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12/07/2016

Gaza, les vivants et les morts de l’été 2014

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Les journalistes Anne Paq et Ala Qandil proposent un webdocumentaire sur des familles palestiniennes décimées lors de l’offensive israélienne à Gaza, en 2014. Bouleversante plongée dans cette guerre faite aux civils, leur travail livre des pistes pour demander justice.

« Comment se reconstruire quand vous avez perdu une partie voire toute votre famille, que votre maison a été détruite, que vous ne pouvez pas retrouver de travail, le tout dans des conditions matérielles impossibles et sur un territoire soumis au blocus ? »

À cette question que pose Anne Paq, le webdocumentaire #ObliteratedFamilies (Familles décimées) dont elle est la coréalisatrice, n’apporte pas de réponse. Il nous parle des morts et des vivants, des pertes irrémédiables, met des visages et des corps sur la guerre, donne à voir les traumatismes profonds et durables occasionnés par les bombardements, mais aussi la soif de justice du peuple qui les subit. Et c’est déjà beaucoup.

Le tribut des familles

Durant 51 jours, pendant l’été 2014, l’armée israélienne a mené dans la bande de Gaza une offensive militaire – "Bordure protectrice" – qui a coûté la vie à près de 2.200 Palestiniens, très majoritairement des civils, dont plus de 500 enfants, fait plus de 11.000 blessés, dont au moins 1.000 enfants aujourd’hui handicapés à vie, et laissé 100.000 Gazaouis sans-abris.

Après les opérations "Plomb durci" de décembre 2008/janvier 2009 et "Pilier de défense" de novembre 2012, c’était la troisième fois en six ans que le petit territoire subissait la violence (aérienne, terrestre, navale) de l’armée israélienne. « La confrontation armée est le terrain d’Israël, et il y excelle », résume la journaliste Amira Hass, dans son texte d’introduction au webdoc. Un terrain généralement jonché de cadavres lorsque "Tsahal" s’en retire, notamment dans la bande de Gaza. « Au sortir de la confrontation, il y a eu cette statistique effroyable donnée par les Nations Unies, qui m’a vraiment choquée, rappelle Anne Paq :

« En 51 jours de bombardements, 142 familles ont perdu au moins trois membres ou plus. Il y a toujours eu beaucoup de civils tués par l’armée israélienne, mais là c’est vraiment une caractéristique spécifique à cette offensive. C’est cela qui m’a conduit à mener ce travail en partant des familles. »

Journaliste-photographe française membre du collectif Activestills, un collectif établi en 2005 par des photographes et documentaristes pour qui « la photographie doit être un outil de changement social et politique » (à voir ici ), Anne Paq pratique la Palestine depuis une quinzaine d’année et a commencé à se rendre régulièrement dans la bande de Gaza en 2010. « Il m’a semblé important de passer du temps sur place pour parler du siège, des bombardements, documenter la situation ». En 2014, c’est d’Europe qu’elle suit la montée des tensions à l’approche de l’été. Dès que l’offensive militaire est déclenchée, elle se rend sur place. « J’y suis restée trois semaines, jusqu’à mon point de rupture. Je suis ensuite revenue à Gaza en septembre ».

L’histoire des victimes

Sur place, travaillant comme journaliste pour divers médias, elle est happée par la couverture de l’info, plongeant dans une « incessante série d’atrocités ».

« On est à l’hôpital, dans les morgues, il y a les corps qui défilent, les familles ravagées qui débarquent et c’est extrêmement frustrant de ne pas connaître l’histoire de ces personnes. En septembre suivant, pour moi, c’était important de retrouver certaines de ces familles ».

En compagnie de sa collègue Ala Qandil, journaliste palestino-polonaise, et avec le concours du Centre Al Mezan pour les droits humains (à voir ici) qui l’oriente sur d’autre pistes, elle va au final documenter l’histoire d’une cinquantaine de familles. Qui, un jour de juillet ou d’août 2014, en quelques secondes, ont basculé dans l’horreur. Le grondement d’un avion, le sifflement d’un missile, le fracas d’une bombe. Et dans le chaos des ruines fumantes, les corps des enfants, du père, de l’épouse, des frères, de la cousine. Parfois découpés en morceaux, brûlés. Les survivants racontent.

