décrédibilise auprès des scientifiques et spécialistes qui connaissent le sujet, d’une part ; d’autre part, on prend du retard dans la bataille politique en se berçant d’illusions avec une solution toute trouvée.
Pour se relever, la gauche doit travailler à articuler science, travail et environnement, ce qui suppose de refuser toutes les formes de populisme.
19:27 Publié dans Connaissances, Economie, Planète, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amar bellal, environnement, travail | |
del.icio.us |
Imprimer |
|
Digg |
Facebook | |
13/05/2022
Charlie a LFI : Le communautarisme est plus rentable que la lutte pour la laïcité

20:06 Publié dans Connaissances, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lfi, communautarisme, laicité | |
del.icio.us |
Imprimer |
|
Digg |
Facebook | |
26/02/2022
Présidentielle 2022 : le programme de Fabien Roussel pour « la France des jours heureux »
11:51 Publié dans Actualités, Connaissances, International, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : programme, fabien roussel, pcf | |
del.icio.us |
Imprimer |
|
Digg |
Facebook | |