Parmi ces histoires, il y a celle de la famille Suheibar. Le 17 juillet, Afnan, huit ans, ses deux cousins Jihad et Wassim, dix et neuf ans, ont été tués par un missile tiré d’un drone. Ils étaient sur le toit de la maison pour nourrir les oiseaux. Des fragments du projectile ont permis d’identifier le fabriquant d’un composant, la société française Exxelia Technologies. Le 29 juin dernier, la famille Suheibar, soutenue par l’ACAT, a porté plainte en France contre cette société pour complicité de crime de guerre et homicide involontaire. Anne Paq explique pourquoi « Faire écho à de telles démarches fait partie de nos objectifs :

« Leur plainte permet de mettre en lumière les complicités avec Israël, d’établir des liens. Tout cela est important parce que si l’impunité d’Israël perdure, ça recommencera. Aujourd’hui d’ailleurs, la question n’est pas tant de savoir si la bande de Gaza sera de nouveau frappée mais plutôt quand... »

La colère et la justice

En attendant, #ObliteratedFamilies permet aussi de rappeler cette réalité : « Il n’y a jamais de retour à la normale à Gaza. Les attaques, c’est tragique, mais il y a un avant, un après. Durant l’offensive de l’été 2014, les hôtels du territoire étaient plein de journalistes. Lorsque je suis revenue en septembre, il n’y en avait plus un seul. Il faut pourtant montrer la lenteur de la reconstruction et dire que la situation de siège et l’omniprésence dans le ciel de chasseurs ou de drones sont anormale et injuste. Tout le temps. »

« La colère est là, bien sûr mais c’est surtout la soif de justice qui est exprimée, poursuit Anne Paq. Et ce d’autant plus qu’ils ne sont pas reconnus en tant que victimes par Israël, dont le discours est de renvoyer la responsabilité de tous ces morts aux Palestiniens eux-mêmes. Alors que rien ne peut justifier que l’on tue ainsi des civils : les principes de distinction entre civils et combattants et celui de la proportionnalité existent en droit international... »

Des principes évanouis durant l’été 2014, comme le montre ce webdocumentaire très abouti. Alternant textes, vidéos et photos (en arabe, anglais et français), #ObliteratedFamilies propose les histoires de dix familles ; cinq sont déjà accessibles, les suivantes le seront au fil des semaines, d’ici la fin du mois d’août. Un kit d’exposition téléchargeable et donnant des informations sur les autres familles rencontrées dans le cadre du projet devrait bientôt être disponible. Pour que « tous ceux qui le souhaitent puissent se saisir du sujet et l’exposer ».

Article publié dans Regards

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03/04/2016

Konstantina Kouneva, Femme courage au Parlement européen

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Bulgare immigrée en Grèce pour soigner son fils, cette élue de Syriza, ethnographe de formation, aura connu les petits boulots mal payés, le syndicalisme de combat et une agression à l’acide, avant, aujourd’hui, de siéger à Strasbourg. Portrait de l’eurodéputée Konstantina Kouneva.

Son sourire a résisté au jet d’acide qui lui brûla le visage, une nuit de décembre 2008. Et qui lui ravit à jamais la vue. Konstantina Kouneva était alors déléguée syndicale des femmes de ménage employées par une entreprise sous-traitante dans le métro d’Athènes. «À minuit passé, quand je rentrais du travail, j’ai vu un homme assis sur le pas de la porte, à l’entrée de mon immeuble. Il avait la tête baissée et le bras autour dans une position de souffrance. Je me suis naturellement baissée pour lui venir en aide. C’est sans doute ce qu’il attendait. L’individu s’est soudainement déployé et m’a aspergé le visage… la sensation de brûlure a été instantanée jusqu’au fond de la gorge et ma vue s’est brouillée. J’ai eu à peine le temps de reconnaître la silhouette qui me filait à moto de temps à autre quelques jours auparavant, puis tout est allé très vite…»
Konstantina Kouneva a été hospitalisée durant une année. Elle a subi une trentaine d’interventions chirurgicales sur le visage en sept ans. L’enquête autour de son agression criminelle n’a toujours pas abouti. C’est parce qu’elle avait gardé le souvenir du soutien permanent des militants de Syriza dans son combat syndical qu’elle a accepté d’en être la candidate aux élections européennes de 2014. Élue députée, elle est aujourd’hui en charge de nombreux dossiers dans le domaine social. Elle se livre sur un ton apaisant qui tranche avec son récit de vie accidentée.

Le combat d’une mère

Au commencement, il y a la peine d’une mère confrontée à la maladie de son enfant en bas âge, une affection cardiaque. Puis, très vite, l’envie et la force de se dresser contre la fatalité, de porter un défi aux épreuves, de changer le cours des choses, dans sa vie personnelle et jusque dans son travail. «Je suis née en Bulgarie, au bord du Danube, à la frontière avec la Roumanie, mes parents étaient des villageois, je viens d’un milieu de salariés, de petits employés», précise-t-elle dans une parenthèse. L’étudiante en histoire se passionne pour l’ethnographie et en fait son métier. Quelques années plus tard, la maman du petit garçon né en 1997 est contrainte de quitter son pays pour le soigner. «C’était une question de vie ou de mort. En 2001, il n’y avait pas, dans mon pays, la possibilité de traiter son cas dans de bonnes conditions», explique-t-elle. Konstantina trouve fort heureusement une piste. «Un Bulgare employé dans un hôpital d’Athènes était disposé à m’aider pour l’admission de mon fils.» Elle franchit le pas avec une maigre bourse.
Première épreuve : un tunnel d’attente dans l’angoisse. L’intervention chirurgicale est reportée par prudence, il faut patienter deux longues années. Vivre et surtout travailler à Athènes devient alors incontournable. Konstantina y déniche un job dans un supermarché. «Je travaillais de nuit pour pouvoir rester avec mon fils dans la journée, puis ma mère m’a rejointe en Grèce. À deux, on pouvait ainsi se relayer auprès de lui et rassembler l’argent pour son opération.» Une course contre la montre. Mère et fille triment dur. Le destin leur sourit pour un temps, mais pour un temps seulement.

Apprendre à lire le grec, s’informer, consulter..

L’enfant est sauvé. Reste cependant la contrainte de la convalescence sur les lieux au moment même où Konstantina est licenciée après deux années de travail au supermarché. «Par chance, ma mère était employée dans une entreprise de nettoyage du métro d’Athènes. Comme elle donnait satisfaction, elle a pu m’obtenir un entretien d’embauche pour un poste de femme de ménage.»
C’est alors le début d’une nouvelle bataille. Non plus contre les choses de la vie, le triste sort et la maladie, mais contre le harcèlement des chefaillons, la confiscation des droits et l’exploitation sans limites du travail. Konstantina, qui ose et ne recule pas, gagne la confiance de ses collègues. Elle est élue secrétaire générale du syndicat de personnel d’entretien et d’aides domestiques, et attaque sur tous les fronts. Elle s’inscrit à des cours de grec, se met à le parler couramment et surtout à le lire, pour prendre connaissance de la réglementation. Ordre des avocats, inspection du travail… l’élue s’informe, consulte, multiplie les contacts, ne laisse rien au hasard et, forcément, lève le voile sur des infractions, des atteintes à des droits élémentaires, des injustices. Un sombre tableau. «Pas de primes de pénibilité, le travail de nuit sous-payé, des pauses non respectées, tout juste destinées à réduire les heures payées et les cotisations quand elles étaient réglées. Les employées étaient assurées pour six heures seulement alors qu’elles en effectuaient douze, affectées à plusieurs missions et appointées pour une seule. Le travail au noir était chose courante et les retards de salaires très fréquents.» La direction de l’entreprise constate tout à coup l’émergence d’une syndicaliste qui prend sans cesse de l’envergure, sensibilise ses collègues, impulse des revendications, encourage la fronde… de femmes de ménage !

« Gare à toi si tu n’arrête pas »

Une machine se met aussitôt en branle, sournoisement actionnée. Les obstacles se dressent sur le chemin risqué de Konstantina. On tente avant tout de la couper de ses collègues. Certains d’entre eux détournent la tête pour ne pas la saluer devant les caméras sur le lieu de travail. Puis la pression monte d’un cran. Sa mère est licenciée sans motif. La conspiration ne fait plus de doute, qui se transforme très vite en menaces au bout du fil, puis de vive voix : «Gare à toi si tu n’arrêtes pas !» Dans la nuit du 22 au 23 décembre, un individu lui brûle le visage d’un jet d’acide, à l’entrée de son immeuble.
«Aujourd’hui, tout comme hier, j’ai tout simplement, et malgré tout, le sentiment d’être utile. C’est ma plus grande satisfaction», confie-t-elle en souriant.

Nadjib touaibia
Vendredi, 1 Avril, 2016
Humanité Dimanche
 
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07/10/2015

SYRIE : NON, IMPOSSIBLE POUR MOI DE SOUTENIR CETTE POLITIQUE / ALEX KAHN

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Allons, avant de me remettre à l’écriture de mon prochain livre (je suis dans la dernière ligne droite), une manifestation de mauvaise humeur maitrisée contre la politique étrangère du couple Fabius – Hollande.

Certes, Vladimir Poutine n’est pas exactement le type de démocrate dont on rêverait sous nos climats, il est sans doute machiste et est resté homophobe. Même si la Russie a rarement connu mieux, ce n’est pas un modèle. En revanche, il est à l’évidence le plus redoutable “homme d’État” du moment, de la trempe des grands de l’ancien temps. Bachar Al Assad est  un tyran sanguinaire, pas de doute. Pour autant, quand même ?

Qu’est-ce que c’est que cette politique américano-française (les Français étant les extrémistes dans l’affaire) qui consiste à “bombarder Daesch en Syrie” mais à laisser des colonnes de cette organisation foncer à terrain découvert, puis assiéger des semaines durant, Palmyre sans une seule intervention pour s’y opposer ? Des centaines de soldats syriens seront égorgés, mais ils étaient les mercenaires du “méchant”, alors rien à dire, ils l’avaient cherché…. Le conservateur des antiquités du site sera lui torturé et décapité, Palmyre dynamité.
 
Qu’est-ce que c’est que cette politique qui consiste à armer “les bons adversaires” du tyran, à entrainer des troupes pour les renforcer alors que tout le monde sait qu’aujourd’hui, sur le terrain, le ‘front uni” contre Assad a comme composante majeure Al Nosra, Al Qaida en Syrie, grand massacreur de soldats et de chrétiens, et d’autres groupes guère moins islamistes et extrémistes. Hélas, trois fois hélas, l’ALS existe surtout par ses portes-paroles dans les grands hôtels de la région.
 
Qu’est-ce que c’est cette politique qui refuse de voir une évidence : aujourd’hui, plus encore que le Liban, la région du monde qui a connu le plus grand afflux de réfugiés (sa population a été multipliée par quatre), c’est le croissant chiite – alaouite – chrétien adossé à la méditerranée qui résiste encore à l’avancée de Daesch et des autres groupes islamistes, que sa chute serait une catastrophe, un désastre humanitaire encore plus grand que celui épouvantable vécu depuis trois ans ?
 
Et puis, veuillez excuser la pointe de cynisme, qui aujourd’hui a créé une situation qui menace le monde ? Sont-ce les américains armant les talibans contre les Russes en Afghanistan, chassant d’Irak un tyran laïc pour le remplacer par un pouvoir chiite allié de l’Iran et opposé à des islamistes sunnites ? Sont-ce les Français pourchassant le tyran Kadhafi jusqu’à le livrer à ses ennemis qui le mettront en pièce, et laissant ensuite s’installer à sa place une kyrielle de groupes sunnites extrémistes et djihadistes dans un pays ouvert à tous les trafics et menace mortelle pour toute la région ? Ou bien les méchant russes gouvernés par un méchant Poutine et soutenant un horrible dictateur ?
 
Une dernière question, maintenant, iconoclaste. Le couple Fabius – Hollande a décidé pour d’honorables raisons commerciales de soutenir l’alliance avec le grand pays inventeur du wahhabisme et décapiteur de têtes qu’est l’Arabie saoudite, avec le Qatar financeur des mouvements salafistes à travers le monde. Presque rien à dire, c’est de la “realpolitics“. Mais cela justifiait-il de soutenir aussi sans nuance  l’intervention de ces pays au Yémen voisin en proie à une rébellion chiite (houtiste) mais aussi aux exactions d’un puissant Al Qaida local, équivalent yéménite d’Al Nosra en Syrie ; intervention anti-chiite favorisant indirectement Al Qaida ?
 
Cela justifie-t-il d’intervenir si mollement contre les évidentes atteintes aux droits de l’homme dans ces pays, ne permettrait-il pas de les rappeler à leurs devoirs envers les réfugiés quittant l’Irak et la Syrie sous la pression principale des groupes qu’ils ont financés ?
 
Aujourd’hui, le méchant Poutine et les méchant Russes ont décidé d’intervenir pour éviter la chute du croissant chiite – chrétiens en Syrie, soutenant en cela, on ne peut le contester, le tyran Assad. C’est aussi, de leur part, de la “realpolitics” : il ont là leur dernière base en Méditerranée, importante pour leur volonté de ne pas laisser partout le champ libre aux États-Unis. L’affaire de Sébastopol et de la Crimée témoigne de leur vigilance à défendre ce qu’ils voient comme leurs intérêts stratégiques. Ils sont aussi les défenseurs des chrétiens orthodoxes d’Orient  et, de plus, sont concernés au premier chef par le terrorisme islamiste.
 
Ne pas se faire d’illusion sur les motivations de Poutine justifie-t-il d’emboiter le pas au déluge de propagande anti-russe, dénoncer les morts civils des frappes russes dans le même temps où on ne proteste guère contre la destruction en Afghanistan d’un hôpital de Médeçins sans frontière et la mort de plus de vingt personnes, dont des enfants malades et douze employés de l’ONG ? Est-il si difficile d’admettre que, en toute lucidité, notre intérêt cynique est sans doute que le méchant Poutine empêche le contrôle total de la Syrie par les islamistes, y compris ceux que nous avons rangés dans le camp de “nos amis” ? Merkel semble l’avoir compris, le couple Fabius – Hollande, non.
 
Axel Kahn, le cinq octobre 2015
 
Axel Kahn est médecin, directeur de recherche à l’INSERM, membre du Comité consultatif national d’éthique.
 
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04/10/2015

Much Loved. « S’il avait été vu au Maroc, le film aurait été compris »

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Présenté à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, ce film autour de l’existence de quatre prostituées marocaines a été interdit au Maroc. Entretien avec Nabil Ayouch, auteur de cette chronique sociale de Marrakech.

HD. Quelles sont les perspectives de diffusion de « Much Loved » au Maroc ?

Nabil ayouch. On est au point mort. Le film est toujours interdit. Je continue de me battre pour qu’il sorte, mais il n’y a pas de signes de déblocage. On avait la possibilité de créer un vrai débat public sur la prostitution et la condition des femmes. Malgré l’interdiction, il a commencé à naître. Je suis persuadé que, s’il avait été vu au Maroc, les spectateurs auraient compris pourquoi j’ai fait ce film. On ne leur en a pas laissé la possibilité.

HD. Comment avez-vous préparé le film ?

N. A. J’ai rencontré des prostituées et des gens qui gravitent dans le milieu de la nuit. C’est un vrai travail d’écoute, d’anthropologie, de psychologie, parce que, au bout d’un moment, beaucoup me prenaient pour un psy. Elles lâchaient tout. Cela a duré un an et demi. Il a fallu faire le tri. Elles m’ont donné le courage d’aller au bout de ce projet.

HD. Que vous inspire l’hypocrisie sociale et familiale qui entoure ces prostituées ?

N. A. Cela m’a toujours choqué. En soi, je peux accepter que des femmes se prostituent pour vivre et faire vivre leur famille. Je n’accepte pas en retour que ces familles les nient. Une société entière les rejette. Ce qui fait le plus de mal à ces femmes est de ne pas être entendues, écoutées. Une fille m’a dit : « Je leur donne tout. Mon amour, mon âme, mon coeur, mon sang. En retour, je demande juste un peu d’amour. Ils me voient comme une carte de crédit. »

HD. N’y a-t-il pas dans cette interdiction le désir de ne pas écorner l’image carte postale du Maroc ?

N. A. Un film n’écorne pas l’image d’un pays. C’est son interdiction qui l’écorne. Les gens ne sont pas stupides. Un film reste une proposition cinématographique d’un réalisateur. Il n’a pas un devoir de refléter l’image d’un pays. Si tous les gouvernements où se fait un cinéma frondeur avaient réagi comme cela, il n’y aurait pas eu « la Vie d’Adèle », « Love », « la Belle Saison », Scorsese avec « le Loup de Wall Street » ou « Taxi Driver »... Accepter qu’on puisse dire, débattre, critiquer des choses qui nous dérangent fait partie du processus de construction d’un état.

HD. Qu’en est-il de la liberté d’expression au Maroc aujourd’hui ?

N. A. Des progrès énormes ont eu lieu, notamment depuis les débuts du règne de Mohammed VI. Au niveau de la presse et même des artistes, les choses ont changé en mieux, en comparaison des pays arabes voisins. Le risque de reculade est gros. Pas seulement avec « Much Loved ». Ces derniers mois, des filles ont été poursuivies parce qu’elles portaient des jupes, un homosexuel a été tabassé. J’ai vu un véritable sursaut de la société civile marocaine. Des associations ont manifesté. Des avocats se sont constitués partie civile par centaines. Une partie du Maroc dit : « Non, on ne veut pas revenir en arrière. On ne veut pas de ce projet de société. » Le film fait partie de ce combat global.

HD. Vous avez créé la Fondation Ali Zaoua pour les enfants du quartier de Sidi Moumen à Marrakech. Pourquoi ?

N. A. Je crois à la culture de proximité. J’ai grandi à Sarcelles, en
banlieue parisienne. L’un des endroits où j’ai pu trouver refuge était un centre culturel, le forum des Cholettes. J’ai pu y apprendre à chanter, y découvrir le théâtre, y voir mes premiers films d’Eisenstein, de Chaplin, y assister à mes premiers concerts de Souchon. Ce centre était à la fois dans la transmission, l’apprentissage et la représentation. Quand, pour mon précédent film, « les Chevaux de Dieu », je suis arrivé à Sidi Moumen, d’où sont partis les kamikazes qui ont fait les attentats du 16 mai, les problèmes étaient les mêmes qu’à Sarcelles, c’est-à-dire une rupture du lien social et identitaire, le sentiment d’être des citoyens de deuxième catégorie. Je me suis dit que la culture de proximité avait un rôle à jouer. C’est pour cela que j’ai créé ce centre.

HD. Concrètement, que s’y passe-t-il ?

N. A. Concrètement, 400 gamins viennent chaque jour y apprendre à danser. Ils s’initient aux arts plastiques, au théâtre, aux langues, à la photo, voient des films, des expositions, assistent à des concerts. Ils s’approprient le lieu, et on y révèle des talents. L’art et la culture peuvent sauver des âmes, en tout cas offrir d’autres moyens d’expression que la violence.

Une fiction qui interroge l’hypocrisie sociale

Quatre femmes vivent d’amour tarifé. Elles sont désirées, honnies, aimées, manipulées, mais se battent envers et contre tous.

Poursuivant sa fascinante exploration de la société contemporaine marocaine, Nabil Ayouch s’arrête sur le quotidien de quatre prostituées. Dans cette chronique sociale captivante, le cinéaste montre des passes chez de riches Saoudiens dont le riad se mue ponctuellement en bordel, une histoire d’amour impossible avec un européen, des amants jaloux mais intéressés par l’argent, une mère de famille méprisant ouvertement l’activité professionnelle de sa fille en acceptant ses rétributions. il
filme les sans-voix, comme Saïd, personnage intrigant et taiseux, totalement dévoué à ces femmes. loin des cartes postales, ce Marrakech est pourtant illuminé par les crêpages de chignon et les rires des travestis. Ayouch interroge l’hypocrisie sociale et familiale, la frustration sexuelle omniprésente et le comportement de guerrières de femmes à la fois désirées et en but au mépris d’une société jalouse de leur liberté.

  • « MUCH LOVED », DE NABIL AYOUCH, 1 H 44, MAROC-FRANCE.
  • Parcours de Nabil Ayouch
  • 1969 : naissance à Paris.
  • 1997 : son premier long métrage, « Mektoub », s’inspire d’une affaire de moeurs ayant impliqué un commissaire des renseignements généraux, condamné à la peine capitale.
  • 2000 : « Ali Zaoua, prince de la rue » s’arrête sur le sort des enfants des rues. 2008 : il signe, avec « Whatever lola Wants », une histoire d’amour entre une Américaine et un Égyptien, sur fond de danse orientale.
  • 2012 : « les Chevaux de Dieu », film autour de la radicalisation religieuse de jeunes Marocains, est présenté à Cannes.
MICHAËL MELINARD, Humanité Dimanche
 
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19:44 Publié dans Cinéma, Entretiens, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : much loved, maroc | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